L’attitude des directions syndicales confrontées à la situation grecque est révélatrice.
Ce que la crise grecque a révélé entre autre au plan syndical, c’est le suivisme et le double langage des directions confédérales.
Leur dépendance par rapport à l’idéologie dominante et aux institutions européennes qui peut se résumer par « tout accepter SAUF la sortie de l’euro » participant de fait au consensus de la nouvelle religion et cédant au chantage au chaos brandi comme la menace suprême!
Avec de redoutables conséquences pour les travailleurs et la vocation de défense des organisations elles-mêmes!
Qu’on en juge !
Première phase de confrontation et réactions
Dans la première phase de confrontation entre la Grèce et son gouvernement de la mi-juin au 8 juillet les directions syndicales françaises s’alignent sur la CES :
- les 17 et 18 juin lorsque le comité exécutif de la Confédération européenne des syndicats a adopté la déclaration qui fixe la ligne : garder la Grèce dans la zone euro
- Le 1er juillet : lorsque la CES soutient la CGT grecque (GSEE du privé) dans son appel à une annulation du référendum prévu pour le 5 juillet dans la crainte de la victoire du NON.
- Enfin le 8 juillet dans la lettre ouverte aux chefs d’état.signée par toutes les organisations , malgré l’annonce dans un premier temps du « retrait » de la CGT, appelant à « trouver un compromis raisonnable »
Tout cela dans le même moment où la banque centrale européenne et les institutions européennes provoquaient sciemment une fermeture de toutes les banques grecques et une véritable paralysie de l’ensemble de l’économie pour obtenir la rédition et la capitulation du gouvernement Tsipras.
Tout cela donc dans un affrontement de classe aigü où les classes dirigeantes et leurs médias engagent toutes leurs forces dans la bataille.
Phase de capitulation de Tsipras
A partir de la nuit du 12 au 13 juillet, malgré la victoire du referendum du 5 juillet pour le NON à la poursuite et l’aggravation de l’austérité, Tsipras signe un « accord » draconien et vengeur qui entre en profonde contradiction avec l’essentiel du programme social qui a porté Syriza au pouvoir :
- une réforme des retraites ( diminution des pensions, recul de l’âge de départ à plein taux à 67 ans)
- l’ augmentation de la TVA y compris dans le secteur touristique
- la dérégulation du marché du travail : « ouverture des magasins le dimanche » et dérèglementation de plusieurs professions (pharmacies, lait et boulangeries, transports par ferry…)
- une « modernisation » (comprendre dans la novlangue libérale moins de protection pour les salariés) des négociations collectives, de l’action syndicale, des procédures de licenciement collectif.
- Des privatisations à commencer par l’électricité
La réaction du pouvoir et de la droite :
Afin de redonner un peu de contenance démocratique à un système qui apparaît désormais de façon éclatante pour ce qu’il est, le parlement français, comme ceux d’autres pays, adopte sans base légale à l’expression de son vote « l ‘accord » européen entre la Grèce et ses créanciers, massivement (412 voix), globalement par l’addition des voix socialistes et de la droite.
En conformité avec la religion de l’euro… Ce faisant, les institutions nationales apparaissent elles aussi clairement pour ce qu’elles sont, à savoir les commis de service de la haute finance garantissant la poursuite de l’asservissement des peuples au mécanisme de la dette publique par lequel s’opère chaque jour le « casse du siècle » sur le dos du peuple.
Pour le pouvoir et la droite c’est compréhensible : il s’agit entre autre pour une raison intérieure majeure de poursuivre la mise en œuvre des régressions sociales à infliger à la société française et aux travailleurs en martelant implicitement le « il n’y a pas d’autre solution »!
Car le contenu de l’»accord » du 13 juillet ressemble comme un frère jumeau à l’esprit des contre-réformes imposées par Sarkosy puis par Hollande, Valls et Macron appuyé sur les mêmes campagnes anti-ouvrières et anti-populaires et les mêmes rengaines : le « poids de la dette« , « le trop des dépenses publiques« , « le coût du travail » …
Les contre-réformes initiées par le pouvoir socialiste (ANI, loi Rebsamen, loi Macron, …), les attaques mortelles contre le code du travail, contre l’hôpital public, les licenciements et les fermetures d’entreprises, la vente des biens publics comme cela a commencé pour les aéroports, la livraison au privé et à la concurrence sauvage d’activités de plus en plus diverses.
