Nous avons pensé utile et enrichissant de porter à la connaissance de nos lecteurs le texte du camarade Gilles Questiaux de « Réveil communiste » consacré au Centralisme démocratique. Il est accompagné du point de vue de la Cellule du PRCF de Grenoble qui d’une certaine façon lui répond. Les communistes agissent ensemble et débattent . Action commune et débat fraternel, c’est ainsi que nous ferons renaître le communisme en France.
Le point de vue de la Cellule du PRCF de Grenoble est exprimé en italique, en réaction de ce texte que nous publions intégralement ci-dessous
La destruction des partis communistes par le haut, et comment y remédier, ou la fin du centralisme démocratique, par Gille Questiaux
J’ai assisté à la conférence de l’économiste communiste américain Richard Keenan, qui présentait son ouvrage « le socialisme trahi », éditions Delga, aux Cordeliers vendredi soir. L’auteur a donné un aperçu du contenu de son ouvrage qui comble un vide dans les études historiques. Il cherche à comprendre le mécanisme de la chute du parti
et de l’État soviétiques, en partant du constat que loin d’avoir échoué, l’économie planifiée soviétique s’était avérée un remarquable succès, malgré un ralentissement dans les dernières années. Il l’explique par la formation d’une classe d’entrepreneurs de la «seconde économie » qui ne pouvait prospérer que par la corruption des autorités, et dont les intérêts ont fini par prévaloir parmi les cadres soviétiques.
Cela n’est pas une explication mais un constat (qu’il faudrait discuter d’ailleurs). Ce qui est important d’expliquer c’est comment justement les forces contre-révolutionnaires ont pu se re-développer, qui plus est à l’intérieur même du PCUS. Le fait est que le parti, en raison de la bureaucratie qui s’est mise en place sous Staline et n’a cessé ensuite de prospérer [1], a cessé d’être une avant garde des forces révolutionnaires pour au contraire accompagner un état. Contribuant à la dépolitisation des masses et à assécher l’analyse politique.
Mais ce qui est particulièrement frappant, à le lire, c’est le fait que le parti communiste soviétique a été détruit d’en haut suivant un schéma qui s’est reproduit un peu partout (en France, en Italie, et même aux États Unis). Gorbatchev et sa clique ont à un moment donné décidé de rétablir le capitalisme, et la masse des soviétiques et des membres du parti, bien que fermement opposée à ce choix, s’est laissée faire, par discipline, et en cohérence avec sa culture politique, le centralisme démocratique. Nous-mêmes, nous pouvons je pense y retracer notre incapacité à combattre victorieusement la mutation du PCF depuis 1994 environ.
G Questiaux semble ici découvrir quelque chose qui est connu pour certains d’entre nous de longue date. Il lui suffirait pour cela de lire le livre de G Gastaud Mondialisation communiste et projet communiste paru en 1997 réunissant des textes antérieurs.
Par exemple on peut citer le §3.3.5.5 traitant du centralisme fidéiste.
« Une des conséquences tragiques du dogmatisme fut la dénaturation du centralisme démocratique qui s’exprime dans la propension au suivisme politique que de nombreux militants ont héritée de la période stalinienne : » le parti, (assimilé à sa direction du moment), a toujours raison ». Cette déification des dirigeants est à vrai dire commune à la plupart des partis politiques. Elle abouti régulièrement à diaboliser ces dirigeants une fois qu’ils sont « déboulonnés ». Inutile de dire que ce type de comportement irrationnel semblait odieux à Lénine. Déjà insupportable quand le « chef » est communiste et s’appelle Lénine, ce comportement devient franchement suicidaire quand le chef se nomme Gorbatchev. Cela aboutit alors de manière tragi-comique au « stalinisme à l’envers » de ces « antistaliniens » qui n’hésitent pas à liquider leur parti par discipline de parti si la direction, considérée comme omnisciente, le leur commande! C’est ce triste spectacle qu’ont donné cette foule de partis communistes qui se sont dissouts monolithiquement quand ils n’ont pas, à l’unanimité, décidé de se déclarer « pluralistes » et « divers »! Le « stalinisme », en entendant par là la culture du monolithisme, a été savamment utilisé par les plus ardents antistaliniens pour démolir les conceptions révolutionnaires. Ainsi le PCUS s’est il laissé interdire sans un mot de protestation de son Comité Central. Stalinolâtrie et stalinophobie sont bien filles jumelles d’un même fidéisme antimarxiste. » Mondialisation capitaliste et Projet communiste – G Gastaud 1997 – le Temps des Cerises
Il apparait de plus en plus clairement que l’organisation centralisée des partis issus de la Troisième Internationale, et le principe du centralisme démocratique, malgré les succès importants qu’elle a permis dans une longue phase historique, s’est avérée complètement inadaptée à la défense stratégique du socialisme, et qu’elle est devenue à la longue par un renversement dialectique significatif sa faiblesse majeure.
