« Horum omnium fortissimi sunt Belgae
De tous les peuples, les Belges sont les plus braves »
Jules César, commentaires sur La guerre des Gaules
Depuis le parlement de Wallonie, les belges montrent l’exemple. Refusant de céder aux diktats de l’ Union Européenne du Capital, et de valider un accord de libre échange UE / Canada qui instituerait un grand marché transatlantique. Car le CETA est une arme de l’oligarchie capitaliste pour renforcer encore et plus le dumping social et environnemental et accroître la dictature impitoyable des banques, des multinationales et de leurs « marchés financiers » (ce que l’on appelle la classe capitaliste) contre les peuples.
Le parlement de Wallonie – avec la forte implication des députés communistes du PTB – refuse ainsi malgré les pressions et les ultimatums, le chantage violent de la Commission Européenne, depuis plusieurs jours de ratifier le CETA. Protégeant ainsi les peuples d’Europe des ravages de cette arme de destruction massive des salaires, des normes sanitaires ou environnementales.
Ce weekend, la Commission Européenne – impulsant avec l’aide du gouvernement fédéral belge de la droite dure de M Michel un chantage et des pressions les plus violentes – a posé un nouvel ultimatum : le parlement de Wallonie doit ratifier tel que le CETA d’ici lundi soir. Sinon ? l’exemple des violences exercées contre les chypriotes ou les grecs dont les systèmes financiers ont été pris en otage montre le type de coups de forces qu’est capable d’exercer l’Union Européenne pour arriver à ses fins et écraser les peuples.
Pour le moment, le parlement wallon tient bon : « On nous remet un document décevant et parallèlement on nous donne un ultimatum. C’est très étonnant. Cela nous pousse à nous poser des questions sur le but poursuivi », a indiqué l’entourage du chef du gouvernement wallon, Paul Magnette. Ajoutant à l’adresse du président de la Commission Européenne l’ex premier ministre du Luxembourg responsable des tax ruling de l’affaire d’euro dumping fiscal massif révélés avec les Luxleaks : « Dommage que les pressions de l’UE sur ceux qui bloquent la lutte contre la fraude fiscale ne soient pas aussi intenses »
Oui ce soir, de tous les peuples, les Belges sont les plus braves. Et ils ne sont pas seuls.
Mais la morale de ce nouvel affrontement entre les peuples et l’Union Européenne, c’est que si on veut échapper au CETA, au TAFTA et Cie, il est plus urgent que jamais de briser les chaines de cette effroyable dictature du Capital. Construite pour imposer la dictature absolue de l’oligarchie capitaliste à travers des institutions supranationales bâties pour être indépendantes de la souveraineté des peuples et piétinant les souverainetés nationales condition nécessaire de toute démocratie et du progrès social. Ce nouveau coup de force de l’UE, un de plus sur une très longue liste après notamment le traité de Lisbonne bafouant les NON des français et néerlandais en 2005 ou celui du OXY piétiné des grecs en juillet 2015, démontre que les militants du PRCF ont raison, l’UE, l’euro, pour s’en sortir, il faut en sortir !
JBC pour www.initiative-communiste.fr
MAJ: Afin de contourner le non des belges, les seuls consultés, l’Union Européenne se prépare à un nouveau coup de force. Guy Verhofstad indique que le Conseil Européen pourrait « facilement » décider que le CETA est un accord purement européen. Cela constituerait une «très bonne décision» et un « pas en avant dans l’intégration européenne », selon le dirigeant européen . «Ce que montre cette question du CETA, c’est que nous devons revenir à des négociations commerciales qui soient uniquement de compétence européenne», a-t-il ajouté. L’UE est une dictature. Qui en doute encore ?
LE TAFTA, ON N’Y ENTRE PAS, l’UNION EUROPEENNE, ON EN SORTIRA… par la gauche !
A l’approche des élections françaises et allemandes, Merkel et Hollande feignent de bouder le Grand Marché Transatlantique… Aussitôt, ils sont démentis par Juncker (Commission européenne) qui poursuit sans ciller ces « négociations » transatlantiques où Washington et Wall Street s’imposent en tous domaines.
Ne soyons pas dupes : après avoir mis en place de LEUR U.E. soumise à l’Axe Washington-Berlin et « partenaire stratégique de l’OTAN », les monopoles capitalistes qui pillent la France, l’Europe et le monde, planifient l’étape suivante : tout cela est programmé dans Besoin d’aire, le manifeste publié par le MEDEF en 2011 ; le MEDEF y appelle à substituer à la République française souveraine, sociale, une et indivisible héritée de 1789 et du CNR « les Etats-Unis d’Europe », la « reconfiguration des territoires » (contre-réforme territoriale Hollande) et l’Union transatlantique. Pour le TAFTA comme pour le Traité de Lisbonne, ce viol caractérisé du Non français à l’euro-constitution, le grand capital et son Parti Maastrichtien Unique (le malfaisant PMU composé des LR et du PS maastrichtien) s’apprêtent à violer la volonté populaire si le « tous ensemble en même temps » des travailleurs ne stoppe pas à temps cette dynamique mondialement, continentalement et nationalement fascisante.
Pour mondialiser leurs profits, pour garantir la domination des oligarchies euro-atlantiques coalisées contre les travailleurs et les peuples opprimés (ils appellent ça la mondialisation heureuse !), les actionnaires du CAC-40 qui fixent le cap de notre « démocratie » sont prêts à liquider l’indépendance, voire l’existence de notre pays. Car que restera-t-il de la France, mais aussi de l’Europe des Lumières chère aux philosophes, quand Gattaz, Seillières et Cie auront achever de
- délocaliser nos industries et de les vendre à la découpe (cf Alstom)
- de précariser les salariés, d’étrangler les paysans et les artisans,
- de « concurrentialiser » et de dénationaliser les services publics – Education nationale en tête – ,
- d’imposer, sous couvert de libre-échange à sens unique, la « culture » unique de Mac Do-CNN-Disneyland, de généraliser la malbouffe Bayer/Monsanto,
- de répandre leur « bonne gouvernance » marginalisant les peuples à travers la dette usurière et le partage mondial des marchés qu’organise le binôme dollar-monde/zone-euromark ?
