Après les élections du 4 octobre dernier qui ont vu une solide défaite de la coalition de droite pro euro-austérité, c’est une crise constitutionnelle qui s’installe au Portugal, où, en violation de la Constitution, le président Cavaco Silva (droite) a déclaré interdire l’accès au gouvernement des forces eurocritriques, visant le « bloc de gauche » et surtout le parti communiste portugais, et préconisé la formation d’un gouvernement de droite – minoritaire – pour poursuivre la politique dictée par Bruxelles et se conformer aux exigences des marchés financiers.
Bas les masques de l’euro fascisation
“ En 40 ans de démocratie, aucun gouvernement au Portugal n’a jamais dépendu du soutien de force anti européennes, c’est à dire de forces qui font campagne pour l’abrogation du traité de Lisbonne, du TSCG, du Pacte de stabilité et de croissante, ainsi que pour démanteler l’union monétaire et sortir le Portugal de l’euro et qui en prime veulent la dissolution de l’OTAN » Cavaco Silva président du Portugal
» Après avoir mis en oeuvre un couteux programme d’assistance financière et consentie de lourds sacrifice, c’est mon devoir d’utiliser les pouvoirs constitutionnels pour faire tout ce qu’il est possible pour empécher que des signaux contradictoires soient envoyés aux institutions financières (ndlr la BCE et le FMI ), aux investisseurs et aux marchés » Cavaco Silva président du Portugal
Après le premier ministre grec A Samaras déclarant il y a tout juste deux ans vouloir interdire les partis se prononçant pour la sortie de l’euro, visant là nos camarades du parti communiste grec KKE, le parti unique capitaliste qu’est le parti maastrichien unique tombe de nouveau le masque au Portugal en montrant ce qu’il en est vraiment de son projet politique : un projet totalitaire profondément antidémocratique qui est de perpétuer grâce à l’Union Européenne la dictature absolue de la classe capitaliste, de ses banques, de ses multinationales, de ses marchés.
Samaras, Silva, ne font que confirmer ce que Juncker président de la commission européenne ou la commissaire européenne Malmstrom en charge de la signature du Grand Marché Transatlantique (GMT TTIP TAFTA) ont déclaré récemment, ce n’est pas aux peuples de décider au sein de l’UE où seul l’oligarchie capitaliste a voix au chapitre, et toute contestation populaire – y compris résultant d’élections – est proscrite :
« je ne tiens pas mon mandat des peuples européens » Mme Malmstrom
« Il n’y a pas de démocratie contre les traités européens » M Juncker
Devons nous nous laisser faire sans rien dire ? rester les bras croisés à réciter des prières pour une impossible transformation de l’Union Européenne des patrons en une europe sociale comme le préconise le PGE ? comme si on pouvait rendre un crocodile végétarien.
NON, OXI, BASTA, NO, NEIN, NEE, NAO, NEM, NE, HE,NI , EI… à l’Union Européenne !
Non ça suffit, l’heure est à la mobilisation pour défendre nos conquêtes sociales et démocratiques, pour remettre partout les peuples à l’offensive et stopper la blitzkrieg capitaliste euro-austéritaire.
Oui nous devons résister, pour la démocratie, pour le progrès social, pour la solidarité internationaliste, en brisant les chaines de l’Union Européenne, cette construction supra nationale de la classe capitaliste contre la classe des travailleurs. Oui l’Europe est une dictature, oui pour s’en sortir, il faut en sortir !
Sortir de l’UE, sortir de l’euro : la seule alternative, l’alternative de gauche et patriotique pour la souveraineté populaire !
Une nouvelle fois apparait de façon éclatante deux faits indiscutables :
- il est impossible de « négocier » quoi que ce soit au sein de l’Union Européenne et avec ses tenants : l’Union Européenne a pour but principal d’empêcher qu’un gouvernement de gauche puisse conduire une politique au service du peuple, servir l’intéret des travailleurs. L’Union Européenne et l’Euro sont des armes d’exploitation massive des travailleurs construite par la classe capitalistes contre les peuples. Comme on l’a vu cet été en Grèce, comme on le voit cette automne au Portugal et comme on a pu le voir le 2005 en France ou en Hollande…
- les partisans de la construction européennes sont prêt à recourir à la force, au coup anticonstitutionnel, et sans aucun doute à alimenter les feux de la fascisation, pour maintenir leur domination, face à la légitime colère des peuples.
