Nous avons déjà signalé l’intérêt de la proposition chinoise de cessez-le-feu en Ukraine et relayons avec faveur l’analyse du camarade Hoareau, président de l’A.N.C.
Deux déclarations qui font chorus avec le texte de Georges Gastaud appelant à un Front anti-exterministe, tandis que les camarades du PRCF, parfois de façon commune avec les camarades de l’ANC, appellent systématiquement dans les manifs actuelles à associer la défense de la paix à celle des acquis sociaux:
L’argent pour les pensions, pas pour les marchands d’canons !
De quelle CGT avons-nous besoin ? – Par Charles HOAREAU
Cette question est récurrente depuis ces dernières années (1), preuve d’un débat interne qui persiste depuis les changements de stratégie et les modifications de statuts intervenus depuis près de 30 ans. Qu’il y ait débat dans la CGT, ce n’est pas nouveau et quand on regarde l’histoire il y a toujours eu deux grands courants, étiquetés un peu vite parce que c’est commode, le courant « réformiste » et le coutant « révolutionnaire » : grosso modo celui qui pense que l’on peut gagner sur les revendications dans le cadre actuel de la société et celui qui pense que le changement de société est une condition sine qua non de la réponse aux besoins.
Selon les périodes ce débat a conduit à des éclatements (exclusion CGTU en 1922, exclusion des communistes en 1939, scission FO et FEN en 1947) et à d’autres il n’a pas empêché l’union voire, même la réunification (congrès de Toulouse 1936, accords du Perreux 1943). Il est à noter que chaque fois dans l’histoire, quand il y a eu scission ou exclusion ce fut le fait des réformistes et jamais des révolutionnaires. Ces derniers, quand ils ont été en minorité dans l’appareil, ne sont pas partis mais ont continué le débat dans l’organisation.
Autre chose enfin, il y a eu éclatement chaque fois qu’il y a eu refus du débat et non pas quand celui-ci a eu lieu y compris de manière passionnée et publique. (1909, 1936)
Notre époque n’échappe pas à cette histoire. Et pour répondre à la question posée en titre il me semble que nous avons d’abord besoin d’une CGT qui accepte le débat quitte à ce que les conclusions qui en sortent ne soient pas celles que l’équipe dirigeante avait prévu de tirer.
La CGT est régie par le fédéralisme, le mode de démocratie qui permet à ce que chaque collectif concerné décide pour lui-même. De cela résulte que chaque organisation de la CGT, en commençant par le syndicat de base qui en est le socle, est autonome. Et de cela découle qu’une direction confédérale ne doit pas prendre de décision sans tenir compte de cette autonomie. En principe.
C’est bien d’abord cela qui est posé dans les débats actuels.
Où s’est discuté et décidé que la CGT devait applaudir au plan Macron de « soutien au entreprises » qui coûte 100 milliards aux contribuables ?
La question est la même pour la déclaration approuvant la mesure similaire au plan de l’UE, pour celle commune avec le MEDEF (il faut quand même le faire !) vantant le « dialogue social », pour l’acceptation sans broncher des deux confinements, du Pass vaccinal, de la suspension des personnels non vaccinés, pour le refus de toute alliance avec le mouvement des gilets jaunes, mouvement largement caricaturé par le secrétaire général actuel de la CGT.
Il en est de même pour les positions sur la fermeture des centrales à charbon au moment où les concernés étaient en grève contre ces fermetures !
Et on pourrait poursuivre avec les positions sur la guerre où il faut que ce soit la presse qui nous apprenne la teneur de l’intervention CGT dans une réunion internationale à Melbourne, intervention où pas une fois l’OTAN n’est citée et les livraisons d’armes par la France condamnées…La liste est longue. Non pas des désaccords, ce qui fait partie de la vie d’une organisation, mais de prises de position qui sont en fait des passages en force niant la démocratie de la CGT et tendant à la fractionner.
Comment des questions de procédures peuvent masquer (mal) des débats de fond
L’illustration de cette volonté de passage en force se retrouve dans la manière dont a été annoncée dans la presse et non pas aux organisations de la CGT, la composition de la future équipe nationale. .