Il est assez dommage qu’avant de porter ce type de jugement G Questiaux ne définisse pas ce qu’il entend par centralisme démocratique, ni n’examine la réalité de la mise en œuvre de ce principe dans les différentes organisations communistes nationales ou au sein du Mouvement communiste international. Ce faisant, il oublie de rappeler que le Komintern a été dissous pendant la guerre et qu’à partir des années 1960 le Mouvement Communiste International est considérable divisé (comme l’avait d’ailleurs montré G Gastaud Ibid. §3.1.3), et ne se réuni plus. Permettant ainsi par exemple l’émergence de l’eurocommunisme à l’Ouest. Et cette division subsiste aujourd’hui de façon considérable.
Au niveau local, c’est au contraire l’abandon de fait du centralisme démocratique pour un centralisme fidéiste (centralisme fidéiste qu’à voulu imposer pendant un long moment le Komintern…), voyant bien des partis communistes commandés d’en haut et privés d’un solide débat à la base, où les conflits politiques sont réglés de façon non politique mais policière, qui explique la possibilité de cette dérive et de l’impossibilité de surmonter les contradiction générées par le processus réels d’édifications du communisme ou de lutte contre le capitalisme. (Cf ibid. §3.3.5).
Il faudrait imaginer pour rebondir dans le monde tel qu’il a évolué depuis 1989 un type d’organisation des communistes où une grande cohérence autour d’une référence commune théorique et historique simple s’allierait à une autonomie d’action à la base, et au niveau local, permettant néanmoins des regroupements rapides et l’exploitation de la surprise, qui importe autant en politique qu’en stratégie militaire.
Ce constat de la nécessité d’adapter les organisations ne s’oppose en rien au centralisme démocratique au contraire.De fait, le centralisme démocratique suppose une large force de proposition de la base animée régulièrement d’un solide et large débat, et ne remet absolument pas en cause les modalités pratiques d’une large autonomie tout en imposant une nécessaire coordination afin que cette autonomie ne soit pas génératrice de division et de morcellement face aux forces de la réaction qui savent parfaitement s’unir.
Un certain nombre de ces traits sont caractéristiques des organisations religieuses qui comme chacun peut le voir chaque jour sont loin de s’affaiblir dans ce monde. Forte cohérence autour du dogme, faible administration centrale, dont le rôle se borne le plus souvent à valider (ou non) les initiatives de la base.
Très paradoxalement, mais assez logiquement vu ce que l’on vient de voir, sous prétexte de déconcentration G Questiaux propose ici une organisation (et l’analogie aux organisations religieuses n’est ici pas anodine ! [2] ) incitant au dogmatisme et fonctionnant au final du haut vers le bas : une institution centrale (dont il ne dit absolument rien de son mode d’élection? faut il un pape au communisme, un petit père ou un leader bien aimé et infaillible pour valider la conformité des initiatives de la base au dogme?) chargée de faire respecter « une référence commune théorique simple » considérée comme invariante à une base n’étant au final plus en mesure de faire évoluer justement cette référence commune … Au contraire tout l’enjeu d’une organisation reposant sur le principe du centralisme démocratique et de susciter un large débat à la base afin de se prémunir de la sclérose dogmatique, de pouvoir secouer les certitudes, bouleverser les modes d’organisations, remettre systématiquement en cause le fidéisme au niveau supérieur. Le centralisme n’étant que la condition pour organiser ce large débat et unir les forces communistes dans l’action sans s’enliser dans des débats sans fins porteur de division et d’inaction.
