Retour sur une analyse de Georges Gastaud : voici quelques années, le PRCF a édité une brochure sur le léninisme qui, entre autres textes, comportait l’essai critique de Georges Gastaud sur le concept de « voie pacifique au socialisme ».
Pas davantage qu’Engels ou que Lénine eux-mêmes, qui admettaient l’un et l’autre la possibilité « fort rare et fort précieuse » d’un passage pacifique au socialisme dans des conditions données, G. Gastaud ne condamnait en son principe cette perspective « précieuse ». Il montrait que, même en cas de transition « pacifique » (un adjectif qui concerne les formes de transition au socialisme et non le contenu de classe de cette transition), la conquête du pouvoir d’Etat par le peuple travailleur, le rôle dirigeant de la classe ouvrière, l’intervention offensive d’un parti d’avant-garde et la dictature du prolétariat (qui sont des traits universels imprescriptibles de la révolution socialiste) n’en restaient pas moins indispensables pour engager sérieusement la construction du socialisme. Pour autant G. Gastaud portait la pointe de sa critique sur les inconséquences flagrantes du PCF qui, successivement gagné par l’eurocommunisme débilitant des années 70, puis par l’euro-mutation liquidatrice et teintée de gorbatchévisme des années 90, avait justifié son « choix » des voies pacifiques, puis son « abandon » de la dictature du prolétariat (1976), par le fait que la force énorme du bloc socialiste (!) rendrait certainement possible, voire probable, une transformation sociale empreinte de douceur dans notre pays.
Raisonnement d’autant moins marxiste, c’est-à-dire fondé sur l’étude des rapports de forces réels entre les classes, qu’entretemps, le camp socialiste européen et l’URSS avaient disparu sans que la « doctrine », non plus léniniste mais lénifiante de ce parti au sujet de la transformation sociale n’eût changé d’un iota! Il est vrai qu’au fil de sa dégénérescence euro-réformiste, le PCF devenu PCF-PGE avait aussi purgé statuts des notions « vieillotes » de socialisme, de classe ouvrière, de marxisme, de centralisme démocratique et, pour faire bon poids, de socialisation des moyens de production (au PCF on appelle « rénovation » théorique ce genre de braderie en forme de « tout doit disparaître! »).
Mais voilà que, maintenant, sans que du reste la gauche établie, y compris la « gauche de la gauche » (PCF et LFI, sans parler des groupes euro-trotskistes) ne s’en inquiète le moins du monde, un « saut fédéral européen » conduisant à l’euro-dissolution finale de la France dans un empire atlantique du grand capital est proprement imminente et annoncée (cf les résolutions votées fin novembre 2023 aux Parlements européen et français). Cela signifie, entre autres joyeusetés, un Etat européen, un gouvernement supranational, un vote des Etats européen à la majorité simple ou qualifiée permettant l’arasement rapide des acquis sociaux obtenus dans chaque pays, une gendarmerie européenne, une armée européenne et le droit permanent pour l’OTAN, dans le cadre de sa marche à l’affrontement global avec la Chine et la Russie, de se promener à sa guise dans chaque pays de l’UE. En clair, le saut fédéral européen signifie la mise en place formalisée, décomplexée, brutalisée et en un mot, fascisante, d’une Sainte-Alliance réactionnaire qui permettra, non seulement de guerroyer contre la Chine et la Russie sous la direction de Washington, mais d’opposer légalement la force des bourgeoisies euro-atlantiques coalisées à n’importe quelle insurrection dans n’importe quel pays de l’UE. Qui ne voit que ces dispositifs sans précédent depuis Metternich et le Congrès de Vienne (1815) ciblent tout particulièrement cette France pleine de Gilets jaunes turbulents, de syndicalistes de lutte irrécupérables, d’ouvriers et d’employés votant massivement Non à la constitution européenne, de jeunes refusant la précarité (CPE, 2006) ou de paysans enclins aux jacqueries que, dans ses rares moments de sincérité, Macron qualifie de « Gaulois réfractaires »?Cela ne signifie pas que, dans son principe, la perspective d’une transition pacifique du capitalisme au socialisme disparaisse tout à fait, d’autant que des marxistes un tant soit peu dialecticiens comprendront aisément que dans toute transition, les formes pacifiques et non pacifiques d’une révolution sont nécessairement imbriquées en fonction, notamment, du degré de résistance violente que la bourgeoisie dépossédée sera en mesure d’exercer. Mais cela signifie clairement que si ce saut fédéral déjà largement engagé dans les faits va jusqu’à son terme – c’est-à-dire la déconstruction finale des Nations d’Europe et leur remplacement par une forme de St-Empire germanique « protégé » par Washington -, la ou les révolutions socialistes de l’avenir ne pourront guère compter sur des formes paisibles de transition.
Dès lors, autant
a) combattre le saut fédéral européen que les prochaines européennes visent à valider,
b) réfléchir à la nouvelle donne stratégique et tactique que cette situation créerait pour les organisations communistes sérieuses, pour les syndicats de classe dignes de cette appellation,
c) pour les patriotes républicains refusant la destruction de leurs nations respectives.
En attendant, si tu refuses la guerre mondiale et si tu veux vraiment le socialisme pour ton pays, COMBATS LE SAUT FEDERAL EUROPEEN!
NOUS REPRODUISONS CI-DESSOUS SANS MODIFICATION LE TEXTE DE G. GASTAUD PARU EN 2019 DANS LE CADRE DE LA BROCHURE « ACTUALITE DU LENINISME »