Sur la désignation de l’équipe confédérale que disent les statuts…et ce qu’on leur fait dire ?
Le congrès de la CGT est celui des syndicats. Chaque syndicat peut présenter des candidatures à la commission exécutive confédérale. Celles-ci sont validées ou non par la commission des candidatures (mise en place par la direction de la CGT) qui les présente à la Commission Exécutive Confédérale en place. Quand la candidature est retenue, elle est alors présentée au congrès qui est libre d’approuver ces choix ou non puisque c’est lui qui est souverain.
Si la candidature n’est pas retenue et que le syndicat maintient la candidature il appartient au bout du compte au congrès de trancher. C’est lui le seul décisionnaire. C’est comme ça d’ailleurs que j’ai été élu en 1999 contre l’avis de la CEC sortante.
Voilà pour les statuts.
Venons-en aux critères dont la mise en œuvre est de fait un détournement des statuts.
Depuis le congrès de 1999, sous prétexte de mieux prendre en compte la diversité du salariat (petites entreprises, immigration, féminisation…) la direction de l’époque mit en place une condition de critères à l’acceptation des candidatures et pire « inventa » la notion de « mise à disposition ». Qu’est-ce à dire ?
Avant 1999 les candidatures étaient présentées par les organisations de la CGT et les membres élus parlaient au nom de leur organisation.
Depuis 1999, il est demandé aux organisations de proposer plusieurs candidatures et la commission, donc la direction en place, choisit celle qui lui convient en fonction des critères.
On comprend toute la perversité du système qui conduit de fait à la direction sortante de choisir parmi le panel des propositions qui lui sont faites celles qui lui conviennent le mieux quitte à les susciter à l’intérieur même d’une organisation et en plus en demandant, autre trouvaille, de ne pas parler ou voter au nom de son organisation mais en son nom propre !
On comprend la négation démocratique que cela constitue…
Et voilà au nom de quel tour de passe-passe on voudrait interdire à des organisations d’être présentes à la CEC.
L’UD CGT 13 fait partie avec d’autres, des organisations de la CGT qui ont toujours refusé cette notion antidémocratique de « mise à disposition » qui impose ensuite aux membres de la CEC de parler en leur nom propre et plus au nom de leur organisation.
Notons bien que si la direction nationale actuelle voulait le débat, elle proposerait au vote du congrès une équipe non seulement diverse selon les critères sociologiques, mais aussi selon les organisations d’origine et les opinions dans la CGT.
Là c’est exactement le contraire. La volonté c’est de faire taire les opposants, de nier ce qui a fait la force et la richesse de la CGT et qu’on appelle chez nous « le droit au désaccord ».
Refuser des candidatures au prétexte qu’elles sont des « clous qui dépassent » c’est dans le cas d’espèce faire preuve d’autoritarisme pour avancer dans une direction qui nie les débats en cours. C’est le retour en force de l’autoritarisme réformiste qui a fait du mal au monde du travail et à son outil privilégié qu’est la CGT.
A l’heure où la France s’enfonce dans les inégalités, la politique de surarmement et la privation des libertés, on a bien besoin d’une CGT prête à combattre pied à pied car, autre leçon de l’histoire, seul le courant révolutionnaire n’a jamais reculé face au fascisme.
Si la candidature présentée par l’UD 13 * n’avait qu’un mérite, ce serait celui-là. Elle pose en grand la question de quelle CGT avons-nous besoin, celle des luttes des raffineries, de l’énergie… pas d’une CGT qui attend l’arme au pied en vantant les mérites du dialogue social.
En ce sens cette candidature, malgré les défilements de la direction confédérale, a déjà marqué des points et fait débattre. Elle est donc déjà salutaire.
