Les déclarations de Kerry sont inquiétantes comme toute la politique américaine.
L’impérialisme qui, débarrassé de l’Union Soviétique et sans adversaire conséquent jusqu’au bout, déploie une offensive mondiale de grande ampleur : en Europe avec le Grand Traité Transatlantique et les attaques contre la Russie (Ukraine mais aussi Pologne, Hongrie….), en Asie avec le réarmement japonnais( montée des tensions en mer de Chine…) et les tentatives d’encerclement et affaiblissement de la Chine (Ouïgours, Tibet…), en Amérique Latine avec une véritable offensive contre les régimes progressistes ( Honduras,Brésil, Argentine, Venezuela…) et la poursuite de sa lutte contre Cuba (le premier objectif de la droite vénézuélienne vainqueur des Législatives est de couper les livraisons de pétrole à Cuba) , en Afrique où aucune opposition organisée aux pillage impérialiste n’est véritablement visible et où les tentatives de pénétration chinoise sont contrées avec force et évidemment au Proche-Orient où, malgré la résistance russe ou iranienne, l’impérialisme et ses alliés européens et locaux ne cessent par mille moyens (diplomatiques, militaires, économiques…) d’imposer son hégémonie sur la région, sans qu’aucune perspective de résolution de la question palestinienne ne soit en vue (le gouvernement israélien s’enfonce dans une politique fascisante, rencontre Donald Trump et Nethanayou).
Bref plus que jamais l’impérialisme c’est la guerre.
Et plus que jamais la lutte révolutionnaire est la chance de la paix.
C’est l’initiative russe en Syrie qui est désormais la nouvelle cible des bombes britanniques
John Laughland 6 décembre 2015
Le Royaume-Uni lance sa campagne de bombardements en Syrie, mais pas principalement pour combattre Daesh, explique l’expert britannique John Laughland.
Fin août 2013, la Chambre des Communes à Londres a surpris le monde entier en votant contre le gouvernement de David Cameron qui voulait lancer, avec les Américains, une guerre contre la Syrie. C’était grâce à ce vote que le régime de Bachar al-Assad est toujours au pouvoir. Le fait que David Cameron veuille attaquer tantôt le régime syrien, tantôt les ennemis du régime syrien, prouve qu’il n’a aucune cohérence politique.Hier soir [2 décembre], et après un débat long et vif tel qu’il n’y en a eu ni en France ni aux Etats-Unis, la Chambre des Communes a donné sont feu vert mais pour lancer une guerre inverse, contre l’Etat islamique cette fois. Depuis un an, en effet, la Royal Air Force bombarde l’Etat islamique en Irak mais non pas en Syrie, et ceci à cause du vote de 2013. Les bombardiers britanniques larguent depuis quelques heures leurs missiles maintenant sur la Syrie aussi, tout comme les Français et les Américains le font depuis un an.
David Cameron semble donc avoir remporté une victoire tardive qui rattrape sa défaite antérieure. En réalité, sa victoire n’est qu’apparente. Le fait que le même homme veuille attaquer tantôt le régime syrien, tantôt les ennemis du régime syrien, prouve qu’il n’a aucune cohérence politique. Tout comme le ministre des affaires étrangères français, Laurent Fabius, qui vient de demander « pourquoi pas » la France ne combattrait pas ensemble avec les troupes du régime syrien, alors que toute sa politique depuis 2011 est basée sur l’approche inverse, David Cameron fait comme si ses erreurs d’hier n’avaient pas existé.
En savoir plus : Laurent Fabius fait machine en arrière après avoir proposé de travailler avec l’armée syrienne https://francais.rt.com/ france/11212-fabius-arriere- syrie-cooperation
David Cameron avait affirmé que les frappes britanniques seraient déployées en coordination avec les opérations militaires de « 70 000 » combattants non islamistes. Ce chiffre semble relever de la plus pure fantaisie.
Pendant le débat, qui par ailleurs était riche dans la meilleure tradition du parlementarisme britannique, aucune clarté n’a été ni demandée ni obtenue sur l’attitude à adopter vis-à-vis de l’armée syrienne. Celle-ci est pourtant, et de loin, la plus grande force armée du pays. David Cameron s’est de nouveau ridiculisé en évoquant une possible future coopération avec les troupes syriennes d’un « gouvernement de transition » aujourd’hui inexistant. Parier sur un changement de régime en Syrie à l’avenir, en faisant abstraction du régime syrien actuel, c’est tout simplement poursuivre une politique à l’aveuglette.
Avant le débat d’hier, David Cameron avait affirmé que les frappes britanniques seraient déployées en coordination avec les opérations militaires de « 70 000 » combattants non islamistes. Ce chiffre semble relever de la plus pure fantaisie. La réalité, selon une députée musulmane membre de la Commission des Affaires Etrangères qui vient de rentrer du Moyen Orient où elle a obtenu ses renseignements, est que ces fameuses troupes modérés sont au nombre de 10 000 ou 15 000 au maximum, un chiffre qu’il convient de comparer aux 40 000 ou 50 000 troupes qu’il faudrait, toujours selon Yasmin Qureshi, pour prendre la ville de Raqqa où l’Etat islamique a son QG.
