Voici ci-dessous la juste réaction du Front syndical de classe à une déclaration de cadres de l’UGICT et de patrons d’entreprises (dans un savant méli-mélo) qui est un véritable tir dans le dos de la CGT ouvrière en lutte. Comme quoi, n’en déplaise à ceux qui voudraient voir la CGT comme un monolithe, la lutte des classes ne se déroule pas seulement ENTRE la CGT et les forces du capital…
Plus que jamais, soutenons sans complexe les syndicalistes de classe dont l’intervention courageuse et à contre-courant a permis un premier ressourcement réjouissant de la CGT et exigeons surtout que la confédération aille au bout de cette démarche salutaire en critiquant enfin l’UE dont émane la prétendue « loi El Khomri » (transposition en droit français des sommations de la commission européenne).
Un beau sujet de réflexion aussi pour ceux qui parlent de « salariat » en général en mettant sur le même plan le rôle des cadres et celui des ouvriers dans la lutte anticapitaliste…
Au passage on aimerait bien que les cadres UGIC-CGT qui signent ce texte fielleux fassent montre d’un peu d’esprit critique envers la gestion de plus en plus antisociale et antinationale des entreprises du public et du privé dont ils assument au contraire avec fierté les politiques gravement dérivantes…
Besoin de renouer le dialogue social vraiment ?
Commentaire du Front syndical de classe à propos de l’appel ci-dessous des chefs de file de l’UGICT-CGT, le secteur cadres de la CGT
La presse vient d’annoncer la diffusion d’un appel au gouvernement (voir ici) à renouer la discussion sur la loi travail : « Loi travail. Des cadres dirigeants lancent un appel pour renouer avec le dialogue social en France »
Cet appel émane de cadres dirigeants d’entreprise, de PDG, de militants syndicaux et politiques divers parmi lesquels on peut discerner d’anciens dirigeants de la CGT, des dirigeants actuels de l’UGICT (organisation spécifique des cadres et techniciens), des économistes du PCF …
Quel est donc le sens de cet appel dans la bataille que nous vivons contre la loi travail ?
Le premier « constat » sur le plan économique est donc que ça va plutôt mieux au plan économique (« les investissements repartent« ).
Cette « embellie » résultant en quelque sorte de « la mise en commun des intelligences et des savoir faire » , sous-entendu dans les entreprises.
Ce qui rappelle fâcheusement la déclaration de Thierry Lepaon au « Nouvel Economiste « de 2014 « Il n’existe à la CGT aucune opposition de principe face au patronat. L’entreprise est une communauté composée de dirigeants et de salariés ».
La crise sociale, donc la lutte, les grèves, les blocages mettant en péril cette fragile reprise.
Renvoyant au fond dos-à-dos le gouvernement et le mouvement social, malgré une dénonciation des effets possibles de la logique de la loi travail et ceux du dumping social et du « court-termisme« .
Et à partir de ce constat pour préconiser quoi ? Le retrait de la loi ? L’abandon du 49-3 ?
Dans la mesure où c’est le pouvoir socialiste qui vise à la remise en cause des conquis sociaux séculaires et de haute lutte !
NON !
Ce que l’appel préconise c’est la reprise d’un « dialogue social apaisé »
Comme s’il s’agissait d’une simple affaire de bonne volonté de part et d’autre.
Comme si les mesures prévues dans la loi travail, l’inversion de la hiérarchie des normes, les mesures sur la médecine du travail, le referendum d’entreprise … ne venaient pas de loin !
Comme si ces mesures n’étaient pas dictées par l’Union et la Commission européennes encadrées par des directives qui visent à s’appliquer à tous les peuples européens.
Comme si donc le « dialogue social« n’était pas utilisé depuis de nombreuses années avec la complicité de la CFDT pour couvrir les pires renoncements aux droits et garanties des travailleurs ! (cf. l’ANI, les réformes successives des retraites …)
Le blocage réside fondamentalement, essentiellement dans la volonté des classes dirigeantes et de l’oligarchie européenne d’infliger de nouvelles régressions au monde du travail !
Laisser croire que dans ces conditions « un dialogue social apaisé » est possible et puisse être porteur de nouvelles avancées pour les travailleurs, c’est au mieux promouvoir des illusions.
Implicitement pour les dirigeants syndicaux de la CGT signataires de cet appel son contenu constitue une critique et un démarquage de l’orientation de lutte de la direction confédérale.