- de marginaliser, à travers la fusion UE/GMT, dans le silence complet du PS, du FN et des LR, la langue française et les langues autres que le tout-anglais transatlantique, dans lequel se plaideront les procès cadrés par le TAFTA. Outre la biodiversité, le néolibéralisme mondial détruit la diversité culturelle et linguistique sans laquelle le monde sera de plus en plus gris, barbare et déshumanisé !
Avec cette Sainte-Alliance européenne et mondiale du capital (Union transatlantique, mais aussi Union transpacifique composée des USA, du Japon, de la fascisante Corée du sud), les peuples latino-américains, africains, proche-orientaux et les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) et les ainsi-nommés « PIGS » (Portugal, Italie, Grèce, Espagne, auxquels on pourra vite ajouter un F) n’ont qu’à bien se tenir ; en réalité, les traités pseudo-« libéraux » et, non pas INTERnationaux, mais SUPRAnationaux, apportent d’énormes germes de misères, de fascisation politique et de guerres impérialistes planétaires !
Pas question pour autant de suivre ceux qui appellent à renforcer l’Empire européen pour se défendre contre les Etats-Unis. La « construction » supranationale européenne et le TAFTA sont une même dynamique réactionnaire. Il faut à la fois refuser d’entrer dans le TAFTA et sortir par la gauche (nationalisations, centralité du monde du travail, réduction des inégalités, coopération entre tous les continents, lutte contre tous les racismes, intégrismes et autres communautarismes) de cette UE totalitaire qui se définit comme une « économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée ». Une disposition reprise par tous les traités européens pour prohiber la souveraineté des peuples, la coopération d’Etat à Etat, le progrès social, la transition écologique planifiée et la possibilité même du socialisme en Europe.
C’est pourquoi le PRCF propose un FREXIT PROGRESSISTE. Cela s’oppose, non seulement au mensonge de l’« Europe sociale et pacifique », mais à l’Europe blanche et réactionnaire du FN, de même qu’au leurre d’une « sortie concertée de l’euro » (par lequel le FN accorde à Merkel un droit de veto sur la souveraineté de notre pays). On ne sort pas d’une prison des peuples par des « négos » mais par un Front de Résistance Antifasciste, Patriotique, Populaire et Patriotique (FRAPPE) intégrant les travailleurs immigrés pour affronter le grand capital étranger ET « français ».
Décidément, « le TAFTA, on n’y entre pas, l’Union européenne, on en sortira ! ».
Alors, avançons sans complexe vers une Franche Rupture avec l’Europe Supranationale du Capital à l’Initiative des Travailleurs (FRECSIT !), non pas pour isoler la France, mais pour dynamiser l’Europe des luttes, coopérer avec tous les continents et rouvrir la voie du socialisme aux travailleurs de France et d’ailleurs. Dans l’immédiat, faisons du refus du TAFTA et des euro-diktats (dont relève la loi El Khomri-Berger) un critère convergence pour le tous ensemble en France et en Europe !
En 2 minutes, comprendre les dangers du CETA :
donnons la parole aux camarades belges :
Le PTB debout pour stopper le CETA : C’est l’ADN du traité qui est problématique
« Certains essaient de faire passer l’opposition au traité pour une opposition aux Canadiens ou aux échanges commerciaux, mais ce n’est pas du tout de cela qu’il s’agit. C’est la logique même de mise en concurrence des travailleurs, des systèmes sociaux, des normes environnementales et sanitaires qui est au cœur de ce traité que nous contestons. Cette mise en concurrence va exercer une pression vers le bas dans tous ces domaines. Une étude de la Tufts University qui vient d’être réalisée parle de 200 000 emplois menacés en Europe avec le CETA, ce qui est aussi confirmé par l’expérience de l’Alena, cet accord de libre-échange entre les États-Unis, le Canada et le Mexique, qui a détruit des millions de jobs aux États-Unis et au Mexique. Seules les multinationales sont gagnantes. Cette logique est dans l’ADN de ces traités. Les tribunaux d’arbitrages exceptionnels pour les multinationales sont totalement inacceptables, mais ils sont la pointe visible de l’iceberg. Nous demandons le rejet de l’ensemble du traité. D’autant plus que celui-ci constitue un cheval de Troie pour faire accepter le TTIP par la suite », explique Frédéric Gillot.
Quelle que soit la déclaration interprétative, elle n’engagera que ceux qui y croient
Plusieurs experts ont encore récemment confirmé qu’une déclaration interprétative ne donne aucune garantie en termes de valeur juridique. Les aménagements par une déclaration interprétative « ne peuvent rester que cosmétiques », a expliqué Marianne Dony, professeure de droit européen à l’ULB. Erik Van Den Haute, professeur à l’ULB, spécialiste en contrats internationaux et codirecteur de LLM International Business Law, confirme ce jugement et a expliqué qu’une déclaration interprétative « permet surtout de rassurer les différents acteurs, surtout ici en Belgique. Mais, ensuite, il faudra voir comment le traité sera effectivement appliqué. La difficulté, c’est qu’une interprétation est toujours un processus incertain. La Région wallonne pourra s’appuyer sur la déclaration interprétative, mais il n’est pas dit qu’un investisseur ou un tribunal arbitral arrive à la même interprétation ».