La politique occidentale, c’est le bombardement pour le bombardement
Ce qui compte dans un combat militaire, en effet, c’est l’occupation du territoire, non pas le contrôle de l’espace aérien. Celui-ci n’est qu’un moyen pour atteindre celui-là. Une campagne aérienne qui ne couvre pas des troupes au sol est pire qu’une absurdité, c’est un fantasme enivrant qui permet à un impuissant de se donner une impression de puissance. La Russie a compris ce fait élémentaire de la logique militaire, en lançant sa campagne de bombardement en coordination étroite avec les forces de l’armée syrienne et avec le but déclaré d’appuyer celle-ci. Mais sans aucun accord sur les troupes au sol à appuyer, il ne peut y avoir aucune alliance entre, par exemple, la Russie et les pays occidentaux. La dégringolade des rapports entre Moscou et Ankara n’est que la manifestation éclatante de ce différend radical entre la Russie et l’OTAN sur la question centrale dans la guerre syrienne, à savoir l’avenir de Bachar al-Assad.
Désaccord, donc, sur les buts à atteindre ; désaccord aussi sur les moyens pour y parvenir. La politique occidentale, c’est le bombardement pour le bombardement. En effet, souvent dans le débat d’hier, les opposants à cette nouvelle campagne ont évoqué les désastres qui sont la Libye, l’Irak et même l’Afghanistan. A aucun moment, en revanche, la campagne aérienne contre la Yougoslavie en 1999 n’a été évoquée. Cette guerre est tout simplement jetée aux oubliettes de l’histoire – et pour cause. Après 74 jours de bombardement intense, suite auxquels le président yougoslave, Slobodan Milosevic, a capitulé en retirant ses troupes du territoire du Kosovo, l’armée serbe était totalement intacte. Elle a quitté le Kosovo indemne. Le passage de pouvoir aux Albanais n’est intervenu qu’au moment où les troupes de l’OTAN et les terroristes de l’UCK ont occupé ce territoire à sa place.
Le but du Royaume-Uni est de rattraper du terrain politique perdu à la Russie pour la frustrer dans ses objectifs
Les dirigeants occidentaux savent tout cela fort bien. Quelle est donc l’explication pour la décision britannique ? Elle est géopolitique. Ce ne sont pas les attentats terroristes à Paris qui ont poussé les Britanniques à rejoindre la « coalition » franco-américaine. C’est la campagne aérienne russe.
L’annonce de cette campagne russe a profondément renversé l’échiquier en Syrie. En soutenant ouvertement Damas, Moscou s’est profilé comme une puissance incontournable au Moyen-Orient, et dans le monde, qui va peser sur l’évolution politique de la Syrie. Elle a saisi l’initiative de façon tellement flagrante que l’Occident était en mauvaise posture pendant plusieurs semaines avant de bricoler sa réponse inadéquate.
Mais c’est bien cette initiative russe qui est désormais la nouvelle cible des bombes britanniques. Il ne s’agit pas de rallier la position russe ou de mettre de coté, ne serait-ce que provisoirement, les différends sur Assad pour donner la priorité à l’ennemi principal. Il s’agit au contraire de rattraper du terrain politique perdu à la Russie pour la frustrer dans ses objectifs. La guerre entre la Russie et l’Occident en Syrie vient de monter d’un cran.
John Laughland
*Directeur des Etudes à l’Institut de la Démocratie et de la Coopération (Paris), philosophe et historien. De nationalité britannique, il est l’auteur de plusieurs ouvrages historiques et géopolitiques traduits en sept langues.
En savoir plus : Pourquoi les USA n’ont-ils jamais bombardé les lignes de pétrole de Daesh ?
- Note de Danielle Bleitrach 6 décembre 2015
« Les États-Unis d’Amérique prendront des mesures contre la Russie et l’Iran pour leur soutien à la Syrie » John Kerry, ministre des affaires étrangères US
Voilà qui a le mérite de la clarté et explique que les Etats-Unis ne voient pas le trafic pétrolier entre Daech et les Turcs alors que ce pays avait vu en son temps des armes de destruction massive inexistantes en Irak… Cela serait grotesque si ce n’était tragique… (note de Danielle Bleitrach)
« Si Assad reste au pouvoir il sera impossible d’arrêter la guerre ». |
Le Secrétaire d’Etat des Etats-Unis, John Kerry, a dit que le fait que la Russie et l’Iran « soutiennent le gouvernement d’Al-Assad » représente une menace pour la sécurité de leur nation.
Le Secrétaire d’Etat des Etats-Unis, John Kerry, a déclaré que son pays prendra des mesures dures contre la Russie et l’Iran, si elles empêchent un changement de gouvernement en Syrie et apportent leur soutien au Président Bashar Al-Assad.« Si la Russie et l’Iran forment une coalition et permettent à Al-Assad de faire échouer le processus de (…) Nous devrons prendre des mesures sévères », a dit Kerry ce samedi lors d’une conférence tenue à Washington.
À cet égard, le responsable américain a déclaré que son pays ne peut autoriser que les événements se développent « de cette façon parce que cela représente une menace pour la sécurité des Etats-Unis et de tous les pays d’Europe « .
De même, il a insisté sur le fait qu’il ne peut être mis fin au conflit en Syrie si Assad ne quitte pas le pouvoir.
« Tant qu’Assad restera au pouvoir il sera impossible d’arrêter la guerre », a-t-il déclaré.
Kerry a ajouté que Washington et ses partenaires cherchent à faciliter la transition en Syrie sous la supervision de l’Organisation des Nations Unies (ONU).
À la fin novembre, le président syrien al – Assad a déclaré qu’il n’y aurait aucun plan de transition ou d’élections, tant que des groupes terroristes comme l’État islamique autoproclamé (AE) et le front al – Nusra, contrôlent de vastes régions du territoire syrien.