De fait, comme l’explique les communistes du PCP au Portugal, du PRCF en France, il n’existe qu’une seule vraie alternative possible, une alternative patriotique de gauche, en sortant de l’Union Européenne, de l’euro et de l’OTAN !
Comme déjà des centaines et des centaines de citoyens, de travailleurs, de syndicalistes, de militants communistes et non communistes, d’intelectuels, signez et faites signer la pétition pour que ce soit le peuple qui décide, la pétition pour éxiger un référendum sur l’euro et l’union européenne !
JBC pour www.initiative-communiste.fr site web du PRCF
Pétition : pour un référendum pour la sortie de l’euro et de l’Union Européenne. #démocratie #paix #progrès #PRCF
ci-après, www.initiative-communiste.fr vous propose la traduction de la déclaration de notre camarade Jeronimo de Sousa, secrétaire générale du PCP.
Déclaration de jeronimo de Sousa secrétaire général du Parti Communiste Portugais, Lisbonne, 23/10/2015
Sur la décision et les annonces du président de la république au sujet de la nomination du Premier Ministre.
L’annonce par Cavaco Silva au pays de sa décision de nommer Passos Coelho pour former le gouvernement, est un nouvel épisode de contestation de la Constitution de la République portugaise qui définie les mandats du Président de la République et ses attributions, mérite la condamnation la plus ferme.
Cavaco Silva ne s’est pas en agissant ainsi comporté comme un parrain de la coalition PSD / CDS, mais il utilise la position qui lui est confié, pour tenter de faire réchaper ces partis de la défaite significative que leur a infligé le peuple portugais.
Cavaco Silva a outrepassé ses fonctions, abusé des prérogatives qui sont constitutionnellement assignées au président, il a renversé les fondements du régime démocratique, il s’est comporté non pas comme Président de la République, mais en tant que représentant du PSD et CDS à Belém [Palais présidentiel] et a placé le pays dans une position de soumission humiliante à l’étranger.
En tant que le président de la République, il est exigé de Cavaco Silva,qu’il respecte la Constitution et il est d’être impertial et d’agir en homme d’Etat, et l’on attend pas de lui des appréciations quant à la légitimité des partis politique et leurs actions politiques, et encore moins d’utiliser sa voix pour supporter les conceptions anti-démocratiques et de porter des jugements sur les intentions d’autrui.
Il est intolérable que Cavaco Silva ose fixer des limites, en utilisant les fonctions qui lui sont confiées, sur qui peut ou ne peut pas exercer des fonctions ou des responsabilités gouvernementales.
Il est intolérable que Cavaco Silva entende imposer des options politiques et des solutions gouvernementales assujetties à des intérêts au service duquel il se place et en contradiction avec le cadre constitutionnel auquel il est tenu d’obéir.
Il est intolérable que Cavaco Silva agisse personnellement, non pas comme le garant de la souveraineté et de l’indépendance nationale, mais plutôt comme le défenseur des marchés financiers, des spéculateurs, des intérêts du capital transnational.
Il est intolérable que Cavaco Silva fasse peser comme il l’a fortement laissé revendiquer, par son attidue des pressions et du chantage contre les députés et les choix qu’ils doivent faire.
Dans ce contexte et compte tenu de la décision maintenant annoncée, le Président de la République devient responsable de la position de confrontation avec la Constitution, de l’instabilité qu’elle crée et des conséquences politiques et institutionnelles qui en sont les conséquences.
Pour sa part le PCP va combattre la décision de Cavaco Silva de nommer Passos Coehlo pour former un gouvernement à l’Assemblée de la République avec l’approbation d’une motion de rejet du programme du gouvernement présenté par le PSD et CDS.
C’est comme cela qu’il va donner la possibilité de faire entendre la volonté exprimée par le peuple portugais lors des élections du 4 Octobre, mettant fin aux politiques de destruction, d’appauvrissement et de déclin national.
Comme nous l’avons dit, le PSD et le CDS ne disposent des conditions pour gouverner, il y a à l’assemblée nationale une majorité qui pose pour condition la formation d’un gouvernement à l’initiative de PS, qui permet la présentation d’un programme, de sa prise de fonction et l’adoption d’une politique pour assurer une solution durable.Le PCP réaffirme son engagement à lutter pour une politique qui réponde aux droits des travailleurs et du peuple, la hausse de leurs conditions de vie, la lutte contre l’injustice sociale et les inégalités, la croissance économique nécessaire et une politique de l’emploi efficace.
traduction jbc pour www.initiative-communiste.fr
L’Eurozone franchit le Rubicon en bannissant la gauche portugaise anti-austérité du pouvoir. (The Telegraph)
La crise constitutionnelle menace après le refus fait à la gauche anti-austérité de former un gouvernement majoritaire.
