Septembre c’est la fin de la période estivale, celles des congés payés. et Georges Gastaud, directeur politique d’initiative Communiste le journal du PRCF répond aux questions de la rédaction autour des grands enjeux de la période. Un grand entretien passionnant en parties sur la problématique géopolitique, sociale et politique de la rentrée scolaire et sociale. Et rendez vous du 15 au 17 septembre avec les nombreux débats qui auront lieu sur le stand du PRCF à la fête de l’Huma, l’événement de la rentrée politique.
- partie 1 : quel avenir pour la paix mondiale alors que l’contre-offensive de l’OTAN en Ukraine escalade dans la boucherie
- partie 2 : Face à l’urgence environnementale, réagir après la récente canicule française, les méga-feux aux Canada et en Grèce, canicule record en Iran et ces séries de catastrophes naturelles
- partie 3 : Opposer à la destruction capitaliste du pays la résistance révolutionnaire du prolétariat devenant Nation
- partie 4 : Tirer les leçons politiques de la bataille des retraites, résister à la fascisation et construire l’alternative rouge et tricolore gagnante pour les travailleurs
- partie 5 : Elections européennes : agir pour le vrai enjeu, la souveraineté du peuple avec le Frexit progressiste !
2023 est d’ores et déjà une année record qui apparait comme météorologiquement la plus chaude depuis le début des mesures. Les températures moyenne de la planète sur les mois de juin, juillet et aout 2023 ont dépassé de 1,26°C la température moyenne sur la même période des années de 1940 à 1970 ! Le réchauffement climatique est évidemment une des menaces et ce n’est pas la seule de ce système capitaliste qui pour remplir les coffres des milliardaires brule la planète et exploite les travailleurs !
Initiative Communiste : Comment le PRCF réagit-il à l’urgence environnementale après la récente canicule française et les catastrophes estivales qui ont eu lieu au Canada (notamment les méga-incendies), en Iran, en Grèce et et ailleurs?
Georges Gastaud : Tout d’abord soyons clairs et nets : après ce qui vient d’arriver à l’Italie, en passe de basculer dans la « zone tropicale », après les méga-incendies qui ont ravagé le Canada après avoir frappé l’Australie l’an dernier, après les « dômes de chaleur » infernaux qui ont asphyxié des millions d’Iraniens et de Grecs (en provoquant la mort de combien de personnes fragiles, dans nos systèmes hospitaliers cassés?), voire des milliers d’Aquitains et de Provençaux cet été, il est stupéfiant de voir encore certains blogueurs nier l’évidence du dérèglement climatique (1). Ne parlons pas de la catastrophe globale qui frappe déjà la biodiversité planétaire ni du fait très documenté que, par ex., les espèces aviaires généralistes (pigeons, corbeaux, pies…) sont en train d’évincer partout les passereaux « spécialistes » adaptés à un milieu naturel défini (notamment, les oiseaux chanteurs), ce qui est une catastrophe anthropologique… et poétique (à moins que l’on ne considère comme une babiole de ne plus permettre à nos descendants d’ouïr à l’avenir le « gai rossignol » et le « merle moqueur » célébrés dans le Temps des cerises !)…
Du reste, même si les activités humaines n’étaient pas la cause principale de ce réchauffement potentiellement incontrôlable qu’avait génialement anticipé jadis le romancier franco-belge J.-H. Rosny Aîné (cf son troublant récit La fin de la Terre), il faudrait « faire comme si » lesdites activités humaines étaient bien le facteur principal tant l’éthique nous oblige à faire stoïquement tout ce qui dépend de nous pour conjurer un mal, le reste étant par nature hors de portée… Mais quand on voit combien, en réalité, la mainmise du Capital sur la Terre a, depuis la Renaissance, « épuisé la Terre et le travailleur » (Marx) pour satisfaire la course sans cesse accélérée au profit maximal, les facteurs anthropiques lourds de la catastrophe environnementale en marche, qui est l’autre face de l’exterminisme militaire que nous dénonçons par ailleurs, paraissent bien peu douteuses, même s’il s’y mêle peut-être des causalités naturelles (d’origine solaire par ex.) d’origine non anthropiques (échappant aux humains). C’est pourquoi il ne faut pas, comme le font à longueur d’antenne les médias officiels frappés d’ « effondrisme », culpabiliser les gens, les épouvanter, les désespérer, ou à l’inverse leur faire croire avec Macron que quelques actes individuels permettront à eux seuls d’inverser la donne : il faut au contraire se tourner en priorité vers la classe ouvrière, vers la jeunesse populaire, vers les écologistes vraiment sérieux, notamment vers les associatifs qui ne sont pas, comme les eurodéputés d’EELV ou comme leurs maîtres à penser d’outre-Rhin (les Verts allemands), des destructeurs du produire en France (qui disparaîtrait si EDF finissait d’être démantelé par l’UE) et des jusqu’au-boutistes de la guerre otanienne. Il convient plutôt, en réalité, de mettre en accusation
- l’UE-OTAN, par ex. en publiant le bilan carbone affolant, non seulement de la guerre en Ukraine, mais aussi des manœuvres militaires incessantes visant à préparer le « conflit de haute intensité » annoncé, sans parler de l’ « hiver nucléaire » qui pourrait, non pas contrebalancer mais au final accélérer le dérèglement climatique et la montée en puissance de l’effet de serre si la guerre globale qui couve finissait par franchir le seuil nucléaire avec engagement initial, ne serait-ce que de quelques pourcents des stocks fuséo-nucléaires existant de part et d’autre.