Alors que le ministre des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a qualifié d’inacceptable d’exiger le départ du pouvoir du président syrien Bachar al – Assad, au lieu de s’unir contre les terroristes.
DANS LE CONTEXTE
Depuis le 30 septembre, l’Aviation russe lance des attaques contre les positions des groupes terroristes en Syrie, suite à la demande du Président du pays.
Les cibles des attaques sont désignées par les renseignements recueillis par la Russie, la Syrie, l’Irak et l’Iran.
Moscou insiste sur le fait que l’opération militaire n’est pas faite en défense du gouvernement syrien, mais contre les terroristes, alors que les Etats-Unis et ses alliés accusent la Russie de « s’efforcer de maintenir Al-Assad au pouvoir ».
Depuis mars 2011, la Syrie vit un conflit armé qui a fait plus de 250 000 morts, selon les estimations par l’Organisation des Nations Unies (ONU).
Source : Insurge Intelligence, le 19/11/2015
Par Nafeez Ahmed
« Nous nous tenons aux côtés de la Turquie dans ses efforts pour la protection de sa sécurité nationale et dans son combat contre le terrorisme. La France et la Turquie sont du même côté dans le cadre de la coalition internationale engagée contre le groupe terroriste ÉI. »
Déclaration du ministre français des affaires étrangères, juillet 2015
Le massacre du 13 novembre à Paris restera, comme le 11 septembre, un moment décisif dans l’histoire mondiale.
L’assassinat de 129 personnes et les blessures de plus de 352 autres, par des sbires de « l’État Islamique » (ISIS) frappant simultanément différentes cibles au cœur de l’Europe, marquent un changement radical dans la menace terroriste.
Pour la première fois, une attaque rappelant celle de Bombay s’est produite en Occident – la pire attaque en Europe depuis des décennies. Une première qui a déclenché une réponse apparemment proportionnée de la France : la déclaration d’un état d’urgence national, du jamais vu depuis la guerre d’Algérie en 1961.
ISIS a ensuite menacé d’attaquer Washington et New York.
En attendant, le président Hollande a appelé les dirigeants de l’UE à suspendre les accords de Schengen sur l’ouverture des frontières, pour permettre d’importantes restrictions à la liberté de déplacement en Europe. Il exige aussi l’adoption par l’UE du système dit des “données des dossiers passagers” (PNR), qui permettra aux services de renseignements de pister les voyages des Européens, en plus d’une prolongation de l’état d’urgence pour au moins trois mois.
Pendant toute cette durée, la police française peut bloquer n’importe quel site web, assigner des gens à résidence sans procès, perquisitionner sans mandat, et empêcher des suspects d’en rencontrer d’autres s’ils sont considérés comme des menaces.
« Nous savons que d’autres attentats sont en préparation, pas seulement contre la France, mais aussi contre d’autres pays européens, » a déclaré le premier ministre français Manuel Valls. « Nous allons avoir à vivre longtemps avec cette menace terroriste. »
Hollande prévoit de renforcer les pouvoirs de la police et des services de sécurité grâce à une nouvelle législation antiterroriste et d’apporter des modifications à la Constitution qui mettraient l’état d’urgence permanent au cœur de la politique française. “Il nous faut un outil approprié que l’on puisse utiliser sans avoir à recourir à l’état d’urgence,” a-t-il expliqué.
En écho aux lois martiales à l’intérieur des frontières, Hollande a rapidement intensifié l’action militaire à l’étranger, en lançant 30 attaques aériennes sur une douzaine de cibles à Raqqa, capitale de facto de l’État islamique.
L’engagement provocant de la France, selon Hollande, est de “détruire” l’ÉI.
Le remous provoqué par les attaques en terme d’impact sur les sociétés occidentales sera probablement permanent. De la même manière que le 11 septembre a vu l’émergence d’une nouvelle ère de guerre perpétuelle contre le monde musulman, les attaques du 13 novembre à Paris sont déjà en train de provoquer une phase nouvelle et résolue dans cette guerre permanente : une nouvelle ère de Vigilance Permanente, dans laquelle les citoyens sont des complices indispensables de l’État policier, promulgué au nom de la défense d’une démocratie rongée par l’acte même qui est censé la défendre, la Vigilance Permanente.
La surveillance généralisée sur le plan intérieur et l’intervention militaire extérieure perpétuelle sont les deux faces d’une même sécurité nationale qu’il faut tout simplement développer le plus possible.
“La France est en guerre,” a affirmé Hollande devant les parlementaires français réunis au château de Versailles.
“Nous ne sommes pas engagés dans une guerre de civilisation, parce que ces assassins n’en représentent aucune. Nous sommes dans une guerre contre le terrorisme djihadiste qui menace le monde entier.”
Les amis de nos ennemis sont nos amis
Une absence flagrante cependant se remarquait dans la déclaration de guerre faite d’un ton décidé par Hollande. Aucune mention n’y était faite du plus gros tabou : le soutien des états.
Les passeports syriens découverts près des corps de deux auteurs supposés des attentats à Paris étaient, selon la police, des faux, vraisemblablement fabriqués en Turquie.
Plus tôt cette année, le quotidien turc Meydan a rapporté que, selon une source ouïgoure, plus de 100 000 faux passeports turcs ont été donnés à l’ÉI. Ce chiffre, selon le Bureau Militaire des Études Étrangères (FSMO) de l’armée américaine, est probablement exagéré, mais semble confirmé “par des Ouïghours arrêtés avec de faux passeports turcs en Thaïlande et en Malaisie.”
