Le 16 février ce sont 1400 citoyens qui ont manifesté dans les rues de Riom (63) pour s’opposer à la fermeture de l’usine SEITA et à la suppression de ses 239 emplois. C’est que le fabricant de cigarettes – privatisé en1995 auprès de la multinationale Imperial Tobacco – délocalise sa production en Pologne et entend désormais utiliser du tabac asiatique ou américain. Une catastrophe à la fois pour l’emploi et le produire en France, mais également pour la santé publique : la production en France à partir de tabacs cultivés en France permettrait la traçabilité et le contrôle du contenu des cigarettes, un contrôle 100% public de la production. Bernard Pereira, co-animateur du comité de soutien aux salariés SEITA, a accepté de répondre aux questions d’Initiative Communiste
Entretien avec Bernard Pereira : Défendre et renationaliser la Seita ? un enjeu pour éviter que les 17 millions de fumeurs fument n’importe quoi fabriqué n’importe où.
Initiative Communiste : Quels motifs la direction avance-t-elle pour liquider votre usine ? Pourquoi selon vous ces raisons ne sont-elles pas valables ?
Bernard Pereira : La direction d’Imperial Brands justifie la fermeture de l’usine de Riom et du centre de contrôles et d’analyses de Fleury-Les-Aubrais par le recul de ses ventes sur le marché français. Mais Imperial gère ses ventes en instantané sans se battre sur le marché. Son seul objectif est de remonter du cash vers la direction Imperial parce que ses actionnaires ne sont que des banques et des fonds de pensions sans stratégie industrielle. Même si le recul existe en France, le groupe SEITA fabrique 38 000 T de cigarettes dont seulement 7 500 T en France et ne fait profiter de ses ventes à l’export qu’aux pays de l’est: Pologne, Ukraine, Turquie et Allemagne. D’ailleurs Imperial veut supprimer 239 emplois à Riom mais va créer dans le même temps 110 emplois en Pologne et en Allemagne. Ce qui témoigne de la mauvaise foi des dirigeants.
Initiative Communiste : Que répondez-vous à ceux qui disent que, le tabac étant nuisible, le mieux serait de fermer toutes les usines qui produisent des cigarettes ?
Bernard Pereira : Nous répondons que raser les outils de production, les activités humaines et les emplois en France dans le secteur du tabac n’empêchera pas les gens de fumer. Sauf que les compétences contenues dans la filière tabac et la connaissance du produit permet, de la production agricole jusqu’au débitant de tabac, de tracer le produit et de connaître le contenu de la cigarette, comment la plante a évolué (pesticides, normes françaises garantissant des produits moins nocifs), comment sont fabriquées les cigarettes sachant que la cigarette est un produit de bouche et doit nécessairement être fabriquée suivant un processus protecteur contre toute intrusion ou contact de quelque produit que ce soit. Pour les produits importés, il sera impossible de connaître tout le parcours et ses conditions. D’autre part, dans un contexte où les multinationales ne pourront pas se concurrencer sur le contenant (packaging), elles le feront sur le produit lui-même en renforçant ses capacités en dépendance, en sensations agréables, appelant une envie.
Initiative Communiste : relayée par les gouvernants successifs (LR/UMP et PS), la « construction européenne » basée sur le traité de Maastricht exige la destruction des monopoles publics (EDF, SNCF, France Télécom… mais aussi SEITA) au nom de la « l’économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée ». Ne faut-il pas dénoncer cette logique-là pour permettre la renationalisation de la SEITA et la reconstitution du produire en France sur la base d’un fort secteur industriel public et démocratisé ?
Bernard Pereira: Il est indispensable de réorienter les politiques de santé et industrielle liées au tabac et pour cela il faut au minimum que l’État reprenne la main sur la filière tabac en s’opposant à la fermeture et en entrant dans le capital de la Seita, pour faire de toute la filière tabac un outil d’accompagnement du recul du tabagisme et un outil de contrôle de la toxicité de tous les produits importés et fabriqués en France, pour éviter que les 17 millions de fumeurs fument n’importe quoi, fabriqué n’importe où. Il y a donc là un véritable enjeu de santé publique auquel les pouvoirs publics ne peuvent se dérober.
