Fondée par Lénine, Zetkin et quelques autres dirigeants socialistes restés fidèles au à l’internationalisme prolétarien, l’Internationale communiste (le « Komintern » selon l’acronyme russe) a animé les luttes anticapitalistes, antifascistes et anti-impérialistes du monde entier de sa fondation en 1919 à sa dissolution en 1943 (la question de savoir s’il s’est alors agi d’une décision heureuse des partis communistes nationaux sort des limites de cet article). En particulier le Komintern a largement impulsé la création des Parti Communistes nationaux, dont celle du PCF au Congrès de Tours, et celle des mouvements anticolonialistes du monde entier. Grâce à la Troisième Internationale communiste, les mouvements marxistes souvent embryonnaires de cette époque n’étaient-ils pas totalement isolés à l’international quand ils affrontaient à mains nues, et la plupart du temps sans armes, sans argent et souvent, sans formation théorique ni savoir-faire organisationnel, des Etats réactionnaires expérimentés, surarmés et internationalement interconnectés de leurs pays respectifs: telle est en effet de tous temps la fonction de l’avant-garde, qu’elle soit nationale (le parti communiste de chaque pays, du moins quand il n’a pas trahi son nom…) ou internationale : produire des analyses scientifiques, éclairer le chemin, aider pratiquement, former des cadres, coordonner l’assaut contre un ennemi de classe qui sait fort bien que la division et l’ignorance du prolétariat et des peuples opprimés sont son atout principal. Bref, faire vivre le mot d’ordre de Marx et d’Engels complété en 1919 par Lénine « Prolétaires de tous pays, peuples opprimés du monde entier, unissez-vous! ».
Et voilà qu’aujourd’hui, en période de mondialisation néolibérale, en pleine contre-révolution anticommuniste continentale, en pleine « construction » euro-atlantique destructrice des conquêtes sociales et des souverainetés nationales, en pleine euro-fascisation négatrice des libertés, en pleine remontée paneuropéenne des nostalgiques d’Hitler, Bandera et Mussolini, en pleine marche impérialiste vers un « conflit global de haute intensité » (dixit le chef d’état-major de l’armée française!), en pleine trahison de la classe laborieuse par la social-eurocratie confortée par l’euro-syndicalisme jaune et par l' »eurocommunisme » rose pâle, mais aussi… en plein rebond des grèves et des soulèvements ouvriers (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Québec, Inde, Bangladesh, Mexique, France…), en pleine contestation planétaire du suprémacisme étatsunien et du néocolonialisme français, en pleine socialisation des forces productives à l’échelle planétaire, en pleine demande pressante d’un nouveau monde solidaire émanant de milliards de jeunes épris d’écologie, les mouvements populaires les plus prometteurs doivent combattre chacun pour soi tandis que les P.C. restés fidèles au léninisme affrontent pays par pays le rouleau compresseur continentalisé de l’anticommunisme (Hongrie, Pays baltes, Ukraine…). Heureux si, comme en Inde, les prolétaires en grève peuvent compter sur des P.C. restés fidèles à l’emblème ouvrier et paysan, et tant pis pour ceux qui, sous d’autres cieux, doivent lutter sans parti marxiste-léniniste de combat, sans syndicats de classe et sans boussole marxiste-léniniste. S’ils ne sont pas écrasés par l’ennemi, ils deviendront alors la proie facile de réactionnaires « populistes » dévoyant leur lutte, au choix, vers l’intégrisme religieux, vers le néofascisme raciste, vers les régionalismes tribaux, vers la « guerre des sexes »: bref, vers tout ce que les « élites » inventent en permanence pour expédier les dominés en colère dans les culs-de-sac idéologiques de la division : on l’a vu il y a quelques années avec le « Printemps » arabe exploité par la CIA pour subvertir les Etats du Sud qui lui résistaient; on le voit en ce moment, entre cent exemples, avec la montée des extrêmes droites en Europe (tout récemment encore en Hollande!) ou avec la toute récente élection du libéral-fasciste argentin Javier Milei, cet ennemi acharné des classes populaires qu’elles ont néanmoins fini par élire pour chasser à tout prix la classe politique argentine discréditée).
Or non seulement l’Internationale Communiste n’existe plus, non seulement nombre de partis communistes continuent d’expliquer que c’est très bien ainsi (sans examiner ensemble, et sans a priori, le bilan historique en longue durée de cette dissolution…), mais le Mouvement communiste international ne cesse de se fragmenter: sur sa droite, il est plombé par le « Parti de la gauche européenne » (auquel est affilié le PCF) qui ment aux syndicalistes en leur expliquant qu’on peut « réorienter la construction européenne dans un sens progressiste » (alors qu’elle a été construite de A à Z pour prohiber le socialisme!), et sur sa « gauche », du moins en apparence, le MCI est plombé par d’incurables sectaires opposant le communisme international potentiellement renaissant aux larges mouvements de masse anti-impérialistes et/ou contre-hégémoniques qui pourraient mettre à mal la suprématie mondiale des U.S.A….
Bref, n’est-il pas temps, en France, en Europe et dans le monde, de s’interroger sérieusement sur les conditions, les outils et les formes d’un internationalisme communiste de nouvelle génération objectivement plus vital que jamais? Par exemple, en méditant pour commencer la pertinence du mot d’ordre: communistes, marxistes-léninistes, anti-impérialistes du monde entier, unissons-nous !
Georges Gastaud