Notre ami Loïc RAMIREZ journaliste indépendant, spécialiste de l’Amérique Latine, de retour de Colombie a bien voulu partager ses impressions sur la situation dans ce pays pour les lecteurs d’Initiative Communiste. Vous pouvez lire nombre de ses articles sur le Venezuela et la Colombie dans le Monde diplomatique dont il est un contributeur régulier.
Loïc est également intervenu sur le stand du PRCF à la Fête de l’Huma lors du meeting internationaliste. (cliquez ici pour voir son intervention en vidéo)
Initiative Communiste : Peux tu nous brosser un tableau général de la situation politique en Amérique Latine qui a suscité beaucoup d’espoirs et qui rencontre d’évidentes difficultés ?
Loïc Ramirez : Après une décennie de victoires consécutives de gouvernements progressistes en Amérique Latine il semble que le continent subisse une contre-attaque des forces libérales et réactionnaires dont la première victoire conséquente a été le coup d’état au Honduras en 2009. Celui-ci a empêcher le pays d’intégrer l’Alliance Bolivarienne dont les principaux artisans sont le Venezuela et Cuba. La défaite électorale en Argentine de Cristina Kirshner en 2015 ainsi que l’éviction de Dilma Roussef au Brésil par des députés sont les signes importants d’une reprise en main des secteurs droitiers du continent sur la direction politique de la région. Néanmoins il faut comprendre que cela n’est pas nouveau: le coup d’état raté en 2002 contre Hugo Chavez, celui contre Rafael Correa en 2010 ou encore les troubles sécessionnistes contre Evo Morales prouvent que l’oligarchie a constamment cherché à renverser la tendance. Elle semble y être parvenu aujourd’hui.. la responsabilité de ce recul n’est cependant pas seulement externe et repose également sur des choix internes aux propres forces progressistes. Mais là, il faudrait l’étudier au cas par cas.
Initiative Communiste : Au Venezuela on assiste à une offensive générale de la réaction et de l’impérialisme américain. Selon tes enquêtes sur place peux tu nous dire comment le mouvement populaire résiste-il à cette attaque ? Y-a-t’il un débat entre réformistes et révolutionnaires quant à la nature de cette riposte ?
Loïc Ramirez : Ce que j’ai pu constater au Venezuela lors de mon reportage en avril/mai 2015 c’est que face à la guerre économique que subit le pays la militance chaviste serre les rangs, bien qu’elle soit divisée. La politisation et le travail de terrain d’un bon nombre de militants permet que le simple citoyen atteigne ce qu’ils appellent un « seuil minimum de conscience » qui lui permette de déchiffrer les enjeux de la crise. L’objectif des importants secteurs économiques et de l’opposition et de créer un mécontentement populaire à l’égard du pouvoir claviste et pour le moment il semble avoir obtenu une érosion dans son soutien mais pas encore suffisante pour le faire tomber. Parmi les militants chavistes de la base rencontrés il semble, de leur côté, exister une attente: celle d’une radicalisation du processus bolivarien. A leurs yeux c’est la corruption de certaines ‘élites’ chavistes (des dirigeants, ministres, etc.) qui expliquent le recul électoral de 2015 et le manque de souffle à l’égard de la Révolution. Ils en appellent à un approfondissement du processus bolivarien notamment à l’égard de structures de pouvoir populaire pour contrer l’opposition. Autrement dit il semble que Nicolas Maduro et son équipe se trouve actuellement à la croisée des chemins.
Initiative Communiste : Tu as rencontré des guérilleros des FARC en Colombie. Peux-tu nous dire ce que tu as tiré comme enseignements de cette rencontre et également comment les combattants des FARC envisagent-ils la situation politique après l’accord de paix signé à La Havane par le gouvernement colombien et les FARC ?
Loïc Ramirez : J‘ai accompagné pendant presque une semaine le Front 36 des FARC-EP dans le nord de la Colombie durant cet été. Ce que j’en ai tiré principalement c’est leur capacité à développer, dans la jungle, pendant une guerre, une proposition alternative de société dans laquelle tout est mis en commun. Sans distinction de sexe, j’ai vu ce que eux même qualifient de ‘famille’ ou règne l’entraide et le travail, aussi bien physique qu’intellectuel. Ceci avec toutes les lacunes qu’implique de réaliser tout cela tout en faisant la guerre. C’est ce qui m’a semblé le plus intéressant et aussi le plus délicat à préserver au sortir du conflit. En ce qui concerne leur reconversion en mouvement politique légal ils paraissent confiant, notamment de par la participation de Cuba et de pays comme le Venezuela et l’Equateur au processus de désarmement et de réinsertion dans la vie civile. Tous affirment vouloir rester avec l’organisation pour continuer à faire de la politique. Sans doute que le changement d’un mode de vie disciplinaire et guerrier à celui de cadre dans un parti politique prendra du temps pour beaucoup d’entre eux. Néanmoins l’expérience de l’Union Patriotique dans les années 80,90 (à savoir le massacre sélectif de milliers de militants de gauche après une première tentative de reconversion civile de la guérilla) laisse des traces et, j’imagine, des craintes en ce qui concerne l’avenir. La principale question étant de savoir si l’état tiendra ses engagements et réussira à neutraliser ou maintenir les groupes paramilitaires d’extrême droite qui n’hésiterons pas à s’en prendre aux guérilleros et guérilleras démobilisé(e)s
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