A l’occasion de l’anniversaire de la disparition de Nelson Mandela, un point d’histoire méconnue s’impose.
Comment Cuba aida l’Angola à se débarrasser de la tutelle coloniale et de l’invasion Sud Africaine.
Cette défaite de l’Afrique du Sud de l’apartheid a affaibli considérablement l’état raciste.
Nelson Mandela considère l’échec sud-africain comme « le tournant dans la libération du continent du fléau de l’apartheid ». Les noms des soldats cubains morts en Angola figurent aujourd’hui avec ceux de tous les héros de l’histoire sud-africaine sur le mur du souvenir du Freedom Park, à Pretoria.
Source complémenaires
- http://www.medelu.org/Comment-en-Angola-Cuba-contribua-a
- http://www.monde-diplomatique.fr/2014/10/CONCHIGLIA/50867
articles sur le même sujet sur le site initiative-communiste.fr
- https://www.initiative-communiste.fr/articles/billet-rouge-2/dcs-de-mandela-le-record-dhypocrisie-des-etats-capitalistes/
- https://www.initiative-communiste.fr/articles/international/nelson-mandela-est-mort/
- https://www.initiative-communiste.fr/articles/international/communique-du-parti-communiste-sud-africain-sacp/
Article publié sur le grand Soir. source.
La mission internationaliste militaire cubaine la plus juste, la plus longue, la plus massive et la plus réussie
Oscar Sánchez Serra
ILS sont dans les plus de 3 785 000 foyers cubains. Aujourd’hui, il n’y a pratiquement aucune famille qui n’ait été concernée directement ou indirectement par cette épopée africaine et ne les compte parmi ses enfants ou amis. Rien ne les distingue des autres. Ils ont repris leur place parmi ce peuple dont ils ont toujours fait partie, fondus dans cette foule bigarrée qui s’active chaque jour. L’un d’entre eux pourrait très bien se tenir près de vous en ce moment même, dans une épicerie, assis dans un stade de baseball ou installé devant une table de domino. Ses enfants fréquentent la même école que les nôtres, sans aucun privilège que celui d’être né sur une terre qui leur accorde le droit à l’éducation, à la santé, et leur garantit un plein épanouissement humain et professionnel dans des conditions d’égalité des chances.
Il se trouve que ces combattants internationalistes ne sont pas seulement des héros, mais les plus fidèles héritiers de la conception de José Marti, selon laquelle la patrie, c’est l’humanité.
Le 5 novembre 1975, Cuba s’apprêtait à écrire l’une des plus belles pages d’héroïsme et d’humanisme en lançant, au nom du peuple angolais et en réponse au vœu de toute l’Afrique, l’Opération Carlota.
À travers cette mission baptisée Carlota, d’après le nom d’une esclave noire qui prit la tête d’une rébellion en 1843, un petit pays des Caraïbes réalisa la prouesse de transporter plusieurs dizaines de milliers de soldats en Angola pour repousser l’agression des troupes sud-africaines, menant l’une des opérations militaires les plus audacieuses qui soit.
Carlota incarne la tradition de tout un peuple dans la défense des causes les plus justes et les plus nobles dans le monde.
Mais il ne s’agit pas là du premier exemple de solidarité qui déborde les frontières cubaines.
En 1961, lorsque l’Algérie était en pleine lutte pour son indépendance, la toute jeune Révolution cubaine dépêcha un navire transportant une cargaison d’armes pour les combattants algériens, et revint avec son bord des enfants orphelins et des blessés au combat contre l’armée coloniale.
C’est aussi le cas du contingent cubain qui se rendit en octobre 1963 en Algérie, lorsque ce pays à peine libéré courait le risque d’une agression militaire de la part de la monarchie expansionniste marocaine. Et c’est aussi en Algérie que débarquèrent les premiers médecins volontaires cubains pour sauver des vies, comme ils sont nombreux à le faire de nos jours dans plus d’une soixantaine de nations, un geste qui fait de Cuba l’un des pays aux états de services les plus remarquables en faveur de la santé dans le Tiers monde.
En Angola, en octobre 1975, après une percée dans le nord du pays, l’armée zaïroise et des forces mercenaires
étaient quasiment aux portes de Luanda, la capitale angolaise, tandis que par le sud la ville était sur le point d’être encerclée par l’une des classiques manœuvres en tenaille des troupes blindées sud-africaines.
Quelques semaines auparavant, le président du MPLA (Mouvement Populaire de Libération de l’Angola), avait fait appel au gouvernement cubain pour obtenir la présence d’instructeurs militaires cubains. Au début, ces instructeurs
ne représentaient qu’un petit nombre et, par la suite, ils n’allaient pas dépasser les 480. À noter également qu’ils ne possédaient qu’un armement léger.
Au début du mois de novembre de cette même année, à Benguela, le long de la côte entre Luanda et Namibe, un groupe de ces instructeurs et leurs camarades angolais se retrouvèrent face à face avec l’ennemi et durent livrer un combat inégal. Des dizaines de jeunes combattants angolais et huit instructeurs cubains perdirent la vie.
