LA LAÏCITE SCOLAIRE, C’EST L’APPRENTISSAGE DE L’ESPRIT CRITIQUE, PAS L’EURO-FORMATAGE NI L’UNION SACREE DERRIERE LES « AUTORITES » ! – Un texte de la Commission Enseignement du PRCF.
« Initiative communiste » et son site internet publient ci-dessous le communiqué très critique que vient de publier le SNES à propos du projet de programme d’« enseignement moral et civique » (E.M.C.) présenté par Mme Vallaud-Belkacem. Comme on le voit à la lecture de la déclaration du SNES (Syndicat national des enseignements de second degré, FSU), l’autoritarisme et l’improvisation de la méthode le disputent dans ce projet à la volonté de contourner les syndicats enseignants et d’éroder encore un peu plus le caractère national de l’enseignement public (les « conseils pédagogiques » sont composés et pilotés selon le bon vouloir des chefs d’établissement de plus en plus formés au « new public management » – sic).
Plus gravement, c’est le contenu et la destination même de ces enseignements sous pression médiatico-politique qui inquiètent les véritables amis de la laïcité. Le rôle de l’école n’est pas d’organiser une catéchèse pseudo-républicaine tendant à engourdir l’esprit critique et à masquer les énormes injustices qui ravagent notre pays, ou à considérer comme allant de soi les guerres et les ingérences impérialistes que nos gouvernants successifs fomentent en Afrique, en Ukraine ou au Proche-Orient sous couvert de défense des droits de l’homme ou de lutte antiterroriste. Le rôle d’une école démocratique et respectueuse de tous les citoyens n’est pas non plus de chanter abstraitement « la République » au moment même où, sous couvert de « construction européenne » et de « pacte transatlantique », TOUTES LES AVANCEES issues de la Révolution (souveraineté nationale et populaire – principe absent du programme de l’EMC ! –, République une et indivisible, libertés communales…), de la loi laïque de 1905 (séparation rigoureuse de l’État et des Églises et non pas flirt permanent avec les religions dominantes) et du Conseil National de la Résistance, sont dynamitées : code du travail, conventions collectives, statuts, services publics, retraites par répartition, Sécurité sociale, etc.
Que nos gouvernants commencent donc par soutenir les professeurs dans leur difficile activité quotidienne au lieu de laisser tant de chefs d’établissement désavouer les enseignants en cas de difficultés lourdes avec des élèves perturbateurs ou avec des parents agressifs et intrusifs. Que les ministres successifs cessent de dénigrer l’Éducation nationale et ses personnels, de compresser sans fin leur pouvoir d’achat, d’alourdir sans cesse leurs obligations de service, de suggérer que les professeurs français ne sont pas « bienveillants », de vanter systématiquement les systèmes éducatifs étrangers : cela n’a aucun sens alors que les professeurs finlandais ont bien moins d’élèves que nous par classe, que la plupart des professeurs des pays voisins sont mieux payés et que les « modèles éducatifs » allemand ou anglais sont catastrophiques pour la démocratie et pour la qualité de l’enseignement ! Que ces ministres cessent de favoriser financièrement l’enseignement privé et qu’ils fournissent plutôt aux enseignants les moyens budgétaires d’une Education nationale démocratique et de qualité pour tous.
Et surtout, qu’on en finisse en France avec le démontage systématique de l’enseignement des Lumières au sein même de l’école publique. Enseignants, parents, lycéens, insurgeons-nous contre :
- La casse de l’enseignement de la langue française, dont les ministres successifs ont diminué les horaires de l’école élémentaire au baccalauréat et qui fait désormais l’objet d’une relégation doucereuse au profit de l’anglais. Que des Français enseignent à des élèves francophones EN ANGLAIS la physique, les maths ou l’histoire, cela relève du néocolonialisme linguistique ! Où voit-on l’équivalent en Angleterre ? Les peuples et les langues ne sont-ils pas d’égale dignité ?
