Dans son article du 5 juin 1905 formulant la relativité restreinte, Henri Poincaré a également prédit l’existence des ondes gravitationnelles. Pourtant, cette prédiction antérieure de onze ans à celle d’Albert Einstein dans le cadre de la relativité générale est systématiquement ignorée sans raison valable. Des arguments erronés sont souvent avancés pour justifier ce refus de citation.
Le 9 février 2016, à propos de la possible mise en évidence d’ondes gravitationnelles par l’expérience LIGO basée aux Etats-Unis, le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) diffuse à son tour un communiqué de presse intitulé « Point sur les recherches d’ondes gravitationnelles par les collaborations VIRGO et LIGO », où on peut lire notamment : « 2016 marque le 100e anniversaire de la première publication, par Albert Einstein, de la théorie de la relativité générale prédisant l’existence d’ondes gravitationnelles. Pour marquer cet anniversaire, les chercheurs ont décidé de présenter un aperçu des efforts des collaborations VIRGO et LIGO pour observer les ondes gravitationnelles ». Comment un établissement de recherche français peut-il diffuser un texte pareil ? Nous avons déjà souligné dans nos articles « Henri Poincaré : centenaire de sa mort » (I), (II), (III), (IV) et (V), que c’est au physicien et mathématicien français Henri Poincaré, approfondissant les implications d’un travail du physicien néerlandais Hendrik Antoon Lorentz, que revient la paternité de la prédiction des ondes gravitationnelles. Aucune ambiguïté n’est possible à ce sujet, à la lecture de l’article de Poincaré « Sur la dynamique de l’électron » (Comptes rendus de l’Académie des Sciences, séance du 5 juin 1905). Dans son ouvrage L’Enigme Bogdanov (Editions Télémaque), notre collègue Luis Gonzalez-Mestres écrit à propos de cet article que Poincaré anticipait ainsi non seulement les ondes gravitationnelles mais aussi les propagateurs de la théorie des champs. Le principe avancé par Lorentz et Poincaré étant que toutes les interactions devaient être traitées de la même façon du point de vue de la géométrie de l’espace-temps. Sur cette base, Henri Poincaré souligne dès juin 1905, une décennie avant la relativité générale, que l’interaction gravitationnelle doit être portée par des ondes se déplaçant à la vitesse de la lumière de la même façon que les ondes électromagnétiques sur lesquelles il avait longtemps travaillé. Une réalité historique qu’ignore également le communiqué de l’expérience LIGO « Thursday: Scientists to provide update on the search for gravitational waves », qui commence par l’affirmation infondée « 100 years after Einstein predicted the existence of gravitational waves…. ». Le 8 février, dans une intervention précédant la mise en scène de la pièce Big Bang d’Igor et Grichka Bogdanov, Luis Gonzalez-Mestres s’est explicitement opposé à ce type de propagande et a rappelé devant le pubiic le rôle historique d’Henri Poincaré en tant qu’auteur de l’idée originale des ondes gravitationnelles.
Cet article a sousicté un certain nombre de réactions, souvent dépourvues d’arguments réels. Mais parfois, prétextant sans raison valable que le caractère quadrupolaire des ondes gravitationnelles recherchées par LIGO et VIRGO n’avait pas été prévu par Poincaré, et que seul Einstein en 1916 a formule cette prédiction dans le cadre de la relativité générale. Un argument erroné, mais que l’article de LIGO et VIRGO du 11 février dans Physical Review Letters « Observation of Gravitational Waves from a Binary Black Hole Merger », PRL 116, 061102, https://journals.aps.org/prl/pdf/10.1103/PhysRevLett.116.061102, reprend tacitement.
