Peu soucieux des valeurs de la Résistance et de ses combats – ce qui est bien paradoxal pour un organisme de mémoire dont l’objet est de les diffuser – le musée de la résistance de Grenoble cède à la mode du tout anglais, de l’effacement de la langue française au profit du Wall Street English, de la langue unique de la pensée unique. Léon Landini, résistant FTP MOI, a fait parvenir cette lettre ouverte au directeur de cette institution. Donnant l’exemple de la résistance à mener pour ne pas se laisser couper la langue, pour la diversité linguistique. Personne ne doit se taire et les langues doivent se délier au risque de voir marginaliser puis disparaître ce premier service public des travailleurs de notre pays, leur langue.
Monsieur le Directeur,
Je viens de recevoir un petit fascicule émanent de vos services, qui a pour titre Grenoble Street Art Fest.
Ancien officier FTP-MOI en région Rhône-Alpes, mes camarades et moi même, avons combattu et souffert pour une France, Libre, Forte, indépendante, Démocratique et SOUVERAINE et voici que nous découvrons avec stupeur et amertume que le Musée de la Résistance de Grenoble sensément représenter notre Résistance, se laissant prendre à “l’américanisation” de notre langue, utilise un langage qui n’a rien de français.
Bien que d’origine étrangère et fils d’antifasciste italien, je suis Président d’Honneur d’une association intitulée : CO.U.R.R.I.E.L. (Collectif Unitaire Républicain de Résistance, d’Initiative et d’Emancipation Linguistique).
Le 11 courant, notre association a organisé une conférence de presse, dans les salons de l’Assemblée Nationale. Parmi les défenseurs de la langue française se trouvaient plusieurs députés, ainsi que diverses personnalités, dont Monsieur Claude Hagège, linguistique, professeur au Collège de France. Cette conférence, présidée par le député du Nord Candelier (PCF), et soutenue par des députés PS et LR, a constaté avec colère que le “Globish” était de plus en plus utilisé, tout en cherchant à marginaliser la langue française.
Hagège a insisté en affirmant que tout était fait pour que l’anglais devienne la langue universelle, mais il a ajouté de ne pas oublier que langue unique, signifie, pensée unique et que défendre notre langue était un devoir auquel nous n’avions pas le droit de nous soustraire.
Je vous rappelle que nous ne nous sommes pas battus pour que notre langue, la langue de la République devienne un idiome, uniquement utilisé par de pauvres bougres ne comprenant soi-disant rien, et que par définition, des Résistants ne sauraient accompagner gentiment les angliciseurs de notre pays que le philosophe Michel Serres nomme les « collabos de la pub et du fric ». Le même philosophe – qui n’en enseigne pas moins en français à Harvard – ajoute d’ailleurs ceci : « il y a désormais plus d’anglais sur les murs de Paris qu’il n’y avait d’allemand sous l’Occupation ». Sans commentaire.
Accepter l’idée d’une « évolution inéluctable » vers la soumission, linguistique ou politique, c’est à peu près ce que nous disaient les collaborateurs, lorsque nous nous battions contre l’occupant et ses valets de Vichy.
Si vous souhaitez continuer à affirmer que vous êtes les porteurs de la mémoire de la Résistance de la région grenobloise, utilisez donc la langue pour laquelle beaucoup de mes camarades étrangers ont accompli tant d’efforts pour apprendre la langue du seul pays au monde où les bâtiments publics portent sur leur fronton ces trois mots LIBERTE – EGALITE – FRATERNITE.
Léon Landini – Président de l’Amicale des Anciens FTP-MOI des Bataillons Carmagnole-Liberté.
Président du Pôle de Renaissance Communiste en France. Décoré par L’Union Soviétique pour faits de Résistance.
Officier de la Légion d’Honneur – Médaille de la Résistance – Grand Mutilé de Guerre suite aux tortures endurées pendant mon arrestation.
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