Salim Lamrani a pu mener avec le président Manuel Zelaya du Honduras, destitué par un violent coup d’état soutenu par l’impérialisme Nord Américain en 2009. www.initiative-communiste.fr site web du PRCF ne pouvait que lui donner toute place dans ses colonnes. Évidemment, Zelaya ne sera jamais l’invité de BFN TV et autre radios, télés et journaux du système…
José Manuel Zelaya Rosales est né le 20 septembre 1952 dans la ville hondurienne de Catacamas, dans le département d’Olancho. En 1970, il s’implique dans la vie politique et devient membre du Parti Libéral du Honduras. Il occupe alors la fonction de conseiller départemental.
En 1985, Zelaya est élu député et occupe successivement plusieurs fonctions au sein du Congrès national, telles que la présidence de la commission des ressources naturelles et la commission du Pétrole. Il devient également secrétaire du bureau exécutif du Parlement.
En 1994, il est nommé par le Président Carlos Roberto Reina directeur du Fond hondurien pour l’investissement social. Quelques années plus tard, en 1999, Zelaya devient conseiller du Président Carlos Roberto Flores Facussé.
En tant que candidat du Parti Libéral, Zelaya est élu Président de la République du Honduras en 2005 et triomphe de son adversaire Porfirio Lobo Sosa du Parti National. Il assume ses fonctions le 27 janvier 2006. Dès le premier jour de sa présidence, il fait adopter la Loi de participation citoyenne qui permet des consultations populaires sur les principales questions nationales, afin de renforcer la démocratie participative.
Sa bonne gestion a été saluée en 2006 par la Commission économique pour l’Amérique latine et la Caraïbe des Nations unies qui a classé le Honduras au premier rang des nations à forte croissance économique de la région, avec le taux d’inflation le plus bas des quinze dernières années.
Le Président Zelaya ne privilégie pas pour autant l’économie au détriment de l’écologie. En effet, en 2007, il lance un programme de protection des forêts dans la zone du fleuve Plátano.
En 2008, le Honduras intègre l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA) fondée par le Venezuela et Cuba. Le pays peut ainsi bénéficier du programme Petrocaribe qui permet d’acquérir à crédit 40% du pétrole acheté avec un taux d’intérêt de 1% sur 25 ans. Les économies réalisées dans le secteur énergétique ont permis à Zelaya d’entreprendre un politique sociale destinée à améliorer le niveau de vie des secteurs les plus défavorisés avec des investissements massifs dans les domaines de la santé et de l’éducation. De la même manière, le salaire minimum augmente de 11% en 2007 et de 60% en 2008.
En 2009, le Président Zelaya propose une consultation populaire pour le mois de juin au sujet de l’éventuelle élection d’une Assemblée constituante afin de modifier la Constitution de 1981. En cas de réponse positive, une quatrième urne serait ajoutée lors des élections de novembre 2009 afin de ratifier la volonté populaire.
Néanmoins, Zelaya se heurte à l’hostilité du Tribunal suprême électoral, du Procureur de la République, de la Cour suprême de Justice et du Congrès national, sous le contrôle des conservateurs qui s’opposent à toute réforme constitutionnelle. Tous considèrent comme illégale la consultation. L’armée refuse distribuer les urnes lors de la consultation prévue le 28 juin, contraignant le Président à importer le matériel du Venezuela et engendrant une crise politique avec les démissions du Ministre de la Défense, et des chefs d’Etat-major des trois armées.
Le 28 juin 2009, le Président Zelaya est victime d’un coup d’Etat orchestré par Washington et l’oligarchie hondurienne, opposés au rapprochement avec la gauche latino-américaine. Expulsé au Costa Rica, il est remplacé par Roberto Micheletti à la tête du pays jusqu’à la fin de son mandant en janvier 2010. Aucun gouvernement au monde ne reconnait la junte putschiste.
La communauté internationale condamne de manière unanime la rupture de l’ordre constitutionnel au Honduras, y compris les Etats-Unis. En juillet 2009, Zelaya, accompagné de plusieurs personnalités, tente de rentrer au Honduras, sans succès. L’armée empêche l’avion d’atterrir et tire même sur la foule venue accueillir son président, faisant de nombreux morts et blessés.
En septembre 2009, il se réfugie dans l’ambassade du Brésil à Tegulcigalpa en tant que Président légitime en exil. La représentation diplomatique est alors assiégée par les forces putschistes jusqu’à son départ vers la République dominicaine le 27 janvier 2010.
