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www.initiative-communiste.fr vous propose de retrouver gratuitement une des articles des pages internationales numéro 161 d’Initiative Communiste d’Octobre 2015 !
L’Arménie capitaliste se vide
Jeoffrey Caron a suivi pendant un mois la formation des professeurs d’école en Arménie. Il est revenu avec un reportage pour Initiative Communiste.
Si la réputation de l’enseignement soviétique n’est plus à faire, celui de l’Arménie en est l’antithèse.
Il est difficile de ne pas être scandalisé par le manque de connaissances des étudiants d’université qui, bien malgré eux, ont un niveau largement insuffisant.
Pour devenir enseignant, il suffit d’avoir un master et d’être recruté par un directeur d’école, comme dans nombre de pays. Or, dans certaines disciplines, la pénurie d’étudiants oblige à accepter des candidats ayant un niveau très faible et les professeurs de primaire et secondaire eux-mêmes n’ont parfois qu’une éducation sommaire. Précisons que ce n’est pas l’apanage du système éducatif : tous les domaines sont concernés. Une amie m’a confié préférer ne pas aller chez le médecin quand elle est malade…
Formation et matériel au rabais
Les infrastructures et le matériel ne sont pas en reste : classes sans chauffage en plein hiver, systèmes électriques rafistolés avec des bouts de scotch (ainsi que les livres, au contenu dépassé), globes terrestres obsolètes (mais de toute façon la moitié du monde n’y apparaît plus), ampoules qui éclatent au-dessus de la tête des élèves…
Même quand le gouvernement fait un effort pour améliorer la situation, c’est de la poudre aux yeux : l’installation dans un lycée d’une salle neuve (avec un vrai chauffage !) équipée de 24 ordinateurs et d’un Tableau Blanc Informatisé a été faite sans application et sans former les professeurs. Ainsi, c’est moi qui fut le premier à en allumer les ordinateurs et qui ai terminé la configuration du TBI. Aucun professeur arménien ne s’en est jamais servi. Il faut préciser que la pédagogie est un terrible point faible ici.
Cercle vicieux
Des élèves mal éduqués par des enseignants en difficulté deviennent des professeurs mal formés. C’est un cercle vicieux. Qui s’en sort le mieux ? Les quelques chanceux qui ont la possibilité de suivre des cours particuliers. La plupart atteignent un niveau convenable de cette façon, creusant un écart immense avec leurs camarades.
Malgré tout, au milieu de cette désolation, des enseignants inquiets font ce qu’ils peuvent pour arranger la situation, en ayant l’impression de tenir l’avenir de leur pays à bout de bras. Qui sont ces professeurs conscients des problèmes ? Ceux qui ont été formés et ont enseigné en URSS. C’est une des choses les plus importantes à retenir de cette époque : tout le monde recevait une éducation de grande qualité. Personne ne le nie : même l’ouvrier, que certains appelleront « de base », finissait l’école avec une somme de connaissances importante. Tout le monde avait une culture scolaire et extra-scolaire pluridisciplinaire et conséquente.
Grand écart
Ainsi, on m’a expliqué ici que l’on poussait tout le monde à poursuivre des études et que ceux qui n’en avaient pas la capacité entraient dans une filière professionnelle et étaient préparés de façon aboutie à un métier. Quel État peut se vanter de former des ouvriers cultivés ? Certainement pas l’Arménie actuelle où le coût des études universitaires prive la grande majorité des élèves d’une chance d’évolution sociale !
Ce grand écart, qui s’est fait soudainement, a bouleversé et déséquilibré une société qui est maintenant en détresse. Cette éducation laissée à l’abandon prive le peuple d’un quelconque espoir de prendre son avenir en main. Le gouvernement, illégitime et mafieux, pompe l’énergie, l’argent, la liberté et l’espoir de ses gouvernés avec un cynisme nauséabond. Il va sans dire que la dés-éducation fait partie de ses plans et assure ses perspectives d’avenir.
Quel espoir ?
La peur du lendemain est omniprésente. La plupart des « bons » élèves ne se rêvent malheureusement pas professeurs. Que deviennent les premiers de la classe ? S’ils le peuvent, ils font des études, sinon ils font comme leurs parents et jouent aux échecs dans les parcs en attendant de pouvoir toucher un salaire et en rêvant du plein emploi que le pays a connu. Certains fuient. Lorsqu’ils parviennent à obtenir un visa, les Arméniens partent en France, ou ailleurs, faire leurs études. Certains restent, d’autres reviennent et obtiennent un poste leur permettant de vivre convenablement.
Et c’est peut-être là que repose l’espoir d’un avenir pour le peuple : c’est une force au potentiel énorme qui dort de l’autre côté des frontières. Qu’arriverait-il si tous ces jeunes diplômés, qui ont eu accès à des études convenables, revenaient et décidaient de reprendre les choses en mains, d’assurer un lendemain à leur pays ? L’Arménie se dépeuple à une allure inquiétante : des centaines de milliers de personnes se sont arrachés à leurs racines ces dernières décennies. Et si elles revenaient, en colère, déterminées, fortes d’expériences et d’exemples à suivre ? Peut-être réside-t-il un espoir pour ce pays tombé dans une impasse. Et c’est dans l’éducation qu’il se trouve.
Joffrey Caron pour Initiative Communiste n0161 Octobre 2015