
Par Georges Gastaud, responsable du Secteur Études et Prospective du PRCF, et Michel Cohen, secrétaire de sa commission Économie – Avec le soutien de Fadi Kassem, secrétaire national.
Paris, avril 2025 – Percutant brutalement l’économie mondiale, le déluge de droits de douane édictés par Trump et par son équipe réactionnaire (sans l’avis du Congrès : quelle belle « démocratie » que celle des USA !) ne manquera pas de provoquer des effets graves, non seulement sur l’emploi et sur le pouvoir d’achat des travailleurs de tous les pays, y compris sur la situation des ouvriers américains, mais sur l’ensemble des relations internationales déjà très dégradées qui caractérisent le monde contemporain. Il s’agit pour Trump, non seulement de brutaliser ses ennemis stratégiques, Chine populaire en tête (ne parlons même pas de Cuba et du Venezuela strangulés au quotidien, ni du Vietnam à l’encontre duquel Trump exerce une méprisable vendetta historique), mais de « tordre le bras » de l’U.E. inféodée à la grande industrie allemande exportant ses voitures en Amérique et fortement assise sur la zone euro-mark (1). La France sera d’autant plus perturbée par l’actuel déchaînement trumpiste que, depuis le désastreux plan Charbon-Acier des compères Monnet et Schuman (années 1950), l’oligarchie qui dirige notre pays a saccagé le produire en France en sacrifiant à la « construction européenne » sous dominance berlinoise, mais aussi la grande industrie, la pêche artisanale, la recherche scientifique, les services publics et l’agriculture paysanne de notre pays. Tout cela au nom de la sacro-sainte « économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée » qui est gravée dans les traités européens successifs.
Pour autant, les grands médias de la Macronie à la remorque de l’U.E.-O.T.A.N. ne nous feront pas regretter le « libre-échangisme », du reste terriblement faussé (Trump fait comme si, depuis des décennies, l’impérialisme US n’imposait pas au monde entier son dollar inconvertible, ses règles économiques asymétriques et ses « sanctions extraterritoriales » excluant du commerce mondial des millions d’humains!) qui caractérisait en théorie la mondialisation néolibérale régie par l’O.M.C. et désormais envoyée par Trump à la casse.
En réalité, le protectionnisme trumpiste est largement le contrecoup des excès terrifiants dus à la mondialisation néolibérale qui, de la Rust Belt (« ceinture de la rouille ») des USA à la France ouvrière et paysanne sauvagement détricotée par Maastricht, s’est partout traduite par la délocalisation des industries et par le déclassement massif des enfants de la classe ouvrière, de la paysannerie laborieuse et d’une partie des couches moyennes. Voyez donc les bureaucrates « apolitiques » des confédérations syndicales euro-formatées, les « communistes » décaféinés de l’état-major P.C.F. type Roussel, les néo-militaristes verts passé au kaki pour relancer la « vert »macht, les imprécateurs guerriers de « Place publique » et les « socialistes » MEDEF-compatibles à la François Hollande, voyez-les donc appeler la baronne Ursula von der Leyen à mener la guerre commerciale avec les USA tout en construisant une périlleuse « économie de guerre » suicidairement tournée contre la Russie! Mais nous, militants franchement communistes et anti-impérialistes du PRCF, nous ne perdrons pas le Nord (ni le Sud et l’Est!) face à la montée des périls et nous n’oublierons pas que l’UE en marche vers la guerre continentale à l’Est n’est nullement meilleure que les USA. Au contraire, elle s’est enfoncée, à l’encontre des intérêts nationaux des peuples d’Europe, dans une dépendance servile à l’égard de Washington sur tous les plans (militaire, technologique, culturel, linguistique…). Surtout, le PRCF rappelle que l’on ne combat pas l’hégémonisme états-unien en soutenant son alter ego rampant européen copiloté par le néo-militarisme allemand, par l’hystérique russophobie anglaise et par un impérialisme français d’autant plus agressif et agité qu’il perd pied en Afrique et que la caste politique « française » est de plus en plus méprisée tant à l’étranger, que par le peuple de l’Hexagone, ainsi que le prouve l’interminable crise politique actuelle.