Alors qu’ils veulent aller encore plus loin : présentée le 4 mai dernier, une commission « accords collectifs et travail », surnommée « mission Combrexelle » du nom de son président, est actuellement à pied d’œuvre à la demande du Premier ministre avec l’objectif de faire prévaloir les accords de branche et d’entreprise sur la loi, c’est-à-dire là où en période de crise particulièrement et de chômage massif le rapport de force est le plus défavorable aux travailleurs!
Et comment réagissent les directions syndicales ?
C’est la CES par la voix de Bernadette Ségol, Secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats, qui donne le tempo et règle le ballet en déclarant le 13 juillet approuvant de fait le contenu de « l’accord » malgré des réserves de façade, :« L’UE a évité la catastrophe du Grexit. »
Donc les syndicats français, membres de la CES, direction confédérale de la CGT incluse, dénonçant par ailleurs les politiques d’austérité se sont purement et simplement alignés sur les positions de la CES qui visaient à empêcher toute sortie de la Grèce de l’euro et à peser, notamment au travers du syndicat GSEE en faveur de l’acceptation du diktat des créanciers.
Mais quand les syndicats ont-ils fait part de leur propre analyse de la situation au regard de leur propre plate-forme revendicative?
Quand ont-ils fait preuve d’une réelle solidarité vis-à-vis du peuple et des travailleurs grecs?
Quand ont-ils réagit face au chantage et au véritable coup d’état financier qui a eu lieu contre la Grèce, contre les travailleurs grecs et contre l’indépendance et la souveraineté du peuple grec?
Quand ont-ils mené campagne pour dénoncer les agissement des institutions européennes et des chefs d’état? Quand ont-ils appelé à l’action?
Oui, quand?
A nul moment bien sûr! Ni pendant, ni après !
Cette attitude pose de graves questions pour la résistance aux nouvelles offensives qui s’annoncent et pour l’avenir même du mouvement syndical.
L’appartenance à la CES, un problème majeur!
L’orientation définie par la CES est totalement contradictoire avec une défense conséquente des revendications des travailleurs.
Comme le maintien dans l’euro et l’UE est incompatible avec la sortie de l’austérité.
Parce que l’euro et l’UE et ses institutions sont des instruments de la domination de l’oligarchie destinées à faire prédominer ses intérêts privés et particuliers sur ceux des peuples d’Europe.
Et qu’en conséquence il est illusoire de pouvoir transformer ce système de l’intérieur et de poursuivre la chimère d’une « Europe sociale ».
Nous venons d’en avoir une éclatante démonstration au travers de l’arrogance des représentants des créanciers et de leur provisoire victoire contre les aspirations et les intérêts du peuple grec.
La CES, issue des organisations de la guerre froide pour mener bataille contre le communisme est dépendante idéologiquement et financièrement de l’UE. Elle partage avec ceux qu’elle prétend combattre la même conception de l’implacable prédominance du marché et l’adhésion aux « valeurs » d’un camp occidental en profonde crise.
L’appartenance des syndicats français à cette organisation et de la CGT en particulier est une question majeure pour retrouver le chemin des véritables luttes interprofessionnelles massives et durables, et d’une orientation de classe.
Le congrès de la CES à Paris cet automne, un honneur ? NON une honte!
Et le congrès de la CES qui doit se tenir à Paris du 29 septembre au 2 octobre n’est pas le bienvenu.
En présence dès sa séance d’ouverture de F. Hollande, de Jean-Claude Juncker président de la Commission européenne, premier ministre du duché du Luxembourg de 1999 à 2013, organisateur donc du plus grand paradis fiscal européen, repaire des grandes entreprises qu’il aide à se soustraire à l’impôt, de Marianne Thyssen, Commissaire européenne … puis du Président du Parlement européen, Martin Schulz, l’homme qui souhaitait un « gouvernement de technocrates » pour la Grèce en cas de victoire du NON afin disait-il de continuer à « négocier « , de Markus Beyrer le patron du MEDEF européen qui trouve que « la volonté de réforme en France est insuffisante » !!
Que du « beau monde » donc … réactionnaire!
C’est le signe de la dépendance de nos organisations à des choix contraires aux intérêts des travailleurs, de la classe ouvrière, des salariés, des précaires …
Pour la CGT et son 51e congrès en avril 2016 il devient incontournable d’aborder la question de son appartenance aux organisations européennes et internationales.
Aux militants, aux structures de base, aux fédérations et aux UD de peser de tout leur poids pour que cette question majeure ne soit pas éludée.
Et pour que sans attendre soit posée la question d’une intervention syndicale à la hauteur des enjeux.
Le Front Syndical de Classe
19 juillet 2015