« Ce n’est pas une fenêtre de tir qu’on a, c’est une baie vitrée »
Eric Sellini , dirigeant de la FNIC CGT et coordinateur CGT de Total Énergies
Jean-Pierre Page – Tout au long de l’été, et depuis ce que l’on a coutume d’appeler la rentrée sociale, des grèves nombreuses, rassembleuses et sans précédents, souvent victorieuses, ont lieu en France. La journée du 29 septembre a été l’illustration de cette combativité nouvelle qui de nouveau est à l’ordre du jour. Celle-ci implique pour les confédérations syndicales et singulièrement pour la CGT de savoir en tirer les conséquences. Au moment où la crise économique, sociale et politique en France, en Europe et dans les pays occidentaux s’aggrave en vitesse accélérée, ce mouvement revendicatif significatif est révélateur d’un état d’esprit qui murit et peut s’avérer prometteur. Il ne s’agit plus de déléguer et d’attendre « que là-haut on se décide » ou encore les faux-fuyants et la temporisation de certains syndicats, mais d’assumer des responsabilités. Par ailleurs aux yeux d’un grand nombre de travailleurs, on ne saurait éternellement subir le rythme et les conditions imposées par le gouvernement et le patronat. Le besoin est celui d’une stratégie offensive permettant de prendre l’initiative depuis le lieu de travail. Il ne suffit plus de constater passivement la réalité de la lutte des classes, il faut la mener concrètement jusqu’au bout. « Ce n’est pas une fenêtre de tir qu’on a c’est une baie vitrée » selon l’expression du coordinateur CGT de Total Énergies, Eric Sellini.
Un exemple en témoigne et il faut en parler !
C’est le cas de la mobilisation exceptionnelle des travailleurs des raffineries, dépôts et de la pétrochimie. Décidées à travers les assemblées générales, elles sont coordonnées dans les différentes branches de ces industries stratégiques par la combative Fédération CGT des Industries chimiques. Le taux de participation des grévistes sur certains sites atteint 85%. Ces luttes ont en commun d’être inédites par leur ampleur et leur détermination. Elles donnent le ton du type de mobilisation dont on a besoin. Elles se poursuivent et s’élargissent. Elles sont facteur de confiance, car elles ouvrent des perspectives.
C’est si vrai que Laurent Berger, président de la Confédération Européenne des Syndicats (CES) et nouvel expert en « grèves préventives », s’est empressé de voler au secours du patronat et du gouvernement. En effet, le secrétaire général de la CFDT désapprouve la grève. Il a ainsi encouragé la signature d’un accord au rabais entre le patronat de l’UFIPEM[1], la CFDT et la CFE-CGC. Cet accord va entériner une perte cumulée de pouvoir d’achat de 8,4% pour les salaires de cette branche notamment ceux proches des minimas. L’objectif étant par ailleurs de tout faire pour diviser et fragiliser le mouvement en cours. Certes, ce coup de poignard dans le dos des travailleurs en lutte, n’est pas une surprise, il est condamné largement par ceux-ci. Ils ont décidé de poursuivre leur action.
Faire le choix de la lutte des classes.
En fait, le contexte a changé et nous ne sommes plus dans le conformisme d’un « syndicalisme rassemblé » qui paralyse l’action entre immobilisme et grèves presse boutons que l’on décide à quelques-uns. Ces actions en cours dans la pétrochimie font le choix de construire depuis le lieu de travail et sur la durée le rapport de forces nécessaire pour gagner. Si elles ne prétendent pas au modèle, elles sont un exemple et sont déjà riches d’enseignements parce qu’elles traduisent une claire volonté d’agir tous ensemble. Elles ne tergiversent pas, elles anticipent avec une stratégie de conquête! En passant à l’acte, les travailleurs font le choix démocratique de ne pas tourner autour du pot. Plus d’incantations, de bla-bla-bla dans lequel certains se complaisent, de journées sans lendemains, le choix fait est celui de la lutte de classes, de la confrontation sans concessions avec le capital en s’y mettant tous ensemble. Elles se donnent donc les moyens d’être utile et efficace pour elles-mêmes autant que pour l’ensemble des travailleurs interprofessionnellement. Elles contribuent à clarifier les enjeux véritables de cette période. Elles placent chacun devant le devoir de choisir et de décider ce que doit être le contenu et l’engagement qui doit être la sien. C’est donc une interpellation forte au mouvement syndical dans son ensemble. Par conséquent, nul ne saurait se sentir dispensé d’en débattre, l’essentiel étant de décider.
