Que Sarkozy soit un très triste, très douteux et très dangereux personnage, ce ne sont pas les « révélations » (faut-il inventer le mot-valise « rédélations » ?) de son ex-conseiller Buisson, ni les notes opportunément parues sur Médiapart à propos du financement libyen de la campagne sarkozyste de 2007, qui vont nous l’apprendre. Ceux qui crient à la calomnie gauchiste quand la CGT dénoncent les provocs policières contre les manifestations ouvrières doivent pourtant bien lire, dans le bouquin de Buisson, que, pour briser la contestation étudiante et embarrasser son rival De Villepin, le ministre de l’intérieur Sarkozy a sciemment laissé des voyous frapper les lycéens en lutte contre le CPE… (encore une calomnie des bolcheviks !). Mais faut-il pour autant, comme nous y invite lourdement la gauche-caviar, France-Inter en tête (cf hier la chronique d’Alex Wiezorek), que les gens de gauche aillent voter Juppé aux primaires des LR ?
Juppé, c’est-à-dire l’homme du plan de casse de la Sécu et des retraites des cheminots (1995).
Juppé, l’homme qui siffla la « fin de la récré » (Chirac venait de se faire élire en 95 en prétendant réduire la « fracture sociale » creusée par Mitterrand) en faisant allégeance à Helmut Kohl et au plan d’austérité que celui-ci exigeait de la France pour autoriser le « franc fort » à s’arrimer au Mark en enfantant cette funeste monnaie unique qui, depuis 23 ans (le plan Delors de 83, qui mit fin à l’échelle mobile des salaires, visait déjà à mettre en place l’euro), qui plombe nos exportations et qui ruine notre protection sociale, nos revenus salariaux et nos services publics ?
Après tout, les mêmes « gens de gauche » soutenus par le PS et par le PCF ne nous ont-ils pas appelé lors des Régionales à voter Xavier Bertrand et Estrosi, les « antifascistes » bien connus, pour « faire barrage » au fascisme lepéniste que Valls et les LR, toutes tendances confondues, ne cessent de nourrir par leurs contre-réformes maastrichtiennes et par leurs lois liberticides ?
Juppé qui veut en finir avec l’Education « nationale » (autonomie absolue et mise en concurrence totale des établissements scolaires), qui veut aggraver sans limite la loi Travail, qui entend supprimer 300 000 postes dans les services publics, qui veut repousser la retraite à 64 ans et qui ne veut en rien sortir la France du mouroir maastrichtien ou de l’OTAN belliciste ?
Et par-dessus le marché, bons et sentimentaux Français, idéalisez Saint-Chirac et pleurez à l’unisson de Ste-Bernadette !
Certes, ce président encore vaguement gaulliste, eut le mérite de tenir une position pacifico-patriotique face à Bush lors de l’invasion US de l’Irak ; mais prière d’oublier que ce grand « ami de la culture et de la langue françaises », cet avocat sans pareil du « mieux-disant culturel », a privatisé TF1 (en tirant vers le bas et vers le tout-anglais l’ensemble du PAF !), qu’il a re-privatisé l’essentiel de l’industrie française livrée aux privatisations et aux délocalisations patronales, qu’il a tenté jusqu’au bout d’imposer le CPE surnommé « contrat patronal d’esclavage », qu’avec con acolyte De Villepin il a démantelé EDF-GDF en cédant Gaz de France à la transnationale Suez. Et que, cerise sur ce gâteau patronal, son gentil ministre Raffarin a, en 2003, plombé les retraites de la fonction publique en rejetant au-dessous du seuil de pauvreté des centaines de milliers de femmes fonctionnaires frappées par les « décotes ».
Sans parler du Traité de Maastricht que, de concert avec Mitterrand, Chirac nous fit avaler de justesse en 92 en monopolisant les médias pour la propagande du Oui. Mais après tout, l’amnésie politique n’est-elle pas la meilleure alliée de la servitude volontaire ?
Certes, Sarko et Hollande ont encore fait pire depuis, si bien que les Français sont portés à idéaliser leur ancien président, qu’ils maudissaient pourtant lors de sa fin de mandat. Et cela ne dit-il pas, plus que toute enquête statistique, vers quelle décrépitude socio-politique la crise du capitalisme et la « construction » européenne entraînent notre pays ?