Représentant l’ensemble des camarades du PRCF, au delà des militants du PRCF 59 et 62 présents, voici l’allocution que Georges Gastaud a prononcée pour rendre hommage à Georges HAGE, notre regretté camarade, président d’honneur du PRCF. Hasta Siempre Geo !
Allocution de G. Gastaud, secrétaire national du PRCF, à la cérémonie d’hommage au camarade Georges HAGE, Douai, 26 janvier 2015.
Chers concitoyens, amis et camarades, Monique, Julien, Odile, cher et inoubliable Geo, « FRERE » !, comme tu nommais tous tes amis en usant d’une civilité républicaine et christique qui te définiras à jamais,
D’autres camarades ont dit avant moi ton engagement de syndicaliste et de député du peuple auprès des mineurs, des verriers, des bateliers, des métallos, des imprimeurs et j’en passe. Sur ce sujet, et avant d’aborder ton rôle dans la fondation du PRCF, je voudrais évoquer un souvenir qui date de la fin des années 70 : quand j’ai connu ma compagne, alors étudiante en E.P.S., les étudiants des U.R.E.P.S. de France se rebellaient contre le plan Soissons, du nom de ce ministre giscardien qui voulait liquider le C.A.P.E.S. d’éducation physique en attribuant zéro poste au concours de recrutement. Eh bien Geo, même si ce milieu étudiant était alors lourdement travaillé par la campagne anticommuniste en cours contre les J.O. de Moscou, même si beaucoup de ces étudiants s’imaginaient à tort défendre la liberté en soutenant les talibans antisoviétiques d’Afghanistan, tout ces sportifs en lutte parlaient de toi avec respect : chargé du sport et de l’E.P.S. par le groupe parlementaire du PCF, tu étais universellement considéré comme le porte-drapeau de ce combat qui aboutit en 1981 à cette grande avancée que fut le rattachement de l’E.P.S. au ministère de l’Education nationale. Dans le même ordre d’idées, et ce n’est pas notre camarade Mimi Landini-Pulvermacher ici présente qui me démentira, elle qui fut longtemps la secrétaire avisée du groupe communiste, j’ai constaté par la suite qu’au Palais-Bourbon, tout le petit personnel te faisait fête, tant tu te montrais aimable envers tous… et galant envers toutes !
Je m’en tiendrai donc aujourd’hui au bref rappel de quelques combats de fond qu’à contre-courant de l’idéologie dominante pétrie d’antisoviétisme, d’auto-flagellation communiste, de pseudo-syndicalisme d’accompagnement et d’euro-dénigrement de la France républicaine, j’ai eu l’honneur de mener à tes côtés depuis cette année 1998 où, répondant à l’appel de la première Coordination communiste du PCF, tu téléphonas à mon domicile pour évoquer la nécessité d’unir les communistes en désaccord avec la « mutation » du PCF, que comme moi tu jugeais suicidaire. Déjà, refusant une discipline de parti mal comprise, tu avais clamé ton désaccord avec la participation du PCF au gouvernement pro-Maastricht de Jospin. Et tu ne t’es pas trompé, camarade Geo : l’histoire allait montrer que le prétendu gouvernement pluriel creusait le lit de la droite dure et du FN tant il démobilisa le peuple de gauche par ses privatisations, par son allégeance à l’euro, par son ralliement aux guerres de l’OTAN en Yougoslavie et en Afghanistan. Et pendant que, sous couvert de fausse modernité, certains s’adonnaient à l’effeuillage des principes léninistes au risque d’aggraver la désorientation de notre peuple, pendant que des ministres oublieux de leur classe s’occupaient plus du dopage dans le Tour de France que de l’euro-privatisation de France-Télécom ou que de la casse du mammouth laïque par un « allègre » éléphant maastrichtien, toi, camarade Geo, tu n’hésitais pas à « fronder » ce parti que pourtant, tu avais servi plus fidèlement que tout autre. Car l’esprit de parti véritable n’a rien à voir avec le suivisme et tout à voir avec la fidélité à l’idéal révolutionnaire de la Commune, de Thorez et de Martha Desrumeaux, d’Henri Martel et d’Arthur Ramette, de Marcel Paul et d’Ambroise Croizat !
