Nous publions ci-dessous un article du camarade Fodé Roland Diagne à propos du renouveau des luttes ouvrières dans le monde. Il a raison de souligner, comme le PRCF l’a du reste fait plusieurs fois dans Initiative Communiste qu’après le coup de massue qu’avait reçu le Mouvement ouvrier international suite à la contre-révolution à l’Est, le prolétariat mondial est en train de se réveiller.
Rien que durant les années 2022/23, de grandes grèves parfois victorieuses ont eu lieu en Inde (avec une très forte participation des petits paysans), au Bangladesh, en Grande-Bretagne, en France (on pense aux blocages dans les raffineries, les transports, les ports, à EDF, dans le secteur des ordures ménagères), au Québec, aux USA (Amazon, Chrysler, John Deer) et dans les immenses « maquilladoras » du Nord-Mexique. Et partout, la classe ouvrière, que l’on disait enterrée, s’affirme dans la pratique comme le fer de lance du mouvement.
S’il faut se réjouir de la fin de l’euphorie capitaliste qui suivit la décomposition du camp socialiste, s’il convient de dénoncer l’impérialisme euro-atlantique comme l’ennemi principal des peuples, le rôle des communistes ne saurait se limiter à applaudir la renaissance du mouvement ouvrier et la force des luttes contre-hégémoniques. Sans partis d’avant-garde rejetant les théories menchéviques ou « mouvementistes » tournées contre le parti d’avant-garde et le centralisme démocratique, sans une stratégie claire associant sans frilosité le patriotisme populaire et l’internationalisme prolétarien pour sortir notre pays de l’UE-OTAN et pour mettre politiquement le monde du travail en position de diriger la Nation, sans un effort assumé pour associer la renaissance du PARTI communiste à celle du syndicalisme de classe, les communistes resteront spectateurs-applaudisseurs du Mouvement ouvrier renaissant au lieu de l’aider à devenir l’acteur central des luttes pour le socialisme-communisme de nouvelle génération. Pas de passage des luttes défensives aux luttes offensives sans la reconstitution plénière, nationalement et internationalement, des organisations de combat nationales et internationales du prolétariat, sans une stratégie hautement revendiquée de rupture frontale avec l’UE-OTAN du capital, sans le refus de cautionner de quelque façon que ce soit le cadre supranational européen, y compris ses « élections européennes » piége uniquement destinées à valider le passage en cours au « saut fédéral européen », à l’euro-fascisation et à la guerre continentale fomenté par les prétendues « élites »!
GRÈVE HISTORIQUE VICTORIEUSE DES OUVRIERS DE L’AUTOMOBILE AUX USA ET SECONDE PHASE DE LA LIBERATION DES PEUPLES
Diagne Fodé Roland
« Tout augmente, sauf notre fiche de paie », c’est sous ce mot d’ordre que la grève des ouvriers du secteur de l’automobile aux USA ont contraint en novembre 2023 les trois grands constructeurs – Ford, General Motors et Stellantis – à une accord d’une hausse de 25 % des salaires des travailleurs sur quatre ans.
A l’exception des pays rescapés de l’ex-camp socialiste (Chine, Vietnam, Corée du nord, Cuba, Kerala en Inde) et des pays anti-libéraux et anti-impérialistes comme le Venezuela, la Bolivie, le Nicaragua où la redistribution sociale est proportionnée à la richesse produite, ce mot d’ordre peut et doit devenir mondial parce que la crise de surproduction et de sur-accumulation du stade suprême du capitalisme qu’est l’impérialisme engendre la course effrénée au profit maximum de la part des actionnaires bourgeois repus et insatiables.
Le salaire ouvrier maximal va monter à 42 dollars (39,50 euros) de l’heure, ce qui fait gagner en moyenne 80 000 dollars par an, hors heures supplémentaires. Selon une enquête du Washington Post, avec cet accord, le salaire horaire, aujourd’hui de 32 dollars, va retrouver le niveau qui prévalait, ajusté de l’inflation, en 1990, soit environ 42 dollars. A l’époque, les ouvriers automobiles touchaient 80 % de plus que les autres salariés du privé.
