Chacun connaît la phrase de B. Brecht parlant des résurgences possibles du nazisme : « il est toujours fécond le ventre dont a surgi la Bête immonde ».
Mais combien savent que cette phrase ne dénonce pas seulement le fascisme et l’extrême droite,
ce qui est le minimum qu’on puisse attendre d’un démocrate décent. En réalité la phrase de Brecht pointe les CAUSES du fascisme, le « ventre fécond » dont surgit périodiquement la réaction brune pour plonger l’univers dans des torrents de sang.
Et le marxisme nous aide à « nommer » ce « ventre fécond » où germe en permanence le monstre qui prit hier la forme de l’hitlérisme et qui prend aujourd’hui un visage d’autant plus inattendu qu’il se farde le plus souvent aux couleurs de l’ « antitotalitarisme ».
Le premier nom de ce « ventre fécond » dénoncé par Brecht est « EXPLOITATION CAPITALISTE ».
Quand la crise mondiale du capitalisme s’aiguise et se chronicise tout à la fois, la classe capitaliste est contrainte de lancer une offensive générale contre les travailleurs et les peuples.
Tantôt cette offensive se réclame de la « résorption de la dette », tantôt elle prend prétexte du « salut de l’euro », mais son résultat est toujours le même : faire payer les pauvres. Et comme ceux-ci finissent tôt ou tard par ne plus pouvoir payer, comme l’exploitation du travail se durcit jusqu’au harcèlement patronal dans les usines et les services, comme les médicaments ne sont plus remboursés, comme les retraites de plus en plus tardives permettent au mieux de survivre, comme des millions d’ouvriers sont privés d’emploi par les délocalisations, comme le « président de tous les Français » poussé par le MEDEF envisage froidement de « sucrer » les indemnités chômage de ceux qui ne se feront pas « former » (à 58 ans ?) et de mettre une TVA « sociale » ( !!!) sur les produits de première nécessité pour « sauver l’euro », un jour la coupe est pleine ; cessant de s’indigner stérilement, le peuple s’insurge, comme c’est déjà le cas en Grèce et dans d’autres pays de la Belle Europe « post-soviétique ».
Alors, pour tenir en main, ou plutôt en joue, toute cette « populace » qui n’en peut plus de travailler toujours plus pour gagner toujours moins, il faut bien que la grande bourgeoisie « démocrate » resserre l’étau de son invisible dictature de classe en utilisant tout l’arsenal répressif disponible. Et c’est ainsi que la France ferme ses écoles et se couvre de prison, que la vidéo-surveillance filme chacun de nos gestes, que l’appareil répressif d’Etat enfle à vue d’œil , que l’armée s’entraîne officiellement à la lutte « contre-insurrectionnelle », que « l’armée européenne » sous pilotage « otanien » reçoit le droit de tuer en cas d’émeute, que la chasse aux immigrés devient permanente, qu’il devient « héroïque » de tenir des positions syndicales de lutte dans certains secteurs de la production, que les médias sont totalement fermés à tous ceux qui, sur des positions de classe, entendent dénoncer le capitalisme et sa sacro-sainte « construction européenne », etc.
Le second nom du « ventre » dénoncé par Brecht est l’anticommunisme et plus encore, l’antisoviétisme à retardement.
On n’entend nullement par anticommunisme le fait tout naturel de discuter avec esprit critique, sur la base des faits et des archives historiques scientifiquement dépouillées, la réalité des expériences socialistes issues de la Révolution d’octobre, mais la criminalisation systématique, la diabolisation méthodique, la chasse aux sorcières et la persécution policière quand les circonstances le permettent, de tout ce qui s’est fait sous les plis du drapeau rouge dans la période qui va de 1917 à nos jours.
Ainsi, à lire les manuels d’histoire en usage dans nos lycées, il ne s’est jamais RIEN passé de bon en URSS. Stalingrad était sans doute le nom d’un « goulag » et Youri Gagarine était probablement chargé de surveiller des « politiques » du haut de son spoutnik…
Petit test à faire autour de soi, y compris auprès de personnes qui se croient cultivées : quels sont donc les noms des ministres français qui, de 1945 à 1947, ont signé les décrets portant création de la Sécurité sociale, des retraites par répartition, du code du travail, des comités d’entreprise (1) ?
Qui a signé les textes portant création du statut de la fonction publique et du statut du mineur (2) ? Qui a « nationalisé la lumière », Renault, les Charbonnages (3) ? Qui a restauré la Recherche scientifique nationale (CNRS, CEA) (4) ?
Qui a relancé l’Education nationale sur la base de conceptions humanistes qui font encore autorité aujourd’hui dans le monde entier (5) ?
