Débat – 23 septembre 2022 – Depuis le début du mois de septembre, les médias occidentaux se font un large écho de « victoires éclatantes » des forces de Kiev armées et commandées par l’OTAN en Ukraine. Dépeignant une armée russe défaite et en déroute. Il est vrai que des offensives massives impliquant des dizaines de milliers de soldats des meilleurs troupes de l’armée du régime de Kiev – y compris de très nombreux bataillons étrangers – très fortement armés et munis de centaines de blindés, d’armes lourdes et de missiles tactiques des meilleurs standards de l’OTAN ont lancé plusieurs offensive sur différents secteurs du front ukrainien qui s’étend sur plus de 1000 km du littoral de Nikolaev sur la mer Noire à la frontière russe à proximité de Belgorod. Cette puissante offensive a évidemment rencontré quelques succès d’importance. Reprenant en quelques jours le contrôle de près de 3000 km² à l’armée russe. Nous en rendions compte dans un article largement illustré de cartographies le 10 septembre dernier : Ukraine : l’armée russe subit une importante défaite à Izium et Koupiansk. Cette offensive annoncée de longue date pour l’été n’est pas une surprise. Elle a immédiatement permis au régime de Zelenski, c’est à dire le porte voix de Washington, Londres et de l’OTAN, de capitaliser sur les images de ses succès largement diffusés pour appeler, sur la base d’une dénonciation de crime de guerre à l’occasion de l’exhumation des corps des militaires ukrainiens enterrés à Izium, à une escalade de la guerre. Sommant Berlin et Paris de fournir des blindés et d’intensifié des sanctions ayant déjà plongé l’Europe dans la ruine économique, dans le but revendiqué d’attaquer la Crimée qui est un territoire reconnu depuis 2014 comme partie intégrante et stratégique de la Russie par Moscou. Et dans la foulée de ses décisions d’interdire la totalité des partis politiques d’opposition à sa coalition de force ultra nationalistes, néonazies pro UE – suite logique de l’interdiction et de la répression du parti communiste ukrainien- de sommer les populations ukrainiennes qui ne reconnaissent pas la légitimité de ce régime abject -rebaptisant les rues du nom des collaborateurs du IIIe Reich et de la Shoa – né du coup d’état de Maidan, de fuir en Russie. Un plan d’épuration politique et ethnique abject qui se traduit déjà dans les faits par une intensification de l’horreur des bombardements des quartiers civils des villes de Donetsk, Horlivka, Lougansk, Ernegodar etc. qui ont déjà fait des milliers de morts. En réponse, comme l’a indiqué à la tribune de l’ONU le ministre des affaires étrangères russe, les gouvernements des républiques populaires du Donbass, à Donetsk et Lougansk, ainsi que les autorités russes tiennent un referendum du 23 au 27 septembre dans les régions de Donetsk, Lougansk, Zaporozhia et Kherson afin d’objectiver le souhait majoritaire de ces populations de leur rattachement à la Russie. Sur le plan militaire, Vladimir Poutine décide d’une mobilisation partielle de 300 000 soldats, un effectif s’élevant au double de celui actuellement engagé en Ukraine.
Sur le plan des combats, alors que la ligne de front a très peu variée à l’ouest dans la région de Kherson, au nord est, après que le front a été rompu entre les villes de Chkalovske à l’est de Chuuguev, et Balaklia, l’armée de Zelenski a rapidement atteint la rivière Oskol, coupant la route nord d’approvisionnement via Koupiansk de Izium. Cette ville prise au terme de très durs combats en avril/mai par l’armée russe était le point d’appuis du front avançant sur le nord de Slavianksk et Kramatorsk qui est le cœur de l’armée ukrainienne dans le Donbass. Immédiatement, l’armée russe regroupait ses forces, évacuant non seulement le saillant d’Izium vers la rive gauche de l’Oksol, mais également l’ensemble de ses positions au nord de Karkhov, la deuxième ville d’Ukraine. Les combats acharnés se poursuivent depuis de façon relativement statique sur les rives de la seversky donetsk autour de la ville de Lyman. La carte suivante présente l’évolution du front du 31 aout au 24 septembre. Au-delà de ce bilan factuel, la question qui se pose est celle de la portée de la défaite subie par l’armée russe en ce début septembre. Insignifiante ou majeure ? de portée tactique ou stratégique ? C’est cette évaluation qu’interroge la tribune versée au débat ci-après. D’ores et déjà, il est certain que les décisions politiques prises par Poutine dans la suite de ces événements militaire – referendum d’annexion et mobilisation – marquent dans la suite des décisions occidentales de livrer en masse de très puissantes armes offensives (artilleries intensives et missiles à longues portées commandées par un état major de l’OTAN sur la base de son renseignement) une nouvelle escalade de la guerre. Une escalade qui nous met directement au bord de la confrontation nucléaire alors qu’à la fin de la semaine prochaine l’enjeu des combats sera donc devenu officiellement le sol de la Russie. Dans ces conditions il est une certitude, l’obligation de se mobiliser pour la paix. C’est à dire pour la désescalade. En exigeant par exemple qu’en France pas un centime n’aille aux armes, mais au contraire à l’urgence à augmenter les salaires.