« Quelle que soit la manière dont elle sera formulée, elle n’engagera finalement que ceux qui y croient, indique Frédéric Gillot. Au final, c’est le traité lui-même qui comptera. Le but d’une telle déclaration est de faire passer la pilule. Pour nous, elle n’est pas acceptable. »
Une question de démocratie fondamentale
« Contrairement à ce qu’essaient de faire croire les partisans du traité, nous ne sommes pas seuls. Il y a des millions de gens qui s’opposent à ces traités partout en Europe. Cela va des syndicats aux mutualités en passant par les agriculteurs et les petits indépendants. Avec plus de 3 millions de signatures, jamais une pétition européenne n’a eu un si grand écho. Il ressort clairement que la majorité de la population en Allemagne et en France sont opposés à ces traités. Le sénat irlandais a voté une résolution contre le CETA. Le Comité des Affaires sociales du Conseil de l’Europe vient même de voter une résolution exigeant le report de l’adoption du CETA, estimant que celui-ci était dangereux pour le droit de légiférer des États. En fait, ce sont les dirigeants européens qui sont déconnectés de leurs populations », dénonce le député wallon du PTB.
« Les pressions et menaces de la part de l’Union européenne et du Big Business sont inacceptables, poursuit Frédéric Gillot. En effet, tant l’ultimatum posé par la Commission à la Wallonie pour accepter l’accord d’ici vendredi que les voix qui s’élèvent des rangs politiques et patronaux en Belgique pour piétiner le vote du parlement wallon démontrent bien le caractère anti-démocratique de l’Union européenne aujourd’hui. Les épisodes du référendum sur la Constitution européenne ou du référendum anti-austérité en Grèce l’avaient déjà montré, ce nouvel épisode du CETA le confirme : la démocratie n’est tolérée par l’establishment en Europe que lorsqu’elle sert son intérêt. Quand les peuples décident de s’opposer, les voix s’élèvent pour balayer leurs votes. »
« Cette lutte est difficile, c’est sûr, mais si l’on s’appuie sur la formidable mobilisation populaire en Belgique et partout en Europe, on peut faire reculer ces traités. Il s’agit d’une question de démocratie fondamentale », conclut Frédéric Gillot.
Le vote contre le CETA expliqué par les camarades communistes belges du du PTB
Les gouvernements régionaux wallon et bruxellois disent « non » au CETA, un traité commercial entre le Canada et l’Union Européenne. Cet accord est taillé sur mesure pour les multinationales, moins pour l’homme et l’environnement…
Le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement), tout comme le TTIP (le traité de libre-échange commercial entre l’Union européenne et les États-Unis), porte principalement sur la suppression de ce qui est appelé les « barrières non-tarifaires au commerce ». En clair, il s’agit des différences de règlementations entre les pays. Ces législations sur la santé ou la protection des travailleurs et de l’environnement diffèrent souvent selon les États, ce qui « complique » le commerce au niveau international.
Le Canada est le troisième plus grand producteur mondial d’organismes génétiquement modifiés (OGM). En Europe, les OGM ne sont pas autorisés partout, puisqu’il n’existe pas de certitudes quant à leurs effets pour la santé et quant à la sécurité et au caractère éthique de leur usage. Pour les entreprises canadiennes qui produisent des OGM, cette règlementation européenne constitue évidemment un obstacle commercial, puisque celle-ci les empêche d’accéder au marché européen. Le CETA veut changer cela en supprimant toutes ces limitations. Et donc, si la décision dépendait des seuls négociateurs du CETA, nous aurions bientôt tous des aliments génétiquement modifiés dans notre assiette.
Assigner des pays devant un tribunal spécial
Un autre aspect problématique du CETA est l’« Investment Court System » (ICS). Il s’agit d’un système qui permettra aux entreprises d’assigner des pays devant un tribunal spécial si leur législation nationale constitue une entrave à leurs intérêts – et peu importe si cette législation protège la santé des citoyens ou l’environnement.
C’est sur base de traités commerciaux similaires que l’État égyptien a été poursuivi en justice par la multinationale Veolia parce que ce pays a instauré un salaire minimum. L’entreprise suédoise Vattenfall a traîné l’Allemagne devant un tribunal suite à la décision allemande de mettre fin à l’énergie nucléaire. Et l’entreprise américaine Ethyl Corporation a fait de même avec l’État canadien lorsque celui-ci a voulu interdire une substance nocive. Dans le monde, on dénombre au total près de sept cents procès où une entreprise attaque un État en justice. Des États ont ainsi dû payer des milliards à des entreprises et supprimer des législations instaurées pour protéger leurs citoyens.
Jobs, jobs, jobs… ou pas ?
Selon les négociateurs, cette sorte de système est indispensable parce que des traités comme le CETA et le TTIP créeraient des milliers d’emplois et entraîneraient la croissance de l’économie. On parle bien au conditionnel, car ces pronostics sont mis en doute par plusieurs sources. Ce qui est certain, c’est qu’un accord de libre-échange mène à accroître la concurrence entre les grandes entreprises. Et ce que veulent de telles entreprises, c’est avant tout faire plus de profit, et maintenir les coûts les plus bas possibles.
De précédents traités de libre-échange commercial, comme l’ALENA (entre le Canada, les États-Unis et le Mexique), nous montrent que cela débouche sur moins d’emplois, de plus mauvaises conditions de travail et des salaires plus bas pour les emplois qui restent. Après la signature de l’ALENA, en 1994, les travailleurs de l’usine Caterpillar qui se trouvait alors dans l’Ontario, au Canada, ont été mis au pied du mur par leur employeur : soit ils acceptaient une baisse de salaire de 50 %, soit l’usine déménageait aux États-Unis, ce qui pouvait se faire facilement grâce au nouvel accord de libre-échange. Les travailleurs ont refusé, et le patron a fermé l’usine. Aux États-Unis, les travailleurs américains étaient d’accord de faire le même boulot pour la moitié de leur salaire, mais même cela n’a pas été suffisant : quatre ans plus tard, Caterpillar fermait le site et transférait l’usine au Mexique, où les salaires sont encore plus bas.