Charles Hoareau
Retraité CGT, ancien dirigeant de la CGT des Bouches-du-Rhône et de la commission exécutive confédérale
(1) En 2006 au congrès de Lille la question posée était « La CGT vous la voulez comment ? ». Ce congrès se tenait 7 ans après le « congrès historique » de 1999 à Strasbourg qui avait voté de justesse un amendement, aujourd’hui tombé en désuétude, actant des campagnes intersyndicales communes de syndicalisation et l’entrée de la CGT dans la CES ( Confédération Européenne des Syndicats)
* Il s’agit de la candidature d’Olivier MATEU, secrétaire de l’UD des Bouches du Rhône
Comment mener la mère des batailles, la bataille pour la paix ?
lundi 27 février 2023 par Charles Hoareau (ANC)
La guerre, celle d’Ukraine bien sûr, pas les 40 autres conflits qui font dans le monde des centaines de milliers de morts. Ceux-là on n’en parle pas ou si peu dans les grands médias. On ne parle pas ou peu des guerres d’Afrique ou d’Asie, de Palestine ou du Yémen, du talon de fer sur l’Amérique du Sud et Cuba. Non la guerre dont on parle et qui est à la une de nos médias, c’est celle d’Ukraine.
Et encore pas depuis le début en 2014 suite au coup d’état fasciste, mais depuis un an, depuis que l’armée russe a franchi la frontière ukrainienne ce que nous ne cessons de condamner bien sûr en disant que la guerre n’est jamais la solution.
Pendant tout un temps il a semblé que le peuple de France en particulier était sidéré et assistait à cette horrible situation comme devant une fatalité horrible certes, mais qui ne nous menaçait guère voire ne nous concernait peu et devant laquelle nous étions impuissants.
Il semble que ce sentiment change et grandit un sentiment nouveau. Au-delà des horreurs qu’elle inflige, comme toutes guerres, à celles et ceux qui la subissent, les militantes et militants qui disent depuis le début que cette guerre risque de se généraliser et que de plus elle est un gouffre qui engloutit dans l’industrie de mort l’argent qui manque à la vie et au progrès social, soient mieux entendus et mieux compris.
Il semble que le peuple de France prenne de plus en plus conscience des dangers qu’elle fait courir à l’ensemble de la planète. La question de l’intervention des peuples dans la bataille pour la paix, pour que s’arrête la folie guerrière prend de l’ampleur.
Reste à savoir comment ?
Dans la réponse à cette question se distinguent en gros 3 grands courants.
- Le 1er courant dit c’est une guerre de libération nationale. La faute est au seul Poutine qui a envahi l’Ukraine le 24 février et on doit soutenir la guerre en envoyant des armes (LR, LREM, EELV, PS, NPA).
- Ce courant là, a appelé à des manifs va-t-en-guerre pour l’envoi d’armes et en soutien au seul peuple ukrainien ces 24 et 25 février. Force est de constater que l’intersyndicale, y compris donc la CGT s’inscrit dans ce courant (sauf quelques organisations de la CGT, UD 13, FNIC, UD 59…qui sont sur des positions s’inscrivant dans le 3ème courant). Ce fut d’ailleurs la même union sacrée encore plus large qui a prévalu pour la guerre en Lybie et la fameuse manifestation en soutien à la motion présenté à l’ONU par le gouvernement de Sarkozy. C’est quasiment le seul courant couvert par les médias.
- Le 2ème courant (PCF, LFI, mouvement de la paix) [1] dit en gros : il faut un cessez le feu, la France doit aider à cela ce qui est un progrès par rapport au 30 novembre où le PCF avait voté pour l’envoi d’armes et LFI s’était abstenue. Ce courant, qui appelait lui aussi à des initiatives ces 24 et 25 février pointe cependant (plus le PCF que LFI) la seule responsabilité de Poutine et ne parle pas de l’OTAN, ou de manière contradictoire sans en demander sa dissolution. L’ANC a appelé à ces rassemblements parce qu’ils allaient dans le sens de la paix malgré leur insuffisance.
- Le 3ème courant, très isolé en France (il n’y a guère dans notre pays que l’ANC, l’ARAC, le RC, le PRCF, le PARDEM…) mais très fort dans le monde en Afrique, Amérique du Sud et Asie (bref les pays pauvres) dit que la guerre a commencé en 2014 après le coup d’état fasciste, qu’il y a eu 15000 morts dans le Donbass tués par les fascistes ukrainiens parce que les accords de Minsk de 2015 n’ont pas été respectés.
