A propos du 70ème ANNIVERSAIRE du PROGRAMME du CONSEIL NATIONAL de la RESISTANCE, 15 MARS 1944
Par Georges Gastaud, fils de Résistant, secrétaire national du P.R.C.F., le 15 mars 2014
C’est le 15 mars 1944 que le C.N.R. adoptait officiellement son programme poétiquement intitulé LES JOURS HEUREUX.
Le rôle du P.C.F. clandestin, notamment celui de Pierre Villon et de Jacques Duclos, fut déterminant non seulement dans la démarche qui conduisit au CNR (dont le « prototype » politique fut le Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France, construit par le PCF clandestin), mais dans l’adoption de la « ligne » progressiste qui caractérise le programme du C.N.R..
Ce programme associe en effet la lutte pour l’indépendance nationale, l’antifascisme et l’antiracisme, l’engagement pour le progrès social et pour la nationalisation des monopoles capitalistes en mettant au centre de la nouvelle politique le rôle central du monde du travail dans la vie de la nation.
A la Libération, ce sont évidemment les ministres franchement communistes de l’époque qui, d’une toute autre manière que leurs pâles caricatures « communistes » de 1981 ou de 1995-2002, vont mettre en place à marche forcée la Sécurité sociale, les retraites par répartition, les conventions collectives et les comités d’entreprise (A. Croizat), la nationalisation des Charbonnages, de l’Energie, de Renault, de l’aviation et des grandes banques (M. Paul, F. Billoux), la relance de la production industrielle, le statut des mineurs et celui des fonctionnaires (M. Thorez), le nouveau dynamisme de la recherche scientifique publique (F. Joliot-Curie), le redémarrage progressiste de l’Education nationale (H. Wallon), on en passe et des meilleures.
Pour cela, le P.C.F. de 1945 put prendre appui sur la force électorale et organisationnelle sans précédent que lui avait donné sa place – de loin la plus importante ! – dans la Résistance intérieure armée (près de 30% des voix à la Libération, près d’1 million d’adhérents) et sur la C.G.T. de classe et de masse présidée par Benoît Frachon (cinq millions d’adhérents en 1946 !).
A l’arrière-plan, la défaite mondiale du nazisme, cette phalange de choc du capitalisme, de l’impérialisme et de l’anticommunisme, et l’immense prestige dont jouissaient alors l’U.R.S.S. et l’Armée rouge, dont le rôle prépondérant dans la défaite de la Wehrmacht n’était alors contesté par personne. Cette défaite du nazisme était aussi évidemment celle de l’oligarchie capitaliste « française » – notamment du Comité des Forges, ancêtre du Medef – . Pour l’essentiel, le grand patronat s’était en effet gravement compromis dans la collaboration avec l’Occupant et ses milieux dominants avaient même – comme l’a démontré A. Lacroix-Riz – fait « le choix de la défaite » en préférant « Hitler au Front populaire ». Pas étonnant si, dans ces conditions, le C.N.R. excluait tout naturellement l’extrême droite collabo et le grand patronat.
La comparaison est édifiante. Quand le P.C.F. était fort, déterminé, implanté prioritairement dans la classe ouvrière et la paysannerie, et surtout, quand il se référait au marxisme-léninisme et à l’internationalisme prolétarien, quand il savait unir le drapeau tricolore au drapeau rouge orné des emblèmes ouvrier et paysan, quand la C.G.T. combattait pour l’expropriation capitaliste, la classe dominante reculait : par peur de tout perdre, elle faisait des concessions très larges qui, pendant des décennies, n’auront certes pas aboli l’exploitation capitaliste en France, mais qui auront du moins permis à des millions de « petites gens » de mener une vie digne tout en poursuivant la lutte pour changer la société.
Bien entendu, le rapport des forces d’alors n’a pas permis alors de « faire la révolution » alors que l’Armée US campait en France, que l’impérialisme U.S. comptait bien remplacer une occupation par une autre (c’était le but de l’A.M.G.O.T.) et que l’U.R.S.S. venait de subir une saignée épouvantable (la moitié au moins des 50 millions de morts de la Seconde guerre mondiale étaient de citoyenneté soviétique). De même, la France à peine décolonisée par l’Occupant qui la pillait, l’impérialisme « français » qui avait livré le pays aux Allemands (Munich, la « Drôle de guerre », la Kollaboration) refusait de décoloniser les territoires africains de l’ « Empire » : ce qui, sur fond de guerre froide engagée par l’Empire anglo-saxon, allait compromettre l’application intégrale du programme du C.N.R., et cela d’autant plus que le Parti « socialiste » S.F.I.O. des Blum et autre Ramadier etc. allait s’empresser de ramper devant l’impérialisme US en engageant sous son égide la ruineuse « construction européenne » tournée contre le camp socialiste et les travailleurs occidentaux.
