La visite en France de la présidente du régime de Corée du Sud a soulevé un mouvement de protestation en France, alors que le régime de Séoul emprisonne et réprime de plus en plus férocement ces opposants politiques.
Alors que le président de la République François Hollande n’a pas eu un mot pour défendre le respect des droits de l’homme, une manifestation était organisée à Paris le 3 juin pour dénoncer les agissement du régime de Mme Park Geun Hye fille du dictateur Park Chung-hee.
Deux France et deux Corée s’opposent lors de la visite de Mme Park Geun-hye en France
Il y a bien deux France et deux Corée (du Sud) qui se sont retrouvées face à face ces derniers jours. Côté cour, du 1er au 4 juin 2016, Mme Park Geun-hye a effectué une visite d’Etat en France – et a été reçue avec tous les honneurs dus à son rang par le Président François Hollance. Côté rue, une manifestation a été organisée place Saint-Michel, à Paris, le 3 juin, par le Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud (CILD), en présence de représentants d’organisations sud-coréennes frappées par la répression à Séoul : l’Alliance coréenne et « Jeunes de gauche ». L’Association d’amitié franco-coréenne (AAFC), qui a soutenu la manifestation du CILD, revient sur cette dichotomie qui révèle deux conceptions différentes de la diplomatie française et des droits de l’homme.
Au plan protocolaire, rien n’a manqué à la visite d’Etat en France de la Président sud-coréenne Mme Park Geun-hye : réception à l’Elysée, dîner d’Etat (et toast porté en son honneur), conférence de presse conjointe avec le Président François Hollande, et pour finir un tour rapide à Grenoble, où elle avait étudié six mois en 1974 – occasionnant accessoirement quelques embouteillages, les mêmes embouteillages qui – ironie du sort – servent de prétexte à restreindre la liberté de manifestation en Corée du Sud.
Mais de quoi ont bien pu parler M. Hollande et Mme Park ? De la situation politique en Corée du Sud, où Mme Park Geun-hye refuse de reconnaître sa défaite aux élections législatives du 13 avril 2016, en changeant de gouvernement et – accessoirement, si l’on peut dire – de ligne politique ? De juteux contrats économiques ? De coopérations culturelles, sportives, artistiques, dans le prolongement de l’année croisée France-Corée du Sud, qui coïncide avec le 130e anniversaire de l’établissement en 1886 des relations diplomatiques (qui, soit dit en passant, ont surtout été une ouverture forcée de la Corée sous l’effet de la politique de la canonnière) ? Il y a certes eu quelques contrats signés (notamment dans le domaine des nouvelles technologies, où les Sud-Coréens excellent), mais l’essentiel était ailleurs, si l’on s’en tient du moins aux thèmes abordés lors de la conférence de presse conjointe de François Hollande et Park Geun-hye : les deux chefs d’Etat ont surtout parlé d’un pays tiers, la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Selon l’éclairant communiqué de l’agence de presse officielle sud-coréenne Yonhap,
La présidente Park Geun-hye (à gauche) et son homologue français François Hollande lors d`un point de presse conjoint qui a eu lieu à l`issue de leur sommet
La Corée du Nord est soumise aujourd’hui aux plus lourdes sanctions onusiennes pour son quatrième essai nucléaire et son lancement de fusée à longue portée du début de l’année. Elle continue toutefois à rejeter l’appel de la communauté internationale pour l’abandon de son programme nucléaire qu’elle considère comme un moyen de dissuasion contre la soi-disant politique hostile de Washington à son encontre.
En outre, Park et Hollande ont déclaré qu’ils mettront en œuvre de façon exhaustive les sanctions onusiennes contre le Nord et prendront des mesures additionnelles, si nécessaire, pour s’assurer que la Corée du Nord abandonne son programme nucléaire et s’engage sur la voie d’un changement véritable, selon le communiqué conjoint publié après le sommet.
Les deux pays ont enjoint la Corée du Nord d’améliorer la situation des droits de l’Homme en son sein et se sont dit inquiets de cette dernière.
http://french.yonhapnews.co.kr/national/2016/06/04/0300000000AFR20160604000200884.HTML
Des tensions dans la péninsule coréenne ? Selon ce communiqué, elles sont entièrement imputables à la Corée du Nord et il n’y aurait pas de politique hostile de Washington à l’encontre de Pyongyang. Si c’est réellement ce qui a été dit, rarement la France se sera alignée aussi étroitement sur les positions des néoconservateurs américains et sud-coréens en matière de politique étrangère. Ou M. Hollande se serait-il converti aux délires néoconservateurs va-t-en-guerre de ceux qui, hier, lançaient la guerre d’Irak en 2003, avec ces centaines de milliers de morts, ce qui a créé le terreau fertile où a ensuite prospéré le radicalisme islamiste djihadiste ?