- La casse de l’enseignement des langues vivantes (y compris de l’anglais), dont les horaires ont été réduits au lycée par Allègre, dont les ambitions culturelles sont amoindries et dont l’échantillonnage proposé se réduit de plus en plus. Et que dire de l’élimination définitive des langues anciennes, considérées comme des archaïsmes du « lycée d’il y a 50 ans » selon le grand inspirateur de la destruction de l’enseignement secondaire, Richard Descoings !
- Le recul organisé de l’esprit scientifique avec, en mathématiques, la pression scandaleuse de certains inspecteurs contre l’idée même d’un cours de maths ou contre la définition et la démonstration, en sciences physiques, le recul des apprentissages expérimentaux, en SVT la substitution d’un prêchi-prêcha pseudo-écolo à l’enseignement des connaissances scientifiques, socle et matériau de la formation de la raison
- La destruction de l’enseignement de l’histoire-géographie, tant dans les méthodes que dans les sujets (contournement de plus en plus évident de l’histoire et de la géographie de la France, ignorance de l’histoire sociale, syndicale et ouvrière…) et dans les contenus (l’Union soviétique, dont les immenses sacrifices nous ont délivrés du nazisme, est mise sur le même plan que le Troisième Reich dans les ignobles programmes officiels, le rôle central du PCF clandestin dans la Résistance armée est minimisé ou dénigré, ainsi que le rôle central des ministres communistes de 1945-1947 dans la mise en chantier du programme du CNR, Robespierre, le fondateur de la République, est systématiquement noirci…) ; à l’inverse, tout est fait pour présenter la « construction » européenne, dont les Français se méfient pourtant majoritairement (comme l’a magistralement démontré l’abstention record des élections européennes en 2009 et 2014), comme le cadre naturel de l’enseignement historique et géographique au détriment de l’espace national. La formation à la prétendue « citoyenneté européenne », l’imposition déjà permanente du drapeau européen mis à égalité avec le tricolore (alors que les Français ont rejeté massivement la constitution d’un Etat européen le 29 mai 2005!) relèvent en réalité du bourrage de crâne dès la plus tendre enfance ! L’acceptation, la critique ou le refus total de l’UE sont pourtant des choix politiques qui font de moins en moins l’unanimité en France, respectons le pluralisme démocratique à l’école !
- La soumission des sciences économiques et sociales aux vues idéologiques du MEDEF, Hollande venant même de sommer les enseignants d’enseigner aux enfants l’esprit d’entreprise à la sauce capitaliste ;
- L’invasion permanente, anti-laïque, de l’école publique par les campagnes pseudo-humanitaires et fortement teintées idéologiquement d’ONG et autres groupes extérieurs colportant les campagnes en cours dans les médias ; non, la laïcité n’est pas l’apprentissage du conformisme et du consensus, c’est tout au contraire le lieu légitime de la formation à l’esprit critique, au doute méthodique, à l’investigation scientifique et au débat citoyen ;
- La casse de l’enseignement de la philosophie, avec en particulier la suppression des dédoublements qui permettaient d’approfondir la discussion et la recherche en classe et la création des conditions pratiques d’un rejet de cette discipline dont certains pensent qu’il faudrait au contraire l’étendre, avec des moyens réels, en amont et en aval de la classe terminale.
- La déstabilisation insidieuse du baccalauréat où la pression des rectorats et de certaines inspections est permanente sur les jurys pour priver l’examen de sa valeur et, par ce biais, amener les esprits à accepter le principe du contrôle continu local ; la mise à mal du bac (examen national et anonyme sur programme unique), ce serait la concurrence sauvage ouverte entre les établissements publics, un nouvel avantage sélectif à l’école privée et la fin d’un diplôme national permettant d’intégrer l’Université sur tout le territoire (et servant de repère national commun aux conventions collectives de branche, donc aux salaires : l’enjeu de classe est flagrant et les syndicats ouvriers et cadres sont concernés au premier chef !)