Moins de croissance, moins d’emplois
Mais il y a encore plus grave. Les études sur lesquelles se base la Commission européenne dans ses affirmations sur la croissance sont financées par la Commission elle-même, et celles-ci indiquent une croissance économique de 0,003 à 0,08 % pour l’Europe. En soi, ces chiffres n’ont rien d’exceptionnel. Mais la manière dont celles-ci sont réalisées pose également problème. Ces études partent en effet de l’hypothèse du plein emploi (donc, qu’il n’y a pas de chômage) et que la répartition des revenus ne changera pas. Voilà qui n’est pas vraiment réaliste dans une Europe qui fourmille de chômeurs et où l’inégalité des revenus se creuse davantage tous les jours. La Tufts University américaine a refait l’étude, mais cette fois en adaptant l’hypothèse de départ, et cela a donné des résultats bien différents : une baisse de croissance économique et une perte de 200 000 emplois.
Au diable la démocratie ?
Les seuls à avoir intérêt à ce que le CETA soit voté, ce sont les actionnaires des grandes entreprises. Un Parlement qui choisit de voter pour cet accord choisit donc de représenter ce seul groupe. Le Parlement wallon, qui a rejeté cet accord, fait donc l’objet de remontrances, de réprobation et de pressions de la part des négociateurs et du monde des entreprises, au mépris du respect de la démocratie.
En faisant passer la Wallonie comme étant isolée au sein de tous les autres, partisans du CETA, ou en présentant la décision wallonne comme un fameux « bâton mis dans les roues du gouvernement fédéral », les politiciens essaient de dissimuler ce qui se trouve en fait dans l’accord. Un traité nuisible pour l’homme et pour l’environnement et pour lequel les pronostics économiques sont mauvais, ce n’est guère vendeur. La peur est grande chez les négociateurs. Parce que, partout, ça bouge.
En Europe, au Canada et aux États-Unis, des millions de gens s’opposent au CETA et au TTIP. En septembre 2016, le nombre de manifestants contre le CETA et le TTIP en Allemagne s’élevait à 320 000. En Belgique également, plus de 10 000 hommes et femmes étaient descendus dans la rue en septembre. Seulement 17 % des Allemands estiment que le TTIP est une bonne chose – il y a deux ans c’était encore 55 %. Pour la majorité des Français, les négociations sur le TTIP doivent être arrêtées. Le mouvement contre ces accords de libre-échange est extrêmement divers : mutualités, mouvements Nord-Sud, syndicats, organisations de consommateurs, PME, agriculteurs, mouvements féministes, défenseurs du climat, des juges… Outre les gouvernements des Régions wallonne et bruxelloise et de la Communauté française, le Sénat irlandais a également remis au gouvernement l’avis de voter contre le CETA. Et l’Autriche, la Slovénie, la Pologne et l’Allemagne n’ont pas encore donné de feu vert définitif. Même le Commission des questions sociales de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) demande désormais de postposer la signature du CETA. C’est le début de la fin pour le CETA et le TTIP, et une première victoire pour l’être humain et l’environnement.
Le discours du président du ministre président Wallon :
Les raisons d’un refus, la volonté d’un avenir
Paul MagnetteAprès le débat en séance plénière au sujet du CETA et de la déclaration interprétative, qui s’est tenu au Parlement wallon ce vendredi 14 octobre, Paul Magnette a pris la parole en réponse. Le Ministre-Président du Gouvernement wallon a expliqué précisément ce qui animait le refus de donner les pleins pouvoirs au Gouvernement fédéral.
Voici la transcription de son discours par l’équipe de POUR :
Monsieur le Président, chers collègues,
C’est pour notre Parlement et la Wallonie, un moment extrêmement important.
Ce dont nous parlons, ici, ce n’est pas seulement d’un traité commercial entre l’Union européenne et le Canada. Ce dont nous parlons, ici, c’est de toute la philosophie des échanges commerciaux tels qu’ils se construiront pour les 10, 15, 20 ou peut-être 30 prochaines années.Cela tombe sur le traité CETA mais la discussion que nous avons, au-delà de toute l’amitié qui nous lie aux Canadiens, est dans le fond une discussion de principe, est une discussion évidemment politique et même, à certains égards, une discussion philosophique. Sur le sens même de ce qu’est le commerce et sur la manière dont il faut le mener. C’est pour cela qu’il y a dans ce débat tant de gravité.
Je commencerai comme vous, Monsieur Jeholet, par vraiment me réjouir du fond du cœur de la qualité des débats que nous avons eus dans ce Parlement sur ces sujets et qui font que ces débats qu’aujourd’hui, nous pouvons très sereinement assumer notre opposition à l’égard de l’ensemble de nos partenaires qu’ils soient européens ou canadiens.
Il y a très peu d’autres parlements qui ont mené un débat aussi riche que le nôtre. Il y a eu un débat très fort aussi au Parlement néerlandais. Je me suis entretenu hier soir encore avec la ministre néerlandaise du Commerce extérieur qui m’a confié qu’un certain nombre de difficultés que nous rencontrons, elle les rencontre également dans son propre Parlement.
Il y a eu un débat également à la Chambre basse du Parlement autrichien qui a lui aussi été très approfondi. Là aussi, le Chancelier autrichien avec qui je me suis entretenu, à plusieurs reprises, m’a dit la même chose : « Plus on débat, plus on analyse, plus effectivement les parlementaires se posent des questions ».