En réalité, mondialisation néolibérale impérialiste et réaction impérial-protectionniste, parti « démocrate » et parti « républicain » états-uniens sont les deux faces du même capitalisme-impérialisme-hégémonisme erratique, fascisant et guerrier : leur point commun reste la guerre faite aux travailleurs et aux ressources environnementales pour augmenter l’exploitation capitaliste et empêcher l’inéluctable baisse des taux de profits moyens. Dans les faits, comme la mondialisation néolibérale – libéralisme en apparence, domination mondiale des monopoles capitalistes en fait ! -, le protec-trumpisme est une expression renouvelée particulièrement agressive du capitalisme monopoliste d’État, cet avatar de l’impérialisme capitaliste. Sa quintessence cyniquement proclamée est du reste le complexe militaro-industriel, médiatique et financier. Les Macron, von der Leyen, Trump, Biden et autre Musk sont des menaces directes pour l’avenir du genre humain en général et par conséquent aussi pour celui de la population française.
Alors que s’aggravent tous les antagonismes mondiaux, qu’il s’agisse du conflit planétaire entre l’hégémonisme euro-atlantiste et les BRICS, des rivalités inter-impérialistes opposant aujourd’hui ouvertement les deux rives de l’Atlantique, ou plus fondamentalement, de la contradiction qui va s’aiguisant entre Capital et Travail (cf la montée des grèves de masse ces dernières années: Inde, Bangladesh, Mexique, U.S.A, Corée du Sud, Grande-Bretagne, Québec, et maintenant Grèce, Belgique, Italie, Maroc...), l’issue pour les travailleurs ne consiste pas à « choisir » entre ses exploiteurs, entre les deux faces, « démoblicaine » ou « répucrate », du grimaçant Janus impérialiste, encore moins à soutenir « notre » Europe contre « leurs » U.S.A.. En réalité les travailleurs de France, d’Europe, des États-Unis et de tous les peuples opprimés du monde ont le même adversaire même s’il présente localement des visages, des noms, des têtes différentes de la même hydre. Dans la longue chaine mondiale de l’exploitation de l’impérialisme-capitaliste, chaque groupement politique national de travailleurs doit donc fragiliser et briser les maillons qui sont les siens, qui sont devant lui, à sa portée, sur son propre territoire d’action politique. Qui plus est, dans leur affrontement, les impérialistes se fragilisent mutuellement, deviennent fébriles et agressifs, révèlent leurs faiblesses et appellent « leurs » exploités respectifs à soutenir le système qui est la cause de leurs maux. Ainsi, le mot d’ordre du vaillant député socialiste allemand Karl Liebknecht en août 1914 n’a pas vieilli: face à l' »union sacrée » belliciste que ralliait alors la social-démocratie allemande à laquelle il appartenait encore formellement, Liebknecht osa proclamer : « l’ennemi principal est dans ton propre pays ». À notre époque d’euro-mondialisation capitaliste, et pour nous qui vivons dans le pays le plus belliciste de la belliciste U.E., l’ennemi principal se trouve à la fois avec l’UE/BCE/OTAN sur notre propre continent, et dans notre propre pays. Qu’il se présente comme pseudo-« libéral » ou comme pseudo-« national », c’est l’hégémonisme euro-atlantique dans son ensemble qui reste objectivement, pour nous et pour tous les peuples du monde, le danger principal pour la paix mondiale, pour la souveraineté des peuples, pour les conquêtes sociales, pour l’environnement et pour les libertés démocratiques.
Aucun soutien populaire donc, ni à l’hyper-réactionnaire Trump, ni à la belliqueuse UE ! Ensemble, militons pour que la France sorte, par la voie des nationalisations démocratiques et du pouvoir populaire, de l’UE-OTAN mortifère pour construire une République sociale, souveraine et pacifique en marche vers le socialisme.