Le Portugal vient d’entrer dans une ère politique dangereuse. Pour la première fois depuis la création de l’Union monétaire européenne, un état membre a pris la mesure explicite d’interdire à des partis eurosceptiques d’accéder au pouvoir pour raison d’intérêt national.
Anibal Cavaco Silva, président constitutionnel du Portugal, a refusé de nommer une coalition gouvernementale de gauche alors qu’elle avait la majorité au parlement portugais et qu’elle avait un mandat électoral de casser le régime d’austérité commissionné par la Troïka UE-FMI.
Il a jugé trop risqué de laisser le bloc de gauche ou les communistes arriver trop près du pouvoir, persistant à vouloir que les conservateurs continuent à gouverner en tant que minorité, en vue de satisfaire Bruxelles et d’apaiser les marchés financiers.
La Démocratie doit laisser la première place aux impératifs plus importants des règles de l’euro et des états membres.
Mr Cavaco Silva a déclaré qu’ ’en 40 ans de démocratie, aucun gouvernement portugais n’a jamais dépendu du soutien des forces anti-européennes, c’est-à-dire de forces qui ont fait campagne pour abroger le Traité de Lisbonne, le Traité de stabilité-coordination-et-gouvernance, le Pacte de croissance et stabilité, ainsi que pour démanteler l’union monétaire et faire sortir le Portugal de l’Euro, en plus de vouloir la dissolution de l’OTAN.’
’Aujourd’hui est le pire moment pour un changement radical des fondements de notre démocratie.’
’Après avoir exécuté un programme onéreux d’assistance financière, comportant de lourds sacrifices, il est de mon devoir, selon les pouvoirs constitutionnels qui me sont conférés, de faire tout mon possible pour empêcher d’envoyer de mauvais signaux aux institutions financières, aux investisseurs, et aux marchés.’
Me Cavaco Silva a soutenu que la grande majorité des Portugais n’a pas voté pour des partis qui veulent un retour à l’Escudo ou qui prônent une confrontation traumatisante avec Bruxelles.
C’est vrai, mais il a omis de mentionner le message au coeur des élections tenues il y a trois semaines : qu’elle a aussi voté pour la fin des diminutions de salaire et la fin de l’austérité de la Troïka. Les partis de gauche combinés ont obtenu 50.7 % des suffrages. Avec à leur tête les Socialistes, ils contrôlent l’Assemblée.
Le premier Ministre conservateur, Pedro Passos Coelho, est arrivé en tête et a donc la priorité pour la formation d’un gouvernement, mais sa coalition de droite dans son ensemble n’a obtenu que 38.5 % des suffrages. Il perd 28 sièges.
Le chef socialiste, Antonio Costa, a réagi avec colère, qualifiant l’action du Président de ’faute grave’ qui menace de plonger le pays dans une tempête politique.
’Il est inacceptable d’usurper les pouvoirs exclusifs du Parlement. Les Socialistes n’accepteront pas les leçons de défense de notre démocratie du professeur Cavaco Silva’ a-t-il dit.
Mr Costa a promis de continuer son projet de formation d’une coalition triple-Gauche, et a averti que le gouvernement croupion de droite aurait à faire face à une motion de censure immédiate.
Selon la constitution du Portugal, il n’y aura pas de nouvelles élections avant le deuxième semestre de l’année prochaine, avec le risque de presqu’un an de paralysie qui engagerait le pays dans une voie d’affrontement avec Bruxelles et avec la menace de relancer en fin de compte la crise de la dette du pays.
Le marché obligataire a réagi avec calme aux événements de Lisbonne mais il n’est plus la mesure adéquate maintenant que la Banque Centrale Européenne éponge la dette portugaise sous son programme d’assouplissement quantitatif.
Le Portugal n’est plus sous le régime de la Troika et n’a pas à faire face à une crise de financement, ayant à sa disposition des réserves de 8 milliards d’euros. Néanmoins, le FMI affirme que le pays est ’hautement vulnérable’ en cas de choc ou si le pays échoue dans les mise en oeuvre des réformes, considérées comme étant, à l’heure actuelle, ’au point mort’ (’stalled’).