Si l’on prend en compte d’autres mouvements revendicatifs comme ceux qui se développent également en Grande- Bretagne, en Italie, au Portugal, en Espagne, en Grèce, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Tchéquie, en Autriche et ailleurs qu’en Europe, y compris aux USA malgré la répression anti-syndicale dont J. Biden fait preuve à l’égard de 100 000 cheminots en grève, on peut constater combien ce mouvement international de luttes sociales est inédit par son étendue, sa diversité autant que par son contenu. Toutes ces luttes ont en commun le pouvoir d’achat, le paiement de la force de travail, de l’argent pour vivre dignement.
Cette force matérielle qui s’exprime dans l’action peut contribuer à changer la donne, créer les conditions d’alternatives sociales, économiques et politiques, en France, en Europe et internationalement. L’exigence est simple : il faut augmenter les salaires et les pensions, c’est une urgence! Pas d’union sacrée face à la crise capitaliste et pas de sacrifices pour la guerre, ce n’est pas aux peuples de payer ce prix. Pour répondre aux nécessités, le moyen c’est la grève, en bloquant les profits florissants de multinationales qui pillent et rackettent sans état d’âme aux quatre coins de la planète. Par conséquent les travailleurs du pétrole et des industries chimiques ont raison, ils ouvrent la voie.
Pourquoi la grève dans les raffineries ?
La grève a été décidée spontanément en assemblée générale le 20 septembre par les salariés des raffineries Esso-Exxon Mobil à Notre-Dame-de Gravenchon en Seine-Maritime le plus grand complexe pétrochimique de France. Ils ont été rejoints dès le lendemain par leurs camarades de la raffinerie de Fos-sur–Mer. Depuis l’action s’est élargie à d’autres entreprises. Ainsi, les sites Total sont en grève depuis le 27 septembre.
Sur les 6 raffineries hexagonales, 4 sont sans sortie de produits : Exxon Mobil Gravenchon, Exxon Mobil Fos sur mer, Total Gonfreville, Total Feyzin. Les trois premières sont à l’arrêt complet, la dernière produite en recirculation au débit minimum. Le dépôt de Total Flandres ne sort plus rien, celui de Grandpuits est en marche dégradé. L’usine d’agrocarburant de La Mede est en grève et arrêtée.
Concernant la pétrochimie, seul deux vapocraqueurs sur les 6 en France fonctionnent normalement, ceux de Feyzin et de Lavéra. Des sites Arkema ont également rejoints l’action à Saint Auban, à Pierre-Bénite ainsi que d’autres sites chimiques. Il faut donc prendre la mesure de ce mouvement, il peut et doit devenir contagieux.
Frappé le tout premier par la grève, le groupe Exxon Mobil fait partie des entreprises de taille mondiale ayant les plus importants bénéfices, il est l’un dix plus importants groupes pétroliers en terme de capitalisation boursière, un des « supermajors » ! Les champs pétroliers contrôlés par ce géant sont les plus importants au monde, ils sont estimés à 22,4 milliards de barils. Exxon Mobil a réalisé en 2021 le fabuleux chiffre d’affaire de 286 milliards de dollars. Pour le seul premier trimestre 2022 ses résultats sont de l’ordre de 17,9 milliards de dollars. Parmi ces principaux actionnaires on retrouve les requins de la finance internationale : le Vanguard group, BlackRock le concepteur nord-américain auprès d’Emmanuel Macron de sa réforme des retraites, State Street Global Advisors. Quant à Esso France touchée par la grève, celle-ci a annoncé pour le premier trimestre 2022 un bénéfice de 409 millions d’euros. Total n’est pas en reste, les résultats du groupe ont fait un bond en avant spectaculaire. Sur l’ensemble de l’exercice de 2021, Total a dégagé un bénéfice net part de 18,1 milliards de dollars contre 4,1 milliards de dollars en 2020. Selon Patrick Pouyanné le PDG du groupe cela permettra “entre les dividendes et les rachats d’actions de retourner de l’ordre de 35% de cash aux actionnaires” ! En 2021, 5,9 millions d’euros lui ont été attribués au titre de ses rémunérations soit une hausse spectaculaire de 52% (!) par rapport à 2020 et cela en pleine crise sanitaire. C’est à ce point choquant que l’on parle dorénavant de taxer les « superprofits », ce qui a provoqué les cris d’orfraie du gouvernement. Mais disons le clairement ne faut-il pas plutôt en finir avec un système fondé sur la propriété privée et l’accumulation des profits! Par conséquent les travailleurs ont raison, les patrons peuvent et doivent payer.
Les patrons milliardaires multiplient les provocations.
