Personne ne doit s’y tromper, se mobiliser pour informer sur ce qui se passe et ce qui se joue au Venezuela, ce n’est pas seulement défendre le Venezuela face à une agression impérialiste, face à la violence et la haine fasciste d’une classe capitaliste déchaînée pour remettre sur le joug travailleurs et paysans vénézuéliens et se ré-accaparer comme elle l’a fait pour plonger le pays dans la misère ces dernières décennies la rente pétrolière. Non, ce n’est pas seulement cela. informer pour défendre le Venezuela, c’est défendre le Venezuela pour se défendre soi-même. Qui n’a pas entendu la propagande sonnant comme des tambours de guerre pour s’en prendre à Mélenchon durant le premier tour des dernières présidentielles, grimé en Maduro, car son programme comportait un partenariat de la France avec l’Alba, l’alliance de coopération progressiste latino-américaine et de la Caraïbe ? qui ne voit pas que les coups portés contre le Venezuela visent directement les droits sociaux et démocratiques des travailleurs en France ? Vous ne voulez pas de la loi travail XXL ? vous refusez les ordonnances ? vous voulez la possibilité d’organiser des référendums révocatoires ? vous ne voulez plus de la dictature des multinationales ? alors vous êtes un Chavez, c’est-à-dire pire que le diable. Pourtant rappelons-le, et au-delà des difficultés conjoncturelles et liées à la violente guerre économique menée par la classe capitaliste vénézuélienne contre son peuple, le Venezuela bolivarien de Chavez et Maduro ce sont des millions de travailleurs sortis de la pauvreté, ayant accès au logement, à l’éducation, des paysans ayant accès à la terre, c’est, avec l’aide de Cuba, des millions de pauvres ayant accès à la santé, à l’image de l’emblématique programme de soins opthalmologiques mené en coopération avec Cuba socialiste qui a rendu la vue à plusieurs milliers de vénézuéliens.
Alors, www.initiative-communiste.fr ne baissera pas les bras, et continuera à partager les informations vérifiées et solides, les faits et les explications pour comprendre les tenants et les aboutissants de ce qui se joue au Venezuela et plus largement en Amérique latine. Et vous, vous pouvez par quelques clics, faire connaitre ces informations, appeler chacun de vos proches à la réflexion et à l’esprit critique pour que chacun, en connaissance de cause, défende ses droits, la liberté, le droit de chaque peuple à commencer par le sien, à être son seul maître.
JBC pour www.initiative-communiste.fr
Venezuela, écarte de moi ce calice (lajiribilla.cu)
“Défendez-nous, vous qui savez écrire !”, demandait une vieille femme à Carpentier et aux intellectuels qui l’accompagnaient en juillet 1937, lors de son passage par un petit village de Castille, tout près de la capitale assiégée. L’écrivain cubain reprit cette anecdote dans les chroniques sur le IIè congrès International de Défense de la Culture qu’il publia dans la revue Carteles (1). La demande était justifiée : le peuple espagnol nous défendait tous, les armes à la main.
Sans hommes et sans femmes il n’y a pas de culture. Bertolt Brecht l’avait dit pendant le 1er congrès, célébré deux années auparavant à Paris : « Ayons pitié de la culture, mais ayons d’abord pitié des hommes ! La culture sera sauvée quand les hommes seront sauvés ». Cette première rencontre avait senti le danger : le nazisme menaçait de s’étendre, pendant que les bourgeoisies « démocratiques » en Europe misaient sur le fait que les menaces visaient la jeune Union des Républiques Socialistes Soviétiques.
- Alejo Carpentier. Chroniques publiées dans la revue “Carteles”. « Défendez-nous, vous qui savez écrire ! ». Images : Internet
Être de gauche, pour les intellectuels des années 30 – tout comme dans les années 60 ou dans la première décennie du XXIè siècle, après l’espoir de la révolution bolivarienne – était une prise de position en faveur de la culture, en faveur des êtres humains qui se référait à des projets concrets. Mais dans le Paris de 1935 une partie des intellectuels de gauche s’égarait dans des demandes abstraites et opposait la liberté des êtres humains et celle des créateurs ou du moins niait tout lien entre eux.
