Les grands médiacrates ne cessent de vous le seriner, à la télé, sur leurs radios, dans leurs journaux : en France on aurait la « liberté d’expression ».
« Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. » Déclaration universelle des droits de l’Homme 1948
Liberté d’expression? vraiment? Pas pour tout le monde !
Car les baillons les plus visibles ne sont pas les plus efficaces. La liberté d’expression c’est le droit de « recevoir et de répandre » les informations et les idées. Pourtant ce droit à diffuser de l’information est singulièrement à géométrie variable. Car ne nous trompons pas la liberté d’expression, cela ne peut pas être d’avoir le droit de parler aux murs pour les uns et que seuls ceux qui sont « autorisés » puissent utiliser – et eux seuls – les médias de masse permettant de se faire entendre de tous.
Dans les faits, les médias de masse (Télévisions, Radios, Grande Presse nationale) sont aujourd’hui détenus par quelques grands groupes capitalistes qui y font entendre leur point de vue. Dassault, Niel, Lagardère, Tapie, Hersant Bouygues et compagnie – tout en se gorgeant de subventions publiques en véritables assistés du système(lire médias les assistés du système) – ont par diffusent en permanence par leurs médias leur propagande idéologique. Mais d’aucun dirons qu’il y a en France un audiovisuel public. Certes ! Celui-ci devrait être pluraliste. Et donner la parole à l’ensemble des composantes de la société. Ce qu’il ne fait pas. Qui s’en étonnera alors qu’après plus de trois semaine de grève, Radio France n’aura jamais donné la parole à ses travailleurs ! Étranges « journalistes » que ceux de radios incapables d’aller interviewer les salariés de leurs radios ! Etranges « serviteurs » du service publics que ces médiacrates starifiés qui tels des mercenaires officient quelques temps sur les ondes des radios publiques pour s’en servir comme tremplins avant d’aller se faire richement rétribuer dans les studios des radios publiques. Puis d’y revenir lorsqu’une vedette plus en vue prendra leur place! (lire France sphincter dédié à PatCo et miss clarck)
De fait, les médias dominants sont ceux de la classe dominante. Outil de propagande de classe, jour après jour, il diffusent, distillent la propagande de la classe capitaliste, et participe de l’endoctrinement, du bourrage de crâne permanent. Pour masquer la lutte des classes à l’oeuvre,
La vérité des chiffres : la censure des travailleurs
Le site internet de la campagne De l’Air à France Inter, dont initiative-communiste.fr a déjà eu l’occasion de se faire l’écho publie le résultat d’une très pertinente enquète d’auditeurs. Ils sont écouté pendant 3 jours sans interruption France Inter et chronométré le temps de parole accordé par cette radio aux différentes composantes sociale du pays, pour évaluer le temps de reportage, ce temps indispensable pour aller sur le terrain receuillir les informations et les idées de ceux qui n’ont pas accès sinon aux studios parisiens, et leur permettre d’avoir eux aussi accès à la liberté d’expression.
Sur ces 72h de radio, les travailleurs auront eu droit à 7 royale minutes. Les syndicalistes n’auront pas eu la parole. C’est cela la liberté d’expression et le pluralisme en régime capitaliste !
JBC pour www.initiative-communiste.fr -@PRCF_ – source : Fakir et De l’Air à France Inter
Silence Radio : de la « liberté de la presse » pour les pigistes et autres journalistes précaires
Alors que les travailleurs de Radio France poursuivent leur dure – et juste – lutte contre la casse de ce qui reste de l’audiovisuel public sur l’hotel de l’UE, de l’Euro et des profits du capital, le site De l’air à France Inter a donné la parole à un(e) journaliste pigiste. Comme vous ne risquez pas de l’entendre comme invité de la matinale de PatCo, ou comme invité de « service public » ou du téléphone sonne, www.initiative-communiste vous donne à lire ce témoigner. A écouter, entendre et diffuser.