Afin notamment de répondre à ce dernier argument, nous avons abordé à nouveau la même thématique dans notre article du 18 février « Ondes gravitationnelles, Poincaré, LIGO, CNRS… (II) », qui commence ainsi http://science21.blogs.courrierinternational.com/archive/2016/02/18/ondes-gravitationnelles-poincare-ligo-cnrs-ii-51433.html :
L’information scientifique du public concernant les ondes gravitationnelles, après la diffusion il y a une semaine par Physical Review Letters de l’article des collaborations LIGO et VIRGO, reste à ce jour entachée d’une erreur préoccupante. Comment comprendre l’attribution systématique à Albert Einstein de la prédiction de l’existence des ondes gravitationnelles, au détriment du mathématicien et physicien français Henri Poincaré qui fut le véritable auteur de cette prédiction onze ans avant Einstein ? En réalité, cette référence erronée à Einstein, reprise systématiquement par les médias dans le monde entier, figure explicitement dans l’article même de LIGO et VIRGO paru le 11 février où on peut lire : « In 1916, the year after the final formulation of the field equations of general relativity, Albert Einstein predicted the existence of gravitational waves ». Comment autant de chercheurs et de journalistes ont-ils pu ignorer le contenu de la note académique d’Henri Poincaré publiée le 5 juin 1905 par les Comptes Rendus de l’Académie des Sciences ? Pour justifier cette référence à Einstein face à des rappels de l’article de Poincaré, une deuxième information contraire à la réalité est avancée : Henri Poincaré n’aurait pas prédit le type d’ondes gravitationnelles (quadrupolaires) recherchées par LIGO et VIRGO et que « seule la relativité générale pouvait prédire ». Or un simple examen de cette question permet de mettre en évidence la différence essentielle en la matière entre la gravitation et l’électromagnétisme, différence clairement antérieure à la relativité générale et déjà évidente avec la gravitation de Newton lorsque Poincaré a prédit l’existence des ondes gravitationnelles. Notre collègue Luis Gonzalez-Mestres, qui dans son ouvrage L’Enigme Bogdanov (Editions Télémaque) avait déjà souligné la prédiction des ondes gravitationnelles par Poincaré dans son article de juin 1905, vient de consacrer à ce sujet un article intitulé « Henri Poincaré Predicted The Existence Of Gravitational Waves As Early As June 5, 1905 », suivi d’un intéressant débat qui en particulier nous éclaire sur la question des quadrupoles. Au constat de la simplicité de la problématique réelle, on reste perplexes devant l’obstination pour attribuer une telle prédiction à Albert Einstein de la part de certains chercheurs et de la plupart des médias, y compris en France. Certes, la relativité générale a rendu possible une description plus précise de l’ensemble des phénomènes liés à la gravitation et son utilité en vue des expériences de détection d’ondes gravitationnelles ne fait aucun doute. Mais la prédiction originale de ces ondes, y compris quadrupolaires, appartient clairement à Henri Poincaré qui la formula onze ans avant Einstein comme déjà souligné dans notre article « Ondes gravitationnelles, Poincaré, LIGO, CNRS… (I) ». Peut-on raisonnablement ignorer cette réalité ?
En réalité, Poincaré ne pouvait pas ignorer le caractère quadrupolaire prévisible des ondes gravitationnelles pour une simple raison : la relativité générale n’était point nécessaire pour aboutir à cette prédiction qui découlait d’une analyse fort élémentaire déjà au niveau de la loi de la gravitation de Newton. Ce que met en évidence, entre autres, le débat très détaillé qui a fait suite à l’article de Luis Gonzalez-Mestres « Henri Poincaré Predicted The Existence Of Gravitational Waves As Early As June 5, 1905 », http://www.science20.com/relativity_and_beyond_it/henri_poincare_predicted_the_existence_of_gravitational_waves_as_early_as_june_5_1905-165539
Alors que les dipôles éléctrique et magnétique ne sont liés à aucune loi de conservation et peuvent de ce fait émettre du rayonnement dipolaire; la situation change radicalement lorsque dans lesdits dipôles les charges électriques, qui peuvent être positives ou négatives, sont remplacées par des masses forcément positives. On a alors affaire à des quantités conservées telles que la masse totale du système ou son moment angulaire, ce qui empêche l’émission d’ondes dipolaires. Ayant travaillé pendant des années sur l’électromagnétisme à un niveau beaucoup plus sophistiqué, Poincaré connaissait certainement cette situation.