Et implicitement de l’esprit combatif qui a animé les bases militantes engagées dans les grèves reconductibles, les manifestations, les blocages de site …
La presse ne s’y est d’ailleurs pas trompé qui en diffusant l’appel a titré : « Les cadres CGT prennent leurs distances avec Martinez » !
Il s’agit donc sous un couvert consensuel (avec des forces extérieures au mouvement syndical) d’une offensive contre les orientations prises pour une part au 51e congrès et dans les luttes concrètes qui ont suivi et qui précisément après plus de 20 ans d’accompagnement réformiste renouent en partie avec les traditions de classe de la grande CGT.
Dans la CGT la lutte entre ceux qui veulent y faire prédominer le « dialogue social » si cher aux dirigeants de la CFDT et de la Confédération européenne des Syndicats et ceux qui savent que seul les luttes et le rapport de forces sont en mesure et d’enrayer les régressions et de donner corps à de nouvelles conquêtes se poursuit donc !
Sous des formes renouvelées.
Comme le prouvent toutes les grandes dates où des millions de femmes et d’hommes se sont mis en mouvement : 1936 et le Front populaire, la Libération, mai 1968, les luttes avec la jeunesse contre le CPE … les conquis vont avec !
Dans les rapports sociaux capitalistes il n’existe pas de « mise en commun des intelligences et des savoir faire » … au service du bien commun et de l’intérêt général !
Pour la CGT et ses militants il s’agit donc de ne pas se laisser bercer par les illusions réformistes !
A l’inverse pour nous, la mise en cohérence jusqu’au bout d’une orientation de lutte et donc de classe, passe aussi par une attitude résolument critique de l’Union européenne, par le retrait de la CES et par l’inscription plus résolue que jamais de la CGT dans les tâches de la « double besogne » du syndicat conjuguant luttes quotidiennes et luttes pour la transformation radicale de la société !
Le Front Syndical de Classe
4 juillet 2016
EDIT : suite à la publication de cette tribune par le JDD, la CGT UGICT a dénoncé une manipulation
Le Journal du Dimanche transforme une tribune anti-Loi Travail en tribune anti-CGT
Nous publions un courrier de l’Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens CGT (Ugict-CGT), adressé à François Clémenceau, rédacteur en chef du Journal du Dimanche.
Ce courrier, qui accompagne une demande de droit de réponse, fait suite à une manipulation grossière du « JDD », qui s’est cru autorisé à instrumentaliser une tribune hostile à la Loi Travail en la transformant en tribune contre la CGT.
À l’heure où nous publions ce courrier, la direction du Journal du Dimanche n’a pas donné suite à la demande de droit de réponse de l’Ugict-CGT.
Monsieur François Clémenceau
Rédacteur en chef du Journal du Dimanche
149 rue Anatole France
92300 LEVALLOIS-PERRET
Lettre recommandée avec Accusé de Réception
Objet : Demande de droit de réponse
Montreuil, le 4 juillet 2016
Monsieur le rédacteur en chef,
Nous vous avons sollicité pour la publication d’une tribune, signée par 55 entrepreneurs, cadres dirigeants et supérieurs sur la loi Travail. Cette tribune appelle à ouvrir un dialogue serein sur la loi Travail pour conduire « à des avancées sociales », estimant que « le gouvernement s’entête et refuse tout échange constructif ». Les signataires considèrent que « la loi Travail, en rompant avec les régulations sectorielles au niveau de la branche, risque de généraliser les logiques de dumping social et économique » et pointent les fortes incertitudes sur sa capacité à créer des emplois.
L’Ugict-CGT a fait le choix, par l’intermédiaire de sa Secrétaire générale, de s’associer à cette tribune et de la relayer, pour empêcher les mises en oppositions entre salariés. Cette tribune démontre que l’opposition à la loi Travail atteint jusqu’aux cadres dirigeants et entrepreneurs, ce qui démontre à quel point le gouvernement est minoritaire. Les 54 autres signataires ne sont, pour l’essentiel d’entre eux pas syndiqués. La tribune n’a d’ailleurs pas été rédigée par l’Ugict-CGT mais par un cadre dirigeant. Ces entrepreneurs, cadres dirigeants et supérieurs ne sont pas habitués des tribunes, leur liberté d’expression étant, du fait de leurs fonctions, très fortement limitée. En signant cet appel, ils s’exposent de façon inédite et ont choisi de le faire au vu de la gravité de la situation qui menace l’avenir de notre pays.