D’après ce que rapporte Carpentier, André Malraux, le grand romancier qui avait été nommé lieutenant-colonel au sein de l’Aviation Républicaine racontait qu’il avait vu un homme marcher, imperturbable, un grand rouleau de papier sous le bras, alors que les bombes tombaient sur Madrid ; il lui demanda ce qu’il comptait faire et celui-ci lui précisa : « ce sont des rouleaux de papier pour changer celui de ma chambre » ; alors, s’appuyant sur cette métaphore, il déclarait : « il y a trop d’intellectuels qui ne pensent qu’à changer le papier de leurs chambres ». Mais la gauche avait ses propres divisions : communistes, sociaux-démocrates (bien que réformistes, ils revendiquaient encore le marxisme comme base théorique de leurs analyses), staliniens, trotskistes, anarchistes, libres penseurs, surréalistes.
- César Vallejo, Poemas humanos : “Si la madre España cae ‒digo, es un decir‒”
En 1936 devait encore avoir lieu une conférence intermédiaire manquée à Londres, centrée surtout sur les intérêts corporatistes qui s’est terminée en opérette : la réception en frac dans la résidence de son organisatrice. Peu de semaines après il n’y avait plus aucune excuse pour se voiler la face : le soulèvement du général Franco contre la république espagnole et l’ouverture en Allemagne du camp de concentration de Sachsenhausen, reléguait le conflit moral à un point critique (2).
Un poète anglais du XVIIème siècle, John Donne, en avait exposé les raisons les plus profondes :
Aucun homme n’est une île entière à lui tout seul.
Chaque homme est un morceau du continent, une partie d’un tout.
Si la mer emporte un morceau de terre, toute l’Europe rapetisse, comme s’il s’agissait d’un promontoire ou de la maison d’un de tes amis, ou encore de la tienne.
Personne n’est une île ; la mort de n’importe qui m’affecte, parce que je suis lié à l’humanité toute entière ; c’est pour cela que tu ne dois jamais demander pour qui sonne le glas, il sonne pour toi.
Ernest Hemingway reprit cette idée pour défendre la cause républicaine dans le roman qui rapporte ses expériences de ce que l’on appelle la guerre civile espagnole. Les alternatives en Espagne étaient cependant plus radicales : d’un côté le fascisme, c’est-à-dire la violence capitaliste la plus extrême ; de l’autre le socialisme, la République des travailleurs, avec son lot de contradictions et de balbutiements de nouveau-né. En Espagne ce n’était pas un combat pour la survie, comme ce fut le cas plus tard ; c’était un combat pour la vie, parce qu’il existait un projet alternatif en construction. C’est aussi pour cela que César Vallejo, un des grands poètes hispano-américains qui a participé au Congrès de 1937 – aux côtés entre autres de Nicolas Guillén, Pablo Neruda et Octavio Paz, celui-là même qui rejettera plus tard la cause populaire, s’adresse symboliquement aux enfants, au futur, dans un poème extraordinaire intitulé : « Espagne, écarte de moi ce calice » :
Enfants
Fils de guerriers,
parlez plus bas maintenant, l’Espagne est en train de distribuer
l’énergie entre le règne animal,
Les fleurs, les comètes et les hommes.(…)
Respirez plus bas, et si
Votre bras flanche
Si les atèles font du bruit, s’il fait nuit
Si le ciel tient entre deux limbes terrestres,
Si les portes grincent
Si je tarde à rentrer
Si vous ne voyez personne,
si les crayons cassés vous font peur
si la mère Espagne tombe, façon de parler
sortez enfants du monde, allez la chercher !…
Un peu plus de trente ans s’étaient à peine écoulés après la fin du long et sanglant combat pour l’indépendance du joug de l’Espagne – après des siècles de colonialisme – mais qu’importe : près de mille cubains se sont enrôlés comme soldats de la république pour aller défendre l’Espagne, l’Humanité toute entière. Quelques uns, comme Pablo de la Torriente Brau sont tombés au combat.
