Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage.
C’est une salve. Le 20 janvier Mme Vautrin ministre du travail, de la santé (le travail c’est la santé comme chantait Henri Salvador ?) et des solidarités sociales veut que les salariés travaillent 7 heures de plus gratuitement pour financer le soi-disant déficit de la sécurité sociale. Mme Vautrin ne sait évidemment pas que déjà le salarié travaille gratuitement une partie de son temps. Le 22 janvier devait une commission sénatoriale qui se penche sur les difficultés de la filière automobile française, Mr Florent Ménégaux, PDG de Michelin, dans une argumentation ou la mauvaise foi le dispute à l’ignorance crasse, s’en prend aux cotisations sociales qui rendent selon lui insupportable le ‘coût’ du travail. Mr Ménégaux ne sait pas que ce qui ne va pas dans la poche du travailleur – son salaire net- finance le modèle de protection sociale le plus efficace qui soit.
À chaque fois qu’il faut remettre en cause des conquêtes sociales le patronat la droite et les sociaux-démocrates reprennent l’antienne du coût salarial trop élevé qui freinerait la compétitivité de la France et nous plongerait donc dans les malheurs économiques et sociaux.
Bien qu’il ait déjà été démontré dix mille fois que ce n’était que mensonge mais comme cette accusation revient, refaisons le point. Mais cette fois nous ne resterons pas sur le terrain de l’économie politique bourgeoise pour aller à la racine de ces mensonges.
I La manipulation des données
Accusation n° 1 Les Français sont des feignants
D’après les contempteurs des travailleurs ceux-ci, nous voulons dire les travailleurs en France, travailleraient moins que les autres travailleurs notamment les travailleurs d’Europe ou de l’Union européenne. Rien n’est plus faux.
En France les salariés à temps plein travaillent près de 40 heures par semaine, un peu plus pour les cadres – 42,4 heures – et un peu moins pour les employés 37,3 heures et les ouvriers 37,7 heures, donc au-delà des 35 heures.
Le tableau ci-dessous qui retrace les durées hebdomadaires de travail dans les pays européens et la Turquie, est issu des données européennes compilées par Eurostat.
Comme on peut le constater le travailleur en France travaille comme en moyenne les travailleurs de la zone à 27.
Il y a 8 pays où l’on travaille en moyenne moins longtemps : Allemagne, Autriche, Belgique, Suisse, Finlande, Irlande, Pays-Bas, Norvège.
En Allemagne le temps de travail moyen hebdomadaire est de 34,90 heures.
Pour ce qui est du Royaume-Uni les données s’arrêtent en 2019. Le temps de travail moyen était de 37 heures.
On pourra objecter que sur l’ensemble d’une année le travailleur français, bénéficiant de nombreux jours de congé, travaille moins que tous les autres. Ceci est aussi faux.
Voici selon les données compilées par l’OCDE.
Il y a 8 pays où sur une année on travaille, en moyenne, moins qu’en France : Luxembourg, Autriche, Islande, Suède, Pays-Bas, Allemagne, Norvège et Danemark. Comme nous le verrons, aucun de ces pays n’a de problème de compétitivité
Accusation n° 2 le ‘Coût’ salarial’ est trop important
Nous examinons ce point qui en réalité n’a aucun sens. Chacun peut comprendre que payer 2 fois plus un ouvrier qui produit 4 fois plus qu’un ouvrier qu’on paye 2 fois moins est parfaitement avantageux. C’est tout l’enjeu de la productivité.
Mais même sur ce terrain pourri le patronat et ses laquais politiques mentent.
Voici les données :
Comme on peut le constater plusieurs pays ont des ‘coût’ salariaux plus élevés qu’en France : Belgique, Danemark, Luxembourg, Suède, Pays-Bas, Norvège, Autriche, Islande, pays comme c’est logique, à l’exception de la Belgique, où le temps de travail est aussi le plus bas.
Si on observe l’évolution récente le constat est encore plus accablant. Sur la base 100 en 2020 l’indice français et de 112,9, une augmentation de 12,9%, augmentation la plus basse de tous les pays européens. (À l’exception du Danemark)
La mystification des cotisations ‘patronales’ : compte de résultat valeur ajoutée et excédent brut d’exploitation.
Le patronat et les gouvernements de droite comme sociaux-démocrates ne cessent de se lamenter sur les charges patronales qui pèseraient de façon insupportable sur les activités économiques.
Le problème c’est que ces charges dites patronales n’existent pas !
Le schéma ci-dessous qui retrace selon les propres pratiques comptables des entreprises le montre.