La dette publique est à 127 % du PIB et la dette totale est à 370 %, pire qu’en Grèce. Le passif extérieur net est à 220 % du PIB.
Le FMI a averti que le ’miracle à l’exportation’ dépend d’une base étroite, les gains remarqués dépendant de re-exportations sans grande valeur ajoutée. ’Un ré-équilibrage durable de l’économie ne s’est pas produit.’ a-t-il déclaré.
’Le Président a provoqué une crise constitutionnelle’ a déclaré Rui Tavares, un député européen vert radical. ’.’
Mr Tavares a déclaré que le Président a invoqué le spectre des communistes et du Bloc de Gauche comme un ’épouvantail’ en vue d’empêcher la Gauche d’accéder au pouvoir, tout en sachant très bien que les deux partis ont abandonné leur demandes de sortie de l’Euro, de sortie de l’OTAN, et de nationalisations de secteurs-clé de l’économie pour arriver à un compromis afin de pouvoir former une coalition.
Le Président Cavaci Silva pourrait bien avoir raison en estimant qu’un gouvernement socialiste allié aux communistes pourrait provoquer un conflit majeur avec les mandarins de l’UE austéritaire. Le grand projet keynésien de Mr Costa pour l’arrêt de la déflation – avec en tête des dépenses en faveur de l’éducation et de la santé – est complètement incompatible avec le Traité de stabilité-coordination-et-gouvernance.
La loi du traité insensé oblige le Portugal a abaisser sa dette à 60 % du PIB en 20 ans, le plongeant ainsi dans un piège austéritaire permanent, alors même que le reste de l’Europe du Sud essaie de faire la même chose, tout ça sur fond de forces déflationniste puissantes dans le monde entier.
La stratégie consistant à réduire petit à petit le fardeau de la dette massive du pays en se serrant la ceinture en permanence est essentiellement contre-productive, puisque l’effet d’un PIB nominal stagnant au dénominateur aggrave la dynamique de la dette.
Et en plus, elle est vaine. Le Portugal aura besoin d’une annulation de sa dette lorsque la prochaine récession mondiale frappera pour de bon. Il n’y a aucune chance pour que l’Allemagne accepte une union fiscale de l’Union monétaire européenne à temps pour éviter cela.
La conséquence principale de l’allongement de l’agonie est la persistance profonde de l’état du marché du travail, et des niveaux d’investissements chroniquement bas qui anéantissent l’avenir.
Mr Caraco Silva se sert factuellement de son poste pour imposer un programme idéologique réactionnaire, pour les intérêts des créditeurs et de l’establishment de l’union monétaire européenne, présentant le tout, avec un toupet remarquable, comme une défense de la démocratie.
Les socialistes et les communistes portugais ont enterré la hache de guerre à propos de leurs amères divisions pour la première fois depuis la Révolution des œillets et le renversement de la dictature Salazar dans les années 70, et pourtant on leur enlève leur prérogative parlementaire de former une majorité gouvernementale.
Ceci est une démarche dangereuse. Les conservateurs portugais et leurs alliés des médias se comportent comme si la Gauche n’avait aucune légitimité à prendre le pouvoir, et devait être contenue par tous les moyens.
Ces réflexes sont bien connus – et terrifiants – pour tous ceux connaissant l’histoire ibérique du 20ème siècle, ou même de l’Amérique latine. Que ce soit fait au nom de l’Euro est à tout à fait prévisible.
Le mouvement grec Syriza, premier gouvernement de gauche radicale en Europe depuis le seconde guerre mondiale, a été forcé à se soumettre après avoir osé remettre en cause l’idéologie de l’eurozone. Aujourd’hui, la gauche portugaise se dirige vers une autre version du même rouleau compresseur.
Les socialistes européens font face à un dilemme. Ils sont enfin en train de se rendre compte de la déplaisante réalité que l’union monétaire est une entreprise de droite autoritaire qui a échappé à ses contraintes démocratiques, mais s’ils agissent à partir de ce constat, ils courent le risque d’être empêchés de prendre le pouvoir.
Bruxelles a vraiment créé un monstre.