Que M. Hollande s’inquiète des droits de l’homme au Nord est son libre choix, mais a-t-il eu au moins un mot pour les prisonniers politiques sud-coréens, dont l’un d’eux, Mme Kim Hye-young, est en train de mourir après avoir engagé une grève de la faim car elle ne reçoit pas de traitement approprié en prison ? Rien ne permet de penser que M. Hollande ait eu le moindre mot sur les atteintes gravissimes aux libertés démocratiques en Corée du Sud, alors que la lettre que lui a adressé Jean Salem, président du CILD, sur la libération des prisonniers politiques en Corée du Sud n’a même pas reçu un accusé de réception. Parler du Nord tout en fermant les yeux sur ce qui se passe au Sud, c’est adopter le point de vue des réactionnaires sud-coréens qui, hier tuaient des milliers d’opposants, aujourd’hui les emprisonnent et les torturent (avant de les tuers à nouveau ?) sen arguant de la menace nord-coréenne et de la situation des droits de l’homme dans le Nord de la péninsule.
De la même façon qu’il honorait le ministre de l’Intérieur saoudien de la légion d’honneur, M. François Hollande a tenu à distinguer Mme Park Geun-hye : pour la première fois, un chef d’Etat étranger a été honoré du titre de doctor honoris causa par l’Université de médecine Pierre et Marie Curie, pour sa contribution (on ne rit pas) au développement, entre autres, de l’économie créative. Ceci n’a aucun rapport avec la médecine ? Ce n’est pas grave : il faut bien satisfaire les caprices de Mme Park, qui aurait tant aimé poursuivre des études en France.
Mais il y a une autre France, et une autre Corée du Sud : une France et une Corée du Sud qui, elles, se situent résolument du côté de la défense de la paix en Corée en favorisant le dialogue et pas la guerre, et de la libération des prisonniers politiques et de la fin de la répression contre les militants politiques et syndicaux.
La France et la Corée du Sud qui résistent à la guerre et refusent le fascisme manifestaient le soir du vendredi 3 juin 2016, à la fontaine Saint-Michel dans le sixième arrondissement de Paris, à l’appel du Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud, qui a établi un compte rendu détaillé. Ils n’étaient pas seuls, l’appel à manifester ayant été reproduit sur la page Facebook du Mouvement de la paix, et sur d’autres sites (notamment Mouvement communiste) tandis qu’un article de Lina Sankari dans L’Humanité, intitulé « A Paris, Séoul vend son capitalisme autoritaire », a repris les analyses du Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud (CILD), explicitement cité, sans malheureusement rappeler la date et le lieu de la manifestation, ni indiquer le site du CILD (l’article sur Internet n’étant lui qu’en version payante). Pour défendre les libertés démocratiques en Corée du Sud et stopper une dérive libérale (en économie) – autoritaire (en politique), l’AAFC appelle plus que jamais à rejoindre le CILD, face à une situation dont l’urgence est chaque jour plus avérée.
Visite de Park Geun-hye en France : manifestation à Paris pour les droits de l’homme et la démocratie en Corée du Sud
A l’appel du Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud (CILD), Coréens en Français ont manifesté place Saint-Michel, à Paris, le 3 juin 2016, alors que Mme Park Geun-hye effectuait une visite d’Etat en France et était reçue par le Président François Hollande à l’Elysée. Ils ont réitéré l’exigence que la France, fidèle à sa tradition de défense des droits de l’homme, cesse de se taire sur les atteintes grandissantes aux libertés publiques en Corée du Sud – alors que l’histoire sud-coréenne a montré que les pressions internationales pouvaient avoir raison de l’entêtement des conservateurs sud-coréens : Lionel Jospin et François Mitterrand n’avaient-ils pas plaidé, en leur temps, au sein du Parti socialiste, pour obtenir la libération de l’opposant sud-coréen Kim Dae-jung (qui devait devenir, plus tard, Président de la République en Corée du Sud et obtenir le prix Nobel de la paix) ? Face à la France qui collabore avec les autorités sud-coréennes, en étant complice d’une répression qu’elle refuse de dénoncer (voire qu’elle justifie en arguant des relations Nord-Sud), il y a une France qui résiste en se plaçant ouvertement du côté des défenseurs des droits de l’homme, de la démocratie et tous les militants politiques et syndicaux qui croupissent dans les geôles sud-coréennes.
