Il y a tout juste un mois nous montrions cartographie interactive l’ampleur des destructions causés par les bombardements israéliens contre la bande de Gaza. Des bombardements massifs et manifestement indiscriminés puisqu’ils frappaient déjà plus du quart de la population civile.
Alors qu’Israel a relancé sont entreprise de destruction massive, mettant fin à la trêve et refusant le cessez le feu ordonné par l’Assemblée Générale de l’ONU, c’est déjà plus de 15 000 palestiniens dont un grand nombre d’enfants qui ont été tués dans les bombardements. Au moment où l’hiver s’installe, les deux millions de palestiniens de Gaza se retrouvent sans abris, sans ressource et sans les éléments de nourritures et de soin essentiel pour survivre. L’ONU estime le nombre de déplacées à 1,7 millions de civils.
Dans une analyse actualisée au 2 décembre 2023, la BBC – principal média audivisuel britannique dépendant donc d’un gouvernement allié de celui du régime de Tel Aviv – décompte la destruction de 100 000 batiments à Gaza sur la base de nouvelles analyse d’images satellites.
Il convient de souligner que les fournisseurs d’images satellites américains ont délibéremment choisi de priver les médias et ONG de l’accès à des images satellites permettant de mesure l’ampleur du conflit. Ceux là même qui lorsqu’ils s’agit de la guerre en Ukraine n’ont eu de cesse que d’alimenter en image la soit disant « informations en sources ouvertes ». En vertu de l’Amendement Kyl-Bingaman (KBA), adopté dans la NDAA de 1997, les entreprises américaines ne peuvent pas diffuser d’images d’Israël avec une résolution plus élevée que celle distribuée par entreprises non américaines. Le fournisseur européen Airbus n’a publié tout simplement aucune image de Gaza. Démontrant ainsi qu’il ne s’agit pas là de sources d’information fiable et indépendante, mais appartenant bien à l’appareil de guerre, militaro informationnel, du bloc impérialiste euro atlantique. En conséquence, les seuls images satellite généralement exploitées sont les images du système européen copernicus, qui sont de faible résolution (une dizaine de mètres).
Les images satellite commandées par la BBC révèlent l’étendue des destructions à travers Gaza, montrant que près de 98 000 bâtiments pourraient avoir été endommagés.
Les images satellite ont été prises le jeudi 30 novembre, avant le début d’e la trêve de sept jours, désormais terminée avec la reprise des bombardements massifs par l’armée de Tel Aviv.
Des images de drones et des vidéos vérifiées montrent également des bâtiments et des quartiers entiers réduits en ruines après les frappes aériennes israéliennes et les combats sur le terrain.
La carte suivante figure en rouge les zones détruites, les zones en gris représentent les zones bâtie non directement endommagées.
Alors que le nord de Gaza a été au centre de l’offensive militaire israélienne et a supporté l’essentiel des destructions, les dégâts s’étendent à toute la bande
Contrairement à la propagande diffusée par le régime Netanyahu et son armée, si les destructions sont massives dans le nord de la bande de Gaza, elle frappe également le sud de l’enclave, au delà du Wadi Gaza. Les analyses des images satellites révèlent ainsi 98 000 bpatiments endommagés, d’après l’analyse de données compilée par Corey Scher du Graduate Center de la City University de New York et Jamon Van Den Hoek de l’Oregon State University. Elle repose sur la comparaison de deux images distinctes, révélant des changements dans la hauteur ou la structure des bâtiments suggérant des dommages.
Au nord les villes de Beit Lahia et Beit Hanoun rasés
après avoir été l’objet d’un tapis de bombes, lancée par l’aviation mais aussi l’artillerie, les deux villes ont été démolies. Les bulldozers ont même commencé à effacer les décombres en traçant des routes et des déblais, mais aussi des fortifications pour l’armée d’occupation israélienne.
Beit Hanoun
Le camps de réfugié de Shati, sur la cote nord de Gaza est un autre exemple tragique de destruction massive
Des destructions massives visent le sud de Gaza démontrant les mensonges du régime israéliens
C’était la base de la rhétorique et du bourrage de crane mené par le régime israéliens : l’armée israélienne ménerait des combats dans les règles de la guerre puisque les palestiniens seraient prévenus des frappes dans le nord de l’enclave, alors que le sud serait préservé et serait une zone sûre. Outre le fait que l’ampleur des destructions, y compris les hopitaux, les écoles et même les bâtiments de l’ONU, dans le nord démontre que c’est bien les populations civiles qui sont frappées de façon indiscriminée, alors que le déplacement forcé de population civile relève du crime de guerre, les images satellites montrent de façon évidente que le sud de Gaza est aussi la cible de bombardements massifs.