- La destruction avancée du statut national des professeurs et du recrutement sur concours national, sans lequel l’indépendance des professeurs n’est plus garantie, les chefs d’établissement devenant les seuls maîtres avec dans leur dos, les pressions permanentes des gouvernements en place, du patronat et des notables locaux, comme c’est le cas en permanence aux Etats-Unis d’Amérique.
- L’énumération pourrait durer, mais comme on le voit, c’est toute l’école laïque qu’il faut rendre à sa vocation qui est, non pas de prêcher une morale d’Etat, mais de former à l’esprit critique, de diffuser des connaissances démontrées, d’ouvrir le débat sur les sujets engageant l’avenir des citoyens, de porter une conception exigeante de la citoyenneté au rebours de la conception conformiste et philistine qui vise à formater et à aligner les élèves derrière les « autorités ». Rappelons que la première Constitution républicaine de la France proclamait ouvertement que « lorsque le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple et pour toute portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs » ; or ce « droit à la résistance » du peuple souverain, pourtant hérité de la tradition libérale révolutionnaire, disparaît de l’enseignement de l’EMC !
Bien entendu, il faut aussi redoubler de vigilance contre les projets fascisants de l’UMP (qui déborde sur sa droite le FN en matière de conditionnement idéologique des élèves !) avec son projet de rétablir l’uniforme scolaire, de faire des professeurs des auxiliaires directs de la police*, d’obliger les élèves chaque matin à saluer le drapeau et à chanter la Marseillaise (sur le modèle américain et en bafouant les traditions françaises républicaines, qui ne font pas du drapeau et de l’hymne une obsession : rappelons que la Marseillaise appelle les citoyens à la Révolution, pas au conformisme !) et autres projets qui ne peuvent qu’attiser les tensions scolaires. Tous les jeunes Français doivent respecter leur hymne et leur drapeau, mais cela ne doit pas résulter d’une contrainte et d’un conditionnement pavlovien : cela doit venir de la connaissance critique de notre langue, de notre littérature, de notre histoire, de ses grandes lumières mais aussi de ses ombres (notamment le colonialisme), sans se fermer aux autres cultures, histoires et langues du monde. Tout le contraire d’une école dont les annonces ministérielles réactionnaires poussent à la collaboration avec la police et la justice pour repérer les élèves ayant refusé de faire la minute de silence le jeudi 8 janvier, instaurer un kit de surveillance à l’encontre des élèves tenant des propos antisémites et islamophobes, etc., au lieu de renforcer les moyens pour lutter contre de tels propos
Non, ce n’est pas en tombant dans une forme odieuse de « Patriot Act » pseudo-éducatif que l’on combattra le fanatisme religieux ou les rumeurs conspirationnistes, ce substitut à la véritable analyse marxiste et scientifique du terrorisme fanatique. C’est à l’inverse en traitant respectueusement tous les enseignants et tous les élèves et en mettant au-dessus de tous le seul arbitrage qui vaille : celui de la raison, de l’esprit critique, des connaissances scientifiques, des valeurs démocratiques impliquant la libre discussion et la courtoisie réciproque, du refus catégorique de toute forme de racisme, d’antisémitisme ou d’islamophobie (sans parler de l’anticommunisme, qui fait trop souvent figure de « socle commun » du climat réactionnaire actuel).