Une autre confirmation vint d’un rapport du correspondant de Sky News Arabia, Stuart Ramsey, qui révéla que le gouvernement turc certifiait les passeports de militants étrangers qui franchissaient la frontière turco-syrienne pour rejoindre l’ÉI. Ces passeports, obtenus grâce à des combattants kurdes, portait le tampon officiel de la police des frontières turque, ce qui indique que l’entrée de ces militants de l’ÉI en Syrie étaient parfaitement connue des autorités turques.
Le FSMO résume le dilemme auquel fait face le gouvernement Erdogan : “Si le pays prend des mesures contre les passeports illégaux et les militants qui traversent le pays, ceux-ci pourraient prendre la Turquie pour cible. Cependant, si la Turquie laisse perdurer l’état actuel des choses, ses relations diplomatiques avec d’autres pays et sa situation politique internationale vont tourner à l’aigre.”
Ce n’est que le début. Un responsable occidental de haut rang, bien au fait d’un vaste ensemble de renseignements obtenus cet été grâce à un important raid dans un refuge de l’ÉI, a déclaré au Guardian que “des relations directes entre officiels turcs et haut membres de l’ÉI sont maintenant ‘indéniables’.”
Ce même responsable a confirmé que la Turquie, membre de longue date de l’OTAN, soutient non seulement l’ÉI, mais aussi d’autres groupes djihadistes, y compris Ahrar al-Cham et Jabhat al-Nosra, des groupes affiliés à al-Qaïda en Syrie. “La différence qu’ils établissent [avec d’autres groupes d’opposition] est particulièrement ténue,” déclara aussi celui-ci. “Il ne fait aucun doute qu’ils coopèrent militairement avec chacun d’eux.”
Dans un rare aperçu de ce soutien étatique éhonté à l’ÉI, Newsweek a rapporté il y a un an le témoignage d’un ancien technicien en communications de l’ÉI, qui était parti en Syrie pour combattre le régime de Bachar el-Assad.
L’ancien combattant de l’ÉI a raconté à Newsweek que la Turquie autorisait les camions de l’ÉI provenant de Raqqa à “franchir la frontière, traverser la Turquie puis franchir à nouveau la frontière pour attaquer les Kurdes syriens dans la ville de Serekaniye, au nord de la Syrie, en février.” Les militants de l’ÉI pouvaient librement “traverser la Turquie en convoi,” et s’arrêter “dans des lieux sûrs tout au long du chemin.”
L’ancien technicien en communications de l’ÉI a aussi admis qu’il avait régulièrement “mis en relation des capitaines sur le terrain et des commandants de l’ÉI de Syrie avec des personnes en Turquie en d’innombrables occasions,” ajoutant que “les gens à qui ils parlaient étaient des officiels turcs… Les commandants de l’ÉI nous ont dit que nous n’avions rien à craindre parce que la coopération avec les Turcs était totale.”
En janvier, des documents officiels de l’armée turque authentifiés ont ‘fuité’ sur internet, ils montraient que les services de renseignement turcs avaient été surpris par des officiers à Adana alors qu’ils transportaient en camion des missiles, des mortiers et des munitions anti-aériennes “destinés à l’organisation terroriste al-Qaïda” en Syrie.
Selon les autres suspects de l’ÉI en procès en Turquie, les services secrets turcs (MIT) ont commencé la contrebande d’armes, y compris celles de l’OTAN, avec les groupes djihadistes en Syrie dès 2011.
Ces accusations ont été corroborées par un procureur et un témoignage en justice d’officiers de la police militaire turque qui ont confirmé que les services de renseignement turcs livraient des armes aux djihadistes syriens depuis 2013 et jusqu’à 2014.
Des documents ayant ‘fuité‘ en septembre 2014 ont montré que le prince saoudien Bandar ben Sultan a financé des expéditions d’armes destinées à l’ÉI en passant par la Turquie. Un avion clandestin venant d’Allemagne a livré des armes à l’aéroport d’Etimesgut en Turquie et la livraison a été répartie en trois conteneurs, dont deux ont été délivrés à l’ÉI.
Un rapport de l’Institut Turc des Statistiques (TurkStat) a confirmé que le gouvernement a fourni pendant cette période pour au moins un million de dollars d’armes aux rebelles syriens, ce qui contredit les dénégations officielles. On peut compter parmi ces armes des grenades, de l’artillerie lourde, des canons anti-aériens, des armes à feu, des munitions, des fusils de chasse, ainsi que d’autres armes. Mais l’institut a refusé de préciser à quels groupes ont bénéficié ces envois.
Des informations de même nature sont apparues séparément. Il y a tout juste deux mois, la police turque a perquisitionné dans un journal ayant révélé comment le directeur des douanes local avait approuvé des envois d’armes de la Turquie vers l’ÉI.
La Turquie a également joué un rôle clé en rendant possible un élément vital pour l’expansion de l’ÉI : la vente de pétrole sur le marché noir. Des hommes politiques de haut rang et des sources des renseignements en Turquie et en Irak confirment que les autorités turques ont largement facilité les ventes de pétrole de l’ÉI à travers le pays.
L’été dernier, un homme politique de l’opposition a estimé le montant des ventes de pétrole de l’ÉI en Turquie à près de 800 millions de dollars. C’était il y a plus d’un an.