C’est ainsi qu’avec l’aide de Rémy Auchedé et d’Henri Alleg, et sous l’impulsion de la Coordination des militants communistes du PCF dont est issu le PRCF, nous hissâmes ensemble le drapeau rouge sur la Mutualité en décembre 2000 pour commémorer le 80ème anniversaire du Congrès de Tours. Alors que d’autres rêvaient à voix haute d’un « congrès de Tours à l’envers », nous avons ensemble revendiqué hautement l’héritage d’un congrès qui modernisa vraiment le mouvement ouvrier français en séparant les révolutionnaires des partisans de l’union sacrée impérialiste : cet acte fondateur ouvrait en effet la voie aux victoires futures du Front populaire, de la Libération et des luttes anticoloniales de l’après-guerre.
Ensemble, nous créâmes le Collectif National Unitaire des Communistes dont l’aboutissement logique fut la fondation en 2004 du Pôle de Renaissance Communiste en France dont tu devins le président-fondateur aux côtés du grand résistant Léon Landini. Un PRCF qui depuis lors, n’a cessé de tendre la main aux communistes, où qu’ils soient organisés, qui veulent sortir du broyeur euro-atlantique pour rouvrir la voie du socialisme à notre pays.
Bravant l’ignorance et les quolibets, nous défendîmes le marxisme-léninisme, non par nostalgie, mais parce que l’approche de classe, matérialiste, de la nation, de la démocratie et de la paix, reste la plus pertinente pour s’orienter dans les durs affrontements de classes nationaux et mondiaux qui nous attendent. Si nous en doutons, écoutons le milliardaire américain Warren Buffett qui, dans le NY Times du 26 novembre 2006, écrit ceci : « il y a une guerre des classes, c’est vrai, mais c’est ma classe, celle des riches, qui mène cette guerre, et c’est nous qui la gagnerons ! ». Face à des ennemis aussi cyniques, combien il était, combien il reste irresponsable de priver les travailleurs de leur boussole idéologique, de leur faire croire qu’on peut changer le monde sans briser la dictature européenne, sans expliquer aux travailleurs qu’ils ne pourront changer la société qu’en reconstruisant une avant-garde liée aux luttes et n’ayant pas peur du mot révolution !
Ensemble, nous combattîmes cette criminalisation paneuropéenne du communisme historique qui, faisant fonds sur la restauration capitaliste à l’est, a abouti à déséquilibrer le rapport des forces mondial entre le travail et le capital. Désormais, c’est ce dernier qui monte à l’assaut dans toute l’Europe, avec l’offensive débridée de l’ultralibéralisme patronal et la résurgence décomplexée du nazisme, qui relève la tête de Kiev à Riga.
Car, camarade Geo, nous ne t’aimions pas seulement pour ta bonhomie, pour ton amour du prolétariat chti et pour tes manières de gentleman : nous t’aimions parce que tu étais utile au peuple, parce que jamais, tu n’as pris des vessies roses pour des lumières rouges ; non, jamais, tu n’as confondu les ténèbres de la contre-révolution avec la rosée du matin, ni la fascisation rampante du continent européen avec l’avènement universel de la démocratie et de la paix, si gravement ébranlées par les guerres impérialistes.
Ensemble nous avons défendu la langue française, toit qui savait par cœur des milliers de vers de Ronsard et d’Aragon. Notre langue magnifique est en effet abandonnée par nos « élites » qui encouragent le basculement de la France vers ce tout-anglais que promeut ouvertement le patronat européen.