Le fascisme a fauché des millions de vies, a déshumanisé les assassins à un point inimaginable – et est entré physiquement et moralement à l’intérieur de chaque foyer. Il était impossible de l’ignorer, même pour une bourgeoisie bien pensante, qui acceptait comme un « mal inévitable » la pauvreté et la mort des autres, tant qu’elles n’interféraient pas dans son milieu aseptisé. Lorsque la guerre fut finie, d’autres alliances « plus civilisées » ont été signées – comme l’Opération Gladio en Europe, ou l’Opération Condor en Amérique Latine, ou l’Opération Mangouste et les attaques biologiques à Cuba -, exécutées par des tueurs à gage qu’il n’était pas nécessaire de connaître ni d’inviter à déjeuner, ni même de leur sourire car ils étaient payés dans le plus grand secret.
- Affiche du 2è Congrès International des Écrivains pour la Défense de la Culture, 1937
C’est-à-dire que la violence capitaliste a pris d’autres formes : au cours de la décennie suivant la soi-disant victoire, des dizaines de dirigeants communistes et antifascistes ont été assassinés en Europe. La « guerre froide » a déplacé la violence d’État, le fascisme, (une maladie indésirable dans le monde barbare civilisé – comme la malaria ou le choléra, presque oubliées dans ces pays, mais toujours actives dans le Sud, où chaque année elles fauchent des milliers de vies) vers la sphère coloniale et néocoloniale : l’Afrique, l’Asie, l’Amérique Latine. Car les guerres coloniales en Afrique, les armes chimiques, les bombes au napalm lancées sur le Vietnam, les dictatures militaires en Amérique Latine avec leur lot de disparus, les guerres de missiles et de drones « intelligents » au moyen Orient, la guerre de « basse intensité » au Venezuela n’ont-elles pas été, ne sont elles pas l’expression de l’extrême violence impérialiste ?
Cependant, ceux qui savent écrire préfèrent conserver les honneurs et les prix, les éditions et les applaudissements. Il arrive parfois aussi qu’ils se contentent de répéter ce qu’ils lisent des autres, se laissant intoxiquer par les préjugés et le manque de soleil sur la peau. La conjuration médiatique dans les pays démocratiques – qui n’avait pas encore atteint la portée et la sophistication d’aujourd’hui, mais résolument opposée à toute expérience anticoloniale et socialiste – nous vendait une Espagne républicaine inexistante. La première victime de la guerre, c’est la vérité comme on dit, et cela nous rappelle le Venezuela. Alejo Carpentier essaie de nous la révéler, en décrivant son passage dans la ville espagnole de Gérone :
On nous conduit à la Cathédrale. (…) Un bâtiment latéral, transformé en musée public, renferme les peintures et les pièces d’orfèvrerie du trésor rituel.(…) Un restaurateur travaille minutieusement, avec ses couches d’or et ses vernis, tout entier à la tâche de faire revivre la tête d’une vierge décolorée par le temps…Où se trouve ici les races de ce vandalisme de masses en folie dont parlent tant les journaux de droite du monde entier ? (3)
Dans une autre de ses chroniques, cette fois sur Valence, il écrit :
Jusqu’à présent, partout, nous n’avons rencontré qu’ordre et paix. Jamais nous n’avons vu de scènes telles que celles qui remplissent encore, dans d’autres pays les innombrables rotogravures sensationnalistes. (…)
Et il me semble important d’insister sur ce détail , car c’est incroyable de constater à quel point certains récits influencent le jugement de personnes censées. Dans un article récent, Paul Claudel lui même, affirmait de façon insensée – sans même avoir mis les pieds en Espagne – qu’en territoire républicain toutes les églises, sans exception, avaient été incendiées…. Si j’avais fait partie du gouvernement de Valence, j’aurais invité monsieur Claudel à venir faire un tour dans ces régions. Il se convaincrait que le seul crime commis contre certaines églises – et cela ne concerne que peu d’entre elles – a été de les transformer en hôpitaux ou en musées…(4)
Il y a toujours eu et il y aura toujours des intellectuels d’une grande dignité, qui ne négocient pas leur engagement avec l’Humanité. Ils ont répondu présents lorsque l’Espagne a eu besoin d’eux, et ils répondent présents aujourd’hui pour le Venezuela.