Silence radio
Pas évident au quotidien d’être journaliste et d’être précaire à Radio France, surtout quand on l’aime, cette Maison. Alors, pendant la grève, les problèmes deviennent saillants, évidents, ils ressurgissent, frappent de plein fouet. On publie ici, en intégralité, le témoignage d’une pigiste de France Bleu.
« Vous ne faites pas grève ? » Depuis quelques jours, cette question revient comme une rengaine lorsque je plante mon micro France Bleu sous le nez de mes interlocuteurs. Je réponds par la négative en bredouillant quelques excuses : les syndicats de journalistes ont lancé sur le tard un appel à rejoindre le mouvement (le vendredi 3 avril dernier pour le 16ème jour de grève), toutes les stations ne sont pas autant mobilisées que France Inter, France Info et France Culture. Et puis, il m’arrive de répondre la vérité : « Vous savez quand on est pigiste, on est précaire. Et quand on est précaire, on ne fait pas grève. » L’interlocuteur/ l’interlocutrice se passe une main dans les cheveux et dit un peu gêné(e) : « Le cœur y est alors. » Seuls les titulaires peuvent utiliser ce droit, les « CDD » sont considérés d’office comme non-grévistes. Idem pour les pigistes, l’étage hiérarchique d’en dessous… mon étage.
Une rédaction, c’est très hiérarchisé
Dans les rédactions des radios locales, on est en nombre réduit. Il y a d’abord le rédacteur en chef et les titulaires, qui ont leurs postes attitrés. Il y a aussi la centaine de « cdd » du sacro-saint “planning”, un vivier de précaires itinérants. Ils enchaînent les contrats de courte durée, de stations en stations, au gré des besoins, dans le vaste réseau Radio France. Et il y a les 80 à 90 pigistes, dépendants d’une rédaction, pour le temps d’une formation approfondie en vue d’intégrer ce « planning », ou par attachement au service public de proximité. En tout, pour une journée normale, cela représente entre 4 et 8 journalistes qui travaillent en même temps, du lundi au vendredi. Ils sont entre 2 et 3 en fin de semaine.
Le/la pigiste est la voix de vos week-ends, celui/celle qui bien souvent vous réveille le samedi et le dimanche au petit matin sur les ondes de vos 44 radios locales, hante les open-space déserts des rédactions lorsque les titulaires sont en repos hebdomadaire, et qui court de reportage en reportage. Vous ne le savez pas, mais les journaux que vous écoutez le lundi matin en allumant votre poste sont cousus de sujets réalisés par des précaires.
Le/la pigiste travaille également en semaine pour boucher les trous d’un tableau de service morcelé. Il profite ainsi de la soixantaine de jours de congés payés accordés chaque année aux titulaires. L’actualité et la course à l’information ne prennent pas de repos. Le/la pigiste est là pour y remédier. C’est une variable d’ajustement que l’on présente comme tel, que l’on appelle à la dernière minute en cas d’imprévu et qui se doit d’accepter. Quasiment toutes les semaines c’est le même refrain, le même coup de fil, parfois la veille. “Salut, je t’ai rajouté au tableau de service. T’es dispo de toute façon, non ?” Impensable de refuser une journée de travail. Un mot plus haut que l’autre, un faux pas et tout s’arrête : silence radio.
En tant que pigiste de Radio France je ne suis pas payé(e) à la tâche mais à la journée. J’enchaîne en toute illégalité les CDDU (contrats à durée déterminée d’usage) pour un cachet journalier de 107,90 euros brut avec la carte de presse, 77 euros sans carte professionnelle. Un montant largement au dessus du SMIC horaire si l’on s’en tient aux 7 heures officielles de boulot quotidien, mais bien en-dessous si l’on prend en compte la durée réelle du travail : pas moins de 10h par jour, parfois jusqu’à 15h. Je gagne entre 700 et 1500 euros brut, ce n’est pas une fortune. Bien entendu, les termes « jours de récupération » et « RTT » ne font pas partie du vocabulaire du pigiste. Dans la rédaction, c’est le seul que cela ne concerne pas. De toute façon, je l’entends régulièrement dans la bouche de mon rédacteur en chef : “T’es jeune toi ! T’as de la chance, t’as pas vraiment besoin de te reposer !”
