#Vidéo Accords APE = Accords de Paupérisation Economique en Afrique de l’Ouest! Stop !

Le 15 décembre 2014, la Conférence des chefs d’Etats et de gouvernement de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), a exhorté les Etats membres « à prendre les dispositions nécessaires, en vue de s’engager tous, […] dans le processus de signature et de ratifications des Accords de partenariat économique »[1] avec l’Union européenne. 

stop APE afriqueDepuis, des bruits courent sur les réseaux sociaux selon lesquels plus d’une dizaine de Chefs d’Etats ouest-africains auraient dores et déjà procédé à la signature de ces accords, dans le secret le plus total. Sur la toile, dans la presse et dans les rues, la société civile ouest-africaine s’indigne de l’opacité qui caractérise le processus de négociation de ces accords très controversés entre l’Union européenne et l’Afrique de l’Ouest. Au Sénégal, la lutte contre les « Accords de Paupérisation Economique » est plus que jamais en marche.     

Prévues par les accords de Cotonou, la signature des accords de partenariat économique (APE) s’est heurtée, depuis 2007, à la réticence des Etats d’Afrique  de l’Ouest et de leur société civile. Aujourd’hui, après de longues années de négociations houleuses, les chefs d’Etats ouest-africains semblent décidés à accepter ces accords de libéralisation des échanges avec l’UE, en dépit des nombreuses mobilisations citoyennes qui se sont dressées et se dressent contre ce qu’elles considèrent comme « le choix de la dépendance et du statut quo plutôt que du développement »[2].

Les APE UE – Afrique : Des accords de « partenariat » déséquilibrés

Jusqu’en juin 2000, la Convention de Lomé régissait les relations commerciales entre l’Union européenne (UE) et les pays Afrique-Caraïbe-Pacifique (ACP) selon un régime de préférences non réciproques pour la plupart des produits industriels et agricoles. 93% des produits ACP rentraient librement sur le marché européen[3]. Cependant, du fait de la faible capacité productive industrielle des pays ACP (qualitativement et quantitativement)[4], leur part de marché demeurait très faible  (de 6,7 % 1976 en à 2,8 % en 1996)[5].

Conclu le 23 juin 2000, les accords de Cotonou  ont remplacé les accords de Lomé. Signés pour une durée de 20 ans et révisés tous les 5 ans, ils visent à intégrer les pays ACP dans l’économie mondiale en libéralisant les échanges. A ce titre, ces accords prévoyaient la signature, d’ici décembre 2007, d’accords de partenariats économique (APE) visant à ouvrir les marchés du Sud à la plupart des produits de l’Union européenne.

Les APE sont négociés entre l’UE et des « régions ACP »[6]. Ces régions n’ont pas toutes le même profil économique et n’ont donc pas les mêmes intérêts à signer ou non ces accords. S’agissant de la région Afrique de l’Ouest[7], qui regroupe une grande majorité de pays entrant de la catégorie économique des « Pays les moins avancés » (PMA), ces APE, semblent très défavorables, voire même dangereux.

Concrètement, l’APE vise à supprimer 75% des droits de douane sur les importations de l’UE en provenance d’Afrique de l’Ouest[8]. Or, cette libéralisation des échanges entraînerait de lourdes conséquences pour les pays ouest-africains, notamment :

  • Une forte réduction (de 5 à 10%) des recettes douanières qui diminuera encore davantage la capacité des Etats ouest-africains à répondre aux besoins de leurs population.
  • Une concurrence européenne déloyale (les agriculteurs et paysans ouest-africains ne pourront pas faire face à la concurrence de l’agriculture européenne subventionnée) qui détruira l’agriculture paysanne et ouvrière et entraînera une dépendance accrue au cours des marchés mondiaux.
  • Peu de nouvelles opportunités sur le marché européen : Les produits des PMA entraient déjà librement sur le marché européen (grâce à l’initiative « Tous sauf les armes »). En outre, si l’APE pourrait faciliter l’accès au marché européen et favoriser de nouvelles exportations des Etats d’Afrique de l’Ouest hors PMA (Ghana, Côté d’Ivoire et Nigeria), ce scénario semble assez peu probable du fait de normes européennes qualitatives et sanitaires très exigeantes.