Malgré cette situation qui donne raison aux travailleurs en lutte, le patronat de ces industries s’obstine dans le déni, et fait le choix de la provocation, il refuse la négociation, et débauche certains syndicats comme la CFDT et la CFE-CGC. Mais pire encore il prend la responsabilité de rompre les chaînes d’approvisionnements de carburants en France, en entretenant la panique dans le but d’installer le pays dans un risque de pénurie, ce qui s’ajouterait à celui de la ristourne de 0,20 euros de chez Total qui a déjà provoqué d’interminables files d’attente aux stations-services.
Au 10 octobre, 1073 stations sont en rupture partielle, 2352 en rupture totale. Le 9 octobre était en forte augmentation et 30% des pompes à essence étaient en difficulté d’approvisionnement sur au moins un carburant. Dans les Hauts de France, 54,8% des stations étaient au bord de la rupture, 44,9% en Île de France. Ces difficultés s’étendent à la fourniture des aéroports ce qui obligent déjà à recourir aux réserves nationales de carburants et de pétrole équivalentes à trois mois d’approvisionnement. Mais, le problème va bien au-delà, car c’est aussi la perspective de ruptures dans la production de plastique que Total exporte dans une soixantaine de pays qui est concerné comme bien d’autres activités annexes.
Dans le même temps le patronat liquide la souveraineté industrielle et énergétique du pays. Comme le démontre la CGT Total, « les fermetures des capacités dans le raffinage ou dans la pétrochimie sont intégralement compensés par des importations venant de pays comme l’Arabie Saoudite ou les normes sociales et environnementales sont dérisoires ». Le but est clair, il faut augmenter les profits afin de gaver les actionnaires. Là est d’ailleurs la raison principale de la hausse des prix à la pompe, alors que l’approvisionnement devient et deviendra plus difficile comme le montre la récente décision de l’OPEP de réduire de 2 millions de barils jour la production mondiale.
Car les problèmes ne s’arrêtent pas là, les conditions de travail se dégradent, le sous-effectif est permanent et le plus souvent au détriment de la sécurité, d’ailleurs les incidents se multiplient comme récemment à Feyzin en Normandie. Il faut donc conjuguer un projet social et un projet industriel. Au vu des résultats gargantuesques de ces groupes, les moyens existent pour cela. Le patronat et les actionnaires milliardaires doivent assumer les conséquences de cette situation dont ils portent l’entière responsabilité. Depuis 6 ans aucun accord sur les salaires n’est intervenu ! Compte tenu de la poussée spectaculaire de l’inflation, c’est au moins une hausse de 12,4% que le patronat devrait concéder, alors que pour 2022 ce dernier s’en tient à 4%. Dans de telles circonstances, il est effarant de voir une entreprise comme Total pratiquer une forme de chantage à la négociation alors qu’il est totalement responsable de cette pénurie qui menace et dont il est certain qu’elle servira de prétexte comme en d’autres occasions pour faire pression sur l’opinion avec l’usage des médias et des lobbies.
Cette fuite en avant est soutenue par le gouvernement d’E. Macron qui considère que « le conflit doit cesser » tout en soulignant le pas en avant positif fait par Total dans l’avancement de la date des négociations annuelles prévue en novembre alors que la grève en est à son vingtième jour! C’est aussi le cas d’Aurore Bergé, la cheffe des députés macronistes pour qui « les grèves sont inacceptables », ou Bruno Retaillau de LR pour qui : « il faut sortir de cette culture de la grève, la grèviculture ».
Comme cela était prévisible cette rhétorique politicienne préparait le terrain pour Elisabeth Borne qui vient de décider d’ordonner les réquisitions des travailleurs des raffineries. Cela est sans précédent et parfaitement illégal. C’est une atteinte au droit de grève pour laquelle en 2010 la France avait été fermement mis en cause et critiquée par l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Cette nouvelle provocation du pouvoir vise les travailleurs des raffineries mais également les travailleurs dans leur ensemble dont le mécontentement est à son comble et qui font le choix de l’action. Cela se veut un avertissement aux luttes en cours et celles qui se préparent contre la destruction de notre système de retraites, de l’assurance-chômage, de l’emploi et du service public. Il faut relever ce défi par l’action ! C’est le sens de l’interpellation lancée à la Confédération CGT et à toutes les structures de la CGT par Emmanuel Lepine au nom de la Fédération des Industries chimiques de la CGT. L’heure est grave ! La meilleure réponse est de construire les convergences dont l’on a besoin et il faut le faire dans l’unité de toute la CGT, sans repousser à demain ce qui doit être fait aujourd’hui. À situation exceptionnelle, décision exceptionnelle ! Tout doit être fait pour élever le rapport des forces au niveau des enjeux. « C’est au pied du mur qu’on voit le maçon » !