Le 2 décembre 2005, à l’occasion du 49e anniversaire du débarquement du yacht Granma et du 30e anniversaire de la geste internationaliste cubaine en Angola, le commandant en chef Fidel Castro signalait :
« C’est donc là-bas, dans ce coin éloigné de la géographie africaine, que des Cubains et des Angolais versèrent pour la première fois leur sang appelé à fertiliser la liberté de cette terre meurtrie.
Dès lors, Cuba, en coordination avec le président Neto, décida de dépêcher en Angola, par air et par mer, des troupes spéciales du ministère de l’Intérieur et des unités régulières des FAR totalement prêtes au combat, pour repousser l’agression du régime de l’apartheid.
Nous avons relevé le défi sans la moindre hésitation. Nous ne pouvions abandonner à leur sort nos instructeurs, ni les combattants angolais, ni permettre la liquidation de l’indépendance de cette patrie pour laquelle ils avaient livré depuis vingt ans une lutte héroïque. C’est ainsi que des troupes cubaines, héritières de la glorieuse Armée rebelle, entrèrent en combat, à dix mille kilomètres de distance, contre les armées de l’Afrique du Sud, la plus grande puissance de ce continent et la plus riche, et du Zaïre, le fantoche le plus
riche et le mieux armé de l’Europe et des États-Unis.
Ainsi commençait ce qui fut appelé en code l’Opération Carlota, autrement dit la campagne militaire i
nternationaliste la plus juste, la plus longue, la plus massive et la plus réussie de notre pays ».
36 000 soldats cubains stoppèrent l’agression et déclenchèrent une offensive qui fit reculer les racistes sud-africains
d’un millier de kilomètres et les expulsa au-delà de la frontière avec la Namibie. La colonne sud-africaine
fut stoppée les 13 et 14 décembre sur les rives du fleuve Queve, et les instructeurs et leurs élèves combattirent brillamment aux côtés des unités des FAPLA (Forces armées populaires de libération de l’Angola) et du Bataillon des troupes spéciales cubaines. Les troupes Zaïroises entrées par le nord furent également expulsées.
Le retrait des troupes cubaines commença à s’opérer en avril 1976, comme convenu avec le président Neto, mais quelques unités de combats restèrent toutefois sur place.
Cependant, le chronogramme du retrait allait devoir faire face aux machinations des gouvernements de Pretoria et de Washington qui, dans les années 80, affichaient ouvertement leurs prétentions, du fait des théories du président Ronald Reagan dites de « l’engagement constructif » et du « linkage » (laisser faire, en échange d’un soutien sud-africain aux intérêts stratégiques étasuniens), une politique qui poussa le régime d’Afrique du Sud à lancer ses nombreuses agressions contre la Namibie et l’Angola.
La dernière grande invasion de l’Afrique du Sud en Angola se produisit vers la fin de 1987. Enhardi par sa puissance, l’ennemi opéra une percée dans les profondeurs du territoire angolais, en direction de Cuito Cuanavale, une ancienne base aérienne de l’OTAN, et s’apprêtait à porter un coup mortel à l’Angola.
Là-bas, Cubains et Angolais donnèrent un exemple de courage sans précédent qui déboucha sur une victoire historique. La défaite de l’armée raciste et surtout la progression irrépressible des troupes cubaines dans le sud-est du pays mirent un point final à l’agression militaire étrangère. Plus de 55 000 soldats cubains firent preuve d’un courage, d’un professionnalisme et d’un dévouement exemplaires sur le sol angolais, et ce souvent dans des conditions difficiles.
Se référant à cette prouesse, Fidel déclara : « Rarement dans l’histoire, une guerre – autrement dit l’action humaine la plus terrible, la plus déchirante et la plus difficile – a été accompagnée de tant d’humanisme et tant de modestie de la part des vainqueurs, même si ces valeurs faisaient absolument défaut dans les rangs de ceux qui furent finalement les vaincus. La solidité de principes et la pureté d’objectifs expliquent que chaque action réalisée par nos combattants internationalistes ait été marquée par la transparence la plus absolue ».
Et d’ajouter : « L’exploit réalisé en Angola et la lutte pour l’indépendance de la Namibie et contre l’apartheid fasciste ont beaucoup fortifié notre peuple. Les actes innombrables d’héroïsme, de dévouement et d’humanisme des plus de 300 000 combattants internationalistes et des près de 50 000 coopérants civils cubains qui ont rempli des missions en Angola de façon absolument volontaire, constituent un trésor d’une valeur extraordinaire ».
Cuba est fière de son histoire, de ces principes et de ses enfants qui ont apporté leur aide solidaire sous d’autres cieux. Comme elle l’est de leurs familles, qui ont elles aussi consenti de nombreux sacrifices et puisent dans l’exemple de leurs êtres chers une source de motivation et de fierté.
2 016 de nos compatriotes sont tombés en Angola, 160 en Éthiopie, et 133 dans d’autres pays frères. Leur souvenir reste toujours bien vivant dans la phrase du leader anticolonialiste Amilcar Cabral, fondateur du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIG) : « Les combattants cubains sont prêts à sacrifier leurs vies pour la libération de nos pays, et, en échange de cette aide à notre liberté et au progrès de notre population, tout ce qu’ils emporteront, ce sont ceux d’entre eux qui sont tombés en luttant pour notre liberté. »
Oscar Sánchez Serra