Les nationalisations effectuées dans le cadre d’un régime capitaliste sont loin d’être une panacée: en dehors des périodes où elles sont imposées par le mouvement ouvrier et démocratique, comme ce fut le cas à l’époque où Croizat, Thorez, Tillon et autre Marcel Paul étaient ministres et appliquaient le programme du CNR, ces nationalisations sont souvent une manière de socialiser les pertes quand un secteur capitaliste indispensable est en perte de vitesse.
N’empêche : ce n’est pas rien, dans le principe, et bien souvent dans la réalité, que de voir la puissance publique relever un secteur industriel mis à mal par la course au profit privé. Il y eut même des époques où, de Colbert à 1937 (SNCF), la mainmise de l’Etat sur un secteur économique essentiel a eu d’incontestables effets positifs sur le développement des forces productives et partant, de la nation elle-même.Et surtout, ce n’est pas parce que la nationalisation est insuffisante, parce qu’elle ne peut déboucher sur le socialisme sans la conquête du pouvoir politique par la classe travailleuse, sans la socialisation proprement dite des grands moyens de production et d’échange, sans la planification socialiste au service des besoins sociaux, que le mouvement ouvrier conscient doit rester passif face aux privatisations du secteur public industriel, des banques nationalisées ou des principaux services publics. Au contraire de telles privatisations, inscrites en filigranes dans l’odieux Traité de Maastricht (qui impose la destruction des « monopoles publics »… au profit des monopoles capitalistes PRIVES), sont maximalement réactionnaires:
- elles aboutissent à privatiser les profits une fois que la nation a collectivement payé, par le biais des nationalisations, les investissements lours nécessaires à mettre en place le réseau électrique, téléphonique, ferroviaire, autoroutier, portuaire et aéroportuaire, etc. Le public est ainsi spolié deux fois.
- malgré tout le matraquage propagandiste des euro-privatiseurs, les privatisations et autres « partenariats public-privé », aboutissernt immanquablement à d’énormes hausses de prix; c’est évident dans le domaine de l’énergie mais aussi du ferroviaire, car même quand une entreprise reste nominalement publique, comme la SNCF, sa logique devient privée dans le cadre de la « concurrence libre et non faussée »; la tendance devient alors évidente à augmenter toujours les prix, à abandonner l’esprit de service public (retards, privilèges incroyables pour les lignes de prestige, abandon des dessertes non immédiatement rentables, recul des investissements lourds et de la sécurité…), voire à piller purement et simplement les « clients », comme chacun peut le voir avec l’augmentation galopante des tarifs EDF, GDF-Suez, sans parler des autoroutes où les énormes augmentation injustifiées des droits de péage ont même provoqué une mise en garde de la très libérale « Cour des comptes »!
- abandon de tout esprit national ; comme nous l’avons vu plus haut, on ne peut retirer à Colbert, si favorable qu’il eût été à l’absolutisme royal et aux priviliégiés d’Ancien Régime, d’avoir favorisé le développement de l’économie française, dont l’industrie fut littéralement créée par l’Etat; mais quel esprit national espérer des actionnaires des sociétés privatisées qui sont là pour obtenir à n’importe quel prix le plus grand retour sur investissement possible;
- désertion accrue de la production industrielle proprement dite; en effet, quand les énormes capitaux des parasites du CAC-40 peuvent, sans risque aucun, s’emparer des anciens services publics, pourquoi diable s’embêteraient-ils à chercher, à produire, à promouvoir le progrès technique? Ce sont les mêmes qui licencient les travailleurs industriels, qui délocalisent à l’étranger, et qui font main basse, en France métropolitaine, sur feu le secteur public;
Au final, les privatisations actuelles ne sont qu’une des facettes de la politique générale de démantèlement de la nation et de dénationalisation de la France: casse du secteur public industriel et financier, dénationalisation de la France, basculement rapide de l’Euro-Frenchland du français au tout-globish, mise à mal revendiquée comme telle des acquis de 1945 et même, de 1789-94, tout cela ne fait qu’un car l’oligarchie capitaliste, de plus en plus semblable à l’oligarchie nobiliaire du 18ème siècle, se détourne à la fois de la Nation, du développement des forces productives, sans parler du monde du travail, plus méprisé qu’il ne fût jamais.
Qu’il s’agisse de Rocard, qui engagea la privatisation de RENAULT, de Jospin, qui avec la complicité du « communiste » Gayssot, privatisa Air-France, France-Télécom, la SNECMA, etc., de Villepin, qui privatisa GDF pour favoriser ses amis de Suez, de Sarkozy, qui bafoua honteusement sa promesse de ne pas toucher au caractère public d’EDF, de Hollande qui, sur injonction de Bruxelles et de Berlin, s’apprête à brader les participations publiques à RENAULTt et à EDF, toute cette oligarchie maastrichtienne et atlantique est l’aile marchante de la casse nationale et sociale de notre pays.
La conscience de classe prolétarienne, le civisme républicain et le patriotisme le plus élémentaire nous commandent donc tous trois de LISTER les entreprises privatisées depuis 1992 (date de l’entrée en vigueur de Maastricht), d’exiger leur retour plénier à la nation sans indemnité pour les grands actionnaires (auxquels il faut au contraire faire rendre gorge), de revendiquer une gestion démocratique associant les travailleurs et les usagers, dans l’esprit du Programme du CNR qui préconisait le « retour à la Nation des grands moyens de production monopolisés« .
Prémices de la nationalisation franche de l’ensemble du crédit et du CAC-40, ces renationalisations ne constitueraient pas un but en soi mais un tremplin pour la réindustrialisation du pays sur la base d’un puissant secteur public dans la perspective d’une société socialiste où l’économie serait dirigée par et pour les besoins des travailleurs.
Bien entendu, ces nationalisations porteraient le préalable d’une sortie de l’euro et de l’UE par la voie progressiste : tant il est vrai que la « construction » européenne est conçue de A à Z comme une machine à privatiser et à financiariser l’économie.
Par Floreal