Il n’empêche : seuls les aveugles et les sectaires incurables ne voient pas l’actualité des principes du C.N.R.. Le M.E.D.E.F. lui, ne s’y trompe pas qui, par la bouche de son idéologue en chef, Denis Kessler, a publiquement sommé le gouvernement français de « démonter le programme du CNR » et de liquider l’esprit de 1945 (comme dirait le cinéaste K. Loach), voire d’en finir avec la nation française : le manifeste « Besoin d’aire » du M.E.D.E.F. n’appelle-t-il pas cyniquement à en finir avec la République une et indivisible pour « reconfigurer les territoires » (métropoles, euro-régions, régions transfrontalières), imposer partout le tout-anglais, mettre en place l’Union transatlantique sous l’égide de l’OTAN. Le but final de ce 4ème Reich en marche est en dernière analyse d’araser toutes nos conquêtes sociales, d’ élargir à l’Est l’espace vital de l’impérialisme occidental quitte à agresser les autres peuples aux marches de la Russie, de l’Afrique subsaharienne et du Proche-Orient ?
Bref, comme ne cesse de le démontrer Léon Landini, président du P.R.C.F., ancien officier F.T.P.-M.O.I. et figure de proue du film « Les Jours heureux », l’actuelle « construction européenne » est antinomique du programme du C.N.R.. Tous ceux qui se réfèrent à ce programme pour se donner des allures « sociales », mais qui veulent rester dans l’UE actuelle, avec son ruineux euro et sa dictature supranationale, se trompent ou trompent sciemment autrui avec leur introuvable « Europe sociale ». Car point par point, indépendance de la nation, antifascisme, progrès social, nationalisations, l’Europe actuelle contredit frontalement TOUS les articles du programme du C.N.R.. Et pour cause : dans l’actuelle « construction européenne », ce qui est au centre, ce n’est pas les nations libres et la classe ouvrière, c’est le grand capital, ce sont les nostalgiques de Hitler que soutiennent à Kiev Fabius et Ashton, c’est un Empire supranational co-piloté par l’Axe Washington-Berlin qui dirige la « construction » européenne…
La comparaison entre 2014 et 1945 est donc édifiante à deux titres :
· on voit ce que peut faire le peuple français, quand il dispose d’un parti d’avant-garde marxiste, qui se centre sur la classe ouvrière (ce qui n’empêchait pas le P.C.F. de 1945 de compter dans ses rangs les VRAIS intellectuels de pointe, les Aragon, Picasso, Lurçat, Eluard, Léger, Langevin, etc.) et qui associe le patriotisme et l’internationalisme pour abattre le fascisme et l’impérialisme ; et l’on voit à l’inverse à quoi ce même peuple est réduit quand son parti « communiste » actuel fraie avec le PS (notamment dans la plus grande ville du pays), quand sa direction est le meilleur avocat de l’euro sous couvert d’une impossible « réorientation progressiste de la monnaie unique » ; on voit aussi ce que peut faire un peuple qui s’UNIT pour RESISTER et RECONQUERIR sa dignité dans un large Front antifasciste, populaire, patriotique ET internationaliste. Et ce qu’il ne peut plus faire quand il est prisonnier d’une « union de la gauche » dirigée par la social-eurocratie, derrière le slogan PARALYSANT de l’ « Europe sociale »…
· on mesure aussi les différences politiques indéniables entre 1945 et 2014 : aujourd’hui, l’émergence d’un « nouveau C.N.R. » rassemblant autour de la classe ouvrière l’ensemble des classes populaires et des couches moyennes, serait impossible sans une rupture révolutionnaire avec le M.E.D.E.F. dont la « construction euro-atlantique » est la ligne stratégique. En effet, la rupture avec l’U.E. qu’impliquerait l’application d’un programme actualisé du CNR, signifierait un affrontement de classes national et international avec le grand capital. La rupture progressiste avec l’euro, avec l’O.T.A.N. et l’U.E., mettrait tôt ou tard à l’ordre du jour, non verbalement mais en pratique, LA QUESTION DU SOCIALISME POUR LA FRANCE.
Les vrais amis de la République doivent donc comprendre l’importance de la lutte du P.R.C.F. pour la renaissance d’un vrai P.C. en France. Sans cette renaissance, notre nation succombera à l’euro-dépeçage en cours car seule la classe laborieuse peut défendre notre pays et le reconstruire sur des bases humanistes. Symétriquement, les partisans du socialisme doivent saisir l’importance d’une lutte conséquente pour l’indépendance de la nation, ce qui passe par la construction d’un front patriotique, antifasciste et populaire réactualisant le programme du C.N.R..
De plus en plus, les milieux communistes opposants à la direction « euro-constructive » du P.C.F., mais aussi nombre d’intellectuels progressistes français, de P.C. étrangers, de milieux progressistes européens, comprennent ou entrevoient cette nécessité. Le du P.R.C.F., qui agit en pionnier sur ces questions depuis sa fondation, poursuivra son effort avec confiance, car le retour des JOURS HEUREUX est l’unique alternative à l’éternel minuit que nous préparent les prédateurs de l’Empire euro-atlantique en manque d’ « aire ».