- l’UE et sa politique agricole de classe qui subventionne le capital agrarien fauteur de vandalisme environnemental alors que tant de petits paysans, ou d’artisans-pêcheurs, plient boutique quand ils ne songent pas au suicide !
- l’euro-mondialisation capitaliste qui, depuis notamment la chute de l’Europe socialiste (88/89) et la mise en place de la « concurrence libre et non faussée » euro-mondialisée (Traité de Maëstricht), a déchiqueté le « produire en France » industriel, rompu les circuits agricoles courts, dynamité le commerce de proximité et les services publics, livré l’artisanat à l’ubérisation et provoqué d’énormes gâchis environnementaux en multipliant les circuits longs par conteneurs, en détruisant le rail français tout en démultipliant le très polluant fret routier international ; pendant ce temps, les euro-gouvernements successifs des Sarko, Hollande et Macron torpillaient EDF-GDF, la SNCF, la Poste, etc. afin de complaire à Bruxelles, et nos confédés syndicales euro-alignées se taisaient sur les prédations concertées à Bruxelles ;
- la logique folle de cette euro-mondialisation dont l’économie méthodiquement dérégulée, qui a déjà favorisé la diffusion planétaire ultrarapide de la Covid 19, alors que partout des lits d’hôpital ont été fermés sur sommation de Bruxelles (laquelle a sommé la France 62 fois de diminuer ses dépenses de santé depuis 2011 !);
Bien sûr, cela nécessite une réflexion prospective sur le socialisme-communisme de l’avenir. Il est clair que pour pouvoir réfréner à temps les dangers globaux qui pèsent sur notre espèce, voire sur tout le vivant terrestre par la faute du capitalisme-impérialisme-exterminisme, il faut que, le plus vite possible, la classe des travailleurs salariés (ce que Marx appelait le prolétariat) soutenue par ses alliés naturels, notamment les petits et moyens entrepreneurs de la ville et de la campagne, sans oublier les intellectuels, chercheurs, ingénieurs et cadres salariés un tant soit peu affranchis de l’idéologie néolibérale et de sa gadgétisation consumériste de l’économie, s’érige en classe mondialement dominante en lieu et place de l’oligarchie capitaliste monstrueusement égoïste qui fait mourir autrui pour maintenir sa suprématie économique : le monstrueux projet de Doubaï en est l’exemple le plus navrant.
Les choses sont en effet devenues si graves qu’il nous faut désormais une coopération mondiale réglée, mieux, une co-planification internationale gérant sagement, scientifiquement et démocratiquement la transition environnementale : ce sera indispensable pour permettre à l’humanité de passer le cap de ce XXIème siècle si mal parti. Par ex., la production communiste de l’avenir n’aura pas seulement pour but de satisfaire raisonnablement les besoins humains (les besoins, pas les caprices infantiles des super-nantis « solvables » des centres-métropoles !), notamment ces besoins élémentaires que le capitalisme piétine, y compris en France, pour des masses de gens « insolvables », donc dénutris, mal logés, privés d’eau potable, de soins médicaux, d’instruction, d’électricité, y compris pour la masse croissante des « travailleurs pauvres », mais de produire et de reproduire par tous les moyens scientifiques et techniques déjà disponibles ou à inventer, les conditions environnementales d’une vie digne d’être vécue. Ainsi le communisme de l’avenir ne se conçoit-il pas seulement comme un instrument d’émancipation sociale, mais comme une planche de salut, voire comme un tremplin existentiel pour la survie et le « grand rebond » du genre humain aujourd’hui si menacé. C’est ce que signifie, en profondeur, la devise objectivement anti-exterministe et activement optimiste de Fidel Castro : « le socialisme ou la mort, nous vaincrons ! ».
