Une semaine après les résultats des élections en Saxe et en Thuringe, deux länders de ex RDA, initiative communiste a recueilli l’analyse d’un camarade communiste allemand sur ce que signifie ces élections. Ces élections sont marquées par un vote sanction contre la coalition dite feu tricolore réunissant la droite conservatrice, la sociale démocratie (SPD) et les verts, à savoir les partis promouvant l’Union Européenne et l’OTAN. Dans une Allemagne en profonde crise économique, l’extrême droite bénéficie d’une progression très inquiétante. A gauche, c’est la percée du partie pro paix conduit par Sarah Wagenknecht qui est remarquée à l’inverse de l’effondrement du mouvement Die Linke dont il est issu.
Les résultats des élections en Saxe et Thuringe du 1er septembre 2024 ne sont pas une surprise mais soulèvent des interrogations. Les trois partis de la coalition gouvernementale de la RFA ont fait encore pire que lors des dernières élections de 2019. La coalition « Ampel » (feu de circulation) composé de libéraux de différentes couleurs n´a plus que 15,1% en Saxe et 10,4% en Thuringe.
Cette coalition constituée après les élections fédérales de 2021 entre le SPD (socio-démocrates) et les Grünen (verts) d´un côté, qui avaient fait campagne sur le social, l´écologie les inégalités etc. et le FDP de l´autre qui prônait l´austérité et les réductions d´impôts pour les riches. On s’attendait à ce que les projets des verts et socio-démocrates ne restent que des promesses et que la politique du FPD soit appliquée.
Mais avec l´escalade de la guerre en 2022, le politique antipopulaire s´est avérée être plus dure que l´on imaginait. Un budget exceptionnel de 100 milliards d´Euros pour l’armée et des coupes budgétaires accélérées ont été votées alors que les impôts pour les riches ne cessaient d’être réduits. La bourgeoisie en a profité en réduisant le pouvoir d´achat par une inflation sans hausse des salaires. L´Allemagne est également le deuxième pays (après les Etats-Unis) à apporter un soutien matériel et financier aux guerres menées par les USA en Ukraine et en Palestine.
Les ministres (particulièrement ceux du Parti des Verts) ont mis en place ces mesures avec enthousiasme en proclamant qu´il fallait se sacrifier pour l´Ukraine et se réjouissant même du fait que l´effondrement du pouvoir d´achat ait un impact positif sur le climat.
Or, la politique menée ainsi que la communication de l’establishment et de ses médias est détestée par la population de l´ex RDA.
Les agitateurs du Parti AfD qui en Thuringe assume sa sympathie pour le passé nazi de l’Allemagne ont su saisir ce mécontentement. Le AfD a réussi à remporter 30,6% en Saxe et 32,8% en Thuringe. Comme partout en Europe, la bourgeoisie veut rendre les immigrés responsables de la crise qu´elle a causée. La communication de l´AfD se limite presque uniquement à s´en prendre aux « immigrés ». Bien que le soutien à l´Ukraine soit mal vu en ex-RDA, l´AfD préfère ne pas se prononcer sur la question pour ne pas effrayer ni la bourgeoisie ouest-allemande, ni ses électeurs de l´Est. Le fait est que l’AfD ne veut pas sortir de l´OTAN et ne souhaite pas réduire les dépenses militaires.
Le discours de l´AfD prend également grand soin à ne pas dire que les coupes budgétaires, les sommes pharaoniques versées à l´Ukraine, l´inflation et les sanctions contre la Russie, impopulaires à l´est, sont imposées par les intérêts matériels de la bourgeoisie euro-atlantique à tous les peuples. Ils nient le diktat de l´axe UE-OTAN, car ils nient la dictature de la bourgeoisie tout comme l´existence même de la bourgeoisie. À l’opposé de l´approche scientifique du marxisme-léninisme pour expliquer les bouleversements actuels, ils propagent leurs idéologies raciales et inventent des idées mystiques de tout genre.
Ces idées pourraient être combattues avec un discours internationaliste et scientifique. Malheureusement, le parti dont ce serait la tâche se porte mal. Die LINKE (« la gauche » qui a été créée par d’anciens membres du SED, le parti qui jadis construisit la RDA) a beau avoir un programme anti-impérialiste et socialiste, on ne peut pas en dire autant de ses cadres dirigeants. La direction du parti ne veut pas se positionner contre les livraisons d´armes en invoquant des raisons électoralistes tout en laissant certains cadres se prononcer en faveur de l´OTAN et de l´aide à la junte pronazie de Kiev ce qui va à l´encontre du programme. Le résultat du travail de ces liquidateurs est que le parti est passé de 31% à 13,1% en Thuringe et de 10,4% à 4,5% en Saxe. Le BSW (un nouveau parti crée par Sahra Wagenknecht, ancienne députée de Die LINKE) a su remporter 15,8% en Thuringe et 11,8% en Saxe. Ce parti d’orientation social-démocrate, créé il y a quelques mois, est contre les livraisons d´armes à l´Ukraine, ce qui lui a permis de se profiler comme le parti de la paix et de prendre une bonne partie de l’électorat de Die LINKE. Le BSW est tout de même pas complètement opposé à l´OTAN et encore moins à l´UE. Il reste à voir quelles vont être les orientations politiques de ce nouveau parti et dans quelle mesure il réussira à les imposer s’il participe aux futurs gouvernements de Thuringe et de Saxe.
Par Théo Müntzer (Allemagne) pour www.initiative-communiste.fr – 6 sept 2024
Sarah Wagenknecht est une figure de la création de Die Linke dans la suite du PDS en 2000. En 1989 elle avait pris sa carte au SED, le parti communiste de la RDA. Suite aux évolutions de Die Linke (la gauche ndlr) elle quitte ce mouvement en 2023 pour créer avec 9 des 38 députés de Die Linke le mouvement BSW (alliance pour la raison et la justice), dans le but affirmée d’une meilleure défense de la classe ouvrière. Elle est une figure ces dernières années de la mobilisation pour la paix, contre l’escalade guerrière de l’OTAN en Ukraine. Aux européennes 2024, BSW obtient 6,2% des voix, contre 2,7% à Die Linke, avec un électorat fortement concentré en Allemagne de l’Est.
Dans leur journal Unsere Zeit (notre temps) les communistes allemands du DKP soulignent au lendemain de la percée de BSW qui, contrairement à la très dangereuse progression de l’AFD, est la source d’effroi de la bourgeoisie et de ces médias en Allemagne : « ce qui a poussé la colère des médias et des hommes politiques bourgeois à des sommets incommensurables, c’est le refus de Sahra Wagenknecht d’abandonner l’exigence fondamentale de sa campagne électorale. Au lieu – comme d’habitude – de se lancer « ouvertement » dans des négociations exploratoires et de souligner par exemple les similitudes avec la CDU sur la question migratoire, Wagenknecht a affirmé le soir des élections que son alliance ne rejoindrait que les gouvernements opposés au stationnement de missiles en Allemagne et en faveur d’initiatives diplomatiques expresses. »