S’il y a un débat, ici, en Wallonie, et s’il y a des réticences, ici, en Wallonie, ce n’est pas parce que nous sommes plus bornés que les autres, ce n’est pas parce que nous prendrions plaisir à être le « petit village gaulois », ce n’est pas parce que nous rêvons d’autarcie. C’est tout simplement parce que dans cette Région, il y a deux particularités que l’on rencontre assez peu, ailleurs en Europe. La première particularité, c’est que la Wallonie a toujours été une terre de grande vitalité démocratique. Nous avons des organisations syndicales, des mutualités, des associations, dans tous les secteurs, extrêmement actives, dynamiques, vigilantes, mobilisées qui ont étudié ce texte avec beaucoup de sérieux, qui ont consulté les meilleurs experts, qui ont remis des avis et qui ont alimenté nos propres travaux. Cette vitalité démocratique de notre propre population, nous ne pouvons pas en faire fi ; nous ne pouvons pas le balayer du revers de la main sous prétexte que nous risquons d’être isolés. Être isolés de sa propre population, être isolés de ses propres citoyens, à une époque, au début du XXIe siècle, où la démocratie est déjà tellement profondément en crise, ce serait au moins aussi grave que d’être diplomatiquement isolés. Nous devons faire en sorte que ces liens très forts que nous avons soient préservés. C’est un premier élément du débat.
Deuxièmement, nous sommes — cela nous a été rappelé, ici, par M. le Professeur Koen Lenaerts, par ailleurs Président de la Cour de justice de l’Union européenne — l’une des très rares régions en Europe qui a constitutionnellement le même privilège, en termes de droit international, que les parlements nationaux. Nous avons, le Gouvernement wallon a le pouvoir de signer et donc aussi de ne pas signer un traité et votre Parlement a le pouvoir de ratifier et donc aussi celui de ne pas ratifier un traité.
Ceci donne évidemment une très grande gravité à nos débats. Si nous n’avions pas ce privilège, nous n’aurions pas le panel de caméras, venues des quatre coins de l’Europe. Pas grand monde ne se soucierait de l’avis de la Wallonie, si l’avis de la Wallonie n’était pas décisif.
Nous avons donc, de ce point de vue-là, une responsabilité politique majeure. Tout l’art de la politique, c’est de savoir utiliser ces responsabilités. Dire, comme Mme Defrang-Firket : « Nous avons un pouvoir formidable, nous avons une société civile qui s’est mobilisée, c’est très bien. Mais enfin bon, à quoi bon, laissons tomber, signez, ratifiez et puis allons de l’avant et ignorons tout le travail que nous avons fait », ce se serait remettre en cause nos propres compétences constitutionnelles et notre propre vitalité démocratique. À quoi sert alors un parlement, s’il faut de toute façon signer, s’il faut de toute façon ratifier ?
À l’inverse, dire : « Mettons tout cela à la poubelle, cela ne sert à rien de discuter », ce serait non seulement confirmer un isolement complet mais ce serait aussi ne pas utiliser pleinement le pouvoir qui est le nôtre.
Bien sûr, nous utilisons pleinement ce pouvoir mais nous l’utilisons pour obtenir quelque chose, pas juste pour crier non, pas juste pour dire que nous ne sommes pas d’accord. Pas d’accord, pas d’accord, pas d’accord ! Quand on a dit qu’on n’était pas d’accord, il faut ensuite dire ce que l’on veut et il faut utiliser le rapport de force que l’on a construit pour obtenir des concessions qui vont dans le sens de ce que sont nos inspirations et de ce que sont les aspirations de notre population. C’est cela la politique et c’est cela que nous sommes en train de faire. C’est difficile mais malgré tout, il faut aller au bout de cet exercice.
Bien sûr, nous ne sommes pas contre le commerce. Bien sûr, nous ne sommes pas contre le Canada. Si l’on pouvait déjà s’épargner ces caricatures, si l’on pouvait s’épargner ces simplismes, l’on gagnerait non seulement beaucoup de temps mais on gagnerait aussi beaucoup de la qualité des relations avec nos partenaires européens, avec nos partenaires canadiens.
Bien sûr que les Canadiens sont nos amis. Bien sûr que nous regrettons finalement que cette discussion — je l’ai dit — qui est une discussion de principe qui tombe sur ce traité avec le Canada, lequel est certainement l’un des pays les plus proches de nous au monde, qui tombe sur ce traité qui est certainement l’un des plus avancés aujourd’hui au monde. Ce n’est pas parce que nos amis sont nos amis et ce n’est pas parce que ce traité est moins mauvais que d’autres que nous devrions renoncer à exercer notre responsabilité et notre devoir de vigilance démocratique.
Nous sommes un partenaire commercial important du Canada. L’année dernière, nous avions d’ailleurs un excédent commercial de 115 millions vis-à-vis du Canada. C’est la preuve que l’on commerce très bien avec le Canada et que, même sans le CETA, nous ne sommes pas en train de nous refermer sur nous-mêmes, de nous « racrapoter », comme certains le disent et le prétendent.
Je reviens du Japon. J’ai passé trois jours à défendre nos entreprises présentes sur place pour les aider à exporter davantage, à essayer d’attirer chez nous des investisseurs étrangers. Je n’ai pas deux discours. Je suis convaincu que la Wallonie doit être une Wallonie ouverte. Je suis convaincu que la Wallonie doit exporter et qu’elle doit attirer des investissements étrangers. Je sais que, pour ce faire, nous avons besoin d’instruments juridiques.
À nouveau, cela ne veut pas dire que l’on doit tout accepter, que l’on doit se priver du pouvoir que nous avons d’avoir un véritable examen critique.
Sachons faire la part des choses. Nous ne sommes pas contre le commerce. Nous ne sommes pas contre le Canada. Je dirais d’ailleurs que c’est justement, Madame Defrang-Firket, parce que les Canadiens sont nos amis que nous pouvons nous permettre de leur dire que nous ne sommes pas d’accord avec un certain nombre de choses.
Je n’aime pas quand la discussion, tout d’un coup, commence à glisser vers la menace, comme on a pu l’entendre ces derniers jours : « Attention, il y aura des conséquences. Attention, il y aura des rétorsions » et cetera. Je n’aime pas cela du tout. Je trouve que ce n’est pas digne d’un débat démocratique. Je n’aime pas non plus quand cela commence à glisser tout doucement vers des choses qui s’apparentent à de l’injure. J’espère que, justement parce que nous sommes des amis, nous pouvons éviter entre nous les menaces et les propos plus ou moins injurieux ; que nous pouvons nous dire les choses franchement, en toute sincérité, en toute compréhension réciproque.