Suite à une négociation avec le nouveau pouvoir dirigé par Porfirio Lobo, élu en 2009 dans un pays sous état de siège, sans aucune garantie constitutionnelle, Zelaya est autorisé à retourner au Honduras et à réintégrer la vie politique nationale. De la même manière, la Cour Suprême décide d’annuler les poursuites ouvertes à son encontre par les autorités putschistes dans le cadre de cet accord.
Elu député en septembre 2010, Zelaya fonde un nouveau mouvement politique appelé Liberté et Refondation. En 2013, son épouse Xiomara Castro de Zelaya se présente aux élections présidentielles, gagnées par l’actuel Président Juan Orlando Hernández, malgré des accusations de fraude.
Au cours de ces conversations, José Manuel Zelaya dresse un rapide bilan de son gouvernement et revient sur le coup d’Etat. Il aborde également la situation politique nationale au Honduras et conclut cet entretien en soulignant l’importance de la Révolution cubaine et de la Révolution bolivarienne en Amérique latine.
Salim Lamrani : Monsieur le Président, pourriez-vous ébaucher un bilan de votre mandat à la tête de la République du Honduras ? Quelles ont été les mesures emblématiques de votre gouvernement ?
José Manuel Zelaya : Au XXIe siècle, la colonne vertébrale de l’économie est l’énergie car tout y est rattaché. Ce n’était pas le cas au XIXe siècle, ni dans la première moitié du XXe siècle. Lors de mon arrivée au pouvoir, nous avons été confrontés au monopole énergétique imposées par les multinationales étasuniennes et européennes dans le domaine du pétrole. Notre énergie électrique était la plus chère d’Amérique centrale et nos entreprises étaient peu compétitives en raison des coûts élevés engendrés par cette situation.
La principale mesure que nous avons prise au début de mon mandant a été de corriger ce problème du monopole pétrolier. Nous avons donc intégré l’organisation Petrocaribe créée par le Président Hugo Chávez du Venezuela et nous avons pu bénéficier de facilités de paiement.
SL : Quelle a été la réaction des multinationales pétrolières ?
JMZ : Les multinationales pétrolières étasuniennes et européennes m’ont déclaré la guerre et m’ont qualifié d’ennemi du secteur privé. A l’évidence, ma politique ne plaisait pas aux conservateurs du secteur privé, car j’ai mis en place des règles de marché, j’ai créé de la concurrence et j’ai mis fin au monopole. J’ai fait en sorte que la demande régule l’offre et j’ai mis un terme à la situation où l’offre régulait la demande, à cause de ces monopoles. Cela est une réalité dans nos pays où les monopoles et les concessions de l’Etat aux entreprises privées perturbent les règles du marché.
Ma politique de rupture du monopole a été à la source du différend qui a opposé mon gouvernement aux Etats-Unis. Le secteur privé, qui était contraire à la concurrence et qui souhaitait conserver le contrôle de l’économie, s’est également opposé à mon autorité. Les entreprises privées ont donc planifié un coup de force pour m’expulser du pouvoir et les multinationales étrangères l’ont financé. Cela a débouché sur le coup d’Etat de juin 2009 qui a mis un terme à la légalité constitutionnelle et a rompu par la force le mandat que m’avait confié le peuple.
SL : En terme de politique sociale, quelles mesures a pris votre gouvernement ?
JMZ : D’un point de vue économique, notre gouvernement était très stable. Durant les trois années de mon mandat, nous avons eu une croissance soutenue de 6,7%, malgré la crise de 2008. Notre croissance a été largement supérieure à la croissance moyenne du continent.
Pour la première fois de l’histoire du Honduras, nous avons réduit la pauvreté. Nous avons mis en place des programmes sociaux dans le secteur de l’éducation avec un accès gratuit à l’école pour tous les enfants du pays. Nous avons créé le Réseau solidaire avec une couverture de santé pour des secteurs les plus fragiles. Nous avons réduit la pauvreté extrême de 16 points et nous avons fait baisser de 6 points la pauvreté en à peine deux ans. C’est quelque chose d’inédit dans l’histoire de notre nation.
SL : Vos difficultés étaient donc plutôt d’ordre politique.
JMZ : Oui, car nous avons irrité les Etats-Unis. Ils ont déclaré qu’ils ne permettraient pas que le Honduras intègre l’Alliance bolivarienne pour les peuples de Notre Amérique fondée par Cuba et le Venezuela. Plusieurs personnalités étasuniennes sont à l’origine du coup d’Etat tels qu’Otto Reich, Pedro Carmona ou Roger Noriega. Elles ont planifié le coup de force qui m’a renversé avec les faucons de Washington et l’oligarchie hondurienne. Le coup d’Etat a plongé le pays dans la violence et la misère.
