Mélenchon à DPDA : une caricature d’émission démocratique. Retour sur le passage de Jean-Luc Mélenchon sur le plateau de l’émission politique de France 2.
La manière dont Jean-Luc Mélenchon a été « accueilli » par Pujadas et France II dans l’émission « des paroles et des actes » relève à la fois du traquenard, de l’agression fascisante et de la volonté sadique de provoquer et d’humilier. Jean-Luc Mélenchon s’en est sorti avec les honneurs, mais tous les démocrates doivent dénoncer ces méthodes de l’odieux Pujadas, ennemi juré du mouvement populaire et titulaire méritant de la Laisse d’or 2010 du journaliste le plus servile, qui sont un indice supplémentaire de la fascisation du pays.
Lire ci-après pour information la juste analyse d’Antoine Léaument.
Au titre du débat démocratique, on peut regretter que Jean-Luc Mélenchon ait unilatéralement présenté les « pays de l’Est » comme des pays totalitaires : mais, sans entrer dans un débat historique, le monde livré au néolibéralisme fascisant et l’Europe soumise aux diktats de Merkel sont-ils plus ou moins « totalitaires » qu’à l’époque où un camp socialiste permettait au camp du travail de faire contrepoids au monstrueux impérialisme ?
De même, pourquoi opposer la « révolution socialiste » (qui serait ancienne) à la « révolution citoyenne », style Bernie Sanders, pourquoi prétendre qu’il faudrait désormais toujours « choisir les urnes » plutôt que la violence armée (comme si les prolétaires avaient jamais choisi délibérément la violence, que la résistance armée des oppresseurs leur a la plupart du temps imposée : cf les luttes actuelles en France ?) et comme si, à l’issue de toute situation de double pouvoir, comme au Venezuela en ce moment, il ne fallait pas trancher entre révolution populaire et contre-révolution fasciste ? Est-il réaliste par ailleurs de « sortir des traités supranationaux » en « restant dans l’UE » alors que 1) celle-ci est définie par lesdits traités et que 2) un pouvoir populaire aurait besoin DES LE DEBUT de son exercice de toutes ses marges de manœuvres pour réussir le changement sans s’enliser dans des négociations pourries avec la dictature européenne (si l’on a compris que l’UE EST une dictature, qu’y a-t-il à négocier avec elle ?).
Mais tout cela regarde le débat démocratique entre forces républicaines, patriotiques et populaire. Rien à voir donc avec l’odieuse émission de l’hyper-réactionnaire Pujadas, de la glaciale Nathalie Saint-Criq et du patelin Lenglet.
Protestez auprès du CSA, des émissions de ce types salissent ce qui reste des libertés démocratiques en France même si Jean-Luc Mélenchon a bien fait d’y aller et de s’y battre avec les moyens du bord.
Manipulations médiatiques en série contre Mélenchon à «Des paroles et des actes»
Le jeudi 26 avril 2016, Jean-Luc Mélenchon était l’invité de « Des paroles et des actes » (DPDA) sur France 2. Une émission au cours de laquelle se sont multipliées les manipulations médiatiques destinées soit à déstabiliser l’invité principal, soit à inviter les téléspectateurs à avoir une certaine lecture de ce qui se passait sur le plateau. Jean-Luc Mélenchon l’expliquait le 25 mai dans un post Facebook :
« DPDA est conçue comme une corrida où l’invité fait office de taureau promis au sacrifice. (…) Le but de l’émission n’est pas de permettre un débat par un exposé des idées ensuite mises sur le grill (…). Il s’agit d’appliquer la méthode du grand oral de type ENA (…) avec cette particularité : on ne connaît ni les sujets de l’examen ni les personnes concernées. (…) Vivre cette sorte de préparation est une épreuve humiliante et pleine de stress délibérément provoqué. »
Des propos qui se sont avérés juste au regard de la soirée de « corrida » et de manipulations médiatiques qu’a proposé France 2 aux téléspectateurs…
Boulanger de l’Élysée et agricultrice de Bolloré : des « Français lambda » pas comme les autres.