Cela signifie que la Turquie a facilité à ce jour la vente au marché noir de pétrole par l’ÉI pour une valeur supérieure à un milliard de dollars.
Selon Martin Chulov, du Guardian, il n’existe aucune “économie autosuffisante” pour l’ÉI contrairement aux affirmations fantaisistes du Washington Post et du Financial Times dans leurs dernières pseudo-enquêtes :
” … les camions-citernes transportant le pétrole brut issu des raffineries de fortune arrivent toujours à la frontière turco-syrienne. Un membre de l’ÉI estime que l’organisation est encore loin d’avoir établi une économie autosuffisante dans la région de la Syrie et de l’Irak qu’elle contrôle. “Ils ont besoin des Turcs. Je suis au courant de beaucoup de collaborations, et ça m’effraie,” dit-il. “Je ne vois pas comment la Turquie peut attaquer l’organisation sérieusement. Ils partagent les mêmes intérêts.” »
Des hauts dirigeants de l’AKP ont reconnu l’ampleur du soutien du gouvernement à l’ÉI.
Le quotidien libéral turc Taraf a cité un fondateur de l’AKP, Denigr Mir Mehmed Firat, qui a admis : “Dans le but d’affaiblir les développements à Rojava (province kurde en Syrie), le gouvernement a fait des concessions à des groupes extrémistes religieux et les a armés… Le gouvernement soignait les blessés. Le ministre de la santé aurait dit : “c’est une obligation humaine de soigner les blessés de l’ÉI.”
L’article rapporte aussi que les militants de l’ÉI reçoivent habituellement des soins médicaux dans les hôpitaux du sud-est turc – y compris le bras droit d’al-Baghdadi.
Dans le Hurriyet Daily News, le journaliste Ahu Ozyurt a décrit le choc qu’il a reçu en apprenant les “sentiments pro-ÉI des poids lourds de l’AKP” à Ankara et au-delà, y compris “l’admiration pour l’ÉI de quelques hauts fonctionnaires civils, même à Şanliurfa. Ils sont comme nous, combattant contre sept grandes puissances dans la Guerre d’Indépendance,” dit l’un. Plutôt que le PKK en face, je préférerait avoir l’ÉI comme voisin, ” dit un autre.”
Pendant ce temps, les dirigeants de l’OTAN feignent l’indignation et les savants pontes libéraux continuent de se gratter la tête, perplexes devant l’extraordinaire résistance et l’inexorable expansion de l’ÉI.
Sans surprise, les bombardements turcs anti-ÉI ont largement été des gestes symboliques. Sous couvert de combattre l’ÉI, la Turquie en a largement profité pour bombarder les forces kurdes du Parti de l’Union Démocratique (YPG) en Syrie et le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) en Turquie et en Irak. Pourtant, ces forces sont largement reconnues comme les plus efficaces dans le combat sur le terrain de l’ÉI.
En attendant, la Turquie a bien du mal à contrecarrer quasiment chaque effort américain pour s’opposer à l’ÉI. Cet été, lorsque le Front al-Nosra – branche d’al-Qaïda en Syrie – a pu kidnapper 54 combattants à peine sortis du programme à 500 millions de dollars d’entraînement et d’équipement des rebelles syriens “modérés” mis en place par le Pentagone, ce fut à cause d’un ‘tuyau’ des services de renseignement turcs.
Le double jeu de la Turquie a été confirmé à Mac Clatchy par de nombreuses sources rebelles, mais nié par un porte-parole du Pentagone, qui déclara, en se voulant rassurant :
“La Turquie est un pays allié de l’OTAN, un ami proche des États-Unis et un membre important de la coalition internationale.”
Et tant pis si la Turquie a facilité la vente de près d’un milliard de dollars de pétrole de l’ÉI.
Selon un officier de la division 30 entraînée par les États-Unis qui a eu accès à des informations sur l’incident, la Turquie tentait “d’amplifier l’incident pour exagérer le rôle des islamistes de Nosra et Ahrar dans le nord” et ainsi convaincre les États-Unis “d’accélérer l’entraînement des rebelles.”
Comme l’a souligné le professeur de la London School of Economics David Graeber :
“Si la Turquie avait placé le même genre de blocus absolu sur les territoires contrôlés par l’ÉI que celui qu’elle avait imposé sur les zones kurdes de Syrie… ce “califat” taché de sang se serait effondré depuis longtemps – et on peut penser que les attaques de Paris ne se seraient jamais produites. Et si la Turquie le faisait aujourd’hui, l’ÉI s’effondrerait probablement en quelques mois. Pourtant, y a-t-il eu un seul dirigeant occidental pour demander à Erdoğan de le faire ?”
Ce paradoxe a bien été mis en avant par certains responsables, mais en vain. L’année dernière, la vice-présidente de l’assemblée parlementaire allemande, Claudia Roth, s’est montrée scandalisée que l’OTAN autorise la Turquie à héberger un campement de l’ÉI à Istanbul, qu’elle facilite l’acheminement d’armes aux militants islamistes à travers ses frontières et qu’elle soutienne tacitement les ventes de pétrole par l’ÉI.
Il ne s’est rien passé.
Au lieu de cela, la Turquie a été grandement récompensée pour son alliance avec le même état terroriste qui commit le massacre de Paris le 13 novembre 2015. Tout juste un mois plus tôt, la chancelière allemande Angela Merkel proposait d’accélérer le processus d’entrée de la Turquie dans l’UE, ce qui permettrait aux Turcs de voyager en Europe sans passeport.
