A l’occasion du 30ème anniversaire de la Loi Toubon (août 1994) visant à défendre la langue française contre l’uniformisation linguistique de la France, de l’Europe et du monde, et la destruction de la Francophonie internationale au moyen du tout-globish délétère, l’Association CO.U.R.R.I.E.L. publie ceci :
Contre le tout-anglais imposé par l’oligarchie euro-atlantique, défendons la langue française et toutes les langues de France et du monde !
Voici trente ans que la loi Toubon organisant la protection de la langue française contre la menace grandissante du tout-anglais, fut adoptée le 4 août 1994 par l’Assemblée nationale quasi-unanime. Or, non seulement cette loi est bafouée, contournée, ridiculisée avec la complicité des plus hautes autorités censées la faire exécuter, mais il en va de même de l’Article II-a de la Constitution, qui dispose, de plus en plus vainement hélas, que « la langue de la République est le français ». Cette tendance, déjà forte sous MM. Sarkozy et Hollande, a pris un tour encore plus inquiétant sous l’égide d’Emmanuel Macron, dont l’inféodation à l’UE, à l’OTAN, aux Traités commerciaux « transatlantiques » et la fascination bien connue pour la mondialisation anglo-saxonne sont sans limite. L’infestation du tout-globish est en outre fortement portée par la décision d’Ursula von der Leyen d’imposer l’anglais comme la seule langue de travail officielle de la Commission européenne, de la Cour des comptes européenne et du Parquet européen. L’indifférence à ces débordements manifestes des organisations politiques et syndicales prétendant combattre l’ordre néolibéral dont le tout-anglais est un axe majeur est d’autant plus choquante que cette politique linguistique oligarchique est porteuse d’un totalitarisme culturel et linguistique pour le moins insidieux.
C’est en effet en tous domaines que déferle désormais, sous l’impulsion du grand patronat, de l’UE, de l’impérialisme étatsunien et des gouvernements successifs qui les servent, le tout-anglais impérial ; non seulement ce Business English déstabilise en profondeur le vocabulaire et la syntaxe du français, mais il se substitue de plus en plus à notre langue en tous domaines : industrie, affaires, publicité, communication, enseignes commerciales, chanson, cinéma, recherche, sports, voire Armées et enseignement de la Maternelle à l’Université ! Il ne s’agit plus seulement désormais d’ « emprunts » terminologiques déferlant par milliers : on assiste au basculement organisé d’une langue vers une autre dans le cadre d’une politique linguistique insidieuse imposée par nos « élites » ; en attaquant la langue française, cette politique mortifère vise à dissoudre la France républicaine, sa production industrielle et agricole, sa culture et ses acquis sociaux, sa recherche scientifique, dans une « construction » européenne qui se pense elle-même comme la projection de l’OTAN et de l’Union transatlantique en gestation.
Non seulement cette politique inavouée sape le français sur notre sol, mais elle prive de sens la Francophonie internationale ; sans la moindre protestation de la France officielle qui collabore au saccage, la Francophonie internationale est assiégée par le tout-anglais du Québec à l’Afrique, de l’Océanie à l’Asie du Sud-Est, de la Suisse à la Belgique en passant par le Luxembourg et Monaco ; dans la Flandre belge, les francophones et leur langue sont de surcroît quotidiennement humiliés et discriminés !
En France même, l’offensive du tout-anglais se double d’une action insidieuse visant à institutionnaliser la Charte européenne des langues minoritaires et régionales ; loin de promouvoir la transmission des langues régionales (ce bien commun de la Nation) dans un cadre républicain, cette Charte n’a qu’un but : ethniciser le territoire national, substituer l’Europe fédérale des Länder à la République une et indivisible ; le français serait ainsi « désétabli », non pas au bénéfice des langues régionales, mais au profit de cette « langue minoritaire » dopée par le grand patronat qu’est déjà le tout-anglais dans nombre d’entreprises !