Incroyable mais vrai. Pensant avoir affaire à un boulanger favorable à la loi El Khomri et à une exploitante agricole favorable à l’agriculture productiviste, Jean-Luc Mélenchon a eu en face de lui un boulanger qui fournissait en pain l’Élysée (comme tous les boulangers, c’est bien connu) et une agricultrice qui avait auparavant été… directrice financière de Bolloré au Chili (comme tous les agriculteurs, c’est bien connu).
Le boulanger de Sarkozy et Hollande
Parlons d’abord du boulanger, Djibril Bodian. Selon le magazine VSD, dans un article intitulé « DPDA : les Français choisis pour débattre avec Mélenchon posent problème », voici qui il est : « Djibril Bodian est le patron d’une entreprise d’une vingtaine de salariés. Lauréat de la meilleure baguette de la ville de Paris en 2010 et 2015, il fournit l’Élysée en pain tous les matins des années 2010 et 2015. Il a donc été le boulanger de Nicolas Sarkozy et de François Hollande ».
Difficile de le considérer comme le « profil type » d’un boulanger alors que la plupart d’entre eux gèrent des entreprises de très petite dimension : 77% des boulangeries comptent entre 1 et 5 salariés. À l’inverse, les entreprises de boulangerie de 20 salariés sont parmis les… 1% les plus grosses !
L’agricultrice de Bolloré et ses 210 terrains de football
Pas mieux pour l’agricultrice… qui est peut-être plus caricaturale encore que le boulanger de l’Élysée. En effet, selon un article de La Dépêche, Céline Imart a été : « deux ans directrice financière pour Bolloré au Chili, puis retour à Paris pour intégrer l’un des plus gros cabinets d’expertise de la capitale ». Pas franchement l’agricultrice lambda, n’est-ce pas ?
Ajoutons une chose. Céline Imart s’est défendu, au cours de l’émission, d’être membre de la FNSEA. Or son syndicat, les Jeunes Agriculteurs, présente des listes communes avec la FNSEA à chaque élection des chambres d’agriculture et est adhérent en tant que syndicat à la FNSEA. Difficile de faire plus lié !
Mais ce n’est pas tout, car l’article de La Dépêche précise également que Céline Imart gère une exploitation céréalière de 150 hectares soit l’équivalent de… 210 terrains de football ! Cela la place selon l’Insee dans les 10% d’exploitations les plus grosses. Sachez, au passage, que les 19% d’exploitations de plus de 100 hectares (les gros) détiennent à elles seules 58,3% de l’ensemble de la surface agricole, tandis que 61% des exploitations de moins de 50 ha (les petits) détiennent seulement 15,7% de la surface agricole. La lutte des classes traverse aussi le monde agricole. Autant dire qu’il est normal que Jean-Luc Mélenchon, qui défend une sortie du modèle productiviste et la valorisation d’une agriculture paysanne, ne soit pas du goût de Céline Imart…
Des photos de fond neutres et innocentes ?
Au cours de l’émission, des photographies étaient diffusées sur l’écran de fond. Un choix neutre et innocent qui semble pourtant bien orienté. D’autant plus que ces photos ont été le plus probablement sélectionnées avant l’émission pour constituer un stock à diffuser pendant. Je ne prendrai que deux exemples, à mon avis particulièrement illustratif de cette stratégie : d’abord les images diffusées pendant toute la première séquence de l’émission, ensuite une image utilisée pendant la séquence de François Lenglet.
