par Georges Gastaud*, Annie Lacroix-Riz**, Antoine Manessis***
Wall Street, Londres, Paris, Tokyo, Francfort : les bourses des valeurs tanguent partout dangereusement ; le prix du pétrole aussi (c’est le signe d’une baisse de l’activité économique mondiale), la « croissance » américaine tant vantée est anémique ; la zone euro, « modèle allemand » en tête, met le cap sur la déflation continentale, ce symptôme bien connu non seulement de la récession, mais de la dépression économique !
Quant à la France, à l’Italie, à la Grèce, à l’Espagne, etc., la crise systémique mondiale du capitalisme et celle de la zone euro s’y doublent d’une véritable crise existentielle de ces Etats : tant il devient évident, y compris désormais pour des économistes « alter-européistes » comme Bernard Maris, que l’euro a été taillé sur mesure pour la grande industrie allemande et que la monnaie unique n’a pas eu d’autre effet que de plomber les industries du « Sud » européen en renchérissant leurs produits sur le marché mondial (l’euro fort est en effet le clone du Deutsche Mark).
Crise du capitalisme, les ingrédients des explosives années trente sont réunis
Tous les ingrédients des explosives années trente sont donc de nouveau réunis : les gouvernements libéraux-maastrichtiens et sociaux-maastrichtiens répondent à la dictature des eurocrates et à la crise systémique du capitalisme (avec sa baisse tendancielle des taux de profits moyens sur le long terme) par les mêmes recettes qui aggravent le mal : baisse des salaires réels directs et indirects (protection sociale, retraites, indemnités chômage), casse des services publics, démolition du statut des salariés et des couches moyennes, bref, assèchement de la « demande » et donc, spirale infernale de récession en vue. Tant pis si ce « traitement » aboutit, s’agissant de notre pays, à la destruction humiliante de sa souveraineté politique, monétaire et budgétaire, à la dévastation thatchérienne des acquis sociaux issus du CNR et du Front populaire, à la montée en flèche de la pauvreté et au délitement du lien social avec en prime l’essor des mouvements cléricaux, ultraréactionnaires et fascisants couvés par l’UMP et par le « rassemblement bleu marine ».
l’aiguisement de la crise renforces les tendances à la fascisation politique et à la mondialisation des guerres impérialistes sur tous les fronts
A l’échelle internationale l’aiguisement de la crise renforce les tendances à la fascisation politique et à la mondialisation des guerres impérialistes sur tous les « fronts » : Ukraine et frontières ouest et sud de la Russie, acharnement impérialiste contre les pays du Proche-Orient, tentatives à répétition pour déstabiliser les Etats progressistes d’Amérique latine, organisation du chaos en Afrique (Soudan, Libye, Mali, Centrafrique…), manipulations grossières visant à déstabiliser la Chine et la Russie à l’aide de pseudo- « révolutions colorées ». L’impérialisme américain s’efforce également, avec l’aide de l’UE et du gouvernement « socialiste » français, plus va-t-en-guerre que tout le monde, de mettre en place un véritable Empire yankee mondial avec, à l’Ouest, l’Union transatlantique associée à l’OTAN et à l’Est, l’Union « transpacifique » (transes bellicistes serait mieux venu) ancrée sur le Japon et la Corée du sud.
Guerre sociale contre les peuples, guerre impériale contre les nations souveraines, guerre contre les peuples dominés ou à dominer
Partout, le programme est à la GUERRE SOCIALE CONTRE LES PEUPLES, à la GUERRE IMPERIALE CONTRE LES NATIONS SOUVERAINES, à la GUERRE TOUT COURT CONTRE LES PEUPLES DOMINES OU « A DOMINER », ingérences, blocus, « sanctions » et guerres civiles manipulées à l’appui.
Mais l’aiguisement de ces contradictions fournit également des points d’appui aux forces communistes, patriotiques anti-impérialistes et démocratiques.
D’abord les contradictions inter-impérialistes se creusent aussi dans la pseudo- « communauté internationale » formée par Washington, Berlin, Londres, Paris, Tokyo et leurs affidés. Conçu initialement comme un compromis économique mondial entre le mark et le dollar, l’euro ne joue plus son rôle initial : après avoir « tué » l’économie des pays du sud (et maintenant, l’économie et le « social » français), donc asséché les débouchés de la grande industrie allemande dans ces pays, le partage des rôles entre euro fort et dollar faible est compromis et incite l’Allemagne « unifiée », cœur de l’impérialisme « européen », à un nouveau partage avec les Etats-Unis d’Amérique: le dollar faible demeuré monnaie mondiale permettait en effet aux monopoles états-uniens d’exporter partout à bas prix, l’euro fort garantissait les Etats-Unis d’Amérique contre les exportations allemandes et permettait aux monopoles états-uniens d’empêcher les dévaluations compétitives en Europe du sud. Quand l’Europe du sud, France incluse, n’a plus les moyens d’importer la marchandise « in Deutschland hergestellt », il faut bien que l’Allemagne capitaliste exporte en Amérique du nord (tentation de dévaluer l’euromark) et que Washington, dont le crédit est menacé dans le monde tant leurs armées marquent le pas partout, cherche par divers moyens détournés à contenir son vassal et puissant concurrent allemand.