Ambrose Evans-Pritchard
Traduction Jean-Luc Lahouze pour le Grand Soir
Le coup d’Etat silencieux de Lisbonne
Par Jacques Sapir · 25 octobre 2015
Le Portugal a été la victime ces derniers jours d’un coup d’Etat silencieux organisé par des dirigeants pro-Européens de ce pays[1]. Cet événement est particulièrement grave. Il survient alors qu’est fraiche la mémoire du coup de force réussi contre le gouvernement grec par la combinaison de pressions politiques venant de l’Eurogroupe et de pressions économiques (et financières) en provenance de la Banque Centrale Européenne. Il confirme la nature profondément anti-démocratique non seulement de la zone Euro mais aussi, et on doit le regretter, de l’Union européenne.
Le résultat des élections portugaises
On a beaucoup dit, en France en particulier, dans la presse que la coalition de droite était sortie vainqueur des dernières élections législatives portugaises. Ceci est faux. Les partis de droite, emmené par le Premier-ministre M. Pedro Passos Coelho n’ont réuni que 38,5% des suffrages, et ont perdu 28 sièges au Parlement. Une majorité d’électeurs portugais a voté contre les dernières mesures d’austérité, en fait 50,7%. Ces électeurs ont porté leur vote sur la gauche modérée mais aussi sur le Parti Communiste Portugais et d’autres formations de la gauche radicale. De fait le Parti Socialiste portugais a 85 sièges, le Bloc de Gauche (gauche radicale) 19 et le Pari Communiste portugais 17. Sur les 230 sièges du Parlement portugais, cela en donne 121 aux forces anti-austérité, quand la majorité absolue est de 116[2].
Un accord aurait pu être trouvé entre les partis de droite et le Parti socialiste. Mais, cet accord n’était clairement pas possible sans une remise en cause d’une partie du programme d’austérité qui découle de l’accord passé entre la Portugal et les institutions européennes. Ceci n’est pas sans évoquer la situation de la Grèce…
Les socialistes, et le « bloc de Gauche » ont clairement dit que cet accord devait être révisé. C’est ce qui a motivé le Président Cavaco Silva dans sa décision pour rejeter le projet de gouvernement présenté par la Gauche. Mais, les attendus de sa déclaration vont encore plus loin. Il a dit : « Après tous les importants sacrifices consentis dans le cadre d’un important accord financier, il est de mon devoir, et dans mes prérogatives constitutionnelles, de faire tout mon possible pour empêcher de faux signaux d’être émis envers les institutions financières et les investisseurs internationaux[3] ». C’est cette déclaration qui pose véritablement problème. Que M. Cavaco Silva pense qu’un gouvernement de la gauche unie puisse conduire à un affrontement avec l’Eurogroupe et l’UE est son droit, et c’est même très probablement le cas. Mais, dans une république parlementaire, comme l’est le Portugal actuellement, il n’est pas dans son pouvoir d’interpréter des intentions futures pour s’opposer à la volonté des électeurs. Si une coalition de gauche et d’extrême-gauche a une majorité au Parlement, et si elle présente – ce qui était le cas – un programme de gouvernement, il doit lui laisser sa chance. Toute autre décision s’apparente à un acte anticonstitutionnel, un « coup d’Etat ».
La situation économique du Portugal
Ce « coup » survient alors que la situation économique du Portugal, souvent présenté – à tort – dans la presse comme une « réussite » des politiques d’austérité, reste très précaire. Le déficit budgétaire a atteint plus de 7% en 2014 et devrait être largement au-dessus de 3% cette année. La dette publique est à plus de 127% du PIB. Et, si l’économie connaît à nouveau une certaine croissance, elle est, en 2015, toujours au niveau de 2004. Le pays a été ramené plus de dix ans en arrière par les politiques d’austérité, avec un coup social (chômage) extrêmement fort.
De fait, les « réformes » qui ont été imposées en contrepartie du plan d’aide au financement de la dette et des banques n’ont pas résolues le problème principal du pays. Ce problème, c’est la productivité du travail. Cette dernière est trop faible au Portugal, et ceci pour de nombreuses raisons, une main d’œuvre mal ou peu formée et un investissement productif largement insuffisant. La Portugal, dans les années 1980 et 1990 a pu s’accommoder de cette faible productivité car il pouvait laisser sa monnaie se déprécier. Depuis 1999 et l’entrée dans l’Euro, ceci est impossible. Il n’est donc pas surprenant que la production ait stagnée.
