Par marie Nassif-Debs – Selon l’article 2, premier chapitre de la Constitution libanaise ayant pour titre « de l’Etat et de son territoire », « il n’est pas permis d’abandonner ou de céder une partie des terres libanaises » ; voilà pourquoi, nous continuons d’affirmer que la superficie du Liban est de 10452 kilomètres carrés, dont les sept localités appropriées par l’entité israélienne en 1948, ainsi que les fermes de Chebaa, les hauteurs de Kfarchouba et le village du Ghajar occupés lors de l’agression de 1967… On y ajoute, bien entendu, le traçage des eaux territoriales libanaises délimitées, en 1926, par des lignes bien précises vis-à-vis de la Palestine, de la Syrie et de Chypres, dont la « ligne 29 » au sud, contrairement au tracé imposé par les Etats-Unis, seul et unique superviseur, dans le document israélo-américain appelé « Accord de démarcation de la frontière maritime entre le Liban et Israël » qui arrête nos frontières à la ligne 23, nous faisant perdre 1420 kilomètre carrés, c’est-à-dire tout le champ gazier de « Karish ».. Sans oublier ce qui a été dit sur l’accord israélien avec la compagnie française Total concernant une part importante du gaz produit par « le Champ de Kana » fixée à 19 pour cent de sa production.
Il faut dire que ce n’est pas la première fois que l’oligarchie au pouvoir cède face aux diktats étasuniens, puisqu’elle se tait, depuis l’an 2000, sur un autre traçage appelé « la ligne bleue » et imposé par l’ennemi israélien à la suite de sa retraite hors de nos frontières. D’ailleurs, nous avions exprimé à plusieurs reprises, ces deux dernières années (et surtout depuis que commencèrent les aller et venues d’Amos Hochstein dans notre pays), notre inquiétude, devenue réalité aujourd’hui, concernant les intentions de Washington à vouloir faire main basse sur la majeure partie du gaz et du pétrole libanais. Surtout que tout le monde sait que la bourgeoisie libanaise est prête à faire n’importe quoi afin de profiter rapidement des sources d’énergie, y compris d’aller à l’encontre de l’article 2 de la Constitution qu’elle a le devoir d’appliquer. Cet article bafoué par l’article E contenu dans le nouveau traité avec l’ennemi qui occupe toujours une partie de notre sol national, et qui stipule que « les deux parties conviennent que le présent accord, y compris tel que décrit à la section1(B)[1], constitue une solution permanente et équitable à leur différend maritime ».
Solution équitable ? Solution permanente ? Qui va en profiter[2] ?
Cette soumission, y compris de la part de quelques uns parmi ceux qui se prétendaient appartenir à la Résistance, ou à la Gauche – pauvre Résistance et pauvre Gauche ! Que de crimes commet-on en vos noms ! – est révoltante, surtout qu’il s’agit de la mère –patrie que nous avions libérée en payant de nos personnes et du sang de nos Résistants – martyrs, dont les dépouilles de certains d’entre eux sont encore détenues dans l’entité israélienne ! Et on ose nous parler d’une « grande, grande, grande victoire » ! Et on fait fi du peuple et, surtout, des générations futures à qui appartiennent ces richesses ainsi que celles déjà volées ou disparues dans les marécages de la corruption ! Et on fait fi de tous ces jeunes éparpillés, aujourd’hui, partout dans le monde à cause des politiques de l’oligarchie financière et de ses représentants dans les institutions du pouvoir.
Cet accord ne constitue-t-il pas un premier pas vers la normalisation des relations avec l’occupant ? N’est-ce pas un retour à l’accord du 17 mai 1983 que le peuple libanais avait rejeté ?
A celles et ceux des « responsables politiques » qui continuent à se faire les porte-paroles de la politique des Etats-Unis au Liban et dans tout le Moyen Orient, oubliant le rôle que cette grande puissance impérialiste avait joué, par le passé et surtout maintenant, pour maintenir l’entité israélienne au dépens du peuple palestinien et afin de contrôler les richesses contenues dans le sol arabe, que les administrations américaines, républicaines et démocrates confondues, vont profiter de ce nouvel accord afin d’élargir leur mainmise sur notre pays et notre région. Cela est bien noté et très flagrant dans le « nouvel accord ».[3]
Nous disons, enfin, à ceux-là, qui réclamaient, et réclament toujours, « pour des raisons humaines », le droit au retour des agents de l’occupant, partis avec lui en l’an 2000 après avoir semé la peur, la destruction et la mort dans les zones frontalières occupées, et dont certains étaient des geôliers de la célèbre prison de Khiam, que le fait d’abandonner ou de céder une parcelle du territoire patriotique est considéré comme une trahison.
C’est à partir de cette compréhension, et à l’exemple des Résistances européennes, chinoises, vietnamiennes et latino-américaines, que fut organisée la Résistance Patriotique Libanaise, cette Résistance qui expulsa l’occupant israélien de Beyrouth d’abord, puis de la majorité de notre Terre.
[1] B- Ces coordonnées définissent les frontières maritimes convenues entre les deux parties pour tous les points vers la mer à partir du point le plus à l'est de la frontière maritime, sans préjudice du statut de la frontière terrestre.
Afin de ne pas préjuger du statut de la frontière terrestre, il est prévu que la délimitation de la frontière maritime dans le sens terrestre à partir du point le plus à l'est de la ligne frontière maritime aura lieu au cours de, ou à un moment approprié par la suite, la délimitation de la frontière terrestre par les Parties. Jusqu'à ce que cette zone soit déterminée, les parties conviennent que le statu quo près du rivage, y compris le long de la ligne de bouée actuelle et tel que défini par la ligne de bouée actuelle, demeurera, nonobstant les différentes positions juridiques des parties dans cette zone, sans limitation.
[2] C- Les parties conviennent que l'entité juridique pertinente pour avoir des droits libanais d'exploration et d'exploitation des ressources en hydrocarbures dans le bloc 9 libanais (opérateur du bloc 9) doit être constituée d'une ou plusieurs sociétés internationales de bonne réputation qui ne sont pas soumises à des sanctions internationales, et qui n'empêchera pas la poursuite des installations américaines.
[3] B ; (partie 4)Les parties ont l'intention de résoudre tout différend relatif à l'interprétation et à la mise en œuvre du présent accord par des discussions facilitées par les États-Unis. Les parties comprennent que les États-Unis ont l'intention de faire de leur mieux pour travailler avec les parties afin d'aider à créer et à maintenir un climat positif et constructif pour les discussions et la résolution réussie de tout différend le plus rapidement possible.
NDLR : Cet article regroupe les idées comprises dans trois articles en langue arabe parus entre le 6 et le 27 octobre 2022, pendant les derniers pourparlers conduits par les Etats-Unis.