Comment ne pas penser au Venezuela, 80 ans après ce Congrès qui s’est tenu, successivement à Valence, Madrid, Barcelone et Paris en juillet 1937, sous le fracas des bombes, dans une Espagne qui dévorait son autre moitié, et avec elle tout espoir, préambule de la Seconde Guerre Mondiale. Suite à un caprice de l’histoire, le cubain Alejo Carpentier, qui avait vécu des journées intenses de guerre et de solidarité , s’est établi au Venezuela , à partir de 1945 et jusqu’en 1959. C’est là qu’il a trouvé , tout comme José Marti, dans la forêt amazonienne, sur le tempétueux fleuve Orénoque, dans ses villages et ses villes, le cœur de Notre Amérique.
- Rencontre pour le 10è anniversaire du Réseau d’Intellectuels et Artistes pour la Défense de l’Humanité, Caracas ; Venezuela, 2014.
Pendant les premières décennies du XIXè siècle, le libérateur Simon Bolivar avait conduit une armée de libérateurs, pour fonder ou aider à fonder des républiques indépendantes. Il rêvait d’un seul et grand pays, qui serait allé du Rio Bravo à la Patagonie. Deux siècles après, dans les premières décennies du XXIè siècle, le Venezuela a mené une fois de plus, la croisade libératrice. Ali Primera, chanteur populaire, a donné un autre sens au son des cloches dans les années les plus difficiles précédent le triomphe d’Hugo Chavez :
On ne peut pas dire que ceux
qui meurent pour la vie sont morts
C’est pourquoi il est interdit
De les pleurer
Que le glas de tous les clochers
Cesse de sonner.
Aujourd’hui, comme dans l’Espagne républicaine, au Venezuela, c’est la vie qu’on défend, c’est à dire un projet anti-néocolonial et anti-impérialiste. Comme en Espagne, le succès ou l’échec du pouvoir populaire démocratiquement élu, aura des conséquences telluriques imprévisibles pour tous les latino-américains et pour l’Humanité. Notre Espagne d’aujourd’hui – non seulement la frontière mais aussi la tranchée qui sépare le Passé et le futur, – c’est le Venezuela.
Tout comme pendant les années précédant la Seconde Guerre Mondiale, il existe des gouvernements corrompus – dirigés depuis Washington –qui encouragent, au nom de la Démocratie, la création de groupes fascistes, dans l’espoir irresponsable qu’ils renversent le processus révolutionnaire. Depuis leurs positions confortables, quelques savants (comme en Espagne) dictent des recettes, critiquent ceux qui prennent les décisions, se jugent plus à gauche dans leurs théories que la Révolution elle-même ; au point qu’ils marchent coude à coude avec la droite. La gauche est encore divisée : entre ceux qui pensent que oui, ceux qui pensent que non, les hétérodoxes, les orthodoxes, les pragmatiques….
Les images qui circulent montrent un pays en pleine guerre civile, mais les troubles, les fameuses “guarimbas” – capables de provoquer des crimes de haine, comme l’assassinat de jeunes chavistes – dans les moments les plus forts, avaient lieu dans 17 municipalités sur les 335 du pays (au moment où j’écris ces lignes, les troubles n’ont lieu que dans 7 de ces municipalités, dont trois dans les quartiers de la bourgeoisie de la capitale, car Caracas est divisée entre l’Est et l’Ouest, qui sont comme le Nord et le Sud).