Comme en Grande-Bretagne, on va chercher des boucs- émissaires !
Dans un contexte de crise énergétique majeure et de mesures de rétorsion que le pouvoir entend imposer aux travailleurs et à leurs familles, on cherche donc des boucs-émissaires qu’on présentera peut-être demain comme les agents objectifs de Vladimir Poutine.
On en avait eu un avant goût à travers l’hystérie qui caractérise la presse britannique à l’égard de la lutte remarquable des cheminots du « National Union of Rail, of Transport Workers » le RMT, ce puissant syndicat des transports affilié à la Fédération syndicale mondiale (FSM) mais aussi, dans leur foulée à celle des postiers, des travailleurs des raffineries, des télécoms, des dockers, des centrales électriques, de la santé, de Ryan Air et même des avocats. Les objectifs sont identiques à ceux de leurs camarades français. En Grande-Bretagne on lutte pour du pouvoir d’achat, hier contre la politique irresponsable de Boris Johnson, aujourd’hui contre celle de Lys Truss dont le modèle politique est celui de Margaret Thatcher.
Sans doute inspiré par les années 84/85 et l’historique grève des mineurs, la presse d’outre-Manche menée par le Times, le Sun, le Daily Mail de l’oligarque corrompu Ruppert Murdoch stigmatise depuis des mois une grève qui rassemble des dizaines de milliers de travailleurs en l’assimilant à “une création d’agents russes” menée par un syndicat extrémiste qui « soutient les aventures meurtrières de Poutine en Ukraine ». Ainsi, le RMT est décrit comme dirigé “par des larbins de Poutine” appartenant à une «cabale d’extrême gauche».
Aussi, les insultes ne varient pas et l’adversaire de classe demeure bien le même partout. Comme en France et partout en Europe, la situation sociale pour les travailleurs britanniques s’est aggravée spectaculairement, les prix ont fait un bond en avant, le plus haut niveau depuis 40 ans qui rappellent les conséquences de la mise en œuvre des politiques ultra-libérales de la dame de fer, Margaret Thatcher, celle qui s’enorgueillissait « d’avoir tué et enterré la culture de la grève ». L’institut de sondage IPSOS assure que de nombreux britanniques sautent régulièrement un repas. Comme le montre le rapport 2022 de l’ONG britannique OXFAM, la plupart des gouvernements n’ont pas pris de « mesures concrètes » d’envergure pour atténuer la dangereuse augmentation des inégalités. L’accroissement de la pauvreté de masse est ainsi pointé dont la cause est la baisse des dépenses sociales et l’enrichissement obscène des nantis.
Il n’y a donc pas d’autres alternatives, que le choix de la lutte face aux atermoiements et à l’indifférence des syndicats officiels, les « Trades Union Congress » (TUC), pilier de la CES et un des principaux obstacles à des luttes solidaires et coordonnées en Europe. Voilà pourquoi, la contradiction capital/travail est une réalité concrète, n’en déplaise aux syndicalistes des deux côtés de la Manche, qui préconisent la compatibilité avec les très anti- démocratiques institutions européennes, le partenariat social et le fluidification du dialogue social avec le patronat et la collaboration avec les programmes des gouvernements libéraux. Ainsi récemment on vient de voir le mouvement syndical européen se féliciter bruyamment après le vote positif du Parlement Européen en faveur d’un SMIC européen. En réalité, il n’y a là qu’enfumage car il faut rappeler que le social est de la compétence de chaque pays, les États sont libres d’une harmonisation par le bas, ce qu’ils font d’ailleurs, d’autant que la directive considère que ne sont concernés que les pays dont le SMIC est inférieur à 80 % d’un salaire médian. Ces derniers devront mettre en place par la négociation patronat/syndicats un calendrier permettant un plan d’action permettant de rattraper les retards. Autant dire que cette « prétendue avancée sociale » n’est pas pour demain. Les travailleurs devront d’abord compter sur leurs propres forces. Par conséquent la grève des travailleurs de la pétrochimie est bien la bonne voie à suivre.
La grève dans la pétrochimie comme une opportunité.