Quand on a un ami qui a des difficultés, on l’écoute et on essaie de comprendre ses difficultés. On essaie de voir avec lui comment on peut les surmonter ensemble. Cela vaut autant dans les relations diplomatiques bilatérales que dans la vie de tous les jours. C’est le message que nous voulons faire passer.
Nos difficultés sont bien connues.
Elles sont d’abord sur la forme.
Je vous rejoins, Madame Ryckmans et Monsieur Hazée, là-dessus assez largement. Vous avez été applaudis d’ailleurs sur les bancs de la majorité à certains moments. Il y a un vrai problème avec la manière dont on négocie ces traités commerciaux. Ceux qui, aujourd’hui, ne le comprennent pas, sont en train de préparer une crise du commerce bilatéral exactement équivalente à celle que nous avons connue il y a 15 ans avec la crise du commerce bilatéral.
En 2001, souvenez-vous, l’OMC nous a dit : « On ouvre le site de Doha, un nouveau grand cycle de libéralisation multilatérale. » Formidable, ouvert, on fait de grandes négociations secrètes, mais on prépare une petite salle dans le coin où les ONG peuvent faire semblant d’être tenues informées et, de temps en temps, on vient leur faire coucou en leur demandant si cela va, si elles veulent encore un peu d’eau, encore un peu de café, mais sans rien leur donner comme véritable élément d’information et sans débat. Cela ne marche pas et cela ne marchera plus jamais. Les rounds de Doha sont enlisés depuis 15 ans.
C’est pour cela que nous faisons aujourd’hui des discussions bilatérales. C’est justement parce que le multilatéral ne fonctionne plus que l’Europe essaie de renouer des relations avec les partenaires les plus proches, avec le Canada, avec le Japon, demain avec les États-Unis et de le faire sur d’autres bases, de le faire en incluant dans ses relations des normes, des règles sociales, environnementales, de respect des droits de l’homme, de respect de l’exception culturelle qui sont plus fortes et beaucoup plus solides que celles que l’on peut trouver dans les traités de libéralisation multilatéraux. C’est pour cela que nous devons, si nous sommes progressistes et si nous sommes ouverts au monde, si nous voulons, nous, Européens, continuer de jouer un rôle sur la scène mondiale, nous devons défendre l’idée de traités bilatéraux qui fixent des normes et des standards élevés.
Moi, je ne suis pas, Monsieur Gillot, pour dire : « On met le traité à la poubelle ». Cela veut dire que l’on met le traité à la poubelle et puis quoi ? Rien. Puis, on aura exactement ce que l’on a encore aujourd’hui : des multinationales avec parfois des chiffres d’affaires supérieurs au PIB de certains États membres qui pensent qu’elles peuvent fixer la loi, des multinationales qui recourent à des juridictions privées ou à la menace du désinvestissement, à la menace de retrait, à la menace de rétorsion. C’est cela, le monde réel d’aujourd’hui.
C’est ce que nous voulons éviter, ce dont nous voulons sortir, précisément en édictant des règles socio-économiques et environnementales à l’échelle mondiale, qui transposent dans les relations entre les États ce que nous sommes parvenus à construire dans le chef de nos États décennie après décennie au nom de longs combats sociaux. Les droits sociaux ne sont pas venus comme cela en une fois. Les normes environnementales ne sont pas venues comme cela en une fois. Elles sont le résultat d’une longue mobilisation de la société, qui s’est traduite à un moment donné par une législation.
Il en va exactement de même à l’échelle internationale.
Si nous voulons, demain, qu’il y ait de vraies normes sociales, si nous voulons que les conventions de l’OIT soient applicables, respectées, contraignantes, si nous voulons qu’il y ait de vraies règles en matière des droits de l’homme, du développement durable, il faut faire un travail de négociation pour obtenir un premier traité qui fixe les standards si hauts que cela deviendra la norme européenne. C’est l’enjeu fondamental du CETA.
C’est pour cela que nous devons dire « non » pour négocier. Non pas « non » pour tout saborder et donner un coup de pied dans la fourmilière, mais « non » pour créer un rapport de force qui nous permette d’obtenir plus de normes sociales, plus de normes environnementales, plus de clauses de respect des services publics et qui nous permette, demain, de dire : « Voilà le standard européen ». Quand l’Union européenne ouvrira une négociation avec le Japon, avec les États-Unis ou avec n’importe qui d’autre, c’est à partir de ce standard-là que l’on discutera. C’est cela l’enjeu fondamental et c’est pour cela qu’aujourd’hui, ces débats sont aussi forts.
Une telle négociation, on ne peut évidemment pas la mener selon les méthodes habituelles. On ne peut pas faire du nouveau avec les méthodes à l’ancienne. « Un mode de pensée qui a produit les problèmes d’aujourd’hui ne peut pas produire les solutions de demain », disait en substance Albert Einstein. C’est toute la manière de faire des négociations commerciales qui doit changer.
Dans le traité « Vers la paix perpétuelle », Emmanuel Kant disait : « Toutes les actions relatives au droit d’autrui, dont la maxime n’est pas susceptible de publicité, sont injustes ». C’est devenu un principe fondamental du droit international. En d’autres termes, tout ce que l’on n’a pas à cacher, on ne doit pas le cacher.
Si l’on n’a rien à cacher dans ces accords commerciaux, si vraiment le CETA est bon pour les petites et moyennes entreprises, si le CETA est bon pour les agriculteurs, si le CETA est bon pour les services publics, si le CETA est bon pour la croissance, alors pourquoi faut-il le négocier en secret ? Pourquoi n’a-t-on pas la confiance de le faire devant les citoyens ? Il y a là une contradiction fondamentale dans la méthode. Elle s’est appliquée depuis le début.