Les motivations de classe de cette politique d’arasement linguistique sont patentes. L’oligarchie rêve de substituer à la France des Lumières, de 1789, de 1905, de 1936 et du CNR « notre nouvelle patrie, les Etats-Unis d’Europe »[1], dont la langue officieuse est déjà l’anglo-américain des Traités transatlantique néolibéraux. La classe privilégiée se sert du vecteur idéologique puissant qu’est le tout-anglais pour aligner notre pays sur l’anti-modèle social et sociétal anglo-saxon en détruisant les conquêtes sociales, laïques et démocratiques de 1789-94, 1905, 1936, 1945 et 1968. Tant pis si cet acharnement contre la langue de Molière, Hugo, Aragon et Césaire massacre ce premier service public de France qu’est notre langue. Tant pis si ce chambardement linguistique aggrave les inégalités et discriminations qui sévissent déjà lourdement en France[2]. Tant pis si la nouvelle langue unique, dont la pénétration tous azimuts accompagne l’hégémonie mondiale de l’impérialisme étatsunien, est porteuse de pensée unique managériale, de politique unique euro-atlantique, d’économie unique néolibérale, d’arasement de la diversité culturelle mondiale indispensable à la vie culturelle.
Considérant que la défense du français fait désormais corps avec celle de toutes les langues de France et du monde[3], réaffirmant que la résistance linguistique est une composante axiale de la résistance civique et sociale au monstrueux « ordre » mondial porté par Wall Street et par ses relais du CAC-40, CO.U.R.R.I.E.L. appelle les travailleurs, les intellectuels et tous les citoyens à résister personnellement et collectivement, dans les associations, les partis, les syndicats, à la mise en extinction programmée de notre langue maternelle commune. Les soussignés invitent les patriotes républicains (que nous ne confondrons jamais avec les xénophobes !), les internationalistes (que nous distinguons des supranationalistes), les écrivains, chanteurs, philosophes, chercheurs, artistes attachés à la diversité culturelle et linguistique, à exiger des autorités…
· L’application rigoureuse dès aujourd’hui de l’article II-a de la Constitution et des stipulations de la loi Toubon en refusant la politique européenne de basculement de toute l’Europe au tout-anglais ;
· Le renforcement de la loi de 1994 ; il faut que chaque citoyen puisse porter plainte contre les abus linguistiques, il faut alourdir les amendes prévues contre les entreprises, les Grandes Ecoles, les instituts de recherche et les administrations publiques et autres collectivités territoriales qui contournent la loi Toubon ; il faut rendre les sentences immédiatement exécutoires.
· L’abrogation de la loi Fioraso, qui institutionnalise l’anglais à l’Université, et aussi de la loi Chatel, qui fait de l’anglais une langue maternelle bis en France en sacrifiant à la fois le français et les langues étrangères autres que l’anglais ;
· La restitution à l’enseignement du français, de la maternelle à l’Université, des horaires que lui ont retirés les gouvernements successifs au fil des décennies ;
· La diversification de l’offre de langues vivantes, régionales et anciennes enseignées dans le premier et le second degré ; il faut aussi renforcer l’enseignement laïque des langues de l’immigration de travail et mettre en place les moyens qui permettront la rapide mise à niveau en français des élèves non francophones amenés à vivre en France
Lions la résistance linguistique aux luttes civiques, culturelles et sociales menées dans notre pays et à l’étranger pour le progrès social, la souveraineté des peuples, la coopération internationale et la dignité des personnes !
Pour l’Association COURRIEL, Léon Landini, ancien Résistant, Georges Gastaud, philosophe, Matthieu Varnier, ingénieur roboticien, auxquels s’associe Gilliatt de Staërck, salarié des transports (35), primé par l’Académie du Tapis rouge pour la langue française pour son action syndicale en faveur du français à l’entreprise.
[1] Cf Manifeste du MEDEF intitulé Besoin d’aire, déc. 2011. Il prône aussi la « reconfiguration des territoires », les « transferts de souveraineté », l’ « Union transatlantique ». L’ex-patron du MEDEF s’est illustré pour sa part dans la lutte contre sa langue maternelle. En 2003, il provoqua le départ irrité de J. Chirac en déclarant, en sa qualité de nouveau « boss » du syndicat patronal européen Businesseurope : « je vous parlerai désormais en anglais, la langue de l’entreprise et des affaires ». Ce qui n’est pas très gentil pour la langue de Shakespeare…
[2] Les hauts cadres English Mother Tongue sont désormais privilégiés dans certaines entreprises aux dépens des francophones et les gens du peuple, y compris ceux qui viennent de l’Afrique francophone, étant peu à peu relégués dans une « employabilité » de second ordre)
[3] … y compris de l’anglais véritable, qui est lui-même écrasé par le rouleau compresseur du Business Globish !