Depuis la vaste contre-offensive menée par Kiev à Kharkov et Kherson dans l’Est et le Sud de ce mois de septembre, l’industrie médiatique mainstream ne cesse de répéter à tue-tête qu’il s’agit d’une défaite majeure de la Russie. En réalité les officines de propagandes qui se font appeler médias ne font que du copier-coller des communiqués de presse du régime de Kiev ce qui explique que depuis le 24 février, jour ou les forces armées russes ont pénétré sur le territoire ukrainien, on entend que « la Russie perd la guerre » de manière systématique. Mais qu’en est-il vraiment ?
Le front médiatique
Il est évidement que s’il y a bien un front sur lequel la Russie est battue à plat de couture c’est le front médiatique. La machinerie de propagande bien huilée otano-kiévienne dépasse très largement les capacités russes. Ces derniers ne cherchant presque pas à se défendre. Il suffit de voir que la Russie n’a pas fait grand cas de l’interdiction de ses médias au sein de l’UE et s’est contentée d’une réponse molle sur son propre territoire. Il est évident que depuis les dernières semaines l’OTAN-Kiev ont remporté une victoire propagandistique en arrivant à convaincre même les activistes pro-russes et journalistes à Moscou de la défaite militaire de l’armée russe. Il s’agit évidemment de l’application de la nouvelle doctrine de la « guerre cognitive ». Qu’en est-il donc réellement sur le terrain ?
La situation du terrain
Kiev a mené une vaste contre-offensive dont le plan fut préparé par le général Miller (chef du pentagone) et le haut gratin de l’OTAN. Le gros de l’offensive s’est concentré au Sud avec l’objectif d’atteindre et éventuellement de reprendre Kherson tout en forçant les russes à se replier sur la rive gauche du Dniepr. Résultat : un fiasco total. Kiev a reconnu avoir perdu 10.000 hommes dans cette offensive soit une division entière et il est clair que les pertes réelles seront bien plus élevées que les chiffres reconnus comme il est habituel. Les gains territoriaux sont, aux vues des pertes subies, dérisoires, qui plus est les troupes russes reprennent d’ores et déjà le terrain perdu, l’armée ukrainienne étant incapable de le défendre.
Détail du front de Kherson, on peut voir que les forces russes (flèche bleue) attaquent les quelques kilomètres perdus pendant l’offensive.
L’autre partie de l’offensive s’est déroulée dans le nord dans l’oblast de Kharkov partiellement occupée par les forces russes notamment à Izum. Dans ce cas ci les forces russes se sont repliées sans offrir beaucoup de résistance, un choix délibéré de la part de l’Etat major, Kharkov n’étant pas parmi les zones cibles de l’armée russe. Il est indéniable qu’il s’agit d’une victoire pour les forces de Kiev cependant il nous faut déterminer s’il s’agit d’une victoire tactique ou stratégique. La reprise d’Izum est un symbole qui a pu être transformé en une victoire médiatique par le régime bandériste. Il était considéré par le renseignement otanien que la ville d’Izum servirait de point stratégique pour l’offensive sur Slaviansk et Kramatorsk, or ils se sont trompés, la défense russe dans la ville était très faible témoignant du désintérêt russe pour la position ou même comme certains le prétendent, d’une distraction délibérée.
Les forces russes continuent leur offensive dans le Donbass par Soledar et Artëmovsk, deux villes moyennes qui sont des positions stratégiques pour lancer l’offensive et le siège de Kramatorsk et Slaviansk. Donc l’offensive kiévienne dans Kharkov a échoué a bloquer l’offensive russe. Ils ont également échoué à infliger des pertes importantes aux forces russes qui se sont repliés rapidement en les évitants, un coup d’épée dans l’eau. Cependant Kiev tente d’attaquer désormais les positions russes sur le Donbass notamment à Krasni Liman mais dans ce cas ci la défense russe a tenu comme à Kherson.