L’occasion faisant le larron, les actionnaires des firmes transnationales capitalistes ont profité de la défaite de l’URSS et du camp socialiste d’Europe pour lancer leur offensive libérale contre le monde du travail tant dans les pays impérialistes que dans les pays dépendants et leurs néo-colonies. L’aggravation de la crise systémique a été utilisée pour reprendre de la main droite les concessions faites aux travailleurs et aux peuples opprimés lors de l’existence et de l’URSS et du ‘’socialisme réel’’ européen. Le rapport de force entre capitalisme et socialisme étant ainsi inversé, les conquêtes sociales dans les pays impérialistes et celles nationales des peuples opprimés d’alors ont été progressivement laminées en imposant le totalitarisme de la pensée libérale. La « concurrence libre », la « compétitivité des bas salaires », la « marchandisation de l’école, de la santé, du droit à polluer », la stratégie de « la dette usurière », le mensonge de « la privation et de l’entreprise privée seule créatrice d’emplois », tout cela sous couvert de la prétendue « réussite individualiste » sont devenus les slogans de la dictature du capital sur les travailleurs et les peuples. La propriété collective des moyens de productions et d’échanges et l’appropriation par l’État des leviers stratégiques des économies nationales pour un développement et une redistribution socio-économique des richesses produites par les seuls travailleurs ont été relégués dans les musées de l’histoire humaine pour enterrer, croyaient-ils, définitivement l’expérience matrice de la Révolution d’Octobre 1917 de toutes les Révolutions qui ont suivi au cours du XXème et de ce XXIème siècles.
C’est cette politique libérale anti-ouvrière qui se voulait triomphale et éternelle qui a entraîné la faillite des constructeurs de Detroit, en 2009, et l’implantation des groupes étrangers dans le Sud non syndiqué, ce qui a engendré la réduction de l’écart atteignant 14 % aujourd’hui. C’est contre cette régression sociale que se sont dressés les cols bleus dirigé par une avant-garde ouvrière combative incarnée par le syndicaliste progressiste Shawn Fain, un ancien électricien de Chrysler (désormais intégré à Stellantis), élu au printemps à la tête du syndicat United Auto Workers (UAW), et qui a mené une grève déterminée contre les trois constructeurs.
Le mouvement ouvrier commence à redresser manifestement la tête hors de l’eau malgré les trahisons des renégats bureaucrates à la tête de leurs organisations syndicales et politiques aux USA et dans d’autres pays impérialistes.
Les scores aux USA de la gauche du parti démocrate à travers Bernie Sanders, au-delà de son intégration relative dans le système bipartiste de la dictature de classe bourgeoise, est aussi l’expression de cette marche progressivement vers la rupture nécessaire d’avec l’exploitation de l’humain par l’humain.
Il en est de même des expériences anti-libérales et anti-impérialistes en cours en Amérique du sud ainsi que celles souverainistes anti-françafricaines dans l’Alliance des Etats du Sahel (Mali, Burkina, Niger), sans oublier la lutte en cours pour la conquête par les urnes du pouvoir politique au Sénégal et dans d’autres pays africains.
Les travailleurs et les peuples ont été à l’école de la défaite temporaire de l’URSS et du socialisme réel européen. Les capitalistes ont trop vite crié à l’éternité de leur victoire à la Pyrrhus. Mais l’histoire est en train, peu à peu, de reprendre le chemin vers l’avenir communiste de l’humanité. Les étapes à franchir pour doter le prolétariat et les peuples du facteur subjectif dont ils ont besoin pour débarrasser l’humanité de ce cancer mortel qu’est le capitalisme impérialiste et le néo-colonialisme sont nombreuses et sinueuses.
Mais elles seront franchies par la capacité dans chaque pays du monde et dans chaque pays d’Afrique à rassembler les révolutionnaires communistes qui n’ont pas renié leur engagement et les éléments de la jeunesse révolutionnaire ouvrière, paysanne, intellectuelle contre l’impérialisme stade suprême du capitalisme et son inique néocolonialisme.
14/12/23