Cette grève dans les industries pétrochimiques en France, doit aussi être vue comme une opportunité pour le développement des luttes par toute la CGT, voilà pourquoi il faut contribuer partout à son soutien sous toutes les formes et d’abord confédéralement afin de mobiliser toutes les forces pour gagner et engranger des résultats qui seront un encouragement pour tous et toutes. L’enjeu est d’importance, et il faut en prendre toute la mesure. C’est pourquoi l’attitude de certains dirigeants confédéraux de la CGT, comme celui en charge des salaires n’est pas acceptable quand il entend déterminer un engagement de toute la CGT à des discussions préalables mais en fait très aléatoires en vue d’un accord préalable de la CFDT et de FO quant à une action nationale sur les salaires. Une telle approche semble plus motivée par le souci de continuer à légitimer le concept de « syndicalisme rassemblé » dont la faillite est illustrée par l’attentisme qui conduit au découragement comme aux illusions plutôt que de voir se développer un large mouvement revendicatif. Ainsi comme le fait remarquer Emmanuel Lepine, secrétaire général de la Fédération CGT des Industries Chimiques, « la confédération ne fait pas son boulot. Il a fallu attendre le 5 octobre pour obtenir un communiqué de soutien à la chimie, c’est vraiment tard ». Pour donner une impulsion faut-il encore le vouloir. « Celui qui n’a pas d’objectifs ne risque pas de les atteindre ! »
Avoir une vision et une volonté.
Ce qui manque à la direction de la CGT pour encourager les luttes dans la pétrochimie comme à l’égard de celles qui ont lieu ailleurs dans d’autres branches et régions c’est une vision autant qu’une volonté. En finir avec la méthode Coué en anticipant et en se calant sur une stratégie d’action convergente plutôt que de mettre l’accent sur des objectifs qui ne figurent pas au calendrier des urgences sociales des travailleurs.
Dans le même temps, ceci exige de procéder en permanence à un examen lucide, concret, sans détours de la situation réelle ainsi que des difficultés auxquelles fait face l’activité syndicale. L’objectif n’est pas de s’accabler et de se flageller. Avec la perspective du 53e Congrès Confédéral, c’est tout un débat qui est nécessaire et auquel nous renvoie les luttes dans la pétrochimie. C’est aussi pourquoi il faudra aborder les causes des reculs et des échecs successifs. La CGT« est au pied du mur ». Elle se doit d’apporter collectivement des réponses convaincantes à une série de problèmes qui touchent à son devenir comme à son existence même. Un style de travail qui banalise et s’accommode des attentes non satisfaites comme si de rien n’était ne peut qu’entraîner des insatisfactions. Il y a dans la CGT une exigence de débats qu’il faut avoir en prenant en compte l’aspiration à plus de démocratie, de consultations d’échanges y compris contradictoires qui sont des impératifs d’efficacité, de cohésion et de cohérence en particulier dans la diffusion des idées de la CGT. Cette façon d’être et de faire contribue profondément à l’unité. C’est d’ailleurs de cette unité dont la CGT a le plus grand besoin. La CGT se doit d’écouter ses militants et parmi eux les plus combatifs qui sont sa force de par leur attachement à des principes de classe, à toute une histoire dont ils sont fiers comme à des valeurs qu’ils entendent défendre avec sincérité et détermination.
Donner le coup d’envoi du 53e Congrès de la CGT.
Enfin, cette grève des industries chimiques et du pétrole peut permettre de redonner un sens concret à la solidarité confédérale, en renouant des liens distendus, en contribuant à unir interprofessionellement les luttes des secteurs les plus combatifs de la CGT, ceux de l’énergie, des cheminots, des services publics, de la santé, du commerce, et bien d’autres en les articulant concrètement avec l’activité des unions locales, départementales et régionales.
Nul ne saurait nier que le syndicalisme doit changer, et prendre en considération le monde réel dans lequel nous vivons, non pour s’y adapter mais pour mieux contester l’ordre capitaliste qui le domine ! Pour cela, on doit tenir compte de la radicalisation de l’affrontement de classes, des contradictions et des nouvelles conflictualités internationales. C’est ce que font les travailleurs en lutte de la pétrochimie comme d’autres dans d’autres branches, d’autres industries et entreprises. Un nouvel ordre mondial se met en place, comment le syndicalisme ne pourrait-il pas en tenir compte?
Il est évident que les enjeux énergétiques placent en première ligne des grands défis mondiaux les travailleurs des industries chimiques. La grève dans ce secteur si stratégique et la manière dont les travailleurs avec leurs syndicats CGT conduisent leurs luttes peut être une forme de coup d’envoi du prochain 53e congrès confédéral lui permettant d’inaugurer ainsi ce grand débat si nécessaire à la mise en œuvre d’une orientation répondant aux nécessités, à partir d’une stratégie et d’une direction renouvelée qui donnera ainsi à toute la CGT les moyens de déployer les couleurs rouges qui sont les siennes.
[1] UFIPEM : Union Française des Industries Pétrolières Energies et Mobilités