Nombre d’enseignants sont aujourd’hui malheureux de constater ce que deviennent les disciplines d’enseignement dans une école de plus en plus vouée au rôle d’antichambre du chômage et des inégalités, de gendarme idéologique, de hussard bleu du consensus euro-atlantique. Nombre d’enseignants et d’élèves résistent, chacun de leur côté, à ce détournement de l’école laïque. Le PRCF, sa commission scolaire, son bulletin de lutte Conseils de classe, sa revue théorique Etincelles, prendront prochainement des dispositions pour permettre aux enseignants et aux usagers de l’école les plus conscients de se fédérer, de résister, de contre-proposer en se souvenant à tout instant de la devise de Georges Politzer, le jeune professeur de philosophie communiste qui fut fusillé par les Allemands au Mont-Valérien :
« L’esprit critique, l’indépendance intellectuelle ne consistent pas à céder à la réaction, mais à NE PAS lui céder »
*La « journaliste » Nathalie Saint-Cricq vient d’appeler sur le prétendu « service public de télévision » à « repérer ceux qui ne sont pas Charlie » : ça, c’est « citoyen » ! Mais nous n’hésitons pas à répondre à tous ces représentants de l’Ordre moral : « Peu importe que je sois charlie, car je suis citoyen parce que nous sommes un peuple ! »
Cher-e collègue,
Le ministère a mis en consultation le projet de programme d’Enseignement moral et civique (EMC) au collège et au lycée.
Alors que l’actualité met sur le devant de la scène le rôle de l’Ecole dans l’accès de tous à une citoyenneté éclairée et vivante, la conception de cet enseignement, dont la Ministre fait le fer de lance de son « plan global de mobilisation », est un enjeu considérable.
La concertation se fait selon des modalités imposées par le ministère, et inacceptables : calendrier trop serré (du 5 janvier au 23 janvier) sans réelle volonté de communication auprès des personnels, renvoi de l’organisation aux académies et aux corps d’inspection, document de synthèse indigent http://eduscol.education.fr/consultations-2014-2015/events/programmes-denseignement-moral-et-civique/ , aucun cadrage national pour un débat sur les contenus eux-mêmes, refus ministériel (soutenu par le SNPDEN-UNSA, principal syndicat des chefs d’établissement) de possibilité de temps banalisé pour un débat collectif dans les établissements, aucune indication sur les modalités de cet enseignement (qui l’enseigne ? à la place de quoi ? sur quel horaire ? )
Une telle méthode augure bien mal de ce que sera la consultation sur l’ensemble des programmes du collège actuellement en en cours de rédaction.Par ailleurs, au détour d’une phrase, page 13 du projet pour les cycles 2-3-4, on apprend que le conseil pédagogique jouerait un rôle central dans la détermination de la progression pédagogique qui serait imposée à tous. Le SNES-FSU condamne fermement cette disposition.
Il appelle l’ensemble des collègues, à débattre collectivement du contenu du projet de programme d’EMC, à refuser le canevas de la consultation imposé par le ministère et, en tout état de cause, à affirmer clairement le refus de toute intervention institutionnelle du conseil pédagogique dans la détermination de la progression pédagogique de chaque enseignant, en envoyant un mail individuel ou collectif à emc-consultation-2014-2015@education.gouv.fr.
Cordialement.
Le secrétariat général
Bonjour,
Petite remarque concernant le tavail des enseignants; s’il est vrai que la comparaison avec la Finlande est injuste s’il s’agit de juger de la compétence des enseignants dans des contextes différents, on peut remarquer lorsque, comme moi, l’on vit maintenant hors de France, que le modèle du simple recrutement sur concours est absurde en ce sens qu’au-delà de l’évidente nécessité pour un enseignant d’être compétant dans la matière enseignée (ou LES matières enseignées comme c’est le cas dans certains pays)c’est le métier lui-même, l’aptitude à enseigner devant un public varié et difficile, qui devrait motiver la forme du recrutement. Par ailleurs « l’égalité de traitement » est en fait une inégalité puisque, jusqu’à plus ample informé, un enseignant parvenant à travailler dans des conditions au départ épouvantables (en ZEP…) n’est pas rémunéré pour cette compétence supplémentaire. Bref, si les enseignants étaient en France effectivement payés correctement, plus de gens choisiraient cette noble voie pour ce qu’elle est plutôt que pour s’assurer (lorsque qu’on en est académiquement plus enclin que d’autres) un débouché dans la Fonction Publique. On ne peut compter sur ni sur le Ministères successifs, ni sur la bureaucratie EN pour faire évoluer les choses dans ce sens, c’est sans doute aux syndicats d’adopter une position positive et agressive.