Face aux bombardements suivant les menaces de l’armée israélienne, ce sont des centaines de milliers de civils palestiniens qui s’entassent pourtant dans le sud de Gaza. Où ils sont pourtant ciblés par les bombardements israliens qui frappent également massivement Deir Al Balah, Khan Younis et Rafah. A Khan Younis, plus de 15% des bâtiments ont ainsi été détruits par les bombardements.
La moitié des bâtiments de Gaza détruits
Un projet d’analyse cité dans plus de 120 articles de presse a révélé qu’Israël pourrait avoir endommagé ou détruit plus de la moitié de tous les bâtiments du nord de Gaza à la mi-novembre. Plutôt que d’utiliser des images optiques, l’évaluation s’appuie sur des données radar satellitaires accessibles au public et sur un algorithme spécialement développé pour déduire les dommages aux bâtiments. La méthode, développée par Corey Scher, titulaire d’un doctorat. candidat à la City University de New York et Jamon Van Den Hoek, professeur agrégé de géographie à l’Oregon State University, est une solution scientifique créative qui aide les journalistes et le public à percer le brouillard du conflit. Scientific American s’est entretenu avec Scher et Van Den Hoek pour en savoir plus sur leur travail et les défis liés à la mesure du véritable impact de la guerre moderne.
[ Une traduction d’extraits de l’entretien publié par SCIAM suit : https://www.scientificamerican.com/article/inside-the-satellite-tech-revealing-gazas-destruction/ ]
Qu’a révélé jusqu’à présent votre analyse dans la bande de Gaza ?
JAMON VAN DEN HOEK : Tous les cinq ou six jours depuis le début de la guerre, nous avons collecté des données radar satellite et les avons traitées… pour révéler les dommages probables aux structures. Nous partageons ces images avec des journalistes et des humanitaires. Il y a deux semaines, c’était la première semaine où nous avons commencé à voir nos estimations supérieures montrant qu’environ 50 pour cent des structures dans le nord de Gaza sont probablement endommagées.
COREY SCHER : Nous avons constaté un schéma de dégâts presque métastatique dans tout le nord de Gaza. Si vous regardez chaque pas de temps, vous verrez un petit groupe de dégâts, puis il deviendra de plus en plus gros, puis d’autres petits groupes apparaîtront, puis ceux-ci grandiront. Il s’est révélé un rythme saisissant quant à l’ampleur des dégâts au fil du temps, notamment au nord mais aussi au sud.
Comment utiliser le radar pour évaluer les dommages aux bâtiments ?
SCHER : Le radar éclaire une région avec des micro-ondes. Les capteurs de la constellation de satellites Sentinel-1 sur lesquels nous comptons collectent des données à environ 700 kilomètres (435 miles). Le front d’onde radar quitte chaque satellite de la même manière qu’un flash d’appareil photo quitte un appareil photo. Ensuite, il rebondit dans une région et renvoie au capteur. Ces échos sont sensibles à la structure et à la disposition des objets à la surface de la Terre.
La première étape consiste à obtenir une base de référence. Nous analysons des piles denses de données radar satellite acquises sur de longues périodes pour classer les parties d’une image comme stables. La deuxième étape consiste à surveiller les régions que nous avons précédemment classées comme stables à la recherche de signaux de déstabilisation. Nous avons ensuite développé un modèle statistique pour classer les dommages potentiels.
Qu’est-ce qui vous a poussé à développer cette technique et à évaluer ces données ?
VAN DEN HOEK : Nous travaillons depuis longtemps sur le thème de l’utilisation de l’imagerie satellite pour comprendre les effets des conflits armés. Notre motivation vient du souci du sort des personnes vulnérables soumises aux caprices des décisions des gouvernements. Nous avons travaillé dans de nombreux contextes et conflits différents. À chaque instant, c’est par souci du sort de l’humanité touchée par les actes de guerre. Nous cherchons également à mieux comprendre comment se déroule la guerre.
SCHER : Démocratiser l’accès à l’information est une autre motivation majeure derrière ce travail. En nous appuyant sur des données ouvertes, nous pouvons apporter un niveau de transparence et de cohérence à l’analyse des conflits.
VAN DEN HOEK : C’est vrai. De nombreux conflits antérieurs ont été occultés. Mais nous disposons désormais des bases scientifiques pour le faire, de l’accès aux données et de la volonté de les analyser. Nous n’avons pas besoin d’attendre des décennies pour obtenir des informations précises. Nous faisons cela pendant la guerre en temps réel.
