C’est en juillet 1214, il y a près de huit cents ans, que l’armée royale de Philippe-Auguste défaisait la coalition du roi d’Angleterre, de l’Empereur germanique, du Comte de Flandres et des grands féodaux français aux cris de « Commune ! Commune » ! Pour sauver sa couronne, le roi capétien s’était allié au mouvement communal qui, à l’initiative de la petite bourgeoisie industrieuse des villes soutenue par la plèbe urbaine et par la paysannerie, se dressait alors contre les privilèges seigneuriaux. Toute personne qui « jurait commune » se voyait alors garantir la protection de ses pairs contre l’arbitraire féodal. Depuis cette date, la construction du Royaume de France, puis de l’Etat-nation français est intimement mêlée à celle des Communes de France.
Ce fut ensuite la première révolution française de 1356, avec Etienne Marcel. Le Prévôt des marchands parisiens tenta alors en vain, en alliance avec la Jacquerie paysanne du Nord – d’imposer un contrôle public du budget royal. Plus près de nous, ce fut la Commune insurrectionnelle de Paris qui, à l’instigation des Sans Culotte du Faubourg Antoine, fut l’aile marchante de la Révolution robespierriste. Et bien entendu, l’immortelle Commune de Paris qui, en 1871, associa la défense patriotique de Paris contre l’invasion prussienne à la lutte pour former le premier gouvernement ouvrier de l’histoire.
C’est donc très logiquement que le Parti Maastrichtien Unique au pouvoir (composé du PS, de l’UMP, des euro-régionalistes, d’Europe-Ecologie et du « Centre ») a entrepris de démolir à la fois l’Etat-nation et les Communes de France pour leur substituer l’Europe fédérale des régions et des euro-métropoles. En réalité, le chef d’orchestre du détricotage de la France ne siège pas à l’Elysée ; c’est en effet Pierre Gattaz, le patron du MEDEF, qui exige ouvertement la « suppression des communes et des départements ». C’est l’ensemble du grand capital européen qui, à l’unisson du MEDEF et de son manifeste anti-français « Besoin d’aire », organise actuellement le « saut fédéral européen » (le passage aux « Etats-Unis d’Europe » pilotés par l’Axe Washington-Berlin), l’ « Union transatlantique » (le grand marché USA-UE réclamé par Obama qui finira d’araser l’industrie, l’agriculture, la culture et la langue françaises…) et la « reconfiguration des territoires » autour des euro-régions « transfrontalières » – et des euro-métropoles ; le tout sur fond de basculement linguistique au tout-anglais mâtiné de « Charte européenne des langues régionales et minoritaires ». Avec à l’arrière-plan le « besoin d’aire »* du belliqueux impérialisme euro-atlantique qui tente en permanence de s’élargir vers l’Est, vers l’Afrique et vers le Proche-Orient comme on le voit avec les ingérences incessantes des USA, de l’UE, de l’OTAN ou de l’impérialisme français vassalisé, du Mali à la Syrie en passant par l’Ukraine et bientôt, par la Biélorussie. Quitte à faire le jeu d’Al Qaida en Syrie ou à soutenir les putschistes néo-nazis au pouvoir à Kiev !!!
C’est pourquoi il est cohérent, de la part du PRCF, d’appeler à voter aux municipales – fût-ce pour déposer un bulletin rouge orné de l’inscription « vive la Commune, non aux euro-métropoles ! » (quand il n’y a d’autre choix, dans une localité donnée, qu’entre l’extrême droite, la droite décomplexée, la droite complexée et les listes régionalistes) – tout en appelant à boycotter les élections européennes au mois de mai.
Car en votant aux municipales, vous marquez votre résistance à l’euro-métropolisation de la France et votre attachement à la commune et, par-delà cette structure POTENTIELLEMENT démocratique de proximité, à la République une et indivisible qu’il nous faut transformer en République sociale et souveraine en marche vers le socialisme. A l’inverse, si vous votiez aux européennes, même en déposant un bulletin blanc, vous cautionneriez l’Europe supranationale, cette dictature antisociale, fascisante et guerrière, dont le but n’est pas de respecter le suffrage universel (on a vu ce que l’UE et ses laquais hexagonaux Sarkozy et Hollande ont fait de notre Non à la constitution européenne !), mais de valider le « saut fédéral européen », de bâtir la monstrueuse « Union transatlantique » – ce IVème Reich pseudo-démocratique en marche – , de broyer les communes et les départements, d’araser les acquis de 1789-94, de 1905, de 1936, du Conseil National de la Résistance et de mai 68.
En pratiquant l’abstention citoyenne aux européennes et en lui donnant le sens politique d’un boycott, vous adressez aussi un carton rouge aux partis euro-réformistes qui prétendent, contre tout réalisme, changer du dedans la prison des peuples de l’UE en une « Europe sociale » ; et vous ferez d’une pierre deux coups en délégitimant le vote pour le FN, qui feint de s’opposer à l’euro mais qui subordonne l’abandon de la monnaie unique à l’accord préalable des 28 pays… c’est-à-dire en fait, au feu vert d’Angela Merkel !
Ainsi, en participant au scrutin aujourd’hui, même sur des bases hypercritiques, vous clamerez « non à l’euro-métropolisation de la France ». En vous abstenant en mai prochain, vous serez dans la cohérence de votre vote républicain d’aujourd’hui car, avec la majorité écrasante des travailleurs de France et du reste de l’Europe, vous clamerez alors à la face des eurocrates déconfits :
« vive la République sociale, souveraine et fraternelle, vive la Commune, à bas l’Europe atlantique, guerrière et supranationale du grand capital ».
*jadis on eût dit « espace vital » (en allemand, « Lebensraum »).
Georges Gastaud