Le/la pigiste, fait fi de ses revendications salariales. Il/elle s’exécute en silence, docile et souriant, en s’estimant “chanceux” de faire ses armes dans le plus grand groupe radiophonique français. Il/elle attend sagement de passer le « Planning »: un concours qui ne dit pas son nom. Deux séances d’écoute sont organisées chaque année. Grâce aux maquettes envoyées des quatre coins de France, les rédacteurs en chef choisissent ceux qui pourront grimper un échelon et devenir CDD. Si le pigiste faillit au bout de trois tentatives et de deux années de collaboration on lui demande de partir, en lui proposant un “arrangement maison”: un chèque pour éviter toute attaque ultérieure aux Prud’hommes et un engagement formel à ne plus travailler à Radio France. Mais “Planning” ou pas, la porte n’est jamais loin, et l’on n’oublie jamais de le lui rappeler.
Un bébé du service public
Je n’ai pas encore mis le deuxième pied dans la Maison que parfois je pense à quitter le navire. Pourtant, ce n’est pas un hasard si j’ai choisi d’y travailler. Je suis un(e) enfant de Radio France, un bébé du service public. Grâce à mes parents, j’ai été bercé par les voix de Stéphane Paoli et de Joël Collado. Dans la voiture on zappait sur FIP, France Culture et France Bleu ( qui à l’époque était vraie radio locale décentralisée où je découvrais les racines et la beauté de ma terre natale). Dans la salle de bains on avait une oreille sur France Info et dans la cuisine France Inter régnait en maître.
C’est à l’écoute de ces chaînes et de ces voix que j’ai eu envie de devenir journaliste. Radio France m’a donné envie de comprendre le monde, de raconter la vie, au coin de ma rue ou sur d’autres continents. Je savais en commençant mes études que la situation de l’emploi n’était pas favorable. J’étais prêt(e) à surmonter cette période, pourvu que je fasse ce “beau métier”. Cela fait quelques années que je l’exerce maintenant, et je me demande à quoi bon…C’est qu’entre temps, je suis devenu(e) un(e) ouvrier(e) de l’information.
Spécialiste de rien
Le mouvement de grève de Radio France entamé à Paris se base sur des risques pour l’emploi dans les mois à venir. « En région », c’est à dire dans les 44 France Bleu, le processus est déjà en marche et les conditions de travail difficilement supportables: Un manque croissant de moyens humains et techniques. L’obsession de la rentabilité et des éléments à « caser » dans la grille d’information. La pression des chefs pour aller toujours plus vite, sur Twitter, sur le site Internet ou ailleurs (désormais avant de travailler pour la bande FM, les ordres me demandent de produire d’abord pour Internet). L’oubli constant de « l’auditeur » dans cette course folle. La part belle laissée aux micro-trottoirs et donc à la facilité. La ligne éditoriale n’a plus qu’un seul objectif: marcher dans les pas des radios privées. Le site francebleu.fr se développe ainsi sur une ligne simple : du faits-divers, de l’insolite, tout pour le clic. Ce n’est pas là que seront contées les richesses et les douleurs de mon pays et de ceux et celles qui y vivent.
Je n’ai pas la prétention d’être un(e) grand(e) journaliste, mais depuis un moment, j’ai l’impression de ne plus être un(e)journaliste du tout. Seulement un(e) porte-micro envoyé(e) sur le terrain pour « illustrer » l’actualité. Avec un sourire forcé dans la voix, tout en étant obsédé(e) par le temps et l’efficacité. Le quotidien du reporter à France Bleu, c’est deux sujets par jour minimum, plus si l’actualité le requiert. Avec deux à trois éléments par évènement traité (reportages, sons ou papiers d’explications), à livrer parfois dès 17h. En sous-effectif permanent alors qu’il faut toujours plus produire pour ne pas perdre le fil de l’actualité, il est impossible de réfléchir à l’info que l’on donne.