L’arrière-plan de tout cela, c’est la financiarisation à outrance de l’économie qui résulte de la recherche effrénée et mondialisée du profit maximal et de l’incapacité du système à accueillir dans la production, à des taux suffisamment rémunérateurs, les énormes capitaux spéculatifs flottants concentrés entre de moins en moins de mains. Cette financiarisation – qui n’a rien d’une excroissance du capitalisme et qui est intimement liée à ses lois tendancielles d’airain – ne peut que durcir les contradictions de classes entre le capital et le travail, et non les faire disparaître comme feignent de le croire les théoriciens sociaux-démocrates de la « fin du prolétariat » : et d’ailleurs, sans parler des luttes pré-insurrectionnelles qui continuent de couver ou de se développer en Europe du sud, en Bulgarie, etc., la classe ouvrière a mené dernièrement d’énormes luttes, avec souvent des victoires revendicatives à la clé, de la Chine au Bangladesh en passant par la Roumanie ou par la Tunisie.
Par ailleurs la domination impérialiste marque le pas sur bien des fronts. Sur le plan international l’agression des massacreurs de Tsahal à Gaza est un échec politico-militaire pour les criminels d’Etat qui dirigent Israël. Cuba résiste et se développe malgré les entreprises visant à l’isoler. La candidate favorite de Washington est arrivée 3ème aux présidentielles brésiliennes. Les pseudo-révolutions « oranges » font un bide à Hong-Kong et à St-Petersburg. Les impérialistes savent semer le chaos et la guerre civile de l’Ukraine, livrée aux néonazis, à l’Irak, à la Syrie, à la Libye, au Mali, au Soudan, en Afghanistan, mais ils ne savent absolument pas manifestement « tenir le terrain » par la suite. Même s’il est hors de question de blanchir les égorgeurs djihadistes liés à Washington et aux pétromonarchies, il est évident que partout les peuples VOMISSENT les « libérateurs » américains. Par ailleurs, Maduro tient bon face à la droite putschiste et Evo Morales, qui vient de remporter haut la main la présidentielle en Bolivie, a dédié sa victoire à Fidel Castro… Dans le Donbass ouvrier, au-delà du caractère composite du mouvement de résistance aux pronazis de Kiev appuyés par l’UE – OTAN les communistes ont résolument pris la tête de la nouvelle République populaire de Donetsk, défendu l’héritage de Lénine et de l’U.R.S.S., et l’armée fasciste adulée par nos médias « démocratiques » a mordu la poussière.
Au niveau européen, un nombre croissant de partis communistes se détournent du Parti de la gauche européenne, cette officine bruxelloise, rallient « L’Initiative » constituée autour du PC de Grèce (le PRCF en fait partie), appellent à rompre avec l’euro, un autre grand PC européen, le glorieux Parti Communiste du Portugal d’Alvaro Cunhal, prône une politique de « gauche patriotique et populaire » ; diverses initiatives communistes font écho à la ligne que le PRCF défend depuis sa fondation : la lutte unie pour les « 4 sorties » (euro, U.E, OTAN et capitalisme), comme chemin de masse pour reconstruire la perspective concrète de la révolution socialiste. Par ailleurs, non seulement les résistances de la classe ouvrière et des couches moyennes ne faiblissent pas en Espagne, en Grèce, etc., mais elles prennent de l’ampleur en Grande-Bretagne et en Allemagne (grève dure des cheminots).
En France, le mouvement ouvrier est, il est vrai, dans une passe dépressive en raison du ralliement flamboyant de Hollande aux moindres revendications du MEDEF, mais aussi à cause de la trahison des états-majors du PCF-PGE (devenu défenseur attitré de l’euro, G. Marchais doit se retourner dans sa tombe !) et des confédérations syndicales accrochées au mensonge de l’ « Europe sociale ». Il n’en reste pas moins vrai qu’avec d’autres, le PRCF joue son rôle d’avant-garde en faisant partager de plus en plus largement sa politique des « quatre sorties », que ce soit au niveau des groupes franchement communistes ou que ce soit en rassemblant les patriotes républicains ou en soutenant les syndicalistes de lutte. Déjà la proposition lancée en mai dernier par le PRCF d’organiser en mai 2015 une manifestation communiste et progressiste unitaire pour combattre l’Europe supranationale, atlantique, guerrière, austéritaire et fascisante,reçoit un écho grandissant. La récente grève d’Air-France a par ailleurs prouvé que lorsque l’on se bat sans prêter l’oreille aux endormeurs hollando-formatés des états-majors syndicaux, on peut faire reculer ce gouvernement très affaibli de Valls – MEDEF.