Pour Pujadas, mouvement social = casseurs, feu et fumée
Le début de l’émission portait sur l’actualité. Comme l’a bien noté mon ami Alexis Corbière, David Pujadas questionnait Jean-Luc Mélenchon sur son approbation ou sa désapprobation des actions menées par les syndicalistes et en particulier : la grève (que monsieur Pujadas appelle « blocage ») dans les raffineries pétrolières. Or, pendant toute la durée de l’échange étaient diffusées des images inquiétantes, filmées sous des angles peu avantageux : pneus brûlés dégageant une fumée noire, voiture de police incendiée, casseurs affrontant des policiers (alors que Jean-Luc Mélenchon a toujours condamné les violences).
Ces photographies mettent une ambiance sur le plateau et sur l’écran de télévision. Elles associent l’action syndicale organisée à une action violente et destructrice. Elles constituent en soi une disqualification du mouvement contre la loi El Khomri. Pour rappel, et Jean-Luc Mélenchon l’a signalé sur le plateau, 70% des Français considèrent que le gouvernement est responsable des « blocages » dont monsieur Pujadas voulait tant parler.
Pour Lenglet, Mélenchon = Le Pen
Plus perfide encore pour l’invité était une autre photographie. Elle est amenée par la séquence de François Lenglet, qui déclare, concernant les propositions de Jean-Luc Mélenchon : « “Souverainté”, “frontières”, c’est quand même des mots qu’on entend plutôt dans l’extrême droite et qui jusqu’ici n’étaient pas du tout dans votre vocabulaire. On dirait du Le Pen dans le texte ». Voici l’image qui passe pendant cette séquence :
Le Pen et Mélenchon qui se serrent la main. Bien trouvé non ? Cette image date de 2012 alors que Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen allaient être face à face sur un plateau de télévision de France 3 dans le cadre d’un débat pour les élections législatives. On y voit Jean-Luc Mélenchon pris en contreplongée, la bouche ouverte, tenant un dossier : il a l’air ravi d’être là, n’est-ce pas ? Et bien voilà la photographie qu’avait l’invité de DPDA face à lui pendant que Lenglet lui posait sa question. Mélenchon = Le Pen, une manipulation classique du monde médiatique souvent relevé sur ce blog ou sur l’OPIAM.
Des tweets choisis innocemment ?
C’est l’une des dernières séquences de l’émission, celle de Karim Rissouli. Le chroniqueur sélectionne de manière supposément neutre et objective quelques tweets pour les passer à l’écran ou les citer. La séquence est censée s’organiser en trois temps : premièrement les tweets positifs, deuxièmement les tweets négatifs, troisièmement les « temps forts » de l’émission. Or, à bien y regarder, la séquence a quasi exclusivement été composée de tweets négatifs passés à l’écran.
Les tweets sélectionnés
Dans le détail, il n’y a eu qu’un tweet réellement positif sélectionné par Karim Rissouli… Et il n’a pas été passé à l’écran ! Le voici : « Quelle que soit l’opinion de chacun sur Mélenchon, il faut bien reconnaître que c’est l’orateur le plus doué aujourd’hui en France ». Dans la catégorie des tweets dits « positifs », le seul passé à l’écran est le suivant : « “Permettez, vous venez avec vos questions je viens avec mes réponses”. Comme un parfum de George Marchais. #DPDA »… Autant dire que suivant qu’on aime ou pas le personnage, il peut être perçu soit positivement, soit négativement…
Concernant les tweets négatifs, en revanche, la sélection est généreuse et systématiquement passée à l’écran. Voici les trois tweets sélectionnés :
- « #Mélenchon parle de lui à la 3e personne… Mégalo… #DPDA #JeNeSoutiensPasLaGreve »
- « Dans un tel climat Mélenchon pourrait juste essayer de se montrer moins hargneux ! Certaines de ses idées passeraient peut-être mieux #DPDA »
- « #Mélenchon est insupportable dans sa haine des journalistes ! C’est dommage, il pourrait être bon ! #DPDA »
On retrouve plusieurs classiques du discours médiatique sur Jean-Luc Mélenchon : Mélenchon est mégalo, Mélenchon est méchant (à noter que Karim Rissouli a aussi utilisé dans le débat le mot « invective ») et Mélenchon n’aime pas les journalistes qui, eux, sont gentils et garants de la liberté et de la démocratie, c’est bien connu.
