La transformation de l’appareil productif agricole, poussé par les feux de la Politique Agricole Commune instituée par l’Union Européenne, est à n’en pas douter un désastre sur le plan écologique mais également un désastre sur le plan social.
Il suffit de constater les crises agricoles qui succèdent aux crises agricoles. Poussant les petits agriculteurs dans la misère, enrichissant les gros.
Il suffit de voir avec effroi l’ouverture de la « ferme des 1000 vahces » témoignage effarant de ce qu’est l’exploitation capitaliste impitoyable de l’homme et de la nature. Pour le profit, le capitalisme est prêt à tout!
La concurrence effrénée et la libéralisation des échanges résultat notamment de la (dés)intégration européenne conduit à la liquidation des exploitations agricoles familiales, à une concentration capitaliste mortifaire. Les premières victimes de la PAC et du capitalisme sont bel et bien les petits et moyens agriculteurs et l’ensemble du monde rural avec la désertification des campagnes.
www.initiative-communiste.fr site web du PRCF publie ci-après une réflexion au sujet de l’agriculture intensive. Dont la lecture n’est pas sans faire résonner la phrase de Marx bien connue
« Le capitalisme n’engendre la richesse qu’en épuisant ses deux sources, la Terre et le travailleur ». Karl Marx
De fait, il n’est pas de défense de l’environnement, d’écologie, sans sortir du Capitalisme, sans sortir de sa principale super-structure d’exploitation l’Union Européenne. Rejoindre le combat anticapitaliste et pour le socialisme des militants du PRCF, c’est bien aussi et en tout premier lieu défendre d’un même mouvement les travailleurs, et notamment les agriculteurs, et l’environnement.
Les dégâts environnementaux de l’agriculture intensive
Jérôme HENRIQUESApparue dans les années 60 en France, l’agriculture intensive n’a eu de cesse de se développer depuis. Augmentation de la rentabilité pour les producteurs, diminution des coûts pour les consommateurs, les adeptes du libéralisme économique exultent. Et les externalités négatives, on en parle ?
Pesticides
La France est le premier utilisateur Européen de pesticides et le troisième utilisateur mondial (derrière les États-Unis et le Japon). Epandus sur les cultures pour les débarrasser des mauvaises herbes (herbicides), des champignons (fongicides) ou des insectes gênants (insecticides), les pesticides contaminent les sols et les milieux aquatiques (les phénomènes de ruissellement vers les eaux de surface et d’infiltration vers les nappes phréatiques sont dus à l’irrigation et aux pluies). Une partie de l’épandage est également perdue dans l’atmosphère, par envol ou par évaporation. Emportés par les vents ou chargés dans l’eau des nuages, les résidus de pesticides retombent ensuite sur des sols et des eaux situés à distance de la zone d’épandage. Théoriquement, les pesticides sont censés cibler les espèces végétales ou animales à détruire. Cependant, en interférant dans des processus fondamentaux du métabolisme (photosynthèse, croissance, reproduction, etc.), ils ne sont jamais véritablement sélectifs. Nombreuses sont les études qui montrent aujourd’hui leur toxicité sur l’être humain, la faune et la flore : cancers et malformations chez les agriculteurs et leurs familles, disparition des abeilles, phénomènes d’inversion de sexe chez les gastéropodes ou les grenouilles, etc. Les pesticides n’ayant pas tous la même toxicité ni la même persistance, les produits les plus dangereux doivent normalement être interdits. Le problème, c’est que les études de toxicité sont financées par les fabricants eux-mêmes et que l’Union Européenne ne vérifie pas toutes ces études (de plus, seule la molécule active