Ensemble nous avons combattu l’U.E. qui, sous le masque usurpé de l’internationalisme, broie les acquis sociaux et la souveraineté des peuples en écrasant la Grèce, mère des Lumières, et en détruisant chez nous l’œuvre du C.N.R., socle de nos services publics, de notre Sécu, de nos retraites et du secteur public industriel dont fit longtemps partie Renault. Dès 2000, Geo, tu exigeais publiquement un référendum pour dire non à l’euro, cette arme létale de la finance européenne contre les conquêtes sociales de chaque pays. Oui, tu avais vu juste quand, seul député du parlement, tu dénonçais l’élargissement de l’UE aux ex-pays socialistes, dont tu prévoyais qu’il ruinerait ces pays tout en portant un rude coup au « produire en France ». Oui, cher Geo, comme l’homme de culture que tu étais l’avait compris, il n’y a pas opposition mais complémentarité entre le patriotisme républicain et l’internationalisme prolétarien ; l’exemple des pays latino-américains de l’ALBA prouve d’ailleurs qu’il est nécessaire de dénoncer les traités supranationaux et néolibéraux pour que les Etats puissent coopérer librement en bravant la concurrence libre et non faussée chère à l’Oncle Sam.
Cette unité du patriotisme et de l’internationalisme, tu l’as illustrée avec éclat quand, sur proposition du PRCF, tu organisas le 13 novembre 2005 à St-Denis un grand meeting unitaire de solidarité avec Cuba, alors victime d’une campagne hypocrite menée sur le thème « Cuba si, Castro no ! ». Nos amis cubains furent émus aux larmes quand tu prononças cette phrase mémorable : « Au 19ème siècle, tout démocrate avait deux patries : la sienne et la France. A notre époque, tout révolutionnaire a deux patries, la sienne et CUBA SOCIALISTE ».
Enfin, devant cette assemblée qu’un idéal commun rassemble mais que des divisions d’organisation fort respectables divisent sourdement, je reprendrai la citation politique favorite de Geo, celle d’un poème d’Aragon dédié à Gabriel Péri, l’éditorialiste de l’Huma que fusillèrent les nazis : « Quand les blés sont sous la grêle, fou qui fait le délicat / Fou qui songe à ses querelles au cœur du commun combat ».
Oui, amis et camarades, alors que l’euro-austérité désosse les acquis de la Résistance, alors que l’extrême droite rêve d’accéder à l’Elysée en alliance avec la partie la plus xénophobe de la droite, entendons tous le message d’union des républicains patriotes que portait Geo Hage. Comme nous le faisons aujourd’hui dans cette salle en l’honneur de Geo, réapprenons à associer le drapeau rouge des ouvriers au drapeau tricolore de la République lors des manifs populaires, non pour réclamer l’utopique « démocratisation » de l’U.E., ni pour « humaniser » l’exploitation capitaliste, mais pour construire une société où, selon le mot de Marx, « Le développement de chacun sera la clé du développement de tous ».
C’est pourquoi comme tu le vois, mon frère de combat, je n’ai pas voulu t’honorer aujourd’hui par un discours lénifiant indigne du lutteur que tu fus : pour tes camarades du P.R.C.F., le sobriquet de « Geo le Bolcho » que t’a un jour conféré une journaliste, ne se résume en rien à un surnom affectueux et suranné. Geo le communiste, Geo le bolchevik, Geo le fédérateur des communistes du « dehors » et du « dedans », Geo le rassembleur des patriotes et des syndicalistes de classe, tu habites toujours nos engagements et nos luttes. C’est en elles que réside ton âme toujours vivante, ami, et non dans le cercueil de bois qui contient ta dépouille. Que jamais donc, la forme de ton engagement, fraternelle, accueillante, digne à la fois de François d’Assises et de François Rabelais, n’occulte le contenu inaliénable de ton message : la certitude qu’après le temps des voltes-faces, des reniements, des trahisons, le drapeau rouge frappé des outils associé au drapeau tricolore de Robespierre, triompheront solidairement et irréversiblement en tirant toutes les leçons du passé !
Vous êtes en deuil Julien, Odile, vous tous, du P.C.F., du P.R.C.F., de la C.G.T., de la F.S.U., militants laïques, cathos progressistes, patriotes républicains amis de Geo ; mais votre deuil se transformera en énergie vitale et en devoir d’espérer, comme l’eût voulu Geo le Vivant, si vous jurez tous dans votre cœurs que l’air du Temps des cerises finira tôt ou tard par rompre le silence oppressant de ces temps de réaction !