Il ne faut pas se leurrer : après soixante-dix-neuf ans, les seuls restes qu’il est possible de trouver dans ces lieux sont les objets métalliques que ces soldats portaient sur eux. L’espoir, qui est aussi notre espoir, est que ces objets permettront d’identifier leurs propriétaires et qu’ils pourront ainsi être rendus à leurs familles.
- A lire :
Nous sommes sereins ; nous pensons que cette restitution sera un progrès vers l’amitié pacifique et pacifiste à laquelle aspirent ensemble les peuples allemand et français.
Mais voilà que la réaction prend prétexte de cette recherche pour relancer sa haine de la Résistance !
Je viens en effet de lire dans un hebdomadaire corrézien un article à ce point pétri d’hypocrisie, d’ignorance et de haine contre la Résistance que j’en viens à douter de la foi chrétienne des propriétaires et du rédacteur en chef de cette publication !
Cet article expose d’abord plus que sommairement les évènements de juin et juillet 1 944 en Corrèze ; il brosse ensuite un portrait de l’« épuration d’après-guerre » dont le seul argument est la citation bien connue d’Albert Camus qui date d’août 1 945 : « l’épuration en France est non seulement manquée mais encore déconsidérée, la chose est devenue odieuse » ; mais la signification de cette citation n’est même pas interrogée ; très curieusement, cet article ne mentionne pas le livre la non-épuration en France pourtant richement documenté par Madame Lacroix-Riz, professeur émérite d’histoire contemporaine à l’Université de Vincennes-Saint-Denis ; en somme, ce portrait de l’épuration d’après-guerre est totalement dénué de preuves et ne témoigne d’aucun souci de justice : il ne sort pas de l’habitude que nous en avons depuis 1 948.
Cela fait, cet article reprend l’accusation de Madame Sicard-Roussarie contre ce qu’elle appelle « la Corrèze obscure des années 44 à 46 » dont, selon elle, « la mémoire est déformée par la haine, l’esprit de vengeance, la mauvaise conscience, voire le déni ».
Ayant posé a-priori ces principes comme fondant toute vérité, elle et sa partenaire Madame Lagrange s’étonnent des réactions de certaines associations mémorielles, qu’elles ne nomment d’ailleurs pas : les réactions de ces associations leur semblent « teintées de violence, de mauvaise foi, de mépris du contexte, d’agressivité et de culture du silence » au point que nos deux « chercheuses » se demandent pour quelles raisons « elles refusent d’examiner les faits avec objectivité, au nom d’une mémoire qui serait salie simplement par leur évocation ! »
En vérité, nos deux chercheuses, et avec elles la journaliste signataire de l’article, font comme si elles ignoraient totalement la documentation rendue publique depuis la Libération par de nombreux historiens qui ont passé de longues heures à étudier de façon approfondie les documents laissés dans les archives par les acteurs de ces évènements : ils ont notamment étudié les archives de l’ennemi, je veux dire celles de la Wehrmacht et celles des grandes unités SS ; ils ont recherché aussi les témoignages et étudié ceux auxquels ils ont pu accéder…
Faire semblant d’ignorer ces travaux d’historiens est bien commode : cela permet de ne pas discuter de leur conduite et de leurs conclusions ;… mais refuser ainsi de discuter n’est pas une attitude d’historien !…
Cet article haineux, qui refuse la contradiction, apporte-t-il du moins un argument factuel nouveau ? Au contraire, il est rédigé de manière à occulter des fait connus et importants :
- d’abord la présence active de la division SS Das Reich en Corrèze pendant toute cette affaire ( ce n’est qu’un ou deux jours après l’exécution des prisonniers allemands de la Résistance qu’elle a reçu l’ordre de faire mouvement en direction de la Normandie ) ;
- la présence dans les sous-sols de l’ancienne Ecole normale de Filles d’un local affecté à la Gestapo et aménagé par elle pour y pratiquer des interrogatoires, des tortures et détenir des prisonniers ; que ces prisonniers ont été libérés d’abord et séparément des soldats ;
- le fait que dans le groupe de la cinquantaine d’Allemands qui se rendaient ensuite, il y avait une femme et qu’elle a été faite prisonnière en même temps qu’eux : c’était une gestapiste ;
- le fait que cette femme, française ou allemande, était membre des forces armées de l’ennemi : il était juste de la traiter comme les soldats allemands l’ont été ;
- la proposition faite par les résistants aux Allemands de se joindre à eux pour se battre contre les troupes de l’Allemagne hitlérienne ;
- le fait que six ou sept Tchèques et Polonais, recrutés par la Wehrmacht dans les territoires annexés en 1939-40, ont accepté cette proposition et ont ensuite combattu dans les rangs de la Main d’Œuvre immigrée (MOI) ;
- le fait que la guerre est la négation de tout droit : lorsqu’elle fait rage, comme c’était le cas en Corrèze jusqu’à ce qu’à la fin du mois d’août 1 944, les Allemands soient chassés du département, aucun procès ne peut régler les conflits opposant d’une part les ennemis et leurs affidés collaborateurs locaux et d’autre part ceux qui ont pris les armes pour défendre leur territoire, leur pays, leurs familles, et qui défendent leurs vies contre cet ennemi supérieurement armé qui patrouille le territoire à leur recherche pour les tuer : les résistants ne peuvent éviter la mort qu’en tuant ces ennemis.
Non, les historiens qui ont étudié les archives et les témoignages n’ont pas cultivé la haine, l’esprit de vengeance, la mauvaise conscience ni le déni !
Même partielle, la citation d’août 1 945 d’Albert Camus derrière laquelle cet article se réfugie nous dit autre chose : « l’épuration en France est manquée et déconsidérée » : c’est une invitation à ne pas en rester là, renforcée par une autre citation concernant la même période : « En ce temps, là, pour ne pas châtier les coupables, on outrageait les femmes : on allait même jusqu’à les tondre ! » C’est une proclamation douloureuse de la nécessité de poursuivre les coupables et de les châtier sans se laisser arrêter par les excès que l’on constate, et dont il faut aussi poursuivre les vrais coupables.
Car les vrais coupables ont échappé aux poursuites, comme le prouvent les documents mis au jour par les recherches historiques d’Annie Lacroix-Riz !…
Quant aux associations mémorielles, ce que refusent l’ANACR, le Collectif Maquis de Corrèze et beaucoup d’autres de nos concitoyens dont les communistes, c’est de reprendre l’examen des évènements de la Libération en tenant pour nuls et non avenus les témoignages sincères et les travaux des historiens publiés au cours des huit décennies qui ont suivi.
De tout cela ressort que les travaux de Madame Sicard-Roussarie sont négationnistes, que sans doute Madame Lagrange et l’auteure de l’article de La Vie Corrézienne en sont complices. Le 11 septembre 2 023 : Jean-Pierre Combe