Il est toujours difficile d’analyser objectivement un débat pour la simple et bonne raison que nul n’est objectif. Nous analysons depuis notre grille de lecture, nos convictions, notre situation sociale, nos intérêts de classe… parions que le patron cimentier de Lafarge n’a pas apprécié autant que nous sa mise en cause par Jean-Luc Mélenchon du fait de ses « affaires »avec l’Organisation État Islamique… Ou que Gattaz s’est sans aucun doute beaucoup plus enthousiasmé pour les propositions thatchériennes de F. Fillon que les travailleurs des services publics, les privés d’emploi ou les malades non fortunés…
Laissons donc l’illusion de l’objectivité et tentons d’analyser les positionnements des cinq candidats invités par la chaîne de F. Bouygues. Non sans avoir éliminé du débat les « petits » candidats ce qui est un déni démocratique.
Fillon : faire les poches des travailleurs
Pour résumer nos impressions nous dirons que Fillon, dans son beau costume à 7000 euros, fut égal à lui même : il représente parfaitement cette droite dure, revancharde, arrogante, ultralibérale, xénophobe, versaillaise, au sens historique du terme, réactionnaire et violemment anti-populaire. Choix délibéré de sa part puisque ses indélicatesses costumières et autres, l’obligent à jouer son va-tout en tentant de fédérer la droite patronale, cléricale, antisyndicale en décalant son discours vers le tout-sécuritaire modèle Sarkozy.
Le Pen : berner et fracturer le peuple, distiller la haine
Mais il y a aussi Mme Le Pen, ce qui complique un peu ses affaires. Car sur le plan de la xénophobie, du racisme, de la haine du syndicalisme, elle reste la championne toutes catégories. Mais M. Le Pen sait aussi manier la démagogie comme personne en adoptant des mots de la gauche, faisant mine de reprendre des propositions de la gauche pour tromper son électorat populaire. Sans toutefois jamais sortir de l’ambiguïté: pas une fois, entre une description juste du carcan européen et une charge contre l’ultra-libéralisme, Le Pen n’est allé jusqu’au Frexit. Sinon en faisant miroiter un référendum sur l’UE dont on peut facilement imaginer qu’il n’aura pas lieu en écoutant Bernard Monot « le stratège économique du FN » déclarer : » Nous sommes très interrogés sur l’euro. Nous rappelons que nous réclamons la tenue d’un sommet européen pour obtenir un statut dérogatoire à la France. Pas question de claquer la porte comme le fait Theresa May avec le Brexit. Nous sommes très attentifs à la stabilité monétaire et financière. Les banquiers arrivent avec une vision caricaturale et repartent très étonnés. Nous voulons négocier, pas spolier. Je suis un homme de marchés « (Le Monde mardi 21 mars 2017). En fait elle ménage ainsi un espace de négociation avec la droite (ou une partie d’entre elle) : on s’allie pour « remettre la France en ordre », on matraque ensemble les cocos, les quartiers ghettoïsés et la CGT, et je laisse tomber mon discours euro-critique.
Bref rien de bon à attendre de ce côté pour un travailleur sinon sa mise « en ordre » c’est-à-dire la schlague contre lui et au service des patrons.
Macron : la voix de la finance
Emmanuel Macron a laissé paraître la difficulté qu’ont les personnes qui se prétendent « de gauche et de droite » c’est-à-dire de droite. Démolir toutes les conquêtes sociales en prétendant les défendre, s’aligner sur le MEDEF en prétendant moderniser, se prétendre dépollueur avec toujours moins de trains et toujours plus de bus, se dire favorable au travail en démolissant les droits des travailleurs avec la Loi El Khomri-Macron, bref « Je suis oiseau voyez mes ailes, je suis souris, vivent les rats » : c’est la chauve-souris de Jean de La Fontaine. En fait Macron est bien le candidat de la fraction la plus antinationale, atlantique et germano-formatée du grand capital dont il se partage les soutiens sonnants et trébuchants avec F. Fillon. De ce côté le pire est assuré, c’est-à-dire l’euro-dissolution accélérée de la nation.
Hamon : le PS parti de la guerre européenne
Broyé par le poids de ses contradictions, par son arrimage maintenu à Hollande et par la nature de classe de son parti, un des partis des « forces de l’argent » qu’il dit dénoncer, Benoît Hamon fut inodore, incolore et sans saveur. Finalement B. Hamon ne retrouva un peu de verve que pour défendre le bilan guerrier de Hollande, la politique aventuriste du provocateur atlantiste Fabius et pour prôner un nouvelle CED c’est-à-dire une défense européenne qui permettrait à l’Allemagne de devenir co-détentrice de notre force de dissuasion nucléaire. Et bien entendu après cette ode au social-impérialisme, Hamon, aligné sur les Folamour de l’OTAN, lance un appel à augmenter les dépenses militaires à deux pour cents du PIB ce qui signifie un tsunami austéritaire. L’argent pour les canons c’est de l’argent en moins pour le beurre, pour la Santé, l’École, les salaires, les retraites, les investissements d’avenir et de paix. Le modèle grec a décidément des émules non seulement chez Macron et Fillon mais aussi chez Hamon et Le Pen qui, elle, souhaite même trois pour cents de dépenses militaires….
Mélenchon : défendre la paix, la souveraineté populaire, les travailleurs
Jean-Luc Mélenchon, disons le tout de suite, a porté une voix de gauche, républicaine, patriotique et pacifique. Jean-Luc Mélenchon pour ceux qui ne s’en seraient pas aperçu, n’est pas communiste. Un candidat communiste authentique, nous ne parlons pas des bureaucrates sournois et arrimés au PS tels qu’ A.Chassaigne et autre P. Laurent, se serait exprimé d’emblée pour les quatre sorties : de l ‘euro, de l’UE, de l’OTAN et du capitalisme.
Mais en l’absence d’un tel candidat, que le PCF est tout à fait hors d’état de présenter, lui qui n’est même pas capable de dire comme Mélenchon : « l’UE, on la change ou on la quitte », et à moins de se désintéresser de l’avenir de nos enfants et de notre patrie, comment ne pas soutenir fût-ce de façon critique, constructive et déterminée, comme le fait le PRCF, ce candidat qui opte clairement pour le monde du travail, qui ouvre au moins le débat sur le Frexit progressiste et qui se place avec courage dans le camp anti-impérialiste de la paix. En refusant la défense européenne, en se prononçant pour la sortie de l’OTAN.
Oui, après ce débat comme avant, résolument, les yeux ouverts sur le réel, sans illusions mais avec la conscience des priorités sociales et du combat pour la paix, l’urgence est à la mobilisation pour le FREXIT populaire et antifasciste, pour que vive notre France « la belle, la rebelle ».
Par Antoine Manessis ( PRCF) 21 mars 2017
Mélenchon, grand vainqueur du débat selon les téléspectateurs
Près de 10 millions de téléspectateurs ont suivi le débat sur TF1. Dans le même temps, sur internet (via son site internet et facebook) la chaîne a ouvert un vote concernant plusieurs questions. La candidature Mélenchon et le programme dont il est le porte-parole emportant tous les suffrages : candidat le plus convaincant, VIe République, stature de chef d’État, temps de travail, immigration.
Un choix largement confirmé par exemple par le vote des internautes de RTL : Au terme du débat, le candidat de la France Insoumise avait séduit 43% des 73459 personnes qui ont voté à notre sondage, très loin devant Emmanuel Macron (19%) et François Fillon (19%), Benoît Hamon (6%) et Marine Le Pen (14%).
capture d’écran des votes réalisés par TF1 tout au long du débat.
Pas mieux, merci Antoine!