Du coté de l’UE, l’APE semble bien plus favorable puisqu’il permettrait, selon une étude d’impact mené par le GRET en 2005 « d’augmenter les importations en provenance de l’UE vers l’AO, avec un gain en exportation de l’UE qui pourrait avoisiner les 1 milliards $ »[9]. A titre d’exemple, le Sénégal, devrait ainsi voir ses importations en provenance de l’UE multipliées par deux !

Négociés dans une grande opacité, l’APE UE-Afrique de l’Ouest (rebaptisé « Accords de Paupérisation économique »[10] ou « Accords de profitabilité étendue »[11] par ses détracteurs) provoque, au sein de la société civile ouest-africaine, l’incompréhension et la colère.

Au Sénégal, une « coalition de combat » pour dire Non aux APE !

Au Sénégal, la coalition nationale « Non aux APE !», entend combattre « le coup d’Etat économique et social » que représente l’APE entre l’UE et l’Afrique de l’Ouest. S’assumant en tant qu’organisation politique, celle-ci se présente comme « une coalition de combat »[12].

Que sont les APE ?

Ce sont des accords qui vont mettre à la merci de l’UE et ses multinationales les pays africains caraïbes et pacifique. Pour ce qui nous concerne ce sont des accords qui en Afrique, vont accroître la pauvreté du fait des pertes de recettes budgétaires mais également du fait du chômage qui en résulterait avec les difficultés économiques que nos entreprises auront à soutenir la concurrence face aux assauts des multinationales européennes mais également qui posent la question de la survie de nos pays.

Où en sommes-nous aujourd’hui dans la négociation relative à la signature de ces accords au niveau du bloc Afrique de l’Ouest ?

Le 16 décembre 2014 à Abuja (Nigeria),  onze des quinze pays de la CEDEAO ont vu leurs exécutifs valider encore une fois ces APE. Seuls le Nigeria, la Gambie, la Sierra Leone le Togo ainsi que la Mauritanie ont refusé de signer pour l’instant. Donc notre pays, le Sénégal, voit sont exécutif confirmer ce que le Président a jusqu’à présent posé comme acte dans ce sens là. Ce qu’il reste, c’est la ratification de ces accords par les parlements nationaux.

Qu’est ce que la coalition non aux APE ?                   

Cette coalition existe  depuis la tenue au Sénégal, en octobre passé, du Forum social Africain. C’est à ce moment là que les gens et les organisations se sont regroupés. Mais on peut même dire qu’elle existe depuis les années 2000, dans la mesure où, en cette période la, il y avait la coalition nationale non aux APE qui existait avec quasiment les mêmes acteurs. C’est comme si cette coalition était un sphinx qui renaît de ces cendre à partir de fin 2014 puisqu’elle existait déjà au début des années 2000.Cette coalition a pour unique objectif aujourd’hui d’arriver à faire rejeter ces APE au Sénégal et sans la sous région.

Qui est-ce qui la compose ?

Elle est composée principalement d’organisations et d’individus. Aujourd’hui, elle regroupe 17 organisations issues de la société civile, de filières économiques (notamment pêche et aquaculture), du monde politique et syndical ainsi que des associations de bases. De plus, cette coalition est également en lien avec d’autres organisations qui y adhèrent sans pour autant être au Sénégal : ACTUS (Tchad), FUIQ (France), etc.

Pour empêcher la signature des APE avec les Sénégal et les Etats d’Afrique de l’Ouest, quels sont les moyens et les actions que la coalition met en œuvre ? [….]

Il y a aujourd’hui un réel défi à relever dans la sensibilisation pour que la majeure partie de la population comprenne ce que sont ces APE et puisse se mobiliser pour les rejeter. Donc nous faisons un travail de sensibilisation, un travail de mobilisation. Nous travaillons aussi à la massification de la coalition pour que d’autre organisations y prennent part et y adhèrent. Nous faisons un travail de plaidoyer auprès des autorités en général et plus particulièrement auprès des parlementaires qui vont devoir, à un moment donné, recevoir ces accords pour les voter ou non. Nous faisons des actions de terrains, nous prévoyons d’organiser des marches, des sit-in de protestations. En résumé nous ferons tout ce qu’il est possible de faire, de la discussion à la confrontation, pour que ces accords là soient rejetés.