SL : Comment est survenue cette rupture de l’ordre constitutionnel ?
JMZ : Ils ont utilisé un argument précis. Lors de ma première année de gouvernement, j’ai fait voter la « Loi de participation citoyenne » qui permet de consulter le peuple par referendum. La démocratie représentative a atteint ses limites partout dans le monde, car les représentants du peuple trahissent souvent leurs engagements, sombrent dans la corruption. Il n’est pas possible d’acheter un peuple. En revanche, il est aisé de soudoyer un député, un sénateur ou un ministre. Nous avons donc décidé de favoriser la démocratie participative.
Lors des élections de 2009, j’avais décidé de consulter le peuple le 28 juin pour savoir s’il était favorable à un vote sur l’opportunité d’une convocation d’une Assemblée constituante. En cas de résultat positif, nous aurions ajouté une urne lors des élections de novembre 2009 afin de réaliser le referendum. Un juge a décidé de déclarer illégale cette initiative purement consultative. Nous n’avons même pas eu le temps d’interjeter appel de la décision. Le 28 juin 2009, les putschistes ont pris les armes et nous ont expulsés du pays.
On avait renversé l’Etat et le Honduras a été expulsé de l’Organisation des Etats américains. Depuis cette date, le pays est touché par une grave crise à tous les niveaux. Nous sommes devenus le pays le plus violent au monde, le plus pauvre d’Amérique latine et notre dette externe n’a jamais été aussi élevée.
SL : Qui sont les auteurs intellectuels du coup d’Etat ?
JMZ : A l’évidence, les Etats-Unis ont orchestré le coup d’Etat. Je dissocie le peuple américain de ses dirigeants. Je fais référence au lobby militaro-industriel et médiatico-financier qui tient les rênes du pouvoir à Washington, dont les pratiques impériales sont rejetées à travers le monde, y compris au sein de la société étasunienne. De nombreuses personnalités étasuniennes s’opposent à l’invasion de pays, aux bombardements de population, à la réalisation de coups d’Etat et aux ingérences de la CIA.
Le coup d’Etat a été planifié à Miami avec le soutien de Washington et du Commando Sud, par le biais des personnes que j’ai mentionnées telles qu’Otto Reich, Roberto Carmona et Roger Noriega, en collusion avec l’oligarchie hondurienne et certains parlementaires du pays.
SL : D’un point de vue factuel, comment s’est déroulé le coup d’Etat ?
JMZ : J’ai été expulsé de ma propre maison, par la force des mitraillettes, au petit matin. J’étais encore vêtu de ma chemise de nuit. On m’a séquestré et emmené sur une base militaire américaine et ensuite j’ai été transféré au Costa Rica.
SL : Quelles furent les premières mesures prises par les autorités putschistes juste après le coup d’Etat ?
JMZ : Permettez-moi d’abord d’apporter un petit éclairage. Il y a un auteur italien, Curzio Malaparte, qui a jeté les bases théoriques du coup d’Etat. Il explique qu’un coup d’Etat est le renversement d’un pouvoir de l’Etat par un autre pouvoir de l’Etat qui se déroule dans la surprise et la violence. Un coup d’Etat est une conspiration qui se prépare durant des mois. On organise une situation de pré-coup d’Etat afin de créer une crise qui ouvrirait la voie à la rupture de l’ordre constitutionnel qui se fait par le biais des forces armées. Ensuite, le nouveau pouvoir de facto essaye d’installer son autorité en écrasant l’opposition. C’est ce qui s’est passé au Honduras.
SL : Vous n’avez pas de doute quant à la participation des Etats-Unis dans le coup d’Etat.
JMZ : Lors d’une conversation avec Tom Shannon, alors sous-secrétaire d’Etat des Etats-Unis, alors que la crise politique avait déjà commencé, je me souviens lui avoir dit la chose suivante : « On est en train d’appliquer au Honduras le manuel du coup d’Etat du Département d’Etat des Etats-Unis ». Sa réponse a été édifiante : « Non, Monsieur le Président, vous vous trompez car le Département d’Etat ne dispose pas d’un manuel sur le coup d’Etat, mais de trois manuels ». Plusieurs témoins ont assisté à la scène et peuvent corroborer mes dires. Face à une telle confession, les preuves deviennent inutiles.
SL : Comment évaluez-vous la réaction de la communauté internationale face au coup d’Etat ?
JMZ : Je dois dire qu’elle a été assez extraordinaire. Pour la première fois, la communauté internationale dans son ensemble, y compris les Etats-Unis, s’est opposée au coup d’Etat.