Si l’on ajoute à cela qu’il sera bien plus difficile, en cas de crise financière mondiale, d’en appeler de nouveau aux contribuables pour « sauver » les banques avec l’argent public alors que lesdites banques ont depuis lors copieusement strangulé les nations qui les ont sauvées, si l’on prend conscience du fait que le capitalisme moderne a brûlé ses vaisseaux en détruisant les bases des politiques réformistes (quasiment tous les partis de l’Internationale socialiste, de Valls en France à Renzi en Italie, sont en pointe pour les contre-réformes) on voit que le capitalisme n’a guère d’autre issue en ce moment que…
- De mener une guerre idéologique de chaque instant, un décervelage sans égal depuis 80 ans, sur les deux thèmes « vive la guerre, vive l’austérité salariale à perpétuité ! », à bas les nations souveraines et leurs langues nationales (chantez, parlez, dansez, étudiez, cherchez EN ANGLO-AMERICAIN ou disparaissez !) ; l’arme principale de cette guerre idéologique, qui est aussi une idéologie de guerre, est l’anticommunisme et l’antisoviétisme dont le but principal est de dissimuler le caractère contre-révolutionnaire de la destruction du camp socialiste, d’ancrer dans les têtes le fameux « il n’y a pas d’alternative » cher à la sorcière Thatcher, de diaboliser les révolutions d’hier (non seulement Octobre, mais de plus en plus, Robespierre et la Révolution française « jacobine » elle-même !) pour conjurer les mouvements révolutionnaires de demain ;
- De promouvoir sous cent faux nez – pas tous ouvertement nazis, djihadistes ou ultra-sionistes… – la fascisation politique : de préférence, novlangue et fausse gauche atlantique obligent, en alléguant « la démocratie », l’ « ingérence humanitaire », voire… « le maintien de la paix », etc.
- De mondialiser les guerres et les ingérences en organisant le chaos à l’échelle mondiale, ce qui n’est jamais que la traduction géopolitique de la « concurrence libre et non faussée » néolibérale qui n’est que le nom de code du capitalisme monopoliste d’Etat en voie de continentalisation / mondialisation (ce qui ne diminue pas, mais accroît, les tensions inter-impérialistes) ;
Que faire dans ces conditions sinon…
A l’échelle nationale, travailler d’arrache-pied à unir dans l’action et l’expression commune permanentes les vrais communistes (membres ou pas du P.C.F.), les syndicalistes de classe, les patriotes républicains, dénoncer la tenaille constituée de l’U.M.P.S. maastrichtienne et de l’U.M.’ Pen ultraréactionnaire, faire émerger le Front patriotique et populaire contre la fascisation, contre Valls-MEDEF et contre son UE atlantique ? C’est à rendre cette alternative visible que pourrait servir une grande manifestation PROGRESSISTE anti-UE au printemps prochain précédée d’une série d’interventions militantes aux entreprises et dans le soutien politique déterminé des militants franchement communistes aux actions populaires
A l’échelle européenne, dénoncer plus que jamais l’euro-criminalisation du communisme historique, cette rampe de lancement continentale de la réhabilitation rampante des fascistes de la Belgique à l’Ukraine en passant par la Hongrie, les Pays baltes, etc.
A l’échelle mondiale, il faut aider si modestement que ce soit à la renaissance du Mouvement communiste international, au développement de la Fédération Syndicale Mondiale, à la reconstitution d’un Front anti-impérialiste mondial imposant le respect du droit des nations à disposer d’elles-mêmes à l’encontre de l’OTAN et des hideuses créatures de Frankenstein lâchées contre les peuples par la C.I.A., des égorgeurs djihadistes aux nazis ukrainiens et baltes.
Ce qui est certain en tout cas, c’est que nous sommes entrés dans la zone des tempêtes, de l’aiguisement des contradictions entre le capital et le travail, entre l’impérialisme et les peuples, entre tous les hommes épris de Lumières et de VIE et l’impérialisme capitaliste : celui-ci est de plus en plus incompatible avec la sauvegarde de l’humanité et de la vie sur terre (c’est ce que le PRCF appelle l’exterminisme capitaliste).
Ce qui n’est pas moins certain, c’est qu’à long et à moyen termes, il n’y a que deux issues possibles à cette crise mondialisée : soit le capitalisme finira par tuer l’humanité (ou par rendre la vie des hommes totalement inhumaine), soit l’humanité laborieuse tuera le capitalisme et reprendra sa longue marche, interrompue par la contre-révolution des années 1980/1990 ; une longue marche qui part de Babeuf, de la Commune, d’Octobre 1917, de Stalingrad, des révolutions chinoise, cubaine, vietnamienne, etc., et dont l’aboutissement sera le socialisme et le communisme pour le monde, c’est-à-dire une société enfin humaine où, selon le mot de Marx et d’Engels, « le développement de chacun sera la clé du développement de tous ».
A chacun de le comprendre et de s’engager à temps pour que la seconde solution triomphe au moindre coût humain. Et en France, cela passe notamment aujourd’hui, par le renforcement indispensable du PRCF, dont le champ de responsabilité s’accroît objectivement.
*Georges Gastaud est Philosophe, Auteur notamment de Mondialisation capitaliste et projet communiste, Temps des cerises, 1997.
**Annie Lacroix Riz est Professeur émérite d’histoire contemporaine à l’Université Paris VII
***Antoine Manessis est Secrétaire de la commission internationale du PRCF
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