Initiative Communiste : Y a-t-il des perspectives de mobilisation à l’inter-pro pour sauver l’emploi industriel à Riom ? Avez-vous des liens avec les syndicalistes des services publics eux aussi extrêmement attaqués ?
Bernard Pereira: La mobilisation du 16 février s’est faite dans le rassemblement de tous les acteurs de la filière (planteurs de tabac, salariés Seita et buralistes). Les appels à la grève dans le secteur industriel et les services publics montrent une réelle capacité à amplifier ce mouvement dans l’intérêt général, de santé publique, dans l’intérêt des territoires.
La manifestation du 16 février à Riom – par la CGT SEITA
les explications de la CGT Seita
Communiqué de la CGT SEITA, 30 novembre 2016.
Le Groupe vient de communiquer un message aux buralistes via son site informatique pour les rassurer de l’absence d’impact du contexte interne sur leur activité et surtout leur expliquer qu’ils bénéficieront des économies générées par les fermetures envisagées.
Le réseau constate de lui-même le désengagement progressif de la Seita, filiale d’Imperial-Brand (absence au Losange Expo, réseau moins couvert, produits non livrés en raison de l’incapacité du Groupe de produire, etc.).
Le Groupe fait porter sur le dos de centaines de familles sa recherche continue d’accroissement de profits pourtant déjà conséquents.
Ce sont les salarié-e-s de la Seita qui compenseront les coûts de la taxe fournisseur afin de ne pas altérer les remontées de dividendes aux actionnaires.
En quoi la suppression d’emplois est une opportunité pour le commerce de proximité ?
La Cgt Seita dénonce cette posture mensongère et inconsciente des dirigeants du Groupe qui ne se suffisent pas de la violence de l’annonce d’hier pour exprimer leur mépris envers les salarié-e-s.
La Cgt avait dans un communiqué du 17 décembre 2015 (http://www.lemondedutabac.com/?s=cgt&searchsubmit=) dénoncé la position ambiguë d’Imperial Brand vis-à-vis du paquet neutre et les risques à venir.
Le seul lien du réseau avec le fabricant demeure son représentant sur le terrain qui chaque jour fait au mieux pour l’accompagner dans son activité.
Message transmis par Impérial Brand au réseau le 29 novembre 2016
« Cher partenaire,
Seita et son Groupe, Imperial Brands, confrontés au déclin des ventes de tabac en Europe, sont aujourd’hui contraints d’adapter leur outil industriel pour sauvegarder leur compétitivité et investir toujours davantage dans leur relation avec le réseau des buralistes.
Pour ce faire, nous venons d’annoncer que nous projetions de nous désengager de notre usine de Riom et de notre centre de recherche et développement de Fleury-les-Aubrais au au second semestre 2017, ce qui n’impacterait pas nos fonctions commerciales sur le terrain.
Ce projet de réorganisation de nos activités françaises est aujourd’hui indispensable, car lui seul nous permettrait de dégager les moyens nécessaires pour investir encore plus sur le marché Français dans les années à venir et ainsi, vous accompagner au quotidien dans les meilleures conditions.
Nous mettrons tout en œuvre pour que ce projet interne à Seita ne vous impacte pas : vous continuerez de recevoir nos marques phares News, Gauloises et JPS, tout comme l’ensemble de nos références lors de vos livraisons Logista et votre commercial restera à vos côtés pour vous guider lors de cette année de mise en œuvre du paquet neutre, tout en vous accompagnant vers la modernisation de votre réseau.
Au nom de toute l’équipe de Direction de Seita, je vous remercie pour votre fidélité.
Olivier De Neys
Directeur des Ventes de Seita ».
JBC & DG pour www.initiative-communiste.fr
Si on était raisonnable on ne devrait pas soutenir le tabac même pour les emplois, à mon avis il serait plus raisonnable de ré-industrialiser le pays que d’empoisonner les gens. Il y a des choix à faire y compris pour la santé des gens.