Au passage, on notera que la société que nous prônons ne signifie pas du tout un retour régressif à la lampe à huile ; au contraire cet avenir vraiment humain, libre et coopératif nécessiterait un grand bond en avant de la recherche fondamentale et appliquée, une nouvelle étape créative et qualitative de la pensée technico-industrielle, de l’urbanisme et de la production agricole, une mise en commun sans précédent des Lumières, de l’instruction publique et de la pensée critique telle qu’en rêvèrent Diderot et d’Alembert au XVIIIème siècle, sans parler des grands scientifiques progressistes que furent par la suite dans notre pays les Pierre et Marie Curie, les Jean Perrin, les Jacques Solomon et Paul Langevin, les Henri Wallon, Lucien Bonnafé et autres Irène et Frédéric Joliot-Curie.
Pour autant, et contrairement à ce que prétendent certains « marxistes » acquis à l’euro-mondialisme dont l’euro-trotskisme rose vif type NPA n’est qu’une variante, cette co-planification mondiale du développement humain ne passera pas par la substitution aux nations existantes, à la salutaire pluralité des langues nationales et à la diversité des cultures si menacée, de l’on ne sait quels « Etats-Unis d’Europe » chers au MEDEF, voire d’une « gouvernance mondiale » blindée d’américanisation linguistique galopante: cet internationalisme immature – en réalité, ce cosmopolitisme bourgeois et/ou petit-bourgeois – conduit en effet trop souvent la fausse gauche « verte », rose vif ou « rouge pâle » à se jeter dans les bras d’Oncle Sam et d’Ursula von der Leyen ! A l’inverse, l’internationalisme prolétarien de nouvelle génération que prône le PRCF n’a d’autre choix, pour isoler puis pour évincer le grand capital pan-destructif, que de s’allier au soulèvement planétaire encore confus, mais puissant et irrésistible à terme (Afrique francophone, Amérique du sud, Asie…) des peuples en lutte pour le droit de décider par eux-mêmes, de produire chez eux ce qui peut l’être, d’accéder eux aussi aux connaissances et aux services fondamentaux (soins, éducation, culture…) du XXIème siècle.
Car pour coopérer efficacement à l’échelle mondiale, il faut d’abord être soi et fabriquer chez soi ce que l’on ne pourrait faire ailleurs qu’en polluant davantage ; c’est vrai aussi pour la France, un pays dont la caste dominante ne peut ni ne veut rompre avec son passé néocolonial abhorré par la jeunesse d’Afrique, mais aussi un pays que ses oligarques, Macronat en tête, dissolvent précipitamment dans l’acide sulfurique de l’Empire euro-atlantiste en construction. Face à l’ « économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée » qui sous-tend la « construction » européenne, avec son lot mortifère de privatisations, de délocalisations, de fusion capitalistiques transnationales, d’américanisation de la langue, d’abêtissement culturel, de délitement sociétal, de fragmentation euro-régionaliste du territoire national, de dé-protection sociale, de fascisation policière et de baisse structurelle des salaires réels (la « baisse du coût du travail », elle aussi orchestrée à Bruxelles), il faut qu’émerge un tout autre projet de développement mondial et national. C’est aux partisans de ce nouveau mode de développement que l’AL.B.A., (l’Alternative Bolivarienne des Amériques initialement lancée par Castro et Chavez) avait donné un signal très prometteur dans les années 2000 avant que la contre-attaque impérialiste des années 2010 ne parvînt à brider provisoirement ce nouvel élan anti-impérialiste et socialisant d’importance mondiale. En somme, il faudrait forger, à l’échelle mondiale l’équivalent de L’Alternative Commune pour la Liberté, l’Egalité et la Fraternité (telle serait « L.A.C.L.E.F. !) s’il est permis de rêver un peu. Non sans travailler parallèlement à la renaissance de l’Internationale communiste s’articulant, sans se confondre avec elle, à la reconstruction du Front anti-impérialiste, contre-hégémonique et anti-exterministe mondial.
