La peste, une pluie d’astéroïdes, l’extinction du soleil voir pire de l’inflation, si on en croit les eurolatres et les médias qui matraquent leurs « arguments » en boucle la sortie de l’Euro serait une catastrophe.
L’économiste J Sapir, s’appuie – indépendamment de ses études propres sur le sujet fort pertinentes – s’appuie sur des études de différentes banques centrales européennes qui ont planché sur des scénarios de sortie de l’euro, et notamment la banque centrale des Pays Bas pour tordre le coup à ces idées reçues dans un article intitulé fort à propos « L’aveu »:
Un aveu
23 mars 2014Par Jacques Sapir
Une nouvelle est passée quasiment inaperçue vendredi dernier, c’est l’annonce faite par le gouverneur de la Banque centrale des Pays-Bas, M. Klaas Knot, que son institution avait préparé un « plan d’urgence » (a contingency plan) pour une sortie de l’Euro en 2012. Cette nouvelle n’a rien d’étonnant, et elle confirme ce que l’on sait de diverses sources. Les différentes Banques centrales des pays de la zone Euro, et même les Ministères des Finances, travaillent sur des scénarii d’explosion ou de sortie de l’Euro depuis au moins le printemps 2011.
Le contenu de ces études
De ce point de vue, il est important de noter qu’une sortie de l’Euro ne serait pas le « saut dans le vide » fort périlleux, comme le prétendent de nombreux européistes. Ces différentes études se poursuivent, et des économistes connus pour leur opposition, soit ancienne soit récente, à l’Euro continuent d’être consultés assez régulièrement. Ce que démontrent ces études, et pour avoir eu connaissance des résultats de celles menées dans quatre pays je puis en témoigner, c’est qu’une sortie pourrait avoir lieu sans drame moyennant que la Banque centrale prenne des mesures conservatoires. Les différents points critiques ont été identifiés de manière convergente dans ces différentes études : mouvements spéculatifs violents à court terme, évolution du bilan des banques et des assurances, poussée inflationniste. On peut remarquer que pour aucun pays on n’a retenu la question de la dette publique ; l’application de la lex monetae, soit du principe qui veut qu’une dette émise par un pays sur son sol est remboursable dans la monnaie de ce pays, que celle-ci soit l’Euro ou une autre, a été admis. Il faut signaler qu’aucune de ces études n’a retenu comme plausible un effondrement du commerce entre les pays de la zone Euro. Dans toutes ces études, et dans les discussions qui les ont préparées et qui les ont suivies, il a été considéré, et à très juste titre, que les mouvements commerciaux seraient certes modifiés, mais se poursuivraient. Ainsi, les évaluations catastrophistes produites par certains Instituts « d’études » très européistes et annonçant des résultats dramatiques (une chute de 10% du PIB par exemple) n’ont pas été validées, ni en France, ni dans d’autres pays. En fait, les études ont plutôt validé les résultats des travaux menés par les « anti-Euro ». On sait qu’en France une étude du Ministère des Finances a validé les perspectives de croissance dans le cas d’une forte dévaluation du « nouveau Franc », sur la base de calculs réalisés pour l’économie française sur la parité Euro/Dollar.
Les risques induits par une sortie de l’Euro
Les points critiques identifiés ne le sont que dans la mesure où le système financier des pays resterait inchangé. Mais, dans la plupart des pays, les calculs et les estimations montrent que ces problèmes sont gérables. Le risque de forte spéculation accompagnant le retour aux monnaies nationales serait fortement limité par des contrôles de capitaux sur les transactions financières à court et moyen terme. Ces contrôles devraient être mis en place pour une durée d’au moins six mois et au plus d’un an et demi. Le fait que les transactions financières se fassent désormais exclusivement par électronique rend leur application en fait bien plus facile. La situation des banques et des assurances soulève un peu plus de problèmes. Les systèmes bancaires italiens, français, néerlandais et belges montrent une grande résistance à la déstabilisation issue d’une sortie de l’euro dans leur ensemble. Mais, certains établissements pourraient connaître des difficultés, qui restent néanmoins inférieures à celles que l’on a connues à l’automne 2008. Les gouvernements ont tout à fait les moyens d’y faire face. Dans un seul pays, les problèmes sont sérieux : il s’agit de l’Espagne. Mais, compte tenu des liens entre les banques allemandes et les banque espagnoles, il est clair que ce pays recevra une aide substantielle. Le problème est plus complexe pour les sociétés d’assurances (ou pour la partie « assurance » du bilan des banques). Néanmoins, ici encore, le besoin en recapitalisation n’excède pas, suivant les pays entre 0,5 et 0,75% du PIB.