Mais ce n’est pas tout. Parce que les « temps forts » ont aussi été mis à contribution pour attaquer Mélenchon sur la base de quatre tweets neutres et objectifs choisis tout à fait au hasard (les deux premiers sont de Caroline de Haas, française lambda, comme chacun sait) :
- « Y a que moi qui trouve vraiment bizarre la position de Mélenchon sur l’immigration ? #DPDA »
- « Mélenchon sur l’immigration, ça a donné l’impression d’un grand flou. Et quand c’est flou… #Triste #DPDA »
- « “Fessenheim fermera en 2016”. Cosse l’air de rien qui engage un nouveau couac gouvernemental. #DPDA »
- « Donc Mélenchon refuse de répondre : donc si on lit bien entre les lignes : Hollande face à Le Pen = NI NI ! Bien noté ! »
Conclusion : trois des quatre tweets choisis pour cette séquence servent à taper sur Mélenchon. Au total, sur les huit tweets montrés sur l’ensemble de la chronique de Karim Rissouli… six sont franchement négatifs, un est neutre (celui sur Cosse) et un est lu différemment suivant qu’on aime ou pas Georges Marchais (et est incompréhensible si on ne sait tout simplement pas qui c’est). Neutre et objectif. Tenez, citons un tweet de téléspectateur sur le sujet :
Les tweets que vous n’avez pas vus à DPDA
Ce choix de tweets est étonnant. À bien y regarder, d’autres auraient pu être choisis. Mais voilà l’ennui : les journalistes se faisaient taper dessus. Par exemple, on peut se demander pourquoi parmi les tweets de Caroline de Haas au cours de cette soirée, les deux suivants n’ont pas été choisis :
Ces deux tweets étaient-ils par hasard trop dérangeant pour la rédaction de France 2 ? À l’évidence oui, puisque toute la critique des médias formulée par les internautes est passée à la trape. Il faut dire que les gens n’y allaient pas de main morte. Un exemple ? « Il est est vraiment nul ce Pujadas, il se fait rouler des la farine par Mélenchon bien plus intelligent » (tweet de @logrelh). Mais allons plus loin. Puisque sa chronique est centrée sur l’analyse des tweets, pourquoi Karim Rissouli n’a-t-il pas parlé du tweet le plus partagé de la soirée ? Peut être un élément de réponse : il était fait par Mélenchon. Peut-être un autre élément de réponse : il contenait une critique du caractère oligarchique du monde médiatique. D’après la plateforme de veille médiatique Visibrain, voici en effet le tweet le plus partagé de la soirée :
Et puis s’il fallait choisir des tweets positifs, il y en avait d’autres que ceux sur Georges Marchais. En voici au moins trois :
- @Djegg89 : « Bravo monsieur #Mélenchon sur votre intervention concernant les migrations et les guerres #DPDA. Sorti du Coeur, humanité. »
- @Jeanne_Rob : « Le protectionnisme solidaire a une justification sociale et écologique. Le libre-échange détruit tout ! Mélenchon a raison. #DPDA »
- @Cyrilfri : « #Melenchon, par sa culture et son humanisme, se démarque totalement des autres « hommes » politiques de son époque. #DPDA »
Conclusion
Entre le choix des tweets, celui des images de fond et celui des « Français lambdas » invités ce soir-là, on voit que les manipulations médiatiques se sont multipliées dans DPDA contre Jean-Luc Mélenchon. Une émission de 2h20 au cours de laquelle le candidat de la France insoumise n’a rien cédé, répondant dans le détail aux différentes questions qui lui étaient posées.