À l’issue de nos échanges, le JDD s’est engagé à la publier dans sa version papier du 3 juillet 2016.
Quelle ne fut pas notre surprise de découvrir que la tribune n’était pas publiée dans la version papier et que figurait à la place un article titré « Les cadres CGT prennent leur distance avec Martinez » [1], avec en sous-titre « Le syndicat CGT des ingénieurs, cadres et techniciens (UGICT) appelle à « un dialogue apaisé » face à la loi Travail. Cette fédération prend ainsi implicitement ses distances avec le secrétaire général Philippe Martinez, bien qu’elle ne le cite pas. », et en conclusion [2] : « Critiques contre le gouvernement, ces signataires voient toutefois le dialogue « apaisé » comme « seule solution ». D’où leur demande d’engager des « négociations » sur la loi Travail, contrairement au secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, qui a redit cette semaine que « ça se jouera dans la rue ». »
Nous dénonçons une instrumentalisation de la tribune et de sa démarche qui ne fait en aucun cas écho avec d’hypothétiques débats internes de la CGT.
Il ne s’agit pas d’une tribune de l’Ugict-CGT mais d’une tribune de cadres dirigeants d’une grande diversité d’horizons et de sensibilités, qui pour l’essentiel ne sont pas syndiqués, certains ne rentrant d’ailleurs même pas dans le champ de syndicalisation de la CGT, étant PDG ou entrepreneurs.
La tribune ne mentionne ni ne critique, ni explicitement ni implicitement, la démarche de la CGT. Par contre elle condamne très clairement le blocage du gouvernement et le contenu de la loi Travail.
Philippe Martinez et la CGT appellent depuis le début de ce conflit au dialogue. Avant de signer et relayer cette tribune, l’Ugict-CGT en avait d’ailleurs informé Philippe Martinez qui se félicitait de l’initiative.
Nous nous étonnons que le traitement journalistique de la tribune n’ait pas porté sur son contenu, soulignant la dimension inédite d’un tel texte et les critiques nettes portées par des patrons, des cadres dirigeants et supérieurs sur la loi Travail et la stratégie du gouvernement. Est-ce parce que ce contenu dérange ?
L’Ugict-CGT a toujours été moteur et à l’initiative de la mobilisation contre la loi Travail, du fait des attaques contenues dans le projet de loi ciblant les ingénieurs, cadres et techniciens. Elle a ainsi appelé dès le 25 février au retrait du projet de loi, et a travaillé durant 4 mois en cohérence et cohésion avec la confédération CGT pour mobiliser les ingénieurs cadres et techniciens en mettant à disposition des analyses, tracts et initiatives, et notamment la votation citoyenne.
En vertu de l’article 13 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, l’Ugict-CGT demande au JDD de publier sous 3 jours, le droit de réponse suivant :
L’UGICT-CGT dénonce l’instrumentalisation du sens et du contenu de la tribune, signée par 55 entrepreneurs, cadres dirigeants et supérieurs sur la loi Travail, relayée par le Journal Du Dimanche et qui a fait l’objet d’un article dans l’édition du dimanche 3 juillet 2016. Cette tribune n’est pas une tribune de cadres CGT. L’essentiel des signataires n’est pas syndiqué et leur liberté d’expression est très contrainte par leurs responsabilités. La tribune appelle le gouvernement au dialogue, considérant qu’il est responsable du blocage et doit garantir un débat serein à l’Assemblée Nationale, sans utiliser le 49-3. Les signataires de la tribune sont, comme la CGT, très critiques sur la loi Travail, estimant qu’elle risque d’amplifier le dumping social, économique et les logiques courtermistes et que ses potentialités de création d’emploi sont plus qu’hypothétiques. Contrairement aux affirmations du Journal Du Dimanche, la tribune ne porte absolument pas sur les positions prises par Philippe Martinez, qui, depuis le début, aux côtés de l’intersyndicale, appelle d’ailleurs le gouvernement au dialogue.
D’avance, nous vous prions d’agréer, Monsieur le rédacteur en chef, l’expression de nos sentiments les meilleurs.
Marie José Kotlicki, Secrétaire Générale de l’Ugict-CGT
[1] On peut retrouver l’article sur le site du Journal du Dimanche. Notons que la tribune a bien été publiée sur le site, mais à la suite de cet article dont le titre est en contradiction avec le contenu de la tribune (note d’Acrimed).
[2] Dans l’article publié sur le site internet (note d’Acrimed).