est généralement analysée alors que parfois, ce sont les adjuvants qui sont toxiques). Ainsi, lorsqu’après plusieurs décennies d’utilisation, la toxicité d’un produit ou son accumulation dans la chaine alimentaire est prouvée, un nouveau produit prend le relai et ainsi de suite … Prenons le DDT. Très utilisé dès le début de la seconde guerre mondiale, il a été dénoncé par les scientifiques dans les années 60 (pour sa cancérogénicité et sa reprotoxicité) mais n’a commencé à être interdit dans les pays occidentaux qu’au début des années 70 ; comme il est peu dégradable (il a été classé en 2004 sur la liste noire des polluants organiques persistants par la Convention de Stockholm), il continue encore aujourd’hui à polluer notre environnement. Aujourd’hui, le pesticide le plus utilisé dans le monde est un herbicide fabriqué par la firme Monsanto : le glyphosate (plus connu sous le nom de Round up). Alors que les études sur sa toxicité font controverse, sa vente aux particuliers pourrait bientôt être interdite en France …
Nitrates, phosphates
L’agriculture intensive est responsable de hauts niveaux de nitrates et de phosphates. Cette pollution provient d’une part des engrais minéraux apportés aux plantes (ils facilitent leur croissance) et d’autre part des effluents d’élevage (déjections animales au sein des fumiers et lisiers). Comme pour les pesticides, les nitrates et les phosphates pénètrent dans la terre puis contaminent les eaux par ruissellement et infiltration. La conséquence la plus visible de cette pollution de l’eau est probablement le phénomène d’eutrophisation. Dû à la surabondance de substances nutritives (nitrates et phosphates), il se manifeste par la prolifération de plantes aquatiques, et notamment des algues vertes. Or, cette masse végétale crée un écran qui empêche la lumière de passer. L’eutrophisation engendre alors un autre phénomène, celui de dystrophisation : l’activité photosynthétique se trouve réduite à quelques mètres de la surface, donc l’oxygène se raréfie (phénomène accentué par la décomposition des végétaux morts) et les êtres vivants meurent. D’après un rapport conjoint du ministère de l’agriculture et du ministère de l’écologie publié en 2012, les apports d’azote (composé du nitrate) et de phosphore (composé du phosphate) « ont augmenté de façon considérable à partir des années 1960 » (cela correspond au début de l’agriculture intensive en France, ndr). Après avoir précisé qu’en l’absence de contamination, la teneur en nitrates des eaux souterraines est de 2-3 mg/l, le document montre l’évolution de leurs concentrations : 5,5 mg/l en 1971, 7,5 mg/l en 1976 et 21,5 mg/l en 1981 (valeurs moyennes) ; les données pour les années suivantes ne sont pas présentées mais le document stipule que la décennie 1980-1990 marque un maximum. Si les nitrates sont plus surveillés et réglementés que les phosphates, c’est parce qu’ils présentent un surcroît de risque pour la santé humaine : méthémoglobinémie/cyanose, cancers. L’OMS a défini la valeur de 50 mg de nitrates/litre comme la limite au delà de laquelle l’eau n’est pas considérée comme potable. En se basant sur cette valeur, l’Union européenne a établi en 1991 la directive « nitrate » (91/676/CEE), laquelle demande aux états membres de surveiller les concentrations de nitrates dans leurs eaux, de cartographier « les zones vulnérables » (concentration en nitrates > 50 mg/l) et d’établir des programmes d’actions dans ces zones. En juin 2013, la France a été condamnée une première fois par la justice Européenne pour désignation incomplète des zones vulnérables, puis une seconde fois en septembre 2014 pour insuffisance des programmes d’action dans ces zones.