Y-a-t-il déjà une date de ratification de ces accords à l’Assemblée nationale du Sénégal ?

Non, jusqu’à présent l’exécutif est muet à ce sujet là. Certainement que le contexte actuel est assez compliqué pour que cela passe car il y a une pression d’une certains nombres d’acteurs, même si on ne peut pas mesurer de manière exacte ce que cette pression là va donner en termes de mobilisation. L’exécutif sent qu’effectivement, les gens sont carrément opposés à cela et peut être attend-il le moment le plus adéquat, où le gens vont baisser la garde, pour pouvoir poser cette question au niveau de l’Assemblée.

Nous, nous veillons à ne pas être pris de court dans la mesure où nous nous souvenons du cas du Cameroun, qui a convoqué l’Assemblée en procédure d’urgence afin de signer ces accords sur le dos du peuple.

Quelle est la prochaine action prévue par la coalition au Sénégal ?

Il y a quelque chose que nous allons faire à court terme. Le mercredi 21 janvier, nous organisons une marche de protestation. Il faut préciser que celle-ci est consécutive à l’information que nous avons obtenue très récemment de la signature par 11 exécutifs de la CEDEAO, le 16 décembre dernier, des APE. Ce fait pose la question de la transparence et de la gestion démocratique de ce processus.

Il s’agit donc pour nous de poser un acte fort pour dire que nous nous indignons de la manière dont ces négociations sont menées ici en Afrique. Négociations qui sont menées à l’exclusion des peuples sans débat national public sur la question. Il est important que le débat soit recentré pour en faire un débat national.

 

[1]Communiqué de presse de la CEDEAO n°249/2014 : http://news.ecowas.int/presseshow.php?nb=249&lang=fr&annee=2014

[2] Communiqué de presse conjoint de la Plateforme des organisations de la société civile d’Afrique de l’Ouest sur l’Accords de Cotonou (POSCAO) et du Réseau des organisations paysannes et de producteurs agricoles de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA), « Signer un accord dans le plus grand secret n’honore pas un leader », 12 janvier 2015.

[3] Les productions agricoles rentrant en concurrence avec les productions européennes avaient une entrée restreinte par des quotas d’importation et des droits de douanes.

[4] Les exportations des pays ACP vers le marché européen concernent essentiellement les matières premières agricoles ou minérales dont la part dans le commerce mondiale ne cesse de décroître. De plus, les productions agro-alimentaires et/ou agricoles ouest-africaine ne satisfont pas toujours les exigences de qualité des consommateurs de l’UE.

[5] GRET, République française, La Plateforme, « Impact de l’accords de partenariat économique UE –Afrique de l’Ouest. Note synthétique », Décembre 2005, p. 10.

[6] Les régions ACP sont : Caraïbes, Pacifique, CEDEAO + Mauritanie pour l’Afrique de l’Ouest, CEMAC + Sao Tomé et Principe pour l’Afrique Centrale (la RDC a demandé à rejoindre ce groupe), Afrique Australe et Orientale, SADC

[7] La région Afrique de l’Ouest est composée des Etats membres de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de la Mauritanie.

[8] Depuis 2009, les PMA bénéficiaient de l’initiative « tous sauf les armes » : accès au marché européen sans droit de douane pour tous les produits sauf les armes et sans obligation de leurs frontières. La signature d’un APE les oblige à ouvrir leur marché aux produits européens.

[9] Opus citatum. Note 5. p.19.

[10] Cette expression est notamment couramment utilisée par la Coalition nationale Non aux APE ! au Sénégal.

[11] Jean Gadrey, « S’opposer à l’APE Europe-Afrique de l’Ouest », Alternatives économiques, 10 juillet 2014.

[12] Intervention de la Coalition nationale non aux APE ! au « Samedis de l’économie » (Fondation Rosa Luxembourg), Dakar (Sénégal), le 10 janvier 2014.

Cet article est repris de http://emi-cfd.com/echanges-partenariats/?p=4332 site web de Echanges et Partenariats

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