A PROPOS DE LA VALSE DES EURO-MINISTRES A LA TETE DE L’EDUCATION NATIONALE
Depuis quatre décennies, et notamment depuis l’adoption de justesse du Traité de Maastricht (1992, 51% des voix), la mise en place des critères d’austérité inséparables de l’euro (par Saint Jacques Delors) et le lancement funeste de la marche vers une « économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée » inhérente aux traités européens, l’Education nationale – jadis l’un des systèmes éducatifs les plus enviés de la planète – ne cesse de décliner, voire de sombrer corps et biens. Privée par les socialistes au pouvoir, d’abord sous Mitterrand, puis sous Jospin (le ministre étant alors le brutal Claude Allègre) et enfin sous Hollande (la pseudo « bienveillante » Vallaud-Belkacem), des moyens budgétaires indispensables à sa réussite (salaires des enseignants, respect de leur statut, volume des horaires consacrés aux diverses matières, profs souvent lâchés par leur hiérarchie face aux perturbateurs, réformes aberrantes, abaissement des contenus…), la prétendue « démocratisation » des années 1980 n’aura été à l’arrivée, malgré les efforts des enseignants, qu’une massification masquant de moins en moins la dévalorisation des diplômes, la fuite des couches moyennes supérieures vers l’école privée… et le traitement scolaire, si ce n’est cosmétique, du chômage des jeunes.
Les révélations médiatiques (enquêtes PISA) récentes sur l’écroulement du niveau mathématique moyen des élèves français sont du reste dans toutes les têtes, mais il suffit d’entendre parler les journalistes de l’audiovisuel bien souvent incapables d’une liaison correcte, même quand ils lisent, pour voir que notre langue n’est pas mieux traitée que les maths… Quant aux ministres de droite, les Chatel, Darcos, Fillon et Cie, ils auront avec constance œuvré pour l’enseignement privé et accru les inégalités socioculturelles en détricotant la carte scolaire (Sarkozy) et en attisant le dénigrement permanent des fonctionnaires. C’est cependant le macroniste Blanquer qui aura donné le coup de grâce à l’architecture républicaine du second degré public et à son articulation à l’enseignement supérieur, lequel avait préalablement été taillé en pièces par les contre-réformes universitaires Pécresse (UMP) et Fioraso (PS). En effet, le système ultrasélectif de Parcourps sup articulé au contrôle continu local a été substitué au bac national anonyme valant sur tout le territoire, le bac étant jusqu’alors le premier grade universitaire et l’une des bases permettant d’étalonner les conventions collectives nationales. Avec la mise en place par Blanquer, puis par Pape Ndiaye (qui, comme Oudéa-Castéra, mettait ses propres enfants dans le privé le plus « chic »), du « job-dating » pour recruter les enseignants, la mise en place du PACTE et désormais, le lancement par petites touches d’une réforme séparant le second cycle secondaire du premier et rabattant le collège sur l’ « école fondamentale » (primarisation du premier degré), l’heure de l’hallali n’est pas loin de sonner pour l’Education nationale en crise existentielle, comme le sont du reste l’hôpital public, l’EDF, la SNCF, la Poste et les autres services publics désossés au nom de la « construction » européenne.
On apprend en effet que le regrettable Eric Woerth a été chargé par Macron d’une étude visant à « approfondir la décentralisation »: en clair, à en finir avec la République une et indivisible héritée de la Révolution jacobine (d’où le nom de code de « pacte girondin » choisi par Macron…) pour disloquer le territoire français en grandes régions rivales à l’allemande. Lesquelles fonctionnent à l’échelle régionale et non nationale, les enseignants allemand ne disposant pas comme ici d’un statut national qui les garantisse contre les pressions politiques, patronales, religieuses ou parentales et qui leur permette de jouir de leurs droits de citoyen (contrairement à ce qui se passe en Angleterre où les professeurs ne jouissent pas d’une pleine liberté d’action politique) ou de travailleurs (en RFA, ils n’ont pas le droit de grève!). Or, sans de tels droits pour les enseignants, les mots de « laïcité » et de « liberté de pensée » ne sont que du baratin.
Bref, il est temps que les syndicats d’enseignant euro-chloroformés et qui, le plus souvent, suivent suicidairement, avec des étoiles dans les yeux, la sacro-sainte « construction » européenne, ouvrent les yeux : la logique (guerrière, antinationale, antilaïque et antisociale) de la « construction » euro-atlantique est incompatible tant avec la sauvegarde qu’avec la transformation progressiste de l’Education nationale et de tout ce qui l’accompagne: bac national, statuts et concours nationaux, qualifications nationalement reconnues par le patronat des niveaux professionnels. Et c’est encore plus vrai à l’heure du « saut fédéral européen » imminent qui visent à liquider les ETats-nations constitués, et avec eux les acquis sociaux existant en leur sein, pour leur substituer un Etat euro-atlantique aussi néolibéral que guerrier, fascisant, antilaïque et antisocial. Avis aux amateurs !
Pourtant, à examiner les orientations toutes plus euro- (et OTAN-) compatibles de la plupart des grands syndicats nationaux de l’enseignement, on peut douter que ces appareils euro-anesthésiés aient choisi le chemin d’un affrontement clair avec la logique euro-atlantique destructive. Comme l’ont récemment fait les paysans travailleurs en débordant les dirigeants euro-serviles de la FNSEA, espérons que la base enseignante, mais aussi celle des lycéens et celle des parents attachés aux valeurs de liberté, d’égalité et de laïcité, sauront se démarquer à temps des euro-joueurs de flûte qui conduisent notre profession à un suicide historique !
Pôle position de la commission Education – 11 février 2024