Comme la spéculation a nourri la bulle financière, les suppressions d’emplois consécutives à son éclatement vont nourrir la crise en laminant le pouvoir d’achat. Pour sortir du cercle vicieux, il faudrait d’abord sauvegarder les emplois existants et nationaliser sans indemnités les grandes entreprises que leurs dirigeants ont coulées après s’être gavés en spéculant.
Or, une telle rupture progressiste ne peut s’opérer que si les états-majors syndicaux reprennent le mot d’ordre de GREVE GENERALE, qui germe spontanément dans les manifs et les cours d’usines occupées par des ouvriers qui n’hésitent plus à séquestrer leurs patrons. Alain Minc, avertissait ses « amis de la classe dirigeante » dans Le Figaro du 23 mars que « le pays a les nerfs à fleur de peau » qu’il est parcouru par un « sentiment d’iniquité », et que « 1789 se joue en 1788 » !
Que l’un des principaux stratèges du néolibéralisme en France s’inquiète à ce point est un signe que la situation est mûre. Et que font les dirigeants des centrales syndicales ? Ils entonnent leur chanson favorite : « La grève générale ne se décrète pas ! » En réalité, ces messieurs n’en veulent pas, parce qu’ils sont associés à la grande entreprise de la Confédération Européenne des Syndicats : intégrer le mouvement syndical à la gestion capitaliste – et pour l’heure, aider la classe dirigeante à faire l’Union Sacrée pour sauver le taux de profit en liquidant un maximum d’emplois après empoché les aides publiques.
Les chefs cégétistes se distinguent en amplifiant la chasse aux sorcières interne afin de purger la CGT des syndicalistes de lutte (voilà les véritables ennemis !) pour pouvoir fusionner avec la CFDT.
Fuite en avant
Quand le marché aura été saccagé par les fermetures d’entreprises en chaîne et ébranlé par le durcissement des luttes, les dirigeants capitalistes seront tentés de faire appel à une de leurs « solutions » favorites : la multiplication des conflits armés, qui présente l’avantage de réduire nettement le nombre de chômeurs en en faisant des soldats, puis des morts, et de sauvegarder le taux de profit dans plusieurs branches, à commencer bien sûr par l’armement, mais aussi le bâtiment, parce qu’après une bonne guerre, il faut reconstruire. Pour éviter 1788, il est prêt à tout, même à nous ramener en 1938.
Pour ce faire, il fascise soigneusement la société, car il est beaucoup plus facile pour lui de s’attaquer aux travailleurs sans papiers qu’à la gauche-caviar et aux syndicats de la CES de s’en prendre aux forces de dérégulation du capitalisme qui nous ont envoyés dans le mur – FMI, Banque Mondiale, Commission Européenne et autres Medef. Le Président est entouré d’un perpétuel état de siège qui se déplace avec lui partout où il va, et le gouvernement prépare de nouvelles mesures liberticides contre le port du passe-montagne et l’appartenance à une « bande », dont on se demande bien sur quels critères elle s’établira exactement, mais dont on se doute déjà qu’elle ne concernera pas ceux qui figurent dans le carnet d’adresses d’un patron-voyou ou ont séjourné dans la villa d’un parrain de la pègre mexicaine…
Pendant ce temps, Marine Le Pen mène campagne pour les européennes sur le thème du maintien du pouvoir d’achat, de la défense des services publics (alors que le FN a férocement combattu les grèves pour les salaires et la sauvegarder du secteur public !) et de l’interdiction des délocalisations, faisant passer ses mots d’ordre xénophobes au second plan tant la concurrence de l’UMP sur ce créneau est devenue forte.
Abstention aux européennes !
De quoi séduire une partie importante du peuple de France, humilié par le remplacement progressif de sa langue par le « globish », par la destruction de son industrie et de ses services, surtout chez les ouvriers, dont les votes vont d’abord au FN depuis que le PCF est devenu « euroconstructif » ! Les fascistes devraient d’ailleurs marquer des points dans toute l’Europe à l’occasion de ses élections, grâce aux effets conjugués de l’aggravation de la crise et de l’anticommunisme galopant.
Car le Parlement Européen, lui, n’a rien trouvé de mieux, alors que les « miracles économiques libéraux » irlandais, espagnol, balte, hongrois etc. partaient en fumée, de voter deux résolutions (en septembre 2008 et avril 2009) mettant dans le même sac « totalitaire » communisme et nazisme ! Et les deux fois, le texte a été voté par une majorité écrasante, des fascistes aux socialistes en passant par la droite classique et les Verts ! Ces complicités, inavouables dans le cadre national, sont toutes naturelles à Strasbourg…
Face à ce scandale, le silence du PCF-PGE est assourdissant : il est trop occupé par sa propre dissolution dans le « Front de Gauche » – pour lui aussi, le terrain européen permet de faire ce que le cadre national interdit ! Et il continue d’essayer de tromper les masses avec la fable d’une « autre Europe », plus « sociale ».
Le mot d’ordre de SORTIE DE L’UNION EUROPEENNE sera une fois de plus le grand absent médiatique de la campagne. Mais les militants du PRCF ne se priveront pas de le faire apparaître sur les murs et les panneaux, dans les marchés et les manifs, à côté de celui d’ABSTENTION CITOYENNE le 7 juin – une abstention visible et argumentée, qui n’a rien à voir avec le mépris du suffrage universel en général.
La tâche d’un progressiste conséquent aujourd’hui, c’est de travailler, avec tous les salariés qui vomissent le capitalisme fossoyeur de la classe ouvrière et des services publics, avec tous les patriotes progressistes horrifiés par la casse de la France, à la construction de la grève générale interpro et d’une véritable alternative politique au néolibéralisme fascisant. C’est – même si l’Histoire ne se répète jamais à l’identique – de viser 1788 pour ne pas avoir 1938, ou quelque chose qui y ressemblerait hideusement. Ce n’est pas de cautionner la mascarade pseudo-démocratique des élections européennes en y participant.