Au final, la « corrida » évoquée par Mélenchon dans son post Facebook a bien eu lieu. Mais il a réussi à s’en servir utilement pour présenter plusieurs de ses propositions : la convocation d’une assemblée constituante chargée de mettre en place une 6e République, la sortie des traités européens, la planification écologique, le remplacement de l’agriculture productiviste et polluante par une agriculture paysanne créatrice d’emplois, la possibilité pour les artisans, commerçants et professions libérales de quitter le RSI et de rejoindre le régime général de la Sécurité sociale, la relance de l’activité dans notre pays par l’économie de la mer, et bien d’autres propositions encore.
Il est vraiment dommage que « Des paroles et des actes » soit une émission conçue par France 2 comme devant ressembler à un match de boxe où un seul invité affronte tour à tour plusieurs adversaires. Mais réjouissons-nous d’une chose : DPDA s’arrête et doit faire place à une nouvelle émission à la rentrée de septembre. Mélenchon a donc fait la dernière édition avec succès en dépit du dispositif manipulateur que j’ai essayé d’analyser ici. Espérons seulement que l’émission qui remplacera DPDA permettra davantage de présenter des idées plutôt que de prendre des coups de poing. Ça serait plus enrichissant pour tout le monde : l’invité et les téléspectateurs.
Incident, ce 26 mai 2016, sur le plateau du magazine « Des paroles et des actes », animé par David Pujadas, avec comme invité Jean-Luc Mélenchon, sur France 2. Entendant démontrer au candidat présidentiel de « La France insoumise » que tous ceux qu’il a « pris en exemple » ont échoué, le « spécialiste économique » François Lenglet évoque, entre autres, le président bolivien Evo Morales qu’il traite publiquement de « corrompu ». S’entendant répondre « Tenez vos mots M. Lenglet, vous êtes sans doute plus corrompu que ne le sera jamais M. Morales, pesez vos mots ! », l’éditocrate vedette enfonce le clou : « La petite amie de M. Morales, qui est la mère de son fils, a bénéficié de 500 millions de dollars de commandes publiques. Alors, allez m’expliquer que tout ça est normal… »
Ce qui n’est sans doute pas « normal », c’est qu’on puisse, devant 2 471 000 téléspectateurs (11,5% de part d’audience), « corrompre » à ce point le débat public et l’information, sans qu’aucun média, le lendemain, plutôt que de gloser sur l’« agressivité » de Mélenchon, ne dénonce l’imposteur Lenglet.
C’est l’ancien chef des services de renseignement boliviens (1989-1993) Carlos Valverde, reconverti en « journaliste », qui a lancé l’« affaire » à la veille d’un référendum qu’il s’agissait de faire perdre au président Morales : ce dernier ayant eu une liaison amoureuse avec une jeune femme, Gabriela Zapata, entre 2005 et 2007, et celle-ci occupant un poste de cadre de haut niveau (à partir de février 2015, huit ans plus tard) au sein de China CAMC Engineering, une firme bénéficiaire d’importants contrats avec l’Etat, il y aurait eu « trafic d’influence » pour favoriser cette entreprise chinoise – ce qui, après examen des faits, se révélera totalement faux [1]. Pour ajouter à la beauté de la « telenovela » et à la connivence entre « les amants », le même Valverde révélait, certificat de naissance à l’appui, qu’Evo Morales et Gabriela Zapata avaient eu ensemble un bébé, décédé immédiatement après sa naissance et que le président, de ce fait, n’avait jamais vu. Cette sombre histoire « d’amour secret » et surtout de « corruption » ternit très sérieusement l’image du chef de l’Etat et, entre autres raisons, lui fit perdre le référendum du 21 février 2016 [2].
A l’évidence, l’éminent spécialiste Lenglet, qui, à la veille d’un débat, doit faire préparer ses fiches en même temps que ses tasses de café par un stagiaire ou une petite main, en est resté là. A moins qu’il n’ait choisi de mentir délibérément… Car, en Bolivie, le « feuilleton Zapata » a connu tant de rebondissements qu’il a fait passer le président Morales du statut d’« accusé » à celui de victime d’une machination.