Dans son article de juin 1905, Henri Poincaré à formulé une prédiction à caractère général : l’existence des ondes gravitationnelles en tant que conséquence de la nouvelle géométrie de l’espace-temps qu’il venait de formuler. Mais il n’a à aucun moment exclu les ondes gravitationnelles quadrupolaires ni prédit l’émission d’ondes gravitationnelles dipolaires.
source : https://blogs.mediapart.fr/scientia/blog/180216/henri-poincare-et-la-prediction-des-ondes-gravitationnelles
La théorie de la relativité générale prédit l’existence de déformations du tissu de l’espace-temps qui se propagent dans l’Univers : des ondes gravitationnelles que les scientifiques espèrent bientôt pouvoir observer.
« La chasse aux ondes gravitationnelles est ouverte », lance Catherine Nary Man, de l’Observatoire de la Côte d’Azur. En septembre dernier, le projet Advanced Ligo, implanté aux États-Unis, a effectué ses premières mesures. Son homologue européen, Advanced Virgo, le rejoindra dans cette tâche au printemps prochain. Objectif : effectuer la première détection directe d’ondes gravitationnelles, des déformations de la structure de l’espace-temps dues à des corps massifs et qui se propagent dans l’Univers à la manière des ondes à la surface d’un étang.
Des ondes prédites par Einstein
Ce phénomène a été prédit par Albert Einstein peu après qu’il a formulé la théorie de la relativité générale. Celle-ci stipule que les objets courbent l’espace-temps selon leur masse. Un corps massif en rotation entraîne une propagation de cette courbure tout comme le jet d’un caillou dans un étang provoque la formation d’une onde qui s’étend peu à peu. « Dans un étang, l’amplitude et la fréquence de l’onde créée dépend de la taille du caillou, explique Pierre Binétruy, du laboratoire Astroparticule et cosmologie1, à Paris. De même, les caractéristiques des ondes gravitationnelles dépendent en partie de la masse des objets qui les provoquent. » Théoriquement, nous-même, lorsque nous nous mettons en mouvement, devrions générer des ondes gravitationnelles, mais d’une amplitude si ridicule qu’il est illusoire de la mesurer.Pratiquement inobservables, ces phénomènes sont longtemps restés spéculatifs et ont fait l’objet de controverses. En fait, seuls les processus les plus violents de l’Univers sont susceptibles de générer des ondes gravitationnelles observables : des explosions de supernovæ, des systèmes binaires où deux astres compacts et massifs – étoiles à neutrons, trous noirs, etc. – tournent très rapidement l’un autour de l’autre, l’un finissant par s’effondrer sur son compagnon. Enfin, on pense que des ondes gravitationnelles primordiales auraient été émises pendant la phase d’expansion rapide de l’Univers, l’inflation, qui se serait déroulée juste après le Big Bang.
Une détection indirecte dès 1970
« La détection des ondes gravitationnelles est un défi difficile pour les scientifiques », précise Benoît Mours, du Laboratoire d’Annecy-le-Vieux de physique des particules2. La fausse alerte de l’expérience BICEP 2 est là pour le rappeler. En 2014, les scientifiques de cette expérience basée au pôle Sud annoncent l’observation des ondes gravitationnelles primordiales. Cependant, ces mesures effectuées à partir du rayonnement fossile étaient en fait largement brouillées par le bruit causé par les poussières galactiques.