Une telle variété d’organisations pourrait différer d’analyse sur bien des points, ni plus ni moins que les partis communistes n’ont différé entre eux au final dans leur cadre national. Un parti « moléculaire », une organisation qui mène une guérilla politique permanente dispose d’une géométrie variable, d’une frontière poreuse avec l’extérieur, son modèle n’est plus l’État mais la société. Et qui se compose de «bandes » s’unissant et se dissociant suivant les configurations tactiques par monts et par vaux.
Là encore le centralisme démocratique ne s’oppose pas à ce que le parti colle à la réalité sociale en investissant les différentes organisations sociales dont il doit prendre la tête pour jouer son rôle d’avant garde. Parti politique, mouvements culturels, sportifs, artistiques… bien évidemment que les communistes doivent être parties prenantes pour pouvoir convaincre. C’est dans la réalité des luttes sur des questions concrètes que se forge la conscientisation, la conviction et l’adhésion des masses .
« ni plus ni moins que les parti communistes ont différé entre eux « . Certes, au point de ce combattre, on l’a vu avec le conflit sino-soviétique, ou encore avec l’émergence d’un eurocommunisme condamnant l’expérience des pays de l’Est. Permettant ainsi l’émergence de forces contre-révolutionnaires et se faisant passer pour communistes au sein du MCI. On le voit avec le rôle désastreux joués par le PCF ou feu le PCI.
En raisonnant de marnière dialectique, en marxistes, on ne saurait ne pas remarquer que le centralisme est justement la condition organisationnelle permettant d’allier large autonomie et responsabilité politique avec la convergence d’action à la condition que ce centralisme soit démocratique. L’exemple de l’Etat peut être ici édifiant : Un fort centralisme permet d’édifier un état déconcentré, au plus proches des réalités locales, permettant justement à l’Etat d’être largement orienté par la prise en compte de la diversité locale. Une forte décentralisation au contraire fait émerger des potentats locaux, niant les diversités locales, tout en divisant l’Etat et réduisant considérablement sa capacité d’action.
Il ne s’agit pas d’une démarche coopérative suivant les idées de Proudhon, car le parti moléculaire est bien politique, et non une tentative de s’organiser à l’écart de la politique. Il ne s’agit pas non plus de micro politique à la Foucault, de fédérer un mouvement multicolore à partir de luttes locales, éparses, et souvent réactionnaires, dans la petite bourgeoisie ou le lumpen-prolétariat, mais d’organiser localement un combat à porté universelle, d’organiser en réseau la contradiction principale capital travail, avec la contradiction secondaire entre capitalisme mondialisé et résistances
nationales.
G Questiaux ne répond pas ici à la question essentielle qui est celle de la fédération et la coordination de ces initiatives justement pour qu’elles fonctionnent en réseau. Cela n’a rien de naturel, d’évident ou d’automatique chaque cellule du réseau pouvant potentiellement être en contradiction avec les autres. Preuve en est aujourd’hui avec la déliquescence du PcF du morcellement des forces communistes en France. Et c’est cette question qui commande la structuration du réseau en parti. Car qu’est ce qu’un parti sinon un réseau organisé? Qu’est ce qu’un parti fonctionnant suivant le principe du centralisme démocratique sinon un réseau organisé et se donnant la possibilité de dépasser démocratiquement ses contradictions internes tout en mobilisant les forces de sa diversité pour permettre justement l’unité d’action?
Il s’agit d’utiliser la référence marxiste et léniniste et l’histoire du socialisme du XXème siècle comme intégrateur des organisations moléculaires, qui ne sont pas forcément liées par une chaine de commandement, ou par une organisation para étatique. Le sentiment de sécurité que donne l’appartenance formelle à un parti plus ou moins
intégré dans la société, participant aux élections, etc., est très illusoire, et doit se retrouver avantageusement dans l’idéologie, en lui accordant un certain rôle d’armature mythologique.
Ce qui autorise les militants communistes à utiliser comme support matériel à leur action l’ensemble des organisations populaires ancrées dans la vie démocratique électorale et syndicale, dans la mesure où au niveau local elles sont souvent de plain pied avec les luttes réelles. Les partis de la Troisème Internationale ont toujours su le faire dans les circonstances de clandestinité, quand justement la chaine de commandement s’affaiblissait, et nous sommes dans le monde de la marchandise et du spectacle des clandestins (sans aura romanesque ni éducation militaire cependant).
