LE MONDE 28.04.09
STOCKHOLM CORRESPONDANCE
Les mesures d’austérité envisagées en Lettonie sont d’une telle ampleur qu’on peut se demander si elles sont seulement réalistes. Mais elles illustrent bien la gravité de la crise. Les analystes prévoient maintenant une récession de 12 % à 15 %.
Tous les ministères sont entrés dans une phase d’ascèse massive avec des coupes qui vont aller de 20 % à 40 %. Et, selon les dernières discussions, qui semblent toujours plus sombres, 40 % seront plutôt la norme. Le nombre de fonctionnaires, qui représentent aujourd’hui 14 % de la population active, sera ramené à 8 à 10 %.
Selon le ministère des finances, qui veut éviter une évaluation du lats, les plus grosses coupes seront effectuées dans le système de sécurité sociale, notamment les allocations chômage ou les congés parentaux. Les retraites devraient autant que possible être épargnées.
CONTENIR LE DÉFICIT
Mais même avec ces réductions dramatiques, l’objectif de 3 % de déficit budgétaire à l’horizon 2011 ne sera pas atteint, estime-t-on à Riga. Le gouvernement exige donc des efforts supplémentaires dans des secteurs qui devaient jusque-là être plutôt épargnés. Les salaires du service public, déjà rognés depuis le début de l’année, le seront encore plus.
Malgré la manifestation – importante à l’échelle de ce pays de 2,3 millions d’habitants – de 10 000 enseignants le 2 avril, ces derniers vont subir une baisse de 20 % de leur salaire.
L’arithmétique lettone prend des allures de cauchemar. Einars Repse, le ministre des finances, a expliqué que si les salaires et le budget étaient réduits de 20 %, le déficit budgétaire atteindrait 8,5 % du produit intérieur brut (PIB) cette année. Selon ses calculs, à 40 % de réduction, le déficit serait encore de 7,7 %. Or l’objectif des Lettons est d’arriver à un déficit de 7 %, ce qui signifie que les dépenses devront encore être réduites de 81,5 millions de lats supplémentaires.
Mais, même là, on est encore loin de la limite de 5 % fixée par le Fonds monétaire international (FMI) et la Commission européenne lors qu’ils ont accordé en décembre 2008 un plan d’aide sur trois ans de 7,5 milliards d’euros. Le plan, négocié en décembre, tablait alors sur une récession de 5 % cette année. Elle a entre-temps été revue à la baisse à au moins 12 %.
Au mois de mars, le pays n’a pas reçu une enveloppe de 200 millions d’euros car il n’avait pas réussi à mettre en oeuvre les réductions budgétaires nécessaires.
Vendredi 24 avril, M. Repse était à Washington pour tenter de convaincre les bailleurs de fonds internationaux. Le taux de chômage atteint 10,7 %, le niveau le plus haut en onze ans, alors qu’il n’était que de 4,8 % en avril 2008. Dans certaines régions, le chômage dépasse 15 %, allant jusqu’à plus de 23 % dans la région de Rezekne.
Dans les autres pays baltes, la situation est aussi sérieuse, mais mieux contrôlée pour l’instant. La Lituanie, qui devrait faire face à une récession de 10 %, adopte des mesures d’austérité sans avoir fait appel à l’aide internationale. Quant à l’Estonie, qui avait – contrairement à la Lettonie – engrangé de l’argent durant les fortes années, elle mène aussi une politique de rigueur budgétaire mais n’a pas de déficit. L’inquiétude est aussi grande en Suède, où
plusieurs banques, partiellement responsables de la crise balte, affichent des pertes plus importantes que prévu.
Olivier Truc……….