Une délégation du PRCF42 s’est rendue sur le piquet de grève de Mecacentre à Saint-Etienne, où ils ont rencontré Nordine , délégué syndical CGT, pour nous parler du mouvement de grève et d’occupation en cours. L’usine et ses 178 salariés sont en grève depuis le 3 octobre
Mecacentre c’est une usine de l’équipement automobile allemande ZF PWK. l’usine fabrique par forgeage à froid des composants de pièces de chassis (notamment des rotules de directions. Leur actionnaires a décidé cet été de ne plus apporter de fond, mettant l’usine en cessation de paiment. Les ouvriers sont pret à aller en Allemagne, chez les patrons donneurs d’ordre, pour aller se faire entendre. Ils ont lancé une demande à la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, pour qu’elle les accompagne. Est il nécessaire de rappeler que l’outil de production de Mecacentre est une usine performante et que l’actionnaire principale est très largement bénéficiaires ? D’ailleurs l’usine de boite de vitesse d’Andézieux Bouthéon employant 330 personnes est également en vente. L’enjeu ici c’est de gonfler encore plus les profits des actionnaires, mais aussi de s’en prendre une fois de plus à l’outil industriel dans le bassin stephanois et en France. Loin des promesses de réindustrialisation, c’est en-effet à la poursuite du plan de fermeture des usines et du produire en France qui se poursuit, en particulier dans le secteur automobile qui est avec l’aéronautique le poumon industriel de la France. Fermeture en chaine des fonderies, de la Française de Mécanique principale usine de moteurs c’est bien une liquidation qui est en cours.
Partout en France l’industrie du pays subit la casse sociale et productive favorisée, encouragée et, si nécessaire, imposée par l’Union européenne capitaliste et supranationale et mise en pratique par des patrons voyous que notre pays n’intéresse plus, quitte à sacrifier les emplois de milliers de travailleurs.
Mais les batailles pour les salaires, pour le maintient de l’outil industriel ou pour les supralégales, par la grève et le rapport de force, se multiplient en France malgré le silence assourdissant des médias des milliardaires.
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Est-ce que tu peux te présenter ?
Je m’appelle Nordine, je suis délégué syndical CGT depuis une bonne vingtaine d’années.
Tu peux nous parler de la situation de Mecacentre ?
L’entreprise a été mis en redressement judiciaire depuis le 7 juillet. Et on nous a accordé jusqu’au 25 octobre 2023 pour trouver un repreneur. Donc au départ on était parti en grève quatre jours, on a repris le boulot pour jouer le jeu du repreneur. On voulait pas noyauter leur négociation à eux. Donc on a laissé la place à un repreneur. Il y a eu une discussion, avec un repreneur potentiel brésilien, qui n’était pas terrible, et puis qui n’était pas bien clair. Donc il a retiré ses billes, parce que son offre ne tenait pas la route. Même le groupe ZF n’en voulait pas, et au CSE on a donné un avis défavorable.
L’administrateur l’a refusé aussi. On s’est donc retrouvé sans repreneur. Mais entre-temps, on négociait une prime supra-légale entre avocats interposés. Et nous on était au départ sur une base de 40 000 euros par salarié et 2000 euros par an d’ancienneté. On a regardé ce qui se faisait dans les grosses entreprises, on s’est basé dessus. Le groupe ZF nous a fait une offre ridicule au départ de 4 millions d’euros. Alors que notre revendication est à peu près à 13,8/14 millions d’euros. Loin du compte. Ils nous ont fait une offre 15 jours après à 5 millions d’euros, ils n’ont pas fait d’efforts. C’est ce qui a déclenché le mouvement de grève et l’occupation.
À ce moment là ils nous ont en plus fait du chantage, que si on refusait leur offre et qu’on se mettait en grève ils arrêtaient les négociations. Alors que le droit de grève, c’est un droit, demain les gens ils sont à la rue. C’est le seul outil qu’on a, la grève et occuper l’usine. Donc pour l’instant on est en grève et occupation illimitée. On va essayer de mettre pression aux actionnaires. On a l’intention d’aller en Allemagne1dans deux ou trois bus pour mettre la pression. On mettra en place toutes les actions possible pour obtenir gain de cause.
Personnellement, un repreneur j’y crois pas trop, même si on a jusqu’au 25 octobre 2023 parce que le jugement est le 25 octobre 2023. Je crois davantage qu’il faut se battre sur la supralégale, c’est malheureux à dire mais au niveau de l’emploi, il n’y a plus d’espoir. On est une grosse majorité à être syndiqué, ils ne nous veulent plus, ils préfèrent aller en Allemagne quitte à payer plus cher. C’est un choix stratégique.
Après, il n’y a pas le risque, ce qu’ils font régulièrement, de reprendre l’usine et de déménager les machines à l’étranger puis fermer?
La fermeture d’entreprise est planifiée depuis 10 ans, au moins 10 ans. Depuis la joint-venture en 2011 avec PWK, ils avaient déjà préparé de vendre à PWK au cas où, mais comme PWK a pas tenu la route, ils sont en redressement judiciaire aussi.
C’est quoi cette histoire avec PWK, exactement ?
C’était notre deuxième actionnaire, PWK, c’était en 50-50, mais ils sont en redressement judiciaire aussi, ils sont mal niveau économique. Donc il y a toujours une joint-venture, mais ils ne donnent plus rien. On ne compte plus sur eux, donc on compte que sur ZF, et puis la lutte. J’espère que la caisse de solidarité sera importante parce que le nerf de la guerre ce sont les salaires. Plus on arrivera à payer les salaires plus le mouvement pourra durer. Toutes les boîtes, c’est le même combat.