Madame Defrang-Firket, ce n’est pas que nous nous soyons réveillés après 10 ans. Un mandat d’une vingtaine de pages a été donné en 2009. Il fixe les balises et le cadre. Entre 2009 et 2015, la Commission négocie au nom de l’Union européenne, c’est son rôle, mais ne rend pratiquement aucun compte, ne donne pratiquement aucune information sur ce que sont ces négociations en cours. Puis, on arrive en 2015 en disant : « Bonjour, voilà, c’est fini ». Les 20 pages sont devenues 1.600 pages et maintenant on vous demande de dire amen. Non, c’est précisément ce qui ne marche pas. C’est précisément parce que nous ne pouvons plus accepter cette manière de faire de la négociation commerciale que nous avons, dès septembre 2015, dès que les textes nous ont été connus, tiré la sonnette d’alarme.
Je ne vais pas vous refaire l’interminable liste des contacts que nous avons eus depuis plus d’un an, mais je voudrais rappeler quand même que c’est le 18 septembre 2015 que j’ai indiqué à la ministre québécoise des Relations internationales ces difficultés que nous avions avec le CETA. C’est quelques jours plus tard, le 2 octobre 2015, il y a plus d’un an, que je me suis rendu au bureau de Mme Malmström, la commissaire en charge du Commerce, au Berlaymont, pour lui expliquer très clairement les difficultés que nous avions avec ce traité. Tout au long de l’année, nous n’avons pas cessé d’avoir des contacts avec nos partenaires européens, avec la Commission, avec le Canada, mais tout cela n’a pratiquement rien donné.
La première réunion de coordination intrabelge a eu lieu le 6 juillet 2016. Entre octobre et juillet, pendant 10 mois, il ne s’est rien passé. Tout à coup, en juillet 2016, on a commencé à se dire : « Tiens, ces Wallons ont l’air déterminés. Ces Wallons ont l’air de savoir ce qu’ils veulent et ils ont l’air de vouloir aller au bout. Il va donc falloir commencer à discuter avec eux ».
Quelques jours plus tard, j’appelais le Premier ministre québécois, M. Couillard, en lui disant : « Je comprends que ce soit difficile de tout renégocier, mais comprenez que nous avons, dans une résolution, énoncé quelques balises fondamentales et nous voudrions pouvoir rediscuter sur ces balises dans un instrument juridique à définir. Cela peut être un protocole, cela peut être une convention additionnelle, cela peut être une déclaration interprétative, du moment que c’est juridiquement contraignant ». À ce moment-là, on m’a dit : « Pourquoi pas, cela pourrait être une bonne idée », mais rien n’a suivi.
J’ai répété ceci fin septembre à l’envoyé spécial de M. Trudeau, M. Pettigrew, et aux ambassadeurs, mais il a fallu attendre le 4 octobre pour que l’on donne oralement les premiers éléments de ce qu’était la table des matières d’une éventuelle déclaration interprétative, en nous disant : « S’il vous plaît, nous sommes déjà en retard, essayez d’être d’accord pour le 11 octobre, en tout cas, au grand plus tard pour le 18 octobre qui est la réunion du COREPER ». Que nous est-il arrivé — qui nous a été présenté oralement — seulement le 6 ou le 7 octobre en soirée, dans une version partielle et dont nous recevons encore chaque jour des petits compléments.
Tous les jours, je reçois un petit bout de déclaration interprétative en plus, avec un peu l’idée : « Allez, ce n’est pas assez, tiens, en voilà encore un petit morceau, un petit morceau, vous finirez bien par dire oui ».
Mais cela ne va pas. Sur la méthode, cela ne va pas. Je le répète et je l’ai redit. Je l’ai redit hier au président Hollande, je l’ai dit hier soir au président de la Commission, Jean-Claude Juncker ; je l’ai dit à tous ceux qui ont eu la gentillesse et la courtoisie de m’appeler pour me poser la question de la situation de la Wallonie. Nous voulons bien discuter, mais nous voulons nous mettre autour d’une table, en toute transparence, dans le respect des règles démocratiques.
Nous voulons pouvoir dire : « Nous, Wallons, voici les balises que nous voulons absolument retrouver dans un traité » et c’est seulement à l’issue d’une telle négociation, et si les partenaires européens et canadiens rencontrent l’essentiel de nos préoccupations, que nous pourrons vous dire : « Oui, c’est un traité qui fixe des standards très élevés et il mérite d’être défendu ».
Mais à l’heure qu’il est, je n’ai toujours pas de réponse. J’ai appelé, ce matin encore, le ministre fédéral des Affaires étrangères, Didier Reynders, pour lui expliquer cette piste. J’ai senti un intérêt. J’espère que nous pourrons avancer dans cette direction ; c’est fondamentalement ma volonté. Mais il faut, pour cela, qu’il y ait une vraie volonté de changer la méthode et de démontrer, en bout de course au moins — mieux vaut tard que jamais — que face à des régions qui ont des difficultés, et nous sommes moins isolés qu’on le pense. Bien sûr, personne n’ose sortir le premier, c’est toujours le même jeu, on se dit que celui qui sortira le premier sera celui qui se fera blâmer, c’est lui qui aura les mesures de rétorsion, c’est lui qui sera mis sous pression. Beaucoup attendent en se disant : « Tiens, les Wallons vont-ils sortir les premiers, ce qui me permettra de ne pas devoir sortir puisque tout le processus sera paralysé » ; petit jeu tout à fait classique.
Je peux vous dire que, des très nombreux entretiens bilatéraux que j’ai eus, que des réticences il y en a dans au moins quatre ou cinq États membres et que la Commission européenne en est parfaitement consciente !
Il n’y a que dans un jeu politique belgo-belge que l’on essaie de faire croire qu’il n’y a que la Wallonie qui a des réticences avec ce traité, à ce stade.
Si la situation est celle-là, mettons-nous à table, clairement, en toute transparence discutons ; voyons si nos demandes, légitimes, peuvent être rencontrées.