Néanmoins, les chercheurs restent quasi-certains de l’existence des ondes gravitationnelles. En effet, dans les années 1970, Russell Hulse et Joseph Taylor ont étudié un système binaire d’étoiles à neutrons dont l’une d’entre elle est un pulsar, c’est-à-dire qu’elle émet à intervalle régulier un faisceau d’ondes radio. Ils constatent que la fréquence de rotation de ce système double augmente, signe d’une perte d’énergie. « Leurs observations coïncident parfaitement avec les calculs théoriques réalisés à partir de l’hypothèse d’une perte d’énergie par rayonnement gravitationnel, commente Pierre Binétruy. Suffisamment pour que cela constitue une preuve. » Cette découverte a valu le prix Nobel de physique à Hulse et à Taylor en 1993.
Des instruments surpuissants
C’est à cette époque que la conception des détecteurs Virgo et Ligo a démarré pour observer plus directement les déformations de l’espace-temps causé par les ondes gravitationnelles. À l’échelle d’un mètre, cette déformation se traduit par une variation de distance d’un millième de milliardième de milliardième de mètre ! Virgo et Ligo sont de gigantesques interféromètres conçus pour mesurer ces écarts minuscules.
Le principe consiste à séparer un faisceau laser en deux parties dans deux directions perpendiculaires, les « bras » de l’interféromètre. Chaque moitié de faisceau parcourt un trajet de 3 kilomètres (ou 4 dans le cas de Ligo) avant d’être réfléchie par un miroir. Au retour, les faisceaux sont recombinés et forment une figure d’interférences dont le motif dépend de la longueur relative des bras. Ainsi, une onde gravitationnelle qui perturberait cette distance pourrait être détectée. « La difficulté est que le signal est tellement faible que tout peut le polluer », affirme Catherine Nary-Man. En particulier le bruit sismique, dû aux vibrations déclenchées par les tremblements de Terre mais aussi les phénomènes météo et les activités humaines.
est que le signal
est tellement
faible que tout
peut le polluer.
Après une première génération d’instruments, la sensibilité a été boostée dans les versions « advanced » de Virgo et Ligo. L’instrument européen, construit près de Pise en Italie, pourra ainsi « écouter » un volume d’Univers mille fois plus grand, ce qui augmentera le nombre d’ondes gravitationnelles observables. La coopération avec les deux instruments du projet américain permettra de localiser précisément une source dans l’espace.
Une fenêtre inédite sur l’Univers
Les deux motivations principales de cette traque aux ondes gravitationnelles résident d’abord dans la possibilité de tester la théorie de la relativité générale en « champ fort », c’est-à-dire avec des objets de masse extrême, ce qui est difficile à réaliser actuellement. Ensuite, il s’agit d’ouvrir une nouvelle fenêtre à l’observation du ciel, celle de l’astronomie gravitationnelle.
Cependant, toutes les ondes gravitationnelles, par exemple celles en provenance des systèmes de trous noirs supermassifs, ne seront pas observables par Virgo et Ligo. Leur signal, de fréquence inférieure au Hertz, sera noyé dans le bruit sismique. Pour pallier cet obstacle, un projet spatial est étudié : eLISA. Trois satellites formeront un interféromètre, identique sur le principe aux instruments terrestres, mais les « bras » pourront alors atteindre des millions de kilomètres afin d’améliorer la sensibilité de la détection. « Le plus dur est de s’assurer que les variations de distance que l’on mesurera seront dues à la gravitation et à aucune autre force, électrostatique par exemple », détaille Pierre Binétruy.
La solution trouvée par les scientifiques sera testée dès novembre prochain avec le satellite Lisa Pathfinder. Si le succès est au rendez-vous, la voie sera ouverte pour eLISA, qui ne sera pas lancée avant 2030. En patientant, les chercheurs sont optimistes et pensent que Virgo et Ligo détecteront leurs premières ondes gravitationnelles dans les années qui viennent.
Lire aussi:
Les trous noirs tordent-ils le Temps ?
À la poursuite des ondes gravitationnelles
Les trous noirs sortent de l’ombre
Merci I.C d’avoir relayé ce papier.
Notre pays est incapable de mettre ses grands chercheurs en avant, comme tout reste le d’ailleurs…