Les plans d’austérité successifs qui ont été mis en œuvre ont pour but de faire baisser les salaires (en valeur), que l’on parle du salaire direct ou indirect. Mais, cette baisse ne peut que bénéficier aux exportations, car elle déprime, dans le même temps, la consommation intérieure[4]. Là où une dépréciation de la monnaie laisserait la consommation intérieure inchangée, il faut que les gains en exportation réalisés grâce aux plans d’austérité compensent les pertes de consommation intérieure. C’est pourquoi les plans d’austérité seront toujours moins efficaces qu’une dépréciation monétaire, et Patrick Artus peut ajouter dans une note datant de 2012 : « L’ajustement par le taux de change donne des résultats rapides ; on l’a vu plus haut dans les cas de l’Espagne et de l’Italie en 1992-1993 avec disparition rapide du déficit extérieur et hausse limitée dans le temps du chômage. On le voit aussi dans les différents ajustements des pays émergents : Corée et Thaïlande en 1997, Brésil en 1998 »[5].
La responsabilité de l’Euro dans la situation économique du Portugal est indéniable. Mais la responsabilité des autorités européennes dans le chaos économique et politique qui risque de survenir est tout aussi certaine.
Des leçons à tirer
On parle souvent d’une accoutumance au désastre, d’une lassitude de la souffrance conduisant des peuples à s’abandonner au pire. En fait, il n’y a rien de tel ici. Les portugais ont tenté d’appliquer les méthodes inspirées par l’Eurogroupe et la Commission européenne et, aujourd’hui, ils sont obligés de constater que ces méthodes ne donnent pas les résultats escomptés. Le vote des élections législatives est le résultat de ce bilan. Mais, des dirigeants inféodés à l’étranger, c’est à dire aux institutions européennes, ont décidé de ne pas en tenir compte. Ce qui se passe aujourd’hui à Lisbonne est aussi grave, même si c’est moins spectaculaire, que ce que l’on a connu en Grèce.
La nature profondément anti-démocratique de l’Eurogroupe et de l’Union européenne s’affirme une deuxième fois et se confirme. Il faudrait être aveugle pour ne pas le voir. Cependant, cette fois pourrait bien être la fois de trop. Mais, pour qu’il en soit ainsi, il est impératif que toutes les forces décidées à lutter contre l’Euro trouvent des formes de coordination de leurs actions. Il faut ici se souvenir de ce que La Boétie écrivait dans le Discours de la servitude volontaire publié en 1574[6] : « les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux »[7]. On pourrait alors reprendre cette formule, qui nous semble si contemporaine, et la formuler ainsi : « les institutions européennes ne sont grandes que parce que nous (les souverainistes) sommes divisés ».
Plus que jamais, la question de la coordination des différentes forces souverainistes se pose. Cette coordination n’implique nullement que ce qui oppose ces forces soit négligeable, ni ne soit mis entre parenthèse. C’est toute la logique des « Fronts », comme le « Front Uni Antijaponais » réalisé en Chine par le PCC et le Guomindang, qui ne sont pas des alliances au sens strict du terme mais qui permettent de marcher séparément et de frapper ensemble. Mais, la réalité, aussi déplaisante soit-elle à certains, est que tant que nous ne pourrons nous coordonner un pouvoir en réalité minoritaire pourra continuer d’exercer sa tyrannie. Et de coup d’Etat en coup d’Etat, instaurer un régime du coup d’Etat permanent.
[1] Evans-Pritchard A. « Eurozone crosses Rubicon as Portugal’s anti-euro Left banned from power », The Telegraph, 23 octobre 2005, http://www.telegraph.co.uk/finance/economics/11949701/AEP-Eurozone-crosses-Rubicon-as-Portugals-anti-euro-Left-banned-from-power.html
[2] Reuters, « LEAD 2-La gauche portugaise travaille à la formation d’un gouvernement » 12 octobre 2015, http://fr.reuters.com/article/idFRL8N12C47720151012
[3] Evans-Pritchard A. « Eurozone crosses Rubicon as Portugal’s anti-euro Left banned from power », op.cit..
[4] Blanchard O. et D. Leigh, Growth Forecast Errors and Fiscal Multipliers, FMI Working Paper WP/13/1, Washington DC, janvier 2013.
[5] Artus P., « Dévaluer en cas de besoin avait beaucoup d’avantages », Flash-Economie, Natixis, n°365, 29 mai 2012, p. 6.
[6] La Boétie E., Discours de la servitude volontaire, Paris, Mille et une nuits, 1997.
[7] Cette citation a connu un grand succès à la veille de 1789 mais sous une autre forme : « Les grands ne le sont que parce qu’il sont juchés sur nos épaules ; secouons les et ils joncheront la terre ».