- Cela ne donne pas raison à Poutine, mais il est intervenu à la demande des Ukrainiens russophones après le refus de l’ONU d’intervenir. Il est d’ailleurs à observer que si la France accueille 120 000 réfugiés ukrainiens, la Russie en accueille, elle, 2,8 millions loin devant tous les autres pays d’Europe [2] .
- Pour ce courant, la cause première (mais pas unique) de cette guerre c’est l’impérialisme US qui comme en Palestine, à Cuba ou au Yémen pousse à la guerre pour préserver les intérêts du capitalisme international.
- Ce courant est pour un cessez-le-feu imposé par l’ONU, l’arrêt des envois d’armes, la dissolution de l’OTAN et le respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes en particulier ceux des régions de Crimée, Donets et Lougansk,.
C’est le courant qui est incarné internationalement par la plateforme mondiale anti impérialiste qui organise sa 3ème conférence internationale le 4 mars prochain à Caracas [3] (où l’ANC sera présente) et appelle ce jour-là à des manifestations dans 40 pays du monde à ce jour.
À noter dans ce courant la dernière déclaration de Georges Mavrikos, l’ex-SG de la FSM (Fédération Syndicale Mondiale) qui, dans le prolongement des déclarations de celle-ci, ce 23 février, dénonce l’engrenage croissant de la guerre du fait de l’OTAN avec l’envoi de plus en plus de mercenaires et d’armes en lieu et place des efforts de paix.
La proposition chinoise
C’est dans ce contexte qu’intervient la proposition chinoise. Elle est pour l’instant la seule proposition de paix et constitue sans doute, avec celle de l’intervention des peuples, les meilleures façons d’arriver à rétablir la paix. D’autant qu’elle pose en préalable la question de la souveraineté des peuples et du cessez-le-feu. Il est d’ailleurs assez caractéristique que dès sa sortie les USA, la France et quelques autres aient cru bon de jeter la suspicion dessus ce qui tend à démontrer une fois de plus que le 3ème courant a raison.
Il s’agit d’un plan en 12 points ici résumé et dont le texte entier est en annexe de cet article :
1. Respecter la souveraineté de tous les pays. 2. Renoncer à la mentalité de la guerre froide. 3. Cesser les hostilités. 4. Lancer les pourparlers de paix. 5. Régler la crise humanitaire. 6. Protéger les civils et les prisonniers de guerre. 7. Préserver la sécurité des centrales nucléaires. 8. Réduire les risques stratégiques. 9. Faciliter l’exportation des céréales. 10.Mettre fin aux sanctions unilatérales. 11.Assurer la stabilité des chaînes industrielles et d’approvisionnement. 12.Promouvoir la reconstruction post-conflit. |
Le 4 mars, avec les autres peuples du monde, levons-nous pour :
L’arrêt des livraisons d’armes, le cessez-le-feu et l’interposition de l’ONU pour son respect.
Le retrait des troupes hors des zones occupées.
La dissolution de l’OTAN (dont l’existence est d’ailleurs contraire à la charte de l’ONU).
Le droit universel des peuples à disposer d’eux-mêmes qu’il s’agisse de l’Ukraine, du Donbass, du Yémen, de Cuba ou de la Palestine.
La prochaine brochure de l’ANC, dont la sortie est prévue en mars, portera sur ces questions et donnera un compte-rendu de la conférence de Caracas
Le plan Chinois Pour la Paix :
[1] Il est à noter que dans le 13, le mouvement de la paix, comme la CGT 13, n’est pas sur ces positions mais sur celles du 3ème courant…
[2] Source Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (UNHCR)
[3] Après celle de Paris le 15 octobre, celle de Belgrade le 17 décembre et avant celle de Séoul prévue en mai, celle prévue en Afrique cet automne et celle prévue au Moyen Orient cet hiver.