Les fournisseurs commerciaux de données satellitaires ont également imposé certaines restrictions sur les images satellite optiques de Gaza, n’est-ce pas ?
VAN DEN HOEK : Dans le conflit actuel à Gaza, des rapports fondés font état d’embargos sur les images. C’est probablement parce qu’il existe des problèmes de sécurité, peut-être liés aux formations de troupes ou à quelque chose qui aurait une valeur en matière de renseignement. Ces images sont donc extraites, ce qui signifie que les organisations humanitaires qui s’appuient sur des images visuelles haute résolution ne disposent pas de ces données [aussi rapidement].
Dans notre approche, nous n’avons pas à nous soucier de cela car tout est en libre accès. Et les données dont nous disposons peuvent être librement partagées, ce qui n’est pas le cas de l’imagerie commerciale.
Craignez-vous que vos images deviennent un risque pour la sécurité ?
VAN DEN HOEK : Je ne pense pas que cela va arriver. Il n’y a aucun précédent à cela.
SCHER : Nous sommes limités dans la fidélité spatiale de ce que nous pouvons détecter. Certains de ces détails plus sensibles que vous pourriez repérer dans une image optique satellite d’une résolution de 30 centimètres [sont quelque chose] que nous n’avons pas avec la résolution de 10 mètres du capteur que nous utilisons.
Vous mentionnez l’Ukraine. Pouvez-vous nous parler un peu des autres endroits où vous avez déployé cette méthode d’analyse de données satellite ?
SCHER : Nous travaillons depuis quelques années en Ukraine. L’algorithme y est un peu différent de celui que nous utilisons à Gaza en raison des différences climatiques, mais aussi simplement en raison de la taille de l’Ukraine et de la durée beaucoup plus longue du conflit. Nous avons également appliqué récemment des méthodes similaires pour surveiller les impacts du conflit au Soudan.
Qu’est-ce que les gens devraient comprendre d’autre à propos du travail que vous faites ?
VAN DEN HOEK : On pense souvent que les images satellite sont objectives et qu’elles montrent toute la vérité, mais ce n’est pas le cas. Quelle que soit l’image que vous voyez, elle est la conséquence de décisions subjectives prises par une certaine personne pour analyser les données pour un certain type d’application.
Une image est limitée. Que s’est-il passé cinq minutes auparavant ? Que s’est-il passé la veille ? Vous pouvez prendre une photo de votre appartement, mais est-ce là toute la vérité sur votre appartement ? Vous venez peut-être de nettoyer, ou il est peut-être totalement détruit après le dîner de Thanksgiving. Le monde change. Et dans une situation de conflit, la situation change vraiment rapidement et de manière très extrême.
Nous aurions pu simplement utiliser une image au début de ce conflit, puis une image à la fin de ce conflit et faire une comparaison avant et après. Bien sûr, c’est utile, mais nous aurions alors tout perdu entre les deux. Nous n’aurions aucune idée du processus. On n’aurait aucune idée du rythme des dégâts.
Même avec les données dont nous disposons, nous ne savons rien de ce qui se passe au niveau humain. Nous ne savons rien de ce qui se passe à l’intérieur ou sous terre. Nous ne savons pas ce qui arrive à l’atmosphère avec la quantité incroyable de polluants produits.
Nous avons déjà utilisé cette analogie : les images satellites sont un prisme qui améliore et déforme. Il n’est pas possible d’obtenir tout cela dans une seule image ou via une seule méthode. Pour comprendre les changements paysagers, les déplacements ou les pertes économiques potentielles, une image satellite n’est que la pointe de l’iceberg.
Que signifie pour votre travail le fait de ne pas pouvoir proposer d’images objectives ?
VAN DEN HOEK : Bien que nous prenions des décisions dans notre analyse, nous nous efforçons de garantir la neutralité et la transparence.
Ce qui a été encourageant au cours des dernières semaines, c’est que les gens de toutes les parties au conflit regardent les mêmes cartes. Le fait que tout le monde fasse référence à quelque chose dans un espace partagé est essentiel à toute sorte de consolidation de la paix ou à toute sorte de capacité à avancer et à s’entendre sur les faits. Nos images ont été diffusées sur la Douzième chaîne d’informations israélienne et sur Al Jazeera. Ils en parlaient tous les deux. C’est puissant. C’est un nouveau type de – je ne dirai pas la vérité – mais c’est un accord d’approximation de la réalité.