Hormones et antibiotiques
Depuis les années 80, l’Europe interdit aux éleveurs d’utiliser des hormones de croissance (lesquelles permettent notamment d’accélérer la croissance des animaux et d’augmenter la taille des parties consommables). Cependant, la directive 96/22/CE (dernière en vigueur sur ce sujet) autorise toujours l’usage des hormones pour des « traitements thérapeutiques et zootechniques ». En pratique, il s’agit surtout de maîtriser la reproduction (diminution des périodes improductives, augmentation des portées, facilitation des mise bas …). Cela n’est pas sans conséquences pour l’environnement. Retrouvées dans les eaux par le biais des déjections animales, ces hormones peuvent en effet perturber le système endocrinien d’autres espèces. Elles sont en partie responsables de plusieurs problèmes de santé humaine : phénomènes de puberté précoce, problèmes de reproduction, cancers hormono-dépendants … Si les antibiotiques peuvent eux-aussi jouer le rôle de facteur de croissance, cet usage a été banni dans l’Union européenne en 2006. Pour le reste, ces médicaments restent massivement utilisés en élevage. La concentration des animaux (associée à la concentration de leurs déchets, à l’augmentation du risque de blessures, etc.) augmente en effet fortement les risques d’épidémie et des antibiotiques sont alors donnés à tout le groupe. On sait aujourd’hui que l’utilisation excessive d’antibiotiques entraîne l’émergence de bactéries résistantes, lesquelles peuvent non seulement transmettre cette résistance à d’autres bactéries mais aussi traverser la barrière des espèces. Les exemples ne manquent pas : preuve de la transmission du SARM (bactérie résistante à la méticilline) entre l’homme et le porc, augmentation de la résistance humaine aux antibiotiques de type fluoroquinolones suite à leur utilisation en élevage, corrélation entre la résistance à l’avoparcine dans les élevages et la résistance à la vancomycine dans les hôpitaux, etc. Ces bactéries peuvent être transmises par contact physique (SARM) ou encore via l’alimentation (entérobactéries productrices de blse) ; autre facteur d’apparition d’une résistance chez l’homme, la transmission des antibiotiques (résidus) eux-mêmes via l’alimentation. La plupart des personnes porteuses de bactéries résistantes (SARM sur la peau ou dans le nez, entérobactéries dans la flore intestinale) ne deviennent pas malades pour autant. Mais les choses peuvent se compliquer dans des conditions défavorables : un traitement antibiotique pourra par exemple se révéler contre-productif (prolifération des bactéries résistantes) ; pire, une intervention chirurgicale (moment pendant lequel le système immunitaire est affaibli) pourra engendrer le passage des bactéries dans le sang et déboucher sur une septicémie …
Pollution de l’air et gaz à effets de serre
Selon les scientifiques, les gaz à effets de serre (GES) sont l’un des plus grand facteur d’impact du réchauffement climatique (avec des conséquences telles que la disparition d’espèces etc.). Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le secteur de l’élevage est responsable à lui seul de 14,5 % des gaz à effet de serre anthropiques, soit plus que les transports. Il représente environ 9 % des émissions anthropiques de dioxyde de carbone (CO2), 37 % du méthane (CH4) et 65 % du protoxyde d’azote (N20) (le CO2, le CH4 et le N2O sont trois des six gaz à effets de serre ciblés par le protocole de Kyoto). Les émissions de dioxyde de carbone sont essentiellement dues à la déforestation (expansion des pâturages et des cultures fourragères pour le bétail) ; les émissions de méthane (qui agit sur le réchauffement climatique 23 fois plus que le CO2) proviennent essentiellement de la fermentation gastrique des ruminants et de la gestion des effluents d’élevage (respectivement à hauteur de 74 % et 21 %) ; enfin les émissions de protoxyde d’azote (qui a un potentiel de réchauffement climatique près de 300 fois plus élevé que le CO2) proviennent essentiellement des engrais, fumiers et lisiers (produits azotés). Au sein de l’élevage, les bovins sont les plus gros contributeurs de gaz à effet de serre. Ils en émettent environ 6 à 7 fois plus que les cochons ou les poulets (ce facteur multiplicatif est applicable aussi bien en considérant la totalité des animaux que par kilogramme de viande produite). En plus de ces gaz à effets de serre, l’élevage est responsable de 64 % des émissions anthropiques d’ammoniac (notons au passage que la France en est la première émettrice en Europe). Cela pose deux problèmes majeurs. D’abord, l’ammoniac (NH3) est un irritant des voies respiratoires et engendre de nombreuses maladies dans les élevages (bronchite chronique, asthme, fibrose pulmonaire …) lesquelles peuvent aussi toucher les éleveurs. Ensuite, en se dissolvant dans les précipitations sous forme d’ammonium (NH4+), un ion acide, l’ammoniac contribue sensiblement aux pluies acides et à l’acidification des écosystèmes. Cette acidification perturbe la photosynthèse et détruit les éléments nutritifs des sols et des eaux, causant le dépérissement des forêts, des lacs, etc. Certaines espèces aquatiques, très sensibles au PH, disparaissent. Un rapport de 1999 sur l’état des forêts en Europe indiquait que 20 % des terres sont très acides, 2/3 des forêts sont endommagées et 21,4 % ont subi une défoliation d’au moins 25 % (Commission Européenne, 1999).