Le risque d’inflation varie de manière considérable suivant les pays considérés. Il est modéré dans le cas de la France. Il n’en reste pas moins que si des pertes en patrimoine (et en particulier dans le patrimoine des ménages) doivent avoir lieu, elles seront bien liées à cette inflation, qui pourrait être plus élevée pendant une période d’un à deux ans aux taux d’intérêt. Cela implique une perte totale sur le patrimoine financier d’environ 10%, qui pourrait être compensée par une hausse des autres éléments de patrimoine (en particulier l’immobilier) et par la hausse des revenus du travail. Il est cependant clair que les conséquences d’une sortie de l’Euro seraient de redistribuer une partie des actifs patrimoniaux. Mais l’ampleur de cet effet redistributif semble ne pas excéder 5% à 7%, suivant les pays.
Les effets positifs
Les effets positifs d’une sortie de l’Euro ne sont abordés que de biais dans ces études, qui se concentrent sur la dimension technique des risques que cette sortie ferait courir. Mais, implicitement ou explicitement, ils sont reconnus comme importants dans deux pays, la France et l’Italie. Aux Pays-Bas, ils sont considérés comme « significatifs ». Ces études soulignent la dimension politique d’une telle décision. Le lecteur est ici renvoyé à ses propres convictions. Soit il communie avec les européistes dans l’idée que « l’Euro est le sens de l’histoire » et il considèrera que, tout comme « Paris vaut bien une messe », l’Euro vaut bien une crise et une dépression durable dans les pays considérés. Ou alors, étant ce que l’on appelle un « Euro-réaliste », ou tout simplement agnostique face à la « religion de l’Euro », il considèrera qu’il est temps, et même plus que temps, de mettre fin à une expérience malheureuse qui déjà n’a que trop duré. L’évolution des PIB des pays considérés depuis la mise en place de l’Euro, et l’évolution de l’investissement indiquent bien le coût exorbitant de la monnaie unique.
Graphique 1
Croissance depuis 2000 (indice 100)
Investissement en niveau réel, 2000 = indice 100
Source : Base de données du FMI
On mesure bien sur ces courbes ce que l’Euro a impliqué, et implique encore et toujours pour l’économie des pays de la zone Euro. Les conséquences sociales sont tout aussi dramatiques, et l’immense manifestation de samedi 22 mars à Madrid montre que les peuples désormais ne supportent plus l’insupportable. L’Euro, de par son existence même, est en train d’organiser la fin de « l’État social », pour reprendre le terme utilisé par notre confrère Christophe Ramaux dans le livre du même nom1.
Graphique 2
Taux de chômage
Source : Base de données du FMI
Il est clair aujourd’hui que devant la dégradation de la situation macroéconomique et devant la réduction des moyens d’action laissés à la BCE, les tentatives pour « sauver » l’Euro ne peuvent se traduire que dans une austérité renouvelée et amplifiée. Avec la fin de cet « État social » qui était partie prenante de la culture européenne depuis 1918 (et même avant en Allemagne), c’est à la fin de l’Europe que l’on va assister. Il serait donc de la première urgence que les différentes études sur la fin de l’Euro soient enfin publiées, et qu’elles le soient honnêtement, c’est-à-dire dans leur intégralité. Elles fourniront la base d’un débat réel pour les élections européennes, qui doivent se dérouler sur la question de « l’euro-austérité », et donc en dernière instance sur la question de l’existence ou non de l’Euro.
Mais, on peut douter que cela soit fait. Les européistes de tous bords au pouvoir, qu’il soient de gauche ou de droite, ce fameux “Parti Unique de l’Euro”, continuera de prétendre par monts et par vaux qu’”une autre Europe est possible” alors que dans la réalité on voit bien que la seule Europe à laquelle on peut s’attendre est celle de la misère. Que l’on ne s’étonne pas, dans ces conditions, du résultat des votes à venir.
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Ramaux C., L’Etat Social, Paris, Les Mille et Une Nuits, 2012. [↩]