Ce serait sans aucun doute une bonne nouvelle pour la sécurité des frontières de l’Europe.
Parrainage d’État
Il ne s’agit pas seulement de la Turquie. Des sources provenant de dirigeants politiques et du renseignement du Gouvernement Régional Kurde (KRG) ont confirmé la complicité de fonctionnaires de haut niveau du KRG en tant que facilitateurs concernant les ventes de pétrole de l’ÉI, pour en tirer un bénéfice personnel ainsi que pour faire face à la baisse des revenus du gouvernement.
Malgré une enquête parlementaire officielle qui corrobore ces accusations, il n’y a eu aucune arrestation, aucune inculpation et aucune poursuite.
Les intermédiaires du KRG et les autres fonctionnaires du gouvernement qui facilitent ces ventes continuent leurs activités sans entrave.
Lors de son témoignage devant la commission des forces armées du sénat en septembre 2014, le général Martin Dempsey, alors chef d’état-major général des armées des États-Unis, a été interrogé par le sénateur Lindsay Graham quant à sa connaissance d’un “quelconque allié arabe important qui soit favorable à l’ÉI” ?
Le général Dempsey a répondu :
“Je connais des alliés arabes importants qui les financent.”
En d’autres termes, le plus haut responsable militaire américain du moment a confirmé que l’ÉI était financé par ces mêmes “alliés arabes importants” qui venaient de se joindre à la coalition anti-ÉI menée par les États-Unis d’Amérique.
Ces alliés incluent l’Arabie saoudite, le Qatar, les Émirats Arabes Unis et le Koweït en particulier – qui, ces quatre dernières années au moins, ont fait circuler des milliards de dollars largement à destination des extrémistes rebelles en Syrie. Il n’y a donc rien d’étonnant que leurs frappes aériennes anti-ÉI, déjà minuscules, se soient maintenant réduites presque à néant, se concentrant plutôt sur le bombardement des chiites houtis au Yémen, ce qui, incidemment, ouvre la voie à la montée de l’ÉI là-bas.
Des liens poreux entre les rebelles de l’Armée Syrienne Libre (FSA) et des groupements militants islamistes comme al-Nosra, al-Cham et l’ÉI ont permis de prolifiques transferts d’armes des rebelles “modérés” aux militants islamistes.
Les transferts constants des fournitures d’armes de la CIA, des pays du Golfe et de la Turquie vers l’ÉI ont été établis par l’analyse des numéros de série des armes par le Conflict Armament Research (CAR) (Étude de l’Armement des Conflits), organisme basé au Royaume-Uni dont la base de données concernant les ventes d’armes illicites est financée par l’UE et le Département Fédéral des Affaires Étrangères suisse.
“Les forces de l’État Islamique se sont emparées d’importantes quantités d’armes légères produites aux États-Unis et les ont employées sur le champ de bataille,” a conclu un rapport du CAR en septembre 2014. “Des missiles antichars M79 90mm saisis par les forces de l’ÉI en Syrie sont identiques aux M79 transférés par l’Arabie saoudite aux forces opérant sous l’égide de “l’Armée Syrienne Libre” en 2013.”
Le journaliste allemand Jurgen Todenhofer, qui a passé 10 jours dans l’État Islamique, a rapporté l’année dernière que l’ÉI était “indirectement” armé par l’Occident :
“Ils achètent les armes que nous donnons à l’Armée Syrienne Libre, ainsi ils obtiennent des armes occidentales – des armes françaises… j’ai vu des armes allemandes, des armes américaines.”
L’ÉI, en d’autres termes, est parrainé par des États. Il est effectivement parrainé par des régimes prétendument pro-occidentaux dans le monde musulman, qui font partie intégrante de la coalition contre l’ÉI.
Ce qui amène à se demander pourquoi Hollande et d’autres dirigeants occidentaux qui expriment leur détermination à “détruire” l’ÉI par tous les moyens nécessaires, préféreraient éviter le facteur le plus significatif d’entre tous : l’infrastructure matérielle permettant l’avènement de l’ÉI sur fond de soutien permanent du Golfe et de la Turquie aux militants islamistes de la région.
Il y a de nombreuses explications, mais peut-être que l’une d’entre elles se démarque : l’abjecte dépendance occidentale aux régimes musulmans terroristes, principalement en vue de maintenir leur accès aux ressources de pétrole et de gaz du Moyen-Orient, de la Méditerranée et de l’Asie Centrale.
Gazoducs
Une grande partie de la stratégie qui a cours actuellement a été décrite sans équivoque dans un rapport RAND financé par l’armée américaine en 2008, Exposition de l’Avenir de la Longue Guerre (pdf). Le rapport note que “les économies des pays industrialisés continueront à dépendre fortement du pétrole, ce qui en fait une ressource d’importance stratégique.” Comme la plus grande part du pétrole sera produite au Moyen-Orient, les États-Unis ont un “motif pour maintenir la stabilité et les bonnes relations avec les états du Moyen-Orient” Il se trouve que ces états soutiennent le terrorisme islamiste :
“La zone géographique de réserves prouvées de pétrole coïncide avec la base du pouvoir d’une grande partie du réseau salafiste djihadiste. Cela crée un lien entre l’approvisionnement en pétrole et la longue guerre qu’on ne peut pas rompre facilement ni décrire en termes simplistes … Dans un avenir prévisible, la croissance de la production mondiale de pétrole et la production totale seront dominées par les ressources du Golfe Persique … La région restera donc une priorité stratégique, et cette priorité va interagir fortement avec celle de poursuivre la longue guerre.”