Il ne s’agit pas d’entrisme, parce que le contrôle bureaucratique de ces organisations n’a aucun intérêt à long terme. Le but reste le but central de toute action politique, le pouvoir gouvernemental, accessible seulement pendant les révolutions dans les configurations fluides où toutes les frontières fondent dans le changement ultrarapide du réel. Quand la forme même de l’organisation politique est flexible et en réinvention, comme en France de 1789 à 1794.
Dans le mouvement communiste après l’effondrement de 1989, une fois la légitimation donnée par l’URSS disparue, l’exigence de discipline a fini par produire une concurrence risible de micro-organisations qui se croient toutes la seule légitime, processus dégénératif qu’avaient connu auparavant dans des termes identiques le trotskisme, puis le
maoïsme. L’autorité et l’unité de commandement nécessaires ne peuvent pas apparaitre de cette manière là, d’autant que les qualités nécessaires pour obtenir de l’influence sur un petit groupe à l’écart du monde réel ne sont certes pas les bonnes pour en avoir sur le monde ouvert de la révolution. Il est remarquable que Staline, conscient des risques de dégénerescence du parti, ait tenté de manière répétée (en 1937 et 1944) d’établir un contre pouvoir en URSS, notamment parl’introduction de la candidature multiple et du vote secret, et il est encore plus remarquable qu’il n’y soit pas parvenu.
Ce n’est pas tant la disparition de l’URSS qui conduit aux morcellements en micro organisations, mais bien la liquidation des partis communistes en tant qu’organisations rassemblant les communistes. De fait, G Questiaux constate ici qu’une organisation « moléculaire » en réseau indépendant -qu’il semble préconiser par ailleurs – alors même que ces différentes organisations partagent un objectif commun, ne permet pas l’émergence naturelle d’une unité d’action. Au contraire, ce morcellement favorise le repli dogmatique à partir du moment où l’on considère que c’est naturellement à partir de la cohérence à un dogme « naturel » que se fera le rassemblement, chacun ne pouvant qu’estimer être celui qui est le plus proche « du dogme ». C’est justement pourquoi il est nécessaire de reconstruire un parti communiste permettant de réunir l’ensemble des communistes afin de leur permettre de trancher démocratiquement leurs contradiction pour permettre ensuite d’agir ensemble. Et quoi de mieux que de se rassembler dans l’unité d’action, afin de constater dans l’action qu’il nous est possible de dépasser ce qui nous divise en travaillant sur ce qui nous rassemble, et sur cette base de construire des structures communes permettant de nous rassembler? C’est bien ce que propose le PRCF avec sa politique unitaire de mains tendues à tous les communistes et sa pleine participation aux assises du communisme par exemple.
L’URSS n’existant plus, elle reste une référence historique, ce qui implique d’être intransigeant dans la défense de l’image du communisme, de l’URSS et de ses dirigeants. Sans qu’il faille s’y référer constamment pour trancher dans des situations nouvelles qu’ils n’ont pas connues, elles restent un facteur d’unité moral et de convergence pour les forces multiples de la lutte des classes dans le monde entier. L’histoire de l’Union Soviétique et de l’Internationale communiste est l’histoire réelle de la révolution. Rien n’a pu la rendre mauvaise !
Cette défense de l’URSS et de ses dirigeants est effectivement indispensable. Cependant, elle ne doit pas conduire à un repli identitariste excluant une analyse critique permettant de s’enrichir pleinement de ses réussites mais aussi de ses échecs.
Un dernier point. Le cadre national patriotique reste indépassable dans les circonstances actuelles parce qu’il ne s’agit pas d’unifier les désirs pulsionnels de la petite bourgeoisie d’expression anglo-saxonne du monde entier, mais les luttes des prolétaires qui parlent ce langage national-patriotique. Et parce que le but reste le pouvoir politique et il n’y a pas de pouvoir politique sur le monde. Le gouvernement des États-Unis est sans doute l’ennemi principal historique des communistes, mais il ne peut être qualifié d’impérial que par métaphore.