[1] note de Georges Gastaud –
Nous avons par ailleurs formulé l’hypothèse que l’euro, qui se présentait originellement comme le socle du libre-échangisme européen, voire extra-européen, était en fait une monnaie crypto-protectionniste destinée à faire coup double, principalement à l’avantage de l’impérialisme allemand hégémonique en Europe: l’existence d’une monnaie unique européenne empêchait par exemple les pays du Sud européen, France incluse, de procéder périodiquement à la « dévaluation compétitive » des monnaies nationales alors existantes (lire, franc, peseta, etc.) afin de préserver leurs industries et d’exporter leurs produits manufacturés vers l’Allemagne. En effet la fixité des parités imposée par l’euro était l’équivalent d’une taxe de 6% à 10% pour les exportation françaises (qui souffraient d’une surévaluation par rapport au franc), que ces dernières soient destinées à l’extérieur ou à l’intérieur de l’UE. Dans le même temps l’euro était légèrement sous-évalué relativement au mark ce qui générait de fait une forme de subvention pour les produits allemands quelle que soit leur destination. En l’absence de compensation, cela fonctionnait comme un protectionnisme allemand subventionné par les pays victimes de la zone Euro tels que la France, l’Italie, l’Espagne etc. Toutefois s’ajoute à cela un effet complémentaire car la politique longtemps maintenue de « l’euro fort » chère à Berlin garantissait aux U.S.A., en gros jusqu’aux années 2008/2010 (crise des « subprimes »), que les voitures allemandes n’inonderaient pas le marché américain protégé par le dollar alors faible relativement à l’euro. Bref, il s’agissait déjà en fait, sous l’allure générale d’une ouverture au libre-échange mondial, d’un accord crypto-protectionniste et inter-impérialiste entre le grand capital états-unien et le grand capital euro-germanique. Or, à la suite de la crise de 2008, la B.C.E. a méthodiquement détruit cet accord tacite entre les deux bandits capitalistes habitant les deux rives de l’Atlantique. La B.C.E. a progressivement affaibli l’euro pour relancer la croissance européenne (en réalité celle de la « mégalopole « européenne » » – qui va de Londres à Milan en passant par Amsterdam et Munich : une mégalopole centrée sur « l’Europe rhénane » – qui va de la Hollande et de la Flandre belge à la Suisse en passant par l’Allemagne rhénane). Si bien que les marchandises allemandes ont envahi le marché américain suscitant à moyen terme l’ire des industriels états-uniens ralliés à Trump. Le fragile accord monétaire inter-impérialiste qui avait initialement permis aux capitalistes américains de se protéger du Made in Germany tout en permettant à la grande industrie allemande d’écraser l’industrie européenne méridionale s’est alors effiloché et c’est l’une des raisons souterraines de l’affrontement entre les deux pôles de l’hégémonisme euro-atlantique en plus de l’accès aux axes de communication et aux ressources de l’Ukraine et du Groenland. Bien entendu, le « protect-trumpisme » actuel est surdéterminé par son hostilité ouverte envers la Chine, qui avec son « socialisme de marché à la chinoise » et sous la direction du PCC, n’est pas tombée dans le piège de l’OMC. En effet, Pékin a su, tout en s’insérant dans le commerce mondial, accélérer son développement jusqu’à éradiquer l’extrême pauvreté, devenir la première puissance économique en parité de pouvoir d’achat, se placer en tête des pays innovateurs, construire des industries et des technologies de pointe (dans le naval, les TGV, les télécoms, l’IA, les puces électroniques, les énergies renouvelables, le spatial, le médical, l’agronomie, la robotique, etc.). Ainsi ont été ouvertes des possibilités d’accords multipolaires (BRICS+, Routes de la Soie, etc.) rompant progressivement avec la centralité du dollar, les grandes institutions sous contrôle impérialiste et hégémoniste. Du reste, la politique permanente de « sanctions » et de « lois extraterritoriales » assorties d’inhumains embargos économiques montre que le « libéralisme » de la période précédente était déjà largement fictif tant il était assorti d’embargos, de sanctions financières et politiques.
Tout cela montre la stupidité des « marxistes » décaféinés qui justifient l’euro, cette arme monétaire conçue pour la guerre interne et externe du capital européen, en présentant la monnaie unique européenne comme un facteur de pacification des relations économiques : en réalité, après avoir largement détruit la France, l’euro, comme le dollar, contribue directement ou indirectement à saper rien moins que la paix mondiale !