Qui a rédigé le programme du Conseil National de la Résistance, qui fait encore aujourd’hui autorité dans les milieux progressiste (6)
Non seulement 99,9999% des élèves sortant de l’école « laïque » ignorent le nom de ces ministres et de ces militants communistes sortis de la Résistance et de la clandestinité (1 : Croizat, 2 : Thorez, 3 : Marcel Paul ; 4 : Joliot-Curie ; 5 : Henri Wallon ; 6 : Pierre Villon, en contact permanent avec Jacques Duclos), mais beaucoup d’ « historiens » de profession, dont certains, particulièrement glauques et minables, s’évertuent même à cracher sur l’héroïque Guy Môquet, quand ils ne traitent pas ce jeune martyr de « collabo » !
Or l’anticommunisme « européen » prend aujourd’hui une forme virulente et de plus en plus répressive.
En Europe de l’Est, des nostalgiques de l’extrême droite raciste sévissent des pays baltes à la Hongrie, de la Pologne à la Tchéquie. C’est une loi de l’histoire : plus les communistes sont criminalisés, plus les fascistes sont banalisés. Et c’est peu dire que l’U.E., qui cherche à mettre en place un arsenal législatif pour criminaliser les communistes, FERME LES YEUX sur le fait que, dans la « libre » Pologne de Donald Tusk, on peut écoper de deux ans de taule si on sort avec une chemise « Che Guevara ».
En Hongrie, le drapeau rouge est interdit et la « Garda magyar » héritière du sanglant Régent Horthy, l’allié indéfectible de Hitler, défile à Budapest.
En Tchéquie le pouvoir a engagé un processus d’interdiction de la JC et du PC (près de 20% des voix), et tout à l’avenant en Roumanie, Albanie, Bulgarie, etc..
La finalité de cet anticommunisme est toujours la même : forclore la révolution, diaboliser les luttes de classes et les grèves, faire croire qu’il n’y a pas d’alternative au capitalisme… et le cas échéant justifier la répression contre tous ceux qui contestent l’Europe de Maastricht, construite par le grand capital sur les ruines du camp socialiste.
Cela dit, même si cette UE badigeonnée de bleu, de vert, de rose pâle et de rouge très, très, très clair, se donne pour le fin du fin de la démocratie, les peuples voient de plus en plus clair sur sa vraie couleur : le brun.
Qu’est-ce dont, sinon une Euro-Diktature, que cette « troïka » formée par le FMI, la BCE et la commission de Bruxelles, qui dicte à la Grèce ou à l’Italie la composition de leur gouvernement respectif ?
Qu’est-ce que cette Europe supranationale qui vise les budgets des Etats nationaux avant même que les parlements des dits pays n’aient au moins fait semblant d’en discuter ?
Qu’est donc cette Europe « démocratique » où les noms de Robespierre, de Marx, de Lénine, de Rosa Luxemburg, de Gramsci, sentent le souffre, alors que les très cléricaux et fascisants « pères fondateurs de l’Europe» sont encensés et que la simple idée de consulter le peuple grec par référendum produit un frisson d’horreur généralisé ?
La vengeance des peuples n’est pas moins terrible quand elle se mange froid.
Dans toute l’Europe de l’Est, EXPERIENCE FAITE des deux systèmes, socialiste et capitaliste, les peuples revotent massivement pour ceux qui se réclament du communisme quand ils ont la liberté de le faire : non pas parce qu’ils auraient oublié les défauts des anciens PC des pays de l’Est, mais parce que le bilan catastrophique du capitalisme fait ressortir tout ce qui, sous les régimes précédents, semblait aller de soi : plein emploi, médecine et éducation gratuites et de qualité, quasi-gratuité des logements, rythme « humain » du travail, affirmation de la culture et de la langue nationale, sécurité et dignité générale de l’existence des « petites gens »…
En Europe occidentale aussi, les « petites gens » sont de plus en plus nombreux à comprendre que le capitalisme n’est pas l’issue mais le problème, que le monde était meilleur pour l’ouvrier et l’employée, pour l’institutrice et le paysan, pour l’étudiante et le retraité, quand le camp socialiste était fort, quand les partis communistes de masse n’avaient pas peur de se proclamer marxistes, quand les syndicats se réclamaient fièrement de la lutte des classes et non de la hideuse « construction européenne »…
Alors oui, l’AUTRE ventre est toujours fécond qui, tôt ou tard, enfantera non plus de la Bête immonde du fascisme, mais de l’Oiseau de feu de la Révolution.
Et pour que ce temps couleur cerise revienne vite, aidez le vaillant Comité Internationaliste pour la Solidarité de Classe qui, depuis près de 20 ans, démontre avec ténacité que l’anticommunisme partout et toujours, pave la voie de la pire réaction.
Georges GASTAUD, philosophe, secrétaire du Comité Internationaliste pour la Solidarité de Classe, auteur de « Sagesse de la révolution » (Temps des cerises).