Des documents gouvernementaux déclassifiés précisent, sans l’ombre d’un doute, que la motivation principale de la guerre en Irak en 2003, dont la préparation avait commencé juste après le 11 septembre, a été l’installation d’une présence militaire américaine permanente dans le Golfe Persique pour garantir l’accès au pétrole et au gaz de la région.
L’obsession de l’or noir n’a pas pris fin avec l’Irak, cependant – et celle-ci n’est pas une exclusivité de l’Occident.
« La plupart des belligérants étrangers dans la guerre en Syrie sont des pays exportateurs de gaz ayant des intérêts dans l’un des deux projets de gazoducs concurrents qui cherchent à traverser le territoire syrien pour délivrer soit le gaz qatari soit le gaz iranien en Europe, » a écrit le professeur Mitchell Orenstein du Centre Davis des études sur la Russie et l’Eurasie de l’Université de Harvard, dans Foreign Affairs, la revue du Conseil de Washington DC sur les affaires étrangères (Council on Foreign Relations).
En 2009, le Qatar avait proposé de construire un gazoduc pour acheminer son gaz au nord-ouest, via l’Arabie saoudite, la Jordanie et la Syrie jusqu’à la Turquie. Mais Assad “a refusé de signer,” rapporte Orenstein. “La Russie, qui ne veut pas voir ses positions sur le marché européen du gaz sapées, l’a soumis à une intense pression pour qu’il refuse.”
Le russe Gazprom vend 80% de son gaz à l’Europe. Donc, en 2010, la Russie a mis tout son poids derrière “un pipeline concurrent Iran-Irak-Syrie qui pomperait du gaz iranien provenant du même champ via des ports syriens tels que Lattaquié puis sous la Méditerranée.” Le projet permettrait à Moscou “de contrôler les importations de gaz d’Europe depuis l’Iran, la région de la mer Caspienne, et l’Asie centrale.”
Alors, en juillet 2011, un accord pour le gazoduc Iran-Irak-Syrie d’une valeur de 10 milliards de dollars était annoncé, ainsi qu’un accord préliminaire dûment signé par Assad.
Plus tard dans l’année, les États-Unis, l’Angleterre, la France et Israël intensifiaient leur aide secrète aux factions rebelles en Syrie pour obtenir “l’effondrement” du régime d’Assad “de l’intérieur”.
“Les États-Unis… soutiennent le gazoduc qatari comme moyen de contrebalancer l’Iran et de diversifier l’approvisionnement en gaz de l’Europe loin de la Russie,” explique Orenstein dans Foreign Affairs.
Un article du Journal des Forces Armées publié l’année dernière par le commandant Rob Taylor, instructeur à l’US Army Command and General Staff College de Fort Leavenworth, offrait une critique acerbe des comptes rendus des médias conventionnels ne prenant pas en compte la question du gazoduc.
“Toute analyse du conflit actuel en Syrie qui négligerait l’économie géopolitique de la région est incomplète… D’un point de vue géopolitique et économique, le conflit en Syrie n’est pas une guerre civile, mais le résultat d’un placement sur l’échiquier géopolitique de plusieurs acteurs internationaux en prévision de l’ouverture du gazoduc… La décision d’Assad à propos du gazoduc, qui pourrait sceller l’avantage des trois états chiites sur le gaz naturel, démontre également les liens de la Russie avec le pétrole syrien et avec la région par l’intermédiaire d’Assad. L’Arabie saoudite et le Qatar, tout comme al-Qaïda et d’autres groupes, manœuvrent pour renverser Assad et capitaliser sur l’espérée conquête sunnite de Damas. En agissant ainsi, ils espèrent obtenir une part de contrôle sur le “nouveau” gouvernement syrien, et une part des richesses apportées par le gazoduc.”
Les gazoducs n’accéderaient pas seulement au gisement de gaz irano-qatari, mais aussi à de nouvelles ressources de gaz côtières potentielles dans l’est de la Méditerranée – englobant les territoires côtiers d’Israël, de Palestine, de Chypre, de Turquie, d’Égypte, de Syrie et du Liban. On estime que la zone renferme 1,7 milliards de barils de pétrole et jusqu’à 3400 milliards de mètres cube de gaz naturel, ce qui pourrait ne représenter que le tiers des quantités totales d’énergies fossiles non-découvertes au Proche-Orient selon les géologues.
Un rapport de l’US Army War College’s Strategic Studies Institute datant de décembre 2014, rédigé par un ancien directeur du ministère de la défense anglaise, remarque que la Syrie détient un potentiel significatif de pétrole et de gaz côtier :
“Une fois le conflit syrien résolu, les perspectives de production côtière – à condition que les ressources commerciales soient trouvées – seront importantes.”
La brutalité et l’illégitimité d’Assad est indiscutable - mais jusqu’à ce qu’il ait démontré qu’il n’était pas disposé à rompre avec la Russie et l’Iran, en particulier pour ce qui est du projet proposé de gazoduc, la politique américaine envers Assad a été ambivalente.
Les câbles du département d’état obtenus par Wikileaks révèlent que la politique américaine a oscillé entre financer les groupes d’opposition syriens pour faciliter le “changement de régime,” et utiliser la menace du changement de régime pour inciter un “changement du comportement.”