De plus je pense qu’ils nous font payer, on a une entreprise qui au niveau des salaires est exemplaire dans la région. On s’est battu, ils ont obtenu plus de 45% d’augmentation dans les 15 ans depuis que je suis délégué. Nous, chaque année, c’était 4%. C’est ou une grève, ou on négociait et on obtenait. Il y a le PSE (Plan de sauvegarde de l’emploi) de 2010 qui leur reste en travers. On a fait annuler un PSE quand même en 2010, c’est unique ça. Une entreprise qui cède sur un PSE, je ne connais pas à part Mecacentre. Donc maintenant je pense qu’ils nous font payer. Ça leur reste à travers la gorge, les salaires, et ça. Parce que 14 millions d’euros pour le groupe ZF, c’est rien. C’est un groupe qui fait 43 milliards de chiffres d’affaires en 2022 et 2 milliards de bénéfices après impôts. Donc c’est pas une question de pognon, ils ont les moyens, pour eux, c’est une goutte d’eau. C’est juste un choix, ils ne veulent pas, c’est tout, ils ne veulent pas céder. En plus, on a un stock de pièces, ils disent qu’ils n’en ont pas besoin mais on a presque 5 millions de pièces à droite à gauche, 5 millions ! Ils les ont pas commandé pour les jeter à la poubelle. Ils ne veulent pas nous le dire pour l’instant, mais je pense qu’ils sont coincés. Moi je leur ai demandé de se remettre autour d’une table, qu’on négocie la supralégale et après qu’on négocie la fin de la production. On la fera la fin de production, à condition qu’on aille sur la supralégale, un accord intéressant pour tout le monde. Et qu’on parte tous la tête haute, les salariés et le groupe. Ils ont dit qu’ils voulaient être raisonnable le groupe ZF. Je les met au défi de l’être. Allez au bout, voilà. Maintenant la lutte continue !
Effectivement, on est quand même dans une dynamique où il y a une désindustrialisation, et une casse de la qualité de l’emploi, tu vois ce qu’il se passe sur les autres boites de la région ?
Dans la région, on a demandé un rendez-vous avec le préfet en urgence, on est pas les seuls, il y a Dura qui vont très mal, il y a Comefor, on ne sait pas où ils vont, il y a Castmetal à Feurs, on ne sait pas où ils vont non plus, il y a une casse industrielle énorme. Là, je pense qu’il y a un truc qui se prépare dans un an ou deux, ça va être très dur et c’est maintenant qu’il faut se battre, ce ne sera pas dans deux ans, ce sera trop tard. Il faut alerter les préfets. Nous, ils ont eu des aides quand même, quand ils ont acheté Meca 2 il y a 20 ans, ils ont eu des aides de la région, et dernièrement on a vu du chômage partiel, on a chômé, c’est des aides de l’État quand même qui pallient alors que le groupe fait des bénéfices.
Dans cette histoire où il y a potentiellement repreneurs ou pas, est-ce que les repreneurs ne profitent pas d’aides pour le maintien de l’emploi pour finalement liquider derrière ?
En fait je pense que le repreneur c’était du pipeau, il y avait un repreneur brésilien qui voulait sauver 49 emplois, Sur 178, c’était pas raisonnable.
Tu la fais tourner la boite avec 49 travailleurs ?
Non c’était ridicule. Là, c’était dans 6 mois, la boîte fermait. Et l’autre, il reprenait les locaux et ainsi de suite. Et l’affaire était réglée, c’était pas sérieux. Nous ce qu’on veut, c’est une offre sérieuse, mais je pense que le groupe ZF n’en veut pas. Ils ont l’intention de fermer. Mais qu’ils assument leur rôle. Si ils veulent fermer, ils vont sur la supralégale. Au moins les gens, ils partent dignement avec une somme qui pourrait au moins leur permettre de rebondir. Ils perdent leur boulot quand même ! Même si ils ont une bonne somme, ils n’ont plus de boulot demain. Là, les salariés sont à bout, ça faisait un moment que dans l’entreprise il n’y avait pas de boulot. On tournait à 20 ou 30%, ça tourne en rond. Il n’y a même pas de charge de travail. C’est peut-être voulu aussi.
Et sur le terrain comment ça se passe ? Il y a du monde qui vient soutenir ? Vous avez des actions prévues ?
Franchement, depuis mardi, il y a une solidarité énorme au niveau des salariés de l’extérieur. Il faut que ça continue. Donc on va mettre en place pas mal d’actions. Et on verra ce que ça donne. On demande surtout de la solidarité de toutes les entreprises avec nous, avec d’autres boîtes. surtout nous parce qu’on est les premiers. Et après, je pense qu’il y en a d’autres pour ça, il faudra être solidaires je pense.
On a intérêt à construire un mouvement maintenant.
Un bon mouvement voilà, unitaire. Mais bon, ils seront déterminés, je pense qu’on ira à ce combat !
Merci Nordine pour cette entrevue
1 au siège sociale de ZF
2 Une joint-venture se produit lorsque des entreprises décident de mutualiser leurs technologies ou leurs ressources à travers une société commune. La plupart des alliances technologiques ou industrielles se traduisent par la création d’une co-entreprise dont le capital est réparti à 50/50. Les actionnaires partagent le risque et les profits en cas de réussite du projet économique.
3 Plan de sauvegarde
- le helloAsso de la CGT ZF PWK Mecacentre : https://www.helloasso.com/associations/syndicat-cgt-zf-pwk-mecacentre
Reportage dans la presse locale