Bref, on en revient à cette dialectique du patriotisme populaire et de l’internationalisme prolétarien de nouvelle génération qu’occultent concurremment les euro-mondialistes à la Biden, les euro-nationalistes à la Le Pen, mais aussi hélas l’euro-gauche mollement progressiste, lesquelles devraient toutes méditer le mot de Jaurès :
« l’émancipation nationale est le socle de l’émancipation sociale »,
ou celui de Fidel Castro dont il me faut, dans un sens à la fois patriotique, internationaliste et combativement optimiste, compléter la phrase déjà évoquée ci-dessus:
« la patrie ou la mort (on devrait dire, pour universaliser le propos: LES patrieS ou la mort), le socialisme ou mourir, NOUS VAINCRONS! ».
L’euro-« gouvernance mondiale » du G 7 atlantiste « protégée » par l’O.T.A.N. ne serait au contraire que le diktat déguisé des Etats les plus riches, et loin de fédérer l’humanité, qui n’a jamais été constituée d’ « individus » abstraits et sans attaches, mais de classes sociales, de peuples divers et d’individus sociaux, l’euro-gouvernance atlantiste de la planète ne ferait que la déchirer davantage selon des lignes de fracture Est/Ouest, Nord/Sud, grands pays/petits pays, pays riches exploiteurs/pays pauvres exploités, etc., tout en mondialisant l’anti-modèle américain d’une « gauche » belliciste à la Biden et d’une droite fascisante à la Trump. La coopération internationale et démocratiquement planifiée qu’il nous faudra pour rouvrir à l’humanité un « droit à l’avenir » devra au contraire reposer sur l’affirmation sans complexe de nations libres, égales et solidaires partageant les recherches et se répartissant la production et la maintenance des milieux terriens de manière scientifique et démocratique. Cela suppose la prédominance mondiale d’un nouveau mode de production et d’échange qu’on ne peut guère qualifier autrement que de socialisme-communisme de nouvelle génération, sachant qu’un tel socialisme se devrait d’étudier de près, et non pas de noircir à plaisir, la première expérience mondiale de construction du socialisme telle qu’elle a émergé d’Octobre 1917, de la victoire historique de Stalingrad, des grandes révolutions chinoise, cubaine et indochinoise du XXème siècle en solidarité étroite avec les luttes des prolétaires et des communistes occidentaux, dont celle des communistes français. Or les bases socioéconomiques et socioculturelles d’une possible victoire populaire, non seulement sur l’impérialisme en général et sur l’hégémonisme euro-atlantiste en particulier, mais à terme, sur le capitalisme hyper-prédateur lui-même, existent bel et bien. En ce moment même, les cinq pays fondateurs des BRICS viennent de doubler ceux du G7 sur le plan du PIB et ils cherchent à mettre en place des moyens monétaires leur permettant de contourner le dollar, base matérielle de l’unilatéralisme américain, dans les échanges internationaux. Au moment où nous terminions cet entretien nous apprenions l’élargissement à onze du Forum des BRICS, même s’il est évident que cet élargissement ne sera pas sans poser certains problèmes. Par ailleurs, une bonne partie de l’Afrique francophone se soulève contre ce que sa jeunesse rebelle prend parfois pour « la France » (c’est compréhensible mais triste pour ceux qui tiennent à la France et à la Francophonie, notre bien commun) et qui n’est que l’anti-France des manitous du CAC 40, de Bolloré et de Macron. Ces dernières années, on a assisté partout (Inde, Grande-Bretagne, France voire U.S.A., car il existe aussi une belle Amérique du prolétariat…), aux plus grandes grèves prolétariennes et paysannes depuis le tournant virage réactionnaire des années Pinochet-Reagan-Thatcher, eux-mêmes flanqués de l’hyper-pantin Gorbatchev et des micro-pantins Hue et consorts. La messe de requiem n’est donc pas dite pour l’humanité, même si le danger est pressant, et il faut tenir fortement compte que la majeure partie des humains est composée de jeunes qui n’ont envie, ni de moisir ni de mourir. Il est donc encore possible d’isoler le grand capital et de le vaincre mondialement et/ou pays par pays. A condition bien sûr de s’engager, de soutenir franchement les efforts des militants marxistes-léninistes, notamment du PRCF, pour reconstruire les outils politiques, idéologiques et syndicaux révolutionnaires, en un mot, de « ne pas attendre tranquillement assis de voir passer devant sa porte le cadavre de l’impérialisme« , comme le disait jadis à juste raison Ernesto Guevara.
1) Pour autant, l’auteur ne réclame aucune censure à l’encontre des citoyens « climato-sceptiques » car on ne sait que trop qui la manierait et dans quels buts fascisants !