Déforestation
Le secteur de l’élevage est de loin le plus gros utilisateur anthropique de terres. D’après la FAO, 26 % des terres non recouvertes de glace sont employées pour le pâturage et 1/3 des terres cultivables sont utilisées pour nourrir le bétail (rapport de 2006). Selon les données de l’université du Maryland (USA) et de Google, rien qu’en 2014, les forêts ont reculé de 180 000 km2 dans le monde (soit environ deux fois la superficie du Portugal). En Asie, en Amérique du sud ou encore en Afrique, ce phénomène affecte les principaux poumons verts de la planète. La forêt amazonienne, qui est l’une des trois plus grandes forêts primaires du monde, a ainsi perdu en 40 ans environ 800.000 km2 (soit près d’1/7ème) de sa superficie. L’élevage est la principale cause de ce problème et devance largement l’exploitation forestière ou minière. Après une enquête de 3 ans publiée en juin 2009, Greenpeace affirme que l’élevage bovin est responsable à 80 % de la déforestation amazonienne. Une grande partie de l’espace forestier est ainsi transformée en prairie (pour le pâturage des bovins) et une autre partie est utilisée pour la culture de céréales fourragères (soja et maïs essentiellement). L’Union européenne est le quatrième importateur de bovins (derrière les USA, la Russie, et le Japon), lesquels proviennent à 80 % d’Amérique du Sud. Pour nourrir son propre bétail, l’Europe importe aussi énormément de soja (souvent transgénique) depuis le Brésil ou l’Argentine (la France en est d’ailleurs le premier destinataire Européen). Ainsi, la consommation de viande en Europe et en France (les Français sont les premiers consommateurs européens de viande bovine – FranceAgriMer, 2010) est une cause de déforestation en Amérique du Sud. La FAO rappelle par ailleurs que les forêts « sont à la base de la subsistance de plus d’un milliard de personnes ». Dans beaucoup de pays en développement, le bois est en effet la principale source d’énergie (chauffage, cuisson des aliments) et le matériau de base des logements ou de l’artisanat. (rapport de 2014). S’y ajoutent un ensemble de « services écosystémiques » difficilement chiffrables mais cruciaux. Ainsi, les forêts recèlent plus de 80 % de la biodiversité terrestre, protègent les ressources en eau (rivières etc.) et offrent de l’air pur. En stockant le carbone, elles jouent aussi un rôle central dans la régulation du climat (la végétation terrestre absorbe environ 1/4 des émissions anthropiques de CO2 et les forêts sont évidemment le « puit de carbone » par excellence).
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Il n’aura fallu que que quelques décennies pour que notre agriculture se transforme en profondeur. L’élevage en plein air (pâturage, activité physique …) a cédé la place aux systèmes de stabulation (cages, stalles) où des animaux affaiblis sont gavés de produits chimiques (compléments alimentaires, médicaments) ; les cultures de saison et les techniques agroécologiques (assolement, rotation des cultures …) se sont inclinées devant les monocultures bourrées d’engrais et de pesticides ; les petites exploitations paysannes se sont raréfiés au profit des fermes-usines ultramécanisées … Aujourd’hui, 80 à 95 % de la production agricole est issue de systèmes intensifs, lesquels ont pourtant largement prouvé leur effet délétère sur l’environnement. Il est urgent de changer de modèle. Il faut arrêter la course effrénée au productivisme (recherche de compétitivité avec l’Allemagne, accords de libre échange avec les USA …) et encourager une production plus modeste mais de qualité ; les aides de la PAC doivent être réorientées vers les exploitations qui oeuvrent en faveur de l’éthique et de l’environnement (élevage en plein air, respect du rythme biologique des animaux, soins vétérinaire particuliers et non de troupeaux, utilisation d’engrais et de pesticides naturels …) ; enfin, les consommateurs sont peut-être les plus grands acteurs de ce changement. Comment ? En privilégiant les circuits courts (vente directe, AMAP) et les filières bio (sans produits chimiques), en mangeant des fruits et légumes de saison, en acceptant que l’éthique et la qualité ont un coût, en réduisant (et pourquoi pas en stoppant) leur consommation de viande. Il n’ont qu’à demander et l’industrie s’adaptera …
Jérôme Henriques
Source : Les dégâts environnementaux de l’agriculture intensive, Le Grand Soir