Néanmoins, après cette condamnation formelle, la réalité a rapidement pris le dessus. La justice supranationale est inexistante dans les faits. Le Conseil de sécurité des Nations unies, la Charte démocratique de l’Organisation des Etats américains, la Commission interaméricaine des droits de l’homme ou la Cour pénale internationale fonctionnent dans des circonstances bien précises. Ce ne fut pas le cas pour le Honduras.
Permettez-moi de vous donner un exemple. La Commission interaméricaine des droits de l’homme parle de coup d’Etat dans tous ses rapports et déclarations, condamne le coup d’Etat contre la démocratie hondurienne, mais refuse d’accepter notre plainte en tant que victimes du coup de force, ce qui permettrait l’ouverture d’une enquête. C’est la preuve évidente que certains intérêts très puissants ne souhaitent pas que la lumière soit faite sur cet attentat contre la démocratie hondurienne.
De la même manière, l’Organisation des Etats américains a condamné le coup de force et le Honduras a été expulsé de cette entité, mais l’OEA a été incapable de restaurer le système démocratique dans notre pays.
La Cour pénale internationale refuse d’enquêter sur les crimes de masse commis suite au coup d’Etat. Il y a eu des milliers de morts suite à la rupture de l’Etat de droit. Le pays se trouve entre les mains du crime organisé et les groupes paramilitaires pullulent sur notre territoire.
Il n’y a pas de justice internationale ni supranationale. Les peuples se trouvent abandonnés à leur sort. Les Etats-Unis se prennent toujours aux gouvernements qui essayent de changer la société. Prenez le cas du Venezuela qui est assiégé par Washington et souffre d’une guerre économique sans nom. Regardez Cuba qui est sous état de siège depuis plus d’un demi-siècle.
SL : Quelques semaines après le coup d’Etat, vous êtes revenu au Honduras. Comment s’est déroulé cet épisode ?
JMZ : En réalité, j’ai essayé de retourner au Honduras dès le lendemain du coup d’Etat. Mais José Miguel Insulza, secrétaire général de l’OEA, m’avait demandé un délai de sept jours afin de résoudre la crise. Il s’est donc rendu au Honduras et a imposé un ultimatum. Son rôle a été honorable mais l’entreprise n’a pas été couronnée de succès car le gouvernement militaire, officiellement condamné par les Etats-Unis, mais clandestinement soutenu par Washington, n’a pas cédé.
J’ai donc annoncé que j’allais retourner au Honduras en tant que Président du peuple hondurien. Chávez m’avait prêté son avion. Le peuple s’est manifesté et les crimes ont commencé. L’armée a imposé un état de siège et la répression a été terrible.
Nous étions accompagnés dans un autre avion par la Présidente argentine Cristina Kirchner, le Président de l’Equateur Rafael Correo, le Président Fernando Lugo du Paraguay, entre autres. Mais nous n’avons pas atterrir car les putschistes ont menacé de détruire les avions avec des missiles.
Quinze jours plus tard, j’ai tenté de rentrer au Honduras par la frontière nicaraguayenne grâce au soutien dont je disposais du Président Daniel Ortega. Mais l’opération a été un échec car la junte militaire avait placé toute l’armée en état d’alerte près de la frontière. Mon épouse, ma fille et mes petits-enfants ont été arrêtés. Le mouvement populaire de résistance, qui nous avait rejoints à la frontière, a subi une répression terrible, avec des tortures et des assassinats en masse.
SL : Vous vous êtes ensuite réfugié à l’ambassade du Brésil.
JMZ : Trois mois plus tard, je suis entré clandestinement au Honduras, à la barbe de la CIA et des services de sécurité de la dictature. Le Président Lula a été informé par téléphone de ma présence à Tegucigalpa et m’a offert l’asile politique. Je me suis réfugié dans l’ambassade du Brésil de la capitale. Mon épouse m’a rejoint. Nous avons été reçus par l’attaché commercial car le Brésil avait retiré son ambassadeur en signe de condamnation du coup d’Etat.
Nous avons vécu un cauchemar pendant plus de quatre mois. Cela a été le début d’un calvaire psychologique. La junte putschiste a tout tenté pour nous faire sortir de l’ambassade : des bruits infernaux, des gaz insupportables, une lumière aveuglante la nuit, etc.
Après plusieurs mois, nous avons pu quitter l’ambassade grâce à un sauf-conduit remis par le Président de facto Porfirio Lobo Sosa et nous nous sommes réfugiés en République Dominicaine.
SL : Par la suite, vous avez été autorisé à retourner au Honduras.
