17 février 2008 (Nouvelle Solidarité) – Dans une interview au quotidien /Frankfurter Rundschau/, économiste allemand Wilhelm Hankel [*] a appelé à un « abandon ordonné » de l’Euro et à la réintroduction des monnaies nationales. Longtemps marginalisé pour avoir annoncé que l’Union monétaire européenne était une utopie qui finirait par s’autodétruire, la tournure soudaine des évènements semble lui donner raison.
Le Professeur Hankel a mis en garde contre une fuite en avant vers un gouvernement économique de la zone euro : « Politiquement, ce serait la fin de la démocratie dans les États européens : En lieu et place des constitutions et des parlements, nous serions dirigés depuis Bruxelles par un gouvernement économique ayant un pouvoir absolu et dictatorial. Un cauchemar ! ».
« L’eurozone menace de se désintégrer. On le voit avec l’écart grandissant entre les taux [des bons émis par les différents États membres]. Le financement des États proches de la faillite va être de plus en plus coûteux. Sont concernés : l’Irlande, la Grèce, l’Espagne, le Portugal et même l’Italie. Intérieurement, ces pays sont soumis à une très forte pression politique : pensez aux évènements en Grèce. Le chômage croissant met en danger la légitimité démocratique des gouvernements nationaux. Ils doivent faire quelque chose et ils n’ont que deux possibilités : soit les pays encore stable les aident en remédiant à leur pénurie d’argent par des garanties bancaires qui leur permettraient d’éviter la faillite, ce qui marche tant qu’il y a des pays ayant encore de l’argent ; soit les pays en difficulté doivent s’aider eux-mêmes en promouvant des programmes conjoncturels de création d’emplois, ce qui les obligerait à quitter l’euro tôt ou tard. »
L’Euro empêche toute solution aux déséquilibres nationaux, a-t-il dit. « Une politique anti-crise doit tenir sur deux piliers : la politique monétaire et la politique financière. La Banque centrale européenne (BCE) centralise la politique monétaire et ne peut faire qu’une politique pour l’ensemble de la zone euro : les intérêts spécifiques des nations en sont exclus. D’autre part, la politique fiscale est bloquée par le Pacte de stabilité, qui réduit considérablement la marge de manœuvre des politiques budgétaires nationales. »
Ces pays les plus durement frappés par la crise, explique Hankel, devraient déprécier leur monnaie, ce qui est impossible avec l’Euro. Et les taux de leurs bons ne cessent d’augmenter malgré la baisse des taux d’intérêts de la BCE. « On ne peut séparer État et monnaie. Les pays disposant de leur propre monnaie seront mieux équipés contre la crise que les membres de la zone euro. Comparez avec les États-Unis, le Japon ou la Suisse. » La BCE ne peut même pas imiter la Réserve fédérale, a-t-il expliqué, qui achète des bons du Trésor américain car le dollar reste une monnaie de réserve crédible alors qu’à sa place, l’euro s’effondrerait totalement. « L’euro ne peut être une monnaie de réserve internationale, car il n’y a pas de bons émis par un État européen. Il n’y a pas État européen. »
*Note :*
[*] Le professeur Wilhelm Hankel a été l’économiste en chef du Kreditanstalt für Wiederaufbau (L’Institut de crédit pour la reconstruction) entre 1959 et 1967, directeur de la monnaie et du crédit au Ministère de l’Economie allemand entre 1967 et 1971 et proche conseiller du ministre Karl Schiller.