La préférence du président Obama pour la deuxième solution eut pour résultat des représentants américains, John Kerry inclus, courtisant sans honte Assad dans l’espoir de l’éloigner de l’Iran, d’ouvrir l’économie syrienne aux investisseurs américains et d’aligner le régime sur la vision israélo-américaine de la région.
Ainsi, lors des manifestations du printemps arabe de 2011 qui ont donné lieu à des brutalités de la part des forces de sécurité d’Assad envers des manifestants civils pacifiques, à la fois Kerry puis la secrétaire d’état américaine Hillary Clinton ont insisté sur le fait qu’il était un « réformateur » – ce qu’il a donc interprété comme un feu vert pour répondre par de nouveaux massacres au cours des manifestations suivantes.
La décision d’Assad de se ranger du côté de la Russie et de l’Iran, ainsi que son approbation à leur projet de gazoduc favori, a été l’un des facteurs clés dans la décision des États-Unis à agir contre lui.
Quand l’Europe danse avec le diable
La Turquie, en tant que plaque tournante gazière permettant d’exporter sur les marchés européens tout en évitant la Russie et l’Iran, joue un rôle clé dans le projet soutenu par les États-Unis, le Qatar et l’Arabie saoudite.
Il ne s’agit que d’un des nombreux pipelines qui pourraient passer par la Turquie.
Le directeur de l’initiative sur l’avenir des énergies eurasiatiques auprès du Conseil Atlantique, David Koranyi, qui fut également conseiller en sécurité intérieure auprès du premier ministre hongrois, a averti : “La Turquie est déterminante pour la diversification de l’approvisionnement en gaz de l’intégralité de l’Union Européenne. Ce serait une erreur catastrophique que de poursuivre l’enrayement de notre coopération énergétique.”
Koranyi a indiqué que la récente “découverte de vastes quantités de gaz dans l’est de la Méditerranée,” ainsi que de “réserves de gaz dans le nord de l’Irak” pourraient être utilisées pour alimenter le marché turc et être acheminées au-delà vers l’Europe.
Étant donné la dépendance de l’Europe envers la Russie pour environ un quart de son approvisionnement en gaz, la priorité stratégique urgente est de minimiser cette dépendance et de réduire la vulnérabilité de l’UE face au risque de réduction de cet approvisionnement. Cette priorité se calque parfaitement avec les efforts entrepris de longue date par les États-Unis pour arracher l’Europe Centrale et l’Europe de l’Est de la zone d’influence de la puissance russe.
La Turquie occupe la position de pivot sur la nouvelle carte de l’énergie envisagée par les États-Unis et l’UE.
“L’Union Européenne y gagnerait une source d’approvisionnement fiable pour diversifier un peu plus ses importations en provenance de Russie. La Turquie, en tant que plaque tournante, en bénéficierait au travers de taxes de transit et d’autres recettes liées à l’énergie. Si l’on considère que dans l’ensemble de la région, des ressources en gaz supplémentaires pourront être rendues disponibles à l’export dans les cinq à dix prochaines années, il est clair que la Turquie représente la route naturelle par laquelle celles-ci pourraient être acheminées vers l’Europe.”
L’an dernier, un rapport du Global Sustainability Institute (GSI) de l’université Anglia Ruskin a déjà averti que l’Europe faisait face à une crise énergétique imminente au cause d’”une pénurie critique des ressources naturelles,” tout particulièrement au Royaume-Uni, en France et en Italie.
“Les ressources en charbon, pétrole et gaz en Europe s’épuisent et nous avons besoin d’alternatives,” dit Victoria Andersen, professeur du GSI.
Elle a également recommandé une réorientation rapide vers les énergies renouvelables, mais la plupart des dirigeants européens ont apparemment d’autres idées en tête - à savoir, s’appuyer sur un réseau de pipelines qui puisse transporter pétrole et gaz depuis le Moyen-Orient, la Méditerranée occidentale et l’Asie centrale vers l’Europe : par l’intermédiaire de notre très chère amie, la Turquie d’Erdogan.
Qu’importe que, sous Erdogan, la Turquie soit le principal soutien du barbare “État islamique”.
Nous ne devons surtout pas poser de questions antipatriotiques à propos de la politique étrangère occidentale, ou sur l’OTAN à ce sujet.
Nous ne devons pas nous étonner du spectacle inutile des attaques aériennes et des pouvoirs policiers dignes de la Stasi, ni de notre honteuse liaison avec le régime de terreur d’Erdogan qui finance et arme notre propre ennemi.
Nous ne devons pas poser de question sur les motivations de nos dirigeants qui, bien qu’ils dissimulent cette information depuis des années, continuent, aujourd’hui, de nous mentir ouvertement, alors que le sang de 129 français n’a pas encore séché, prétendant vouloir “détruire” une bande d’ordures, d’assassins, de psychopathes, armés et financés par l’OTAN.
Non, non, et non. La vie continue. Le cours normal des affaires doit continuer. Les citoyens doivent maintenir leur confiance en la sagesse de la sécurité de l’état.
Les États-Unis doivent continuer d’appuyer les renseignements turcs qui contrôlent et entraînent les rebelles “modérés” en Syrie, et l’Union Européenne doit continuer d’étendre sa coopération avec le régime d’Erdogan tout en accélérant le processus d’accès à l’union du parrain de l’ÉI.
Mais n’ayez pas peur, Hollande a toujours l’intention de “détruire” l’État Islamique. Tout comme Obama et Cameron – et Erdogan.
Certaines lignes rouges ne peuvent simplement pas être franchies.
Source : Insurge Intelligence, le 19/11/2015
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.