JMZ : Le Président Hugo Chávez du Venezuela et le Président Juan Manuel Santos de Colombie ont réussi à obtenir un accord des nouvelles autorités honduriennes afin que je puisse rentrer au pays et fonder un nouveau parti politique qui est aujourd’hui la première force d’opposition de la nation.
SL : Quel regard portez-vous sur les dernières élections présidentielles au Honduras ?
JMZ : J’ai une grande foi vis-à-vis du peuple. Les peuples, s’ils disposent de liberté, ont les gouvernements qu’ils méritent. Au Honduras, le Parti National, qui est actuellement au pouvoir, a obtenu deux victoires : la première, lors des élections organisées par les putschistes en pleine dictature en 2009, et la seconde, en 2013 il a accédé au pouvoir grâce à la fraude. C’est sa seule manière d’arriver au pouvoir. Mais il ne durera pas longtemps car il est unanimement rejeté par le peuple.
Il y a 18 départements au Honduras. Dans mon département, qui est le plus grand du pays avec près de 24 000 kilomètres carrés, un territoire plus grand que le Salvador, nous avons vaincu la fraude. Nos suffrages ont été supérieurs à ceux de l’actuel Président Juan Orlando Hernández. Je suis arrivé en tête lors des élections législatives. Mon épouse Xiomara a recueilli plus de voix lors du scrutin présidentiel. Mais dans le reste du pays, nous n’avons pas pu éviter la fraude qui a dépassé les 10%, car nous n’avions pas la réserve politique suffisante pour cela. Mais nous gagnerons lors des prochaines élections.
SL : Vous êtes donc optimiste.
JMZ : Si les dictatures de droite étaient infaillibles, elles seraient partout au pouvoir en Amérique latine. Mais elles ne peuvent pas écraser éternellement le peuple. Les peuples sont capables de s’en débarrasser et il faut avoir confiance en eux.
SL : Vous représentez 30% des élus au sein de l’Assemblée nationale. Pouvez-vous exercer votre mission de représentant du peuple dans des conditions convenables ?
JMZ : Nous sommes confrontés à de très sérieuses limitations. Il n’y a aucun traitement égalitaire. L’agenda politique du Congrès n’est jamais débattu. Il y a une improvisation totale. Nous ne savons jamais quels vont être les projets de loi débattus. Nous sommes constamment bafoués dans notre dignité. La protestation, qui est un droit de tout parlementaire, est réprimée.
Le sommet de l’ignominie a été atteint en mai 2014 où nous avons été expulsés par la force du Parlement, par la police et les militaires. Nous avons été roués de coups. On a lancé des gaz lacrymogènes à l’intérieur du Congrès. Rendez-vous compte, un député, Président de la République, expulsé par la force du Congrès. Tout cela parce que nous protestions pacifiquement contre le fait que l’on refusait de donner la parole à notre groupe politique qui est, je le répète, la première force d’opposition du pays.
SL : Quelle est l’actuelle politique du gouvernement ?
JMZ : C’est un désastre complet. Il s’agit d’une politique néolibérale sauvage. On privatise l’économie. On refuse les droits sociaux au peuple. On augmente les impôts les plus injustes. La dette externe a atteint des niveaux insupportables. On est en train de démembrer la nation hondurienne.
Bien entendu, l’actuel gouvernement dispose du soutien des Etats-Unis.
SL : Que représentent Hugo Chávez et la Révolution bolivarienne pour l’Amérique latine ?
JMZ : Chávez est la figure la plus importante et symbolique de la démocratie révolutionnaire et du socialisme pacifique du XXIe siècle. Il a créé un nouveau paradigme et a inspiré toute une génération de Latino-américains car il a su interprété la volonté des peuples. Le capitalisme sauvage néolibéral qui a dévasté notre continent est insoutenable. Chávez a proposé une alternative démocratique à ce désastre et a indiqué la voie à suivre.
SL : Dernière question, que symbolise Cuba pour l’Amérique latine ?
JMZ : Cuba est un symbole de résistance. Dans l’histoire de l’humanité, aucun peuple n’a réalisé ce qu’a fait le peuple de Cuba. C’est le peuple le plus courageux et le plus généreux de l’histoire de l’Humanité. Fidel Castro en est l’exemple. Il a dédié sa vie à construire un monde meilleur et on ne pourra jamais effacer son nom de l’histoire.
Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de conférences à l’Université de La Réunion, et journaliste, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage s’intitule Cuba. Les médias face au défi de l’impartialité, Paris, Editions Estrella, 2013 et comporte une préface d’Eduardo Galeano.
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