Les demandes que vous avez formulées, dans vos résolutions je ne me cache pas devant le Parlement – demander au Parlement de faire un travail d’analyse, d’auditionner, de recevoir, de se prononcer, de fixer des balises dans une résolution, c’est un élément de vitalité démocratique plutôt que de se cacher. Je n’ai pas besoin du prétexte du Parlement. Je veux pouvoir démontrer que je m’appuie sur une majorité parlementaire très large et qui dépasse le cadre de la majorité.
Quand on dit : « Nous avons des difficultés avec l’ICS, le fameux mécanisme d’arbitrage tel qu’il est toujours là », on est loin d’être les seuls. Lisez l’arrêt de la cour constitutionnelle allemande d’hier soir qui dit : « Oui, l’Allemagne peut signer, mais pas ce mécanisme d’arbitrage et quoi qu’il arrive, il ne pourra pas entrer en vigueur, même pas de manière provisoire ». La cour constitutionnelle allemande est quand même une institution qui pèse en Europe. Si elle le dit, c’est que ce ne sont pas seulement nous, les petits Wallons, qui avons un problème avec ce mécanisme. Elle retient exactement les mêmes critiques d’un risque de privatisation rampante de la justice que nous avons émises, que vous avez émises dans vos résolutions.
Quand nous disons : « La déclaration interprétative est pleine de bonnes intentions », c’est vrai. Les messages politiques qui sont exprimés sont des messages qui rencontrent nos aspirations, sur les droits de l’homme, sur l’exception culturelle, sur la protection des normes environnementales, sur le conventions de l’OIT, sur le droit du travail, sur la capacité de réguler, sur le principe de précaution, et autres, puisqu’il en arrive des nouvelles pages tous les jours. Tous ces éléments vont dans le bon sens, qui rencontrent ce qu’ont été nos aspirations.
Mais telle, qu’elle est formulée aujourd’hui, cette déclaration interprétative n’est pas suffisante ; elle ne nous donne pas suffisamment de garanties.
Je ne vais pas entrer ici dans un débat de juristes, les expertises que nous avons demandées à différents cabinets d’avocats et différents universitaires nous disent qu’une déclaration interprétative peut, quand elle est écrite d’une certaine manière, avoir une force juridique totalement contraignante si elle est acceptée par les deux parties, opposable aux tiers, reconnue comme étant opposable aux tiers et si elle est libellée de manière très précise elle a exactement la même valeur que le traité lui-même.
Si l’on dit dans la déclaration interprétative, à l’article 30, alinéa 5 : « Il faut comprendre tel mot comme ayant tel sens », cela a tout à fait la même valeur juridique qu’un amendement. C’est, de fait, un amendement au traité.
La question n’est pas « Faut-il une déclaration interprétative ou un autre instrument juridique ? ». La question c’est « Comment libelle-t-on ces observations ? ». C’est ce que j’ai dit aussi à tous ceux qui m’ont appelé. Si vous acceptez que nous rouvrions la discussion, nous demanderons que l’on relibelle, que l’on reformule un certain nombre de remarques qui sont dans la déclaration interprétative, que l’on en apporte quelques autres complémentaires.
Je suis convaincu que beaucoup d’autres États européens, pour avoir eu de nombreux contacts, nous soutiendront parce qu’eux aussi, aspirent à avoir des clauses beaucoup plus précises en matière de protection des services publics, de protection des droits du travail.
C’est ce message-là que nous devons faire passer. Politiquement, ce n’est pas facile, évidemment que ce n’est pas facile. On prend des risques, quoi que l’on fasse. On prend le risque soit de s’isoler de sa population. Si l’on veut se dire « Ne nous prenons pas pour plus importants que nous sommes, acceptons le traité tel quel, ce n’est déjà pas si mal. Tant pis pour les quelques petites imperfections ». Je crois que l’on ne fera que renforcer la défiance déjà très profonde dans le personnel politique et on ne fera que renforcer la défiance encore plus profonde à l’égard des négociations internationales et du commerce.
On peut se dire, à l’inverse : « Disons non, un point c’est tout, puis allons faire un feu d’artifice, en se réjouissant d’avoir fait échouer le bateau CETA. Et quoi demain ? Demain tant pis ». Cela ne me paraît pas non plus être une position de responsabilité politique.
Par contre, on peut dire non mais expliquer pourquoi on dit non et expliquer à quelles conditions nous accepterions de négocier à nouveau. Cela a toujours été notre position et cela reste notre position.
Ce que je dirai, à l’ensemble de ceux qui me poseront la question, ce que j’ai dit et que je confirmerai au ministre fédéral des Affaires étrangères tout à l’heure, c’est ceci : aujourd’hui, le Parlement wallon a réexaminé la déclaration interprétative. De nouveaux documents arrivent aujourd’hui, arriveront encore sans doute demain, peut-être lundi. Nous continuerons de les examiner, parce que c’est ce sérieux, c’est cette rigueur dans l’analyse qui nous donnent de la crédibilité dans notre démarche. Toutefois, aujourd’hui, à l’analyse, ceci ne donne pas de garanties suffisantes.
Comme je m’y étais engagé formellement devant vous, je ne donnerai pas les pleins pouvoirs au Gouvernement fédéral et la Belgique ne signera pas le CETA le 18 octobre.
Je ne prends pas ceci comme un enterrement, je ne prends pas ceci comme un veto sans condition, je prends ceci comme une demande de rouvrir des négociations pour que de légitimes attentes d’une société civile organisée, transparente, qui ont été exprimées avec force, puissent être entendues par les dirigeants européens et pour que nous puissions ensemble contribuer, non seulement à notre prospérité mais aussi à reconstruire la confiance politique entre les citoyens et leurs élus.
Les multinationales qui veulent s’accaparer le monde vont-elles être obligées de capituler devant les Wallons, affaire à suivre??.