Or “couvrir” un sujet demande du temps. Il faut comprendre l’actualité, cibler les enjeux, puis les interlocuteurs, les contacter, les rencontrer, les enregistrer, trier pour en tirer l’essentiel, écrire puis monter le reportage en le mettant en forme avec des ambiances et donner ainsi un sens aux sons, aux voix, à l’actualité. Un sens que nous avons perdu, noyé sous la masse de travail, avec un sentiment d’illégitimité croissant lorsqu’on aborde des sujets complexes. Les seul(e)s spécialistes qui restent dans les rédactions locales sont les « sportifs » et les « police, justice ». Le nombre de ceux et celles qui s’intéressent à l’économie locale, au monde social, politique, environnemental, décroit au rythme des départs en retraite. Alors, comme m’a dit mon redacteur en chef un jour, on est « spécialiste de rien, mais on doit tout expliquer comme si… » , et le tout le plus vite possible, avec le nez dans le guidon. Des journées entières passées à cavaler entre les coups de téléphone, les rendez-vous et les sandwiches avalés au lance-pierre devant l’ordinateur. Dernièrement, je me suis surpris(e) à ne plus discuter avec mes interlocuteurs mais à seulement leur poser les deux-trois questions nécessaires pour mon sujet. Je me fais peur.
Avoir le temps de prendre le temps
Le métier de journaliste est loin de se résumer à de la technique. Pour être en prise avec la réalité, il faut laisser trainer ses oreilles, s’étonner de scènes banales, prendre du recul, avoir le temps de prendre le temps. Dans les faits, on va à l’essentiel en passant par de grossiers raccourcis, on applique les ordres. C’est le chef qui décide des sujets et des angles à la conférence de rédaction du matin. Nous n’avons d’autre choix que d’obéir. Il faut accepter de rentrer dans le moule et de mettre au placard pour quelques heures nos idées, nos idéaux et notre créativité.
Au sein des rédactions, ces cadences infernales provoquent des sautes d’humeur et une impatience généralisée. Il y a du stress dans ce métier, mais à ce point là, je ne m’y attendais pas. Chaque jour, j’ai l’amertume tenace de ne pas être allé au bout des sujets pour donner une information complète et honnête. Je rentre chez moi, exsangue après le boulot avec une boule au ventre, et ce n’est que le début de ma « carrière ».
La situation que je décris ici est subie par tous les journalistes, qu’ils soient dans le service public ou non. La différence, avec nous les pigistes, c’est que les titulaires ont le pouvoir de stopper la machine et de dire : “Non! Nous ne sommes plus en mesure de faire correctement notre travail”. Souvent, ils se plaignent. Souvent ils nous plaignent. Ils ont raison. Nous attendons le moment où ils se lèveront pour défendre les fiertés qui font nos métiers.
Grève « d’utilité publique »
La grève de Radio France est « d’utilité publique », mais elle ne concerne pas seulement le service public. Pointer du doigt les restrictions budgétaires, le manque d’embauches, c’est un constat que toutes les rédactions de France peuvent faire. Tous les journalistes, titulaires et pigistes, de Radio France et d’ailleurs, sont concernés par ces problématiques, et devraient être en grève à cette heure-ci. Parce qu’à force de ne pas mettre les moyens pour comprendre et expliquer l’actualité, les auditeurs et les lecteurs vont nous déserter, voire nous dénigrer, dans tous les cas ils n’auront plus l’impression qu’on parle de leur vie.
C’est toute une génération de jeunes journalistes que l’on dégoûte de cette pratique du métier. Certains s’éclipsent. D’autres restent, et attendent leur heure. Une question: pour quoi faire?
Nous sommes la radio du futur, celle qui se pense aujourd’hui. Autant nous demander notre avis, plutôt que de nous faire appliquer les mauvaises recettes de l’information au rabais. Une information dangereuse pour nos santés et celle de la démocratie.
- Camille Pigiste