[1] L’héritage historique de la bureaucratie tsariste et du contexte périlleux de l’URSS dans ses premières décennies sont bien sûr des éléments de contextes qu’ils ne faut pas oublier.
[2] Sur ce point, en matérialistes, nous pouvons constater que les religions persistent beaucoup plus facilement que les courants politiques tout simplement parce qu’elles n’ont pas vocation à expliquer le réel, difficile à interpréter et mouvant, mais sont fondées essentiellement sur la spéculation et que la démarche religieuse dans son origine a pour but de créer du lien entre les hommes au sein d’une même communauté, tandis que la politique qui a pour enjeu le pouvoir porte en elle-même le conflit.
bonjour
D accord avec Gastaud ; j avais critiqué le projet de Questiaux ( qui m avait avec sa grande sagacité identifié comme un troll antérieurement (!)) ici même je crois, en résumant que le problème était un manque du centralisme démocratique plutôt que de son obsolescence.
j’ai lu a l’époque le livre de Georges Gastaud avec intérêt . il est plus que jamais d’actualité . je partage l’analyse de la cellule de Grenoble . sam 82 .
L’article de Gilles Questiaux intitulé « La destruction des partis communistes par le haut, et comment y remédier, ou la fin du centralisme démocratique » me semble ouvrir utilement un nouveau débat sur le centralisme démocratique : nouveau débat, parce que les communistes qui se sont rassemblés d’abord au sein de la Fédération nationale des Associations de Renaissance communiste, puis dans le Pôle de Renaissance communiste en France, ont déjà eu ce débat, qu’ils ont résolu en prenant le centralisme démocratique pour mode d’organisation du futur parti communiste auquel ils travaillent ; débat utile, parce que de nombreux communistes que les diverses censures de notre pays ont tenus dans l’ignorance de notre formation ont ignoré que ce débat avait lieu, et donc n’ont pas participé à cette décision.
Le texte de Gilles questiaux, si l’on veut bien l’accompagner des remarques de la cellule de Grenoble du PRCF, aideront ces communistes à y voir plus clair ; mais ne nous faisons pas d’illusions, de tels débats ne sont jamais achevés, et même lorsqu’on a reconnu la justesse de la décision prise par le PRCF ( rendre vie au centralisme démocratique ), il reste toujours des points à éclaicir.
C’est pourquoi je vous livre, chers camarades, trois « bonnes pages » tirées de mon livre « Lettres sur le communisme » édité au début de 2 009 par L’Harmattan, et proposé en librairie au prix de 14,50 euros ( commandez-le au PRCF, en joignant un chèque de cette somme augmentée du prix du timbre, le livre pèse 180 grammes ).
Premier extrait :
La totale incompatibilité entre centralisme démocratique et mode administratif de direction consiste en ceci :
le mode administratif de direction distingue le chef et les subordonnés en réservant la décision au chef et en soumettant les subordonnés à l’obligation d’exécuter les ordres du chef ; au sein du mode administratif de direction, le chef exerce sur ses subordonnés un pouvoir qui dépasse ses compétences ; s’agissant d’un parti politique, le mode administratif de direction met les membres de ce parti hors de son processus de décision politique ;
au contraire de cela, le centralisme démocratique fait participer tous les communistes à tous les moments de la prise de décision, de telle manière que dans l’action, ce sont ses propres décisions que chacun exécute ; il interdit à tous les responsables de faire faire aux communistes autre chose que ce que chacun de ceux-ci estime juste et sait pouvoir faire ; le centralisme démocratique est le résultat de la participation consciente, active et responsable de chaque communiste égal en droits à tous les autres communistes à chaque moment des processus de l’étude, de la décision et de l’action de son parti.
Deuxième extrait :
Devant le principe d’égalité des communistes en droits sur leur parti, il est juste que le parti communiste contraigne à la discipline du centralisme démocratique les « bons élèves » des lycées, des universités et des grandes écoles qui y adhèrent : cette discipline n’est en réalité que le respect de l’engagement collectif et réciproque que prennent ensemble les communistes pour organiser la revendication politique ouvrière de classe.