L’Ukraine a perdu plus de la moitié de son armée de métier, plus de 100 000 sur 200 000 depuis février dernier. Le régime doit compenser les pertes avec les mercenaires de l’OTAN ou encore les milices nazies regroupés sous le nom de « Garde Nationale » sans oublier la mobilisation de force des civils. Une telle attrition n’est pas tenable ni sur le long terme et encore moins sur le moyen terme. A ce rythme le régime aura perdu son armée régulière d’ici six mois. Tout l’argent et les armes de l’OTAN ne serviront à rien s’il n’y a personne sur le front. Cela explique l’obsession presque pathologique de Kiev et Zelensky de récupérer les mercenaires condamnés à mort par Donetsk (concédé par la Russie en échange de prisonniers de guerre russes) car il leur faut relancer les recrutements de mercenaires étrangers qui avaient pris peur par l’exécution des captifs.
Il faut savoir que des personnalité militaires très en vu du bloc euro atlantique ont jugé sévérement la capacité offensive de l’armée de Zelenski : tel le Général Petraeus (ancien chef du pentagone et de la CIA) qui a jugé de manière très pessimiste la performance ukrainienne en estimant qu’ils avaient brulé toutes leur réserves pour des résultats très limités alors que la guerre est clairement une course de fond et pas une blitzkrieg (la question de l’attrition est fondamentale), Kiev aurait perdu entre 100 et 120.000 soldats (tués ou blessés confondus) soit plus de la moitié de son armée de métier. L’armée russe a perdu au mieux 1-2% de ses effectifs théorique, avec des pertes de l’ordres de 6000 tués. La Russie peut donc tenir cet effort, Kiev, sans le renfort des bataillons étrangers non. Qui plus est 40% de la totalité de l’équipement militaire fourni par l’OTAN depuis mars aurait été détruit ou perdu. Tel Stoltenberg le Secrétaire général de l’OTAN a lui même déclaré que la guerre était loin d’être finie et que la victoire de Kiev dans la région de Kharkov n’était pas décisive, donc seulement, on peut le déduire, de caractère tactiqu
vers une intensification de l’action de l’armée russe, mobilisée, après les référendums ?
Les dernières nouvelles confirment que la Russie va annexer les territoires des républiques du Donbass ainsi que Zaporojie et Kherson suite à un référendum comme pour la Crimée. Loin d’être un aveu de faiblesse cela veut dire que le régime russe à confiance dans sa capacité à contrôler ces territoires et dans l’incapacité de l’Ukraine à les reprendre, qui plus cela signifie que ces territoires seront considérés comme russes. Quelles sont les conséquences ?
Tout simplement la justification d’une mobilisation partielle pour protéger ces nouveaux territoires et probablement une intensification de l’intervention militaire russe comme annoncée par V Poutine car il est évident que l’on ne défend pas 1000 km de front avec 100.000 hommes face à plus de 300.000. IL est clair aussi que la prétention de contrôler l’intégralité des quatre oblasts du Sud-Est ukrainien implique que l’offensive dans ce qu’il reste du Donbass occupé par les forces de Kiev et Zaporozhia vont s’intensifier d’où la nécessité de mobiliser des forces supplémentaires. V Poutine annonce 300.000 réservistes cependant de très nombreux volontaires se sont présentés aux bureaux de recrutement, il faudra voir le nombre exact de mobilisés mais on est encore loin de l’intégralité de l’armée russe (près d’un million d’hommes mobilisables) alors que Kiev a déjà mobilisé l’intégralité de ses forces et les civils avec les résultats que l’on connait.
La situation évolue vite mais pour le moment l’état de guerre n’a pas été encore formellement déclaré d’où l’impossibilité de mobiliser l’intégralité de l’armée russe. Peut être que V Poutine chercher à justifier cette mobilisation totale en faisant s’intégrer les républiques du Donbass dans la Russie qui sera donc considérée comme attaquée sur son territoire. Dans ces conditions il est possible que le régime russe passe du statut d’opération militaire « spéciale » aux ressources limitées, à l’état de guerre formelle. Un changement qui n’est pas que sémantique mais simplement ouvrant la possibilité d’une guerre totale. Une fois intégrés les quatre oblasts il n’y aura plus de retour en arrière, c’est un signal russe à Kiev que plus elle s’entêtera a refuser tout forme de négociation, plus elle perdra du territoire.
Tous ces éléments sont à prendre en compte pour évaluer l’état réel du front de guerre. La victoire ukrainienne à Kharkov n’est certainement que tactique, sur le plan stratégique la défaite de Kiev reste bien plus probable d’autant plus qu’elle vient de sacrifier des dizaines de milliers d’hommes pour une opération « spectacle » pour convaincre l’OTAN-US-UE de continuer le financement et les livraisons d’armes sans gains territoriaux conséquents.
BD