Combats à caractère confessionnel, crise économique, politique et sociale, noyautage par les groupes terroristes… les menaces qui planent sur le Liban sont nombreuses. Elles placent ce pays de 4,5 millions d’habitants, situé entre Israël et la Syrie, au bord du gouffre.
Marie Nassif-Debs, Secrétaire Générale adjointe du PCL, livre son expertise à la LRI.
Le Liban est, une fois de plus, dans l’œil du cyclone.
Menacé par Israël, qui n’a pas oublié les défaites cuisantes dues au Front de la Résistance patriotique, asphyxié par un exode syrien massif dépassant le chiffre de un million trois cent mille personnes disséminées un peu partout et côtoyant, parfois, des camps palestiniens qui regorgent, eux aussi, de nouveaux venus, il est, surtout, noyauté par les groupes terroristes nés, il y quelques années, dans la foulée de la guerre syrienne et dont un des objectifs majeurs est de constituer un émirat islamiste, sunnite, sur une partie de son territoire, afin de mieux combattre les « mécréants » qui pullulent dans cette partie de l’Orient arabe…
En effet, et à la suite d’un premier échec à Ersal (porte de l’Anti Liban vers la région du Kalamoun syrien), l’offensive de « l’Etat Islamique en Irak et en Syrie », Daech, et de ses alliés, se fait de plus en plus pressante sur la presque totalité de nos frontières est et nord-est. Le but d’une telle offensive est de faire une jonction entre les quelques régions syriennes tombées sous l’influence militaire de ce groupe terroriste et la partie du territoire libanais – habitée essentiellement par des Sunnites – qui traverse le nord du pays pour s’ouvrir sur la Méditerranée ; ce qui faciliterait l’acheminement du pétrole syrien, exploité actuellement par Daech, par une voie autre que celle transitant par la Turquie. Surtout que les frappes aériennes de la nouvelle « coalition militaire », dirigée par les États-Unis, gênent, parfois, le transport de l’or noir vers les ports turcs et, de là, vers l’Europe.
Une situation explosive
Cette situation, explosive, au nord et à l’est, et qui fut à la base des combats de Ersal et, dernièrement, de Tripoli, ne veut pas dire pour autant que les autres régions libanaises sont pacifiées et que les frontières libanaises avec la Palestine occupée sont plus calmes ; bien au contraire. Les groupes terroristes, toutes tendances confondues, ont trouvé chez le gouvernement israélien des oreilles attentives à leurs doléances. Voilà pourquoi ils ont pu s’emparer d’une partie du Golan syrien occupé, d’où ils font la guerre, en même temps, aux populations civiles de cette région et aux Libanais qui habitent de l’autre côté des frontières, sous prétexte qu’ils sont partisans de l’ennemi commun, le Hezbollah.
Il faut dire que les combats, à caractère confessionnel, se sont soldés jusqu’à ce jour par des centaines de morts et de blessés, surtout parmi les soldats de l’armée libanaise (dont une vingtaine sont toujours aux mains des terroristes). De plus, et malgré le démantèlement de plus de cent-vingt cellules terroristes et la saisie d’une grande quantité d’armes et d’explosifs, Daech, « An Nosra » et consort ne sont pas pour autant détruits, puisqu’ils ont élu domicile dans les camps des réfugiés venus de Syrie, en plus d’une certaine présence, plus ancienne, dans les camps palestiniens, surtout près de Tripoli (au nord) et de Saida (au sud). Ce qui fait que les forces armées libanaises se trouvent en difficulté de fouiller les camps qui abritent, également, des terroristes venus d’autres pays arabes mais aussi d’Europe et des États-Unis.
Le Liban vit une crise politique, économique et sociale
A cela, il ne faut pas oublier d’ajouter que le Liban vit une crise double, politique et socio-économique, très grave. Ses institutions politiques sont paralysées puisqu’il est sans président de la République depuis plus de sept mois et que ses députés viennent de prolonger leur mandat pour la deuxième fois. Et, comble de malheurs, les banques et les sociétés financières, qui gèrent la situation du pays à leur convenance, détruisent tout sur leur passage, en premier lieu les services publics, afin de soumettre le peuple libanais aux diktats du FMI et de la Banque mondiale, mais aussi de mettre fin à toute résistance vis-à-vis du projet impérialiste, dit du « Nouveau Moyen Orient », imaginé par Washington et qui vise l’implosion de tous les pays de la région en une multitude de mini Etats confessionnels qui se font la guerre, permettant, ainsi, à Israël et aux puissances impérialistes de reprendre en main la situation d’un monde arabe traversé par des soulèvements et des rébellions qui menacent les intérêts impérialistes dans la région toute entière.
D’où la question : Daech est-il, comme le fut al Qaeda, une création impérialiste, et l’aide apportée aux différents groupes terroristes par l’Arabie saoudite ou le Qatar se fait-elle sous le contrôle de Washington et de ses alliés ?
Il n’est pas nécessaire d’être sorcier pour répondre par l’affirmative à cette question. Cependant, ce qui demande plus de réflexion, c’est comment faire pour arrêter ce projet infernal, tant au Liban que dans les autres pays arabes.Nous pensons que la seule voie est la résistance populaire qui saurait allier l’opposition au projet impérialiste à partir de la lutte contre ses représentants intérieurs, la bourgeoisie inféodée et dépendante. Cela implique un nouveau mouvement de libération nationale arabe et un nouveau mouvement syndical et populaire. Mais aussi une plus grande coordination entre les partis de la gauche arabe et internationale.
Marie Nassif-Debs, Secrétaire Générale Adjointe du Parti Communiste Libanais
Responsable des questions internationales LRI, France, Décembre 2014