Devant cette contrainte, contractuelle en réalité, les « bons élèves » se sont toujours divisés :
les uns l’acceptent : se pliant à la discipline du centralisme démocratique, ils militent d’abord dans leur milieu professionnel, là où ils travaillent, pour mettre en évidence comment l’antagonisme de l’exploitation capitaliste et de la revendication ouvrière travaille cette profession et les personnes qui l’exercent, et pour développer le mouvement de ceux qui exercent cette profession en prenant le parti ouvrier ; ils mettent aussi leurs connaissances, ainsi critiquées par l’action militante, à la disposition des autres communistes afin que ceux-ci s’en rendent maîtres et les réinvestissent dans leur propre action militante ;
les autres la refusent : ils crient à l’injustice, renâclent devant la difficulté du travail politique dans leur propre profession, tentent de se faire désigner à des fonctions internes au parti qui les dispensent de ce travail politique ; lorsqu’ils y sont parvenus, ils développent leurs pratiques de direction qui sont celles du mode administratif, ce qui les conduit à prendre le pouvoir sur les communistes : il leur est impossible de rester membres du parti communiste sans violer le centralisme démocratique.
En fait, il se montre ici que le centralisme démocratique est le contrat d’organisation que passent entre eux les communistes lorsqu’ils constituent le parti communiste.
Troisième extrait :
La tentative d’inhiber la critique communiste est encore inscrite dans ces discours [ les discours des dirigeants mutants du PCF ] d’une autre manière : ils enjoignent aux communistes de se taire et d’obéïr. Cette injonction est venue confirmer que les dirigeants mutants du PCF niaient l’égalité des communistes en droits sur leur parti : pour nombre de communistes, cette injonction fut certainement une raison très forte de s’éloigner du PCF : elle heurtait leur pratique de la discipline communiste, qui n’est pas fondée sur l’obéïssance et qui ne s’exprime pas par l’obéïssance ; l’obéïssance en est totalement absente.
La discipline des communistes est fondée sur :
l’étude scientifique de la situation politique, économique et culturelle réelle des nations,
l’engagement de la responsabilité individuelle dans l’étude et dans l’action ainsi que dans les discussions grâce auxquelles l’étude et l’action deviennent collectives,
la prise de parti d’abolir réellement l’exploitation des travailleurs de toutes catégories par les capitalistes et par tous les autres exploiteurs,
la volonté incessante de chaque communiste, qu’il fonde dans sa propre prise de parti communiste, de faire la révolution.
Mais les trois pages ci-dessus ne suffisent évidemment pas: mon livre, qui n’est qu’un livre de communiste parmi des centaines d’autres, fait 148 pages!
A l’étude, camarades, et à l’action!
L’idée de Gilles Questiaux, pour une forme d’organisation relativement décentralisée, réactive et souple, correspondrait assez bien aux besoins actuels, si les communistes se reconnaissant dans les mêmes racines idéologiques du marxisme-léninisme privilégiaient le fait d’avoir une action concertée et politiquement visible sur le fait de mettre en avant chacun sa chapelle ou sa petite boutique groupusculaire…
Au stade actuel, de simples comités de liaison et de coordination, par thèmes de lutte, anti-impérialisme, retraites, désindustrialisation, licenciements, etc… seraient peut-être plus efficaces pour produire des initiatives unitaires, mobilisatrices et motivantes, que des chefferies de substitution à une autorité politique défaillante depuis très longtemps…
Cela suppose de se limiter d’abord à ce qui peut unir, mais peut permettre de l’élargir par la pratique… Cela suppose de renoncer à l’attitude de vouloir se « démarquer » à tout propos et à tout prix, c’est-à-dire, en fait, de vouloir mettre en avant son logo, sa « marque » de petite boutique…
Pour la suite, je trouve également intéressante la réflexion de Marc Harpon (sur le blog de Gilles Questiaux), sur la nécessité d’une organisation centralisée pour la prise du pouvoir, mais qui ferait place à des formes plus décentralisées après. Mais à mon avis, il faudra conserver les deux en parallèles, avec une répartition des rôles. C’est un peu le processus en cours à Cuba, où il existe plusieurs trames d’élaboration des décisions : parti, comités de défense de la révolution, état+administrations, représentation parlementaire. Mais point trop n’en faut non plus…
Peut-on administrer la révolution?
Non, on ne le peut pas!