Lors d’une revue des livres sur la chaîne Histoire, Stéphane Courtois, préfacier du Livre noir du communisme et de l’historien négationniste Ernst Nolte, reconnaît avoir demandé à la direction de la chaîne de pousser « un coup de gueule » contre le livre Ukraine, le coup d’Etat fasciste orchestré par les Etats-Unis (ouvrage collectif écrit sous la direction de Stephen Lendman, publié par les Editions Delga, trad. D. Sillou).
Droit de gueuler lui a été octroyé, aux dires du présentateur par le « chef suprême », sans doute le très maurrassien Patrick Buisson, directeur général de la chaîne et ancien directeur de la rédaction de Minute. On appréciera ce sens aigu de la hiérarchie dont fait preuve le présentateur Michel Field, ancien militant trotskyste.
Rappelons tout de même que Stéphane Courtois ne se limite pas aux simples vociférations, verbales et écrites, et qu’il a participé aux tentatives européennes de criminalisation du communisme (voir le rapport Linblad en 2006). Et sans doute peut-il aller plus loin, pourvu qu’on l’y autorise…
Ce grand moment télévisuel commence à la 21e minute :
et ici :
www.initiative-communiste.fr se devait de se faire l’écho de la lettre ouverte demandant un droit de réponse à cette chaîne privée, diffusée cependant dans un espace de fréquence qui demeure le bien collectif de tous les citoyens. A ce titre, la chaîne Histoire est tenue de respecter sa convention qui stipule notamment en son article 2-3-1:
« l’éditeur assure le pluralisme des courants de pensée et d’opinion, notamment dans le cadre des recommandations formulées par le conseil, et en particulier de la délibération du 21 juillet 2009 relative au principe de pluralisme politique dans les services de radio et de télévision.
Les journalistes, présentateurs, animateurs ou collaborateurs d’antenne veillent à respecter une présentation honnête des questions prêtant à controverse et à assurer l’expression des différents points de vue. «
Droit de réponse demandé par lettre ouverte à Michel Field et à la chaîne Histoire (avec copie au CSA)
Paris, le 2 avril 2015,
Cher Monsieur Field,
Je suis au regret de vous faire remarquer que votre émission « Historiquement show » portant le n° 196 et tournant actuellement en boucle sur la chaîne Histoire a porté une grave atteinte à la sérénité du débat démocratique et de la recherche historique.
Libre à votre chroniqueur, M. Stéphane Courtois, de ne pas apprécier le livre Ukraine, le coup d’Etat fasciste orchestré par les Etats-Unis, ouvrage collectif écrit sous la direction de Stephen Lendman et que nous avons eu l’honneur de publier.
Mais est-il déontologique d’exciper contre ce livre le fait qu’il soit édité, je cite, par « nos communistes les plus staliniens », « des communistes français ultra-orthodoxes »?
Je rappelle que ces épithètes ressortissent au vocabulaire du maccarthysme et de l’extrême droite et n’ont jamais été employés par les communistes, fût-ce par ceux se revendiquant du marxisme-léninisme. Notons tout de même que Stéphane Courtois n’était pas ici la proie d’une colère subite, qui l’aurait fait se départir momentanément de ses obligations de chercheur, mais qu’il est coutumier de ce genre d’embardées et a d’ailleurs participé délibérément aux tentatives de l’Union européenne visant à criminaliser le communisme, notamment à l’occasion de la rédaction du rapport Linblad en 2006.
Face au caractère invraisemblablement partisan d’une pareille agression télévisuelle, nous jugeons donc légitime de revendiquer le droit à y répondre.
Ce livre collectif défend en effet plusieurs points de vue, et non comme vous l’affirmez une ligne « un peu délirante » ou encore « russo-extrémiste », ce qui serait tout de même étrange pour un livre entièrement écrit par des Américains. De plus ces auteurs ne sont pas uniquement des « communistes ou des gens d’extrême gauche », contrairement à ce qu’affirme M. Courtois, puisqu’on y trouve, en sus des marxistes, des keynésiens et même un libertarien, Paul Craig Roberts, ancien membre de l’administration de Ronald Reagan, ce qui met à mal l’accusation d’intégrisme qu’on veut subrepticement nous faire endosser.
M. Courtois a fait mine de s’étonner de certaines continuités historiques dont nous serions le vivant témoignage, un quart de siècle après la fin de l’URSS. La première continuité c’est malheureusement celle de l’encerclement de la Russie par l’OTAN et l’inféodation accrue de notre malheureux pays, la France, à cette puissance occupante.
Il est très léger de la part de M. Courtois de dire que la CIA n’est pas assez organisée pour préparer un coup d’Etat : cela relève de la désinformation ou du simple gag, celle-ci ayant elle-même revendiqué plusieurs coups d’Etat au cours de sa funeste carrière. Que faisait d’ailleurs son directeur à Kiev durant les événements? Pourquoi le gouvernement actuel à Kiev compte-t-il plusieurs Américains ou étrangers alliés de ces derniers?
Je vous demande donc posément la possibilité de venir sur votre plateau rectifier poliment ces allégations pendant une durée égale à celle impartie à M. Courtois pour chroniquer notre livre, comme la loi nous y autorise.
Ce que vous avez appelé un « coup de gueule » a reçu, à vous entendre, l’autorisation de celui que vous appelez, non sans ironie sans doute, le « chef suprême ». S’agit-il de M. Patrick Buisson, directeur général de votre chaîne?
Nous n’avons pas l’heur de bénéficier des conseils que M. Buisson aime prodiguer aux familles politiques les plus diverses. Mais vu la présence – injustifiée à nos yeux – de militants communistes dans l’équipe de campagne d’un candidat réputé avoir été conseillé par M. Buisson, nous ne pensons pas que ce dernier aura la mauvaise grâce de priver vos téléspectateurs de nos nécessaires compléments.
Dans l’attente, je vous remercie, cher Monsieur Field, de l’attention que vous m’avez bien voulu accorder,
Aymeric Monville, directeur des Editions Delga.