La valeur ajoutée (qui n’est pas la plus-value de Marx) qui mesure comptablement la richesse créée sous forme de marchandises se divise -se partage- en 2 : une partie va aux salariés soit sous forme de salaires directs – le salaire net- soit sous forme de salaire indirect -les cotisations sociales – qui via l’Urssaf va aux chômeurs, aux malades, blessés ou retraités. Il n’y a donc qu’un seul mécanisme celui du partage de la valeur ajoutée entre travailleurs et capitalistes. Nous revenons sur ce point de façon plus scientifique. (Partie II)
Le rôle de la productivité
Nous avons écrit plus haut que parler de ‘coût’ salarial n’a aucun sens car ce qui est déterminant c’est la productivité du travail. D’après l’OCDE, bureau d’étude économique des principaux pays capitalistes, la France est particulièrement bien placée, au-dessus de l’Allemagne, des Pays Bas, de la Finlande, du Royaume-Uni, de la moyenne de UE et de l’Europe. Ceci infirme totalement les lamentations sur le ‘coût’ salarial.
Cela signifie que le soi-disant ‘coût » salarial ramené à la production est bien inférieur en France que dans la plupart des pays capitalistes.
Il est vrai cependant que depuis 2021 la position de la France a reculé. Il serait bien difficile d’en imputer la faute aux travailleurs.
En 2015 la productivité globale en France mesurée par le Produit intérieur brut par heure travaillée (= somme des valeurs ajoutées produites en France) était supérieure à celle de l’Allemagne et du Royaume-Uni et largement supérieure à celle des pays de l’OCDE. Cette productivité connaît un net recul à partir de 2021. Ce recul n’a rien à voir avec le ‘coût’ salarial.
II A propos de la compétitivité
Il est donc des pays où à la fois on travaille moins et où les travailleurs gagnent plus. Ce qui est somme toute assez logique.
Mais comme on peut le constater d’après les données publiées par la CNUCED tous les pays dans lesquels le temps de travail est largement inférieur à celui de la France et où les salaires sont plus élevés ont un solde de leur balance commerciale positif.
Travailler moins et gagner plus est bénéfique pour l’économie.
III Une approche scientifique de la question
Jusqu’à présent nous nous sommes situés sur le terrain des thuriféraires du Capital. Leur vision de l’économie politique n’est qu’une mystification. Mystification redoublée quand on analyse le fonctionnement de l’économie au prisme d’un compte de résultat d’une entreprise.
Le travail n’est pas un coût il est une des deux sources, avec la nature, de la richesse.
La valeur d’une marchandise est composée :
D’une part du capital constant, mesuré par l’usure ou la consommation (transformation) de biens composant ce capital : les machines, les équipements divers et les matières nécessaires à la production d’une marchandise (le minerai de fer pour la sidérurgie par exemple). On le note par C. Capital constant veut dire que ce capital ne fait que transmettre de la valeur mais sans n’en créer aucune. En comptabilité cela s’appelle l’amortissement.
D’autre part c’est le travail ou plus exactement la force de travail mise en œuvre pendant le temps de travail qui crée de la valeur. La valeur d’usage de la force de travail c’est de produire plus de valeur qu’elle n’en coûte Seule cette force de travail ajoute de la valeur. C’est pourquoi Marx la nomme capital variable. Mais comme cette force de travail crée plus de valeur qu’elle n’en coûte elle produit une plus-value que s’approprie le capitaliste. C’est le mécanisme de l’exploitation. La contrepartie du salaire se note V. La part du temps de travail soutiré gratuitement au travailleur et que s’approprie le capitaliste on le note PL (ou S survaleur).
Donc non seulement le travail n’est pas un coût, mais la variation du salaire, soit V, n’a d’autre incidence que de réduire la part de PL, c’est-à-dire la part du profit du capitaliste. Il n’y a aucun effet sur la valeur de la marchandise, donc sur le prix et au final aucune incidence sur la ‘compétitivité. Un simple déplacement du partage de la valeur créée entre le prolétaire et le capitaliste. Bref la lutte des classes.
Le graphique ci-dessous résume ce propos :
Si V augmente grâce aux luttes des travailleurs PL diminue.
Si le rapport de force est favorable aux capitalistes alors le part de V diminue.
C’est ce que l’on constate dans la dernière période avec un partage de la valeur ajoutée, favorable au Capital. Ajoutons que ces gains que s’est octroyé le Capital est venu gonfler les dividendes au détriment de l’investissement.
Reprenons le cas de Michelin dont le PDG se répand en lamentations : le dividende par action est passé de 0,5€ en 2019 à 1,35 € en 2023 et le taux de distribution de 20,6% en 2019 à 48,7% en 2023 avec un pic à 65,3% en 2020 (sans doute pour se consoler des effets du COVID) Les dividendes versés au titre de 2023s’élèvent à 896 millions d’€.
En 2023 les amortissements des secteurs opérationnels sont élevés à 1.917 millions € et les investissements opérationnels à 2.004 millions. Soit à peine le renouvellement des biens corporels.
En 2023 Mr Florent Ménégaux a touché une rémunération de 2.759.755,44€ et s’est vu attribuer des actions pour une valeur de 1.047.089,10€ soit 3.806.844,50€
Pauvre patronat !
Commission économie – MC pour www.initiative-communiste.fr