Le premier de ces rebondissements, et non des moindres, intervint le 26 février 2016 lorsque Mme Zapata fut détenue – en même temps que deux cadres moyens du ministère de la présidence –, accusée d’usurpation de fonction, de trafic d’influence et d’enrichissement illicite. Tous trois, présentant Gabriela Zapata comme une « très proche » du président, utilisaient discrètement un bureau de ce lieu gouvernemental pour s’y réunir avec des entrepreneurs, des hommes d’affaires, des fonctionnaires, et y passer des accords douteux donnant lieu à rétrocommissions ou pots-de-vin. Déjà spectaculaire en soi, cette arrestation donne lieu à un nouveau coup de théâtre, la famille de la détenue affirmant que l’enfant qu’elle a eu avec le président, et dont elle lui a affirmé en 2007 qu’il était décédé, est en réalité… vivant. Entraînant une réaction immédiate d’Evo Morales. N’ayant jamais nié sa liaison de deux années avec la jeune femme, il assume la nouvelle donne et déclare publiquement le 29 février : « J’ai le droit de connaître mon fils, de prendre soin de lui, de le protéger. J’espère qu’on me l’amènera ces prochaines heures [3]… »
N’obtenant pas satisfaction, le président va effectuer la même requête devant une juge du droit familial. Laquelle se verra effectivement présenter, dans les jours suivants, un enfant de onze ans. Toutefois, lorsque « Evo », de son propre chef, se soumet à un test ADN, Zapata refuse de l’imiter et interdit que cet examen soit effectué sur le présumé fils du chef de l’Etat.
La vérité va éclater le 18 mai lorsque la justice conclut que « le fils du président » n’a jamais existé. Deux jours plus tard, la tante de Gabriela Zapata, Pilar Guzmán, ainsi que les trois avocats de l’ex-« fiancée », Eduardo León, William Sánchez et Walter Zuleta, sont arrêtés, accusés d’avoir cherché à tromper la justice en tentant de faire passer un neveu de Guzman pour l’enfant de Morales et Zapata [4]. Cette aventurière, pour tromper le président, a utilisé à l’époque un faux certificat de naissance établi sur la base d’un document falsifié émanant d’une maternité. Dit plus officiellement par la juge Jacqueline Rada, le 6 mai : « Il a été mis en évidence qu’il n’existe aucun registre accréditant et confirmant l’existence physique du sujet. »
Comme il se doit, Carlos Valverde, l’homme qui, il y a quatre mois, a ouvertement orchestré la machination, a cru devoir réapparaître pour se dédouaner et a affirmé sur Twitter : « J’ai eu accès a une information sérieuse [sic !] qui confirme que le supposé fils de Gabriela Zapata et du président Morales n’existe pas [5]. » Inutile de préciser que si d’aventure il est mis en cause ou poursuivi pour sa campagne crapuleuse destinée à affaiblir et déstabiliser politiquement le président, la grande internationale médiatique se mobilisera au nom du « droit d’informer » et de la « liberté d’expression ».
Inclure un morceau de vérité dans une « intox » ne la rend que plus efficace : Evo Morales a effectivement eu une liaison avec la jeune Gabriela Zapata. Mais tout le reste est faux : elle n’est plus, et depuis longtemps, sa « petite amie » ; ils n’ont pas eu d’enfant ensemble ; il n’existe pas de faits de corruption les liant. Quant à François Lenglet, nous apprend Wikipedia – qui doit également pratiquer le « journalisme d’investigation » –, « sa maîtrise des dossiers et son sens de la précision sont reconnus par les observateurs ». On nous permettra d’ajouter qu’il prend le public pour un ramassis de débiles et que, corrompu pour corrompu, il corrompt et le débat et l’information.