Lors des débats animés par Olivier Bouchard, membre du CILD, Yang go-eun, co-présidente de l’Alliance coréenne, a rappelé que 12 militants de l’Alliance coréenne étaient actuellement en prison en Corée du Sud, portant le nombre de prisonniers politiques à 60 dans le Sud de la péninsule coréenne : à l’occasion d’un témoignage devant le CILD, le 21 mai 2016, elle avait fait état que neuf membres de son organisation étaient derrière les verrous, elle-même étant gravement menacée par la répression politique et antisyndicale à l’oeuvre à Séoul. Mais depuis cette date, trois de leurs camarades les ont rejoints dans les prisons politiques de Mme Park Geun-hye : parmi eux, Kim Hye-young, dont les camarades ont réalisé une BD racontant l’histoire de l’engagement politique, a commencé une grève de la faim car elle ne reçoit plus en prison de traitement contre le cancer de la thyroïde dont elle est atteinte. Elle est maintenant en danger de mort. Brandissant des portraits de Kim Hye-young, les manifestants ont exigé sa libération immédiate.
Un autre Coréen a témoigné : Lim Jung-myung, au nom de l’organisation « Jeunes de gauche », qui arborait une pancarte de son organisation politique elle aussi fortement engagée dans le combat pour les libertés politiques en Corée du Sud et, à ce titre, frappée par la répression. Lim Jung-myung a tout particulièrement souligné que la politique d’amendes des autorités sud-coréennes visait à briser financièrement les capacités de résistance.
Benoît Quennedey, membre du CILD et par ailleurs vice-président de l’Association d’amitié franco-coréenne (AAFC), a resitué le combat pour la démocratie et les droits de l’homme en Corée du Sud dans une perspective historique, en montrant comment Mme Park Geun-hye inscrivait ses pas dans ceux de son père, le général Park Chung-hee, à l’origine du régime le plus autoritaire qu’ait jamais connue la Corée du Sud, ayant causé la mort de milliers d’opposants de toutes sensibilités, y compris de la droite libérale. Avant son élection à la présidence de la République en Corée du Sud en décembre 2012, Mme Park Geun-hye avait déjà officié comme « première dame »du général Park, et elle a repris parmi ses conseillers les plus proches d’anciens collaborateurs de son dictateur de père.
Dans tous les domaines, une chape de plomb s’est abattue sur la Corée du Sud : un député d’opposition, Lee Seok-ki, a été déchu de son mandat et condamné à une lourde peine de prison à l’issue d’un procès truqué, fomenté par les services de renseignement sud-coréens ; cette condamnation inique a servi de prétexte à l’interdiction de la principale formation de gauche en Corée du Sud, le Parti progressiste unifié, de surcroît représenté au Parlement après avoir recueilli 10 % des suffrages, un pas que même les dictateurs militaires sud-coréens osaient à peine franchir. Le dirigeant de la principale centrale syndicale sud-coréenne, la KCTU, croupit dans les geôles sud-coréennes. La Corée du Sud détient le record mondial du nombre d’objecteurs de conscience emprisonnés, comme l’a condamné Amnesty International dans un rapport de 2015 – et plusieurs d’entre eux ont déjà obtenu l’asile politique dans le monde, le premier d’entre eux ayant été Lee Yeda en France. Les familles des victimes du naufrage du ferry « Sewol », ont où péri 304 personnes dans des conditions atroces, demandent toujours que toute la lumière soit faite sur cette tragédie qui implique un homme, Yoo Byung-eun, connu pour ses accointances avec le Parti Saenuri au pouvoir à Séoul : les familles d’adolescents morts dans la catastrophe ont témoigné récemment à Paris, à la Sorbonne, grâce au professeur Jean Salem, par ailleurs président du CILD. Enfin, les atteintes à la liberté d’expression ont gagné le domaine culturel – et toutes les formes d’expression culturelle.
Par ailleurs, la situation d’anciennes employées d’un restaurant nord-coréen qui se trouvent aujourd’hui au Sud a soulevé des interrogations parmi les participants à la manifestation : pourquoi leur refuser tout contact avec leurs familles restées au Nord, qui n’hésitent pas à parler d’enlèvements par les autorités sud-coréennes ? Dans cette sombre histoire la main des services de renseignement nord-coréens montre que ces derniers sont, une fois encore, à la manoeuvre, pour faire souffler le « vent du Nord » et justifier toutes les atteintes aux libertés publiques… à la veille d’élections législatives, le 13 avril 2016, remportées par l’opposition libérale. Mais cette défaite électorale n’a conduit la Présidente Park Geun-hye à ne changer ni de gouvernement, ni de ligne politique. A Séoul, le retour vers les années de plomb de la dictature militaire est désormais bien en marche. Il appartient à nous tous, en France et dans le monde, à empêcher que l’irréversible ne se produise, en rejoignant le Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud, en écrivant à solidaritefrancecoree@yahoo.fr (adresse mél du CILD) et en signant la pétition contre l’interdiction du PPU !