Comme au temps de l’Espagne insurgée, les appels envers les intellectuels et les artistes se font au nom de la Culture et de l’Humanité. Mais cela de suffit pas de nous déclarer « de gauche » et d’assister en tenue de gala à des réceptions syndicalistes. Il faut écrire pour défendre le peuple vénézuélien, il faut dénoncer la conjuration comme nous le demandait cette vieille espagnole, parce que le peuple vénézuélien nous défend aujourd’hui, tous les jours. Si cela s’avérait nécessaire, il faudrait risquer notre vie aux côtés de ce peuple. Si un jour, – souhaitons que cela n’arrive pas – il y a une invasion mercenaire ou impérialiste – préparée par les scènes de violence provoquée et les mensonges à répétitions – il faudra réinventer les Brigades Internationales. Et ce jour là je demande d’y participer.
Si le Venezuela, notre mère
Tombe – c’est une façon de parler
Enfants du monde, sortez pour aller la chercher !!
Enrique Ubieta Gómez
http://www.lajiribilla.cu/articulo/venezuela-aparta-de-mi-este-caliz
Traduction : Pascale Mantel
Cachez cette Assemblée Constituante que je ne saurais voir : pourquoi les médias censurent une élection au Venezuela
Tout commence par ce qui pourrait être une blague pour étudiant en journalisme, parmi la longue cordillère de trucages, photos d’autres pays légendées « Venezuela », mensonges, citations tronquées qui font l’actu sur un pays qui a initié, il y a 18 ans, la révolution bolivarienne. Alimentés par l’agence EFE, des médias comme El Pais ont fait passer des sympathisants du chavisme affluant à l’essai du système destiné à élire l’Assemblée Constituante le 30 juillet… pour des participants au scrutin organisé par la droite contre le « dictateur Maduro ». Le média espagnol le plus hystérique sur la « dictature bolivarienne » s’est ensuite fendu d’un minuscule rectificatif, invisible pour la plupart des lecteurs.
A gauche : El Pais présente des photos d’ « électeurs chavistes participant au scrutin de la droite » . A droite le discret rectificatif reconnaissant l’erreur et la rejetant sur l’agence EFE.
Cette « erreur » n’a rien d’anecdotique. Malgré un intense bombardement publicitaire des médias privés, majoritaires au Venezuela, et d’importants moyens financiers, la droite a dû fermer ses bureaux de vote plus tôt que prévu, faute d’électeurs. Ironie du sort, c’est donc grâce aux images de la forte affluence de sympathisants de la révolution au scrutin lié à l’Assemblée Constituante que ces médias ont pu tromper leurs lecteurs.
Revenons d’abord sur cette consultation dite « populaire » que l’opposition a montée en moins de quinze jours. Le président Nicolas Maduro avait souhaité qu’elle se déroule pacifiquement. Les dirigeants de droite avaient demandé à leurs partisans de renoncer pour 24 heures aux violences et aux blocages de route. Non prévu par la Constitution, non contraignant, le scrutin a été organisé hors du contrôle du Centre National Électoral, dans des églises, au siège de partis politiques de droite, dans des centres commerciaux et autres endroits non habilités légalement, avec des listes différentes du Registre Électoral légal et… l’incinération des cahiers de vote immédiatement après comptage (même @bbcmundo a reconnu qu’il était impossible d’empêcher qu’une personne vote plusieurs fois). Les résultats annoncés sont donc invérifiables.
Le choix des personnalités officiellement invitées par la droite vénézuélienne comme observateurs internationaux en dit long sur les objectifs et la transparence du scrutin :
(De gauche à droite :) Jorge Quiroga (Bolivie). N’a jamais été élu président de Bolivie ; vice-président, il n’a accédé brièvement à la fonction (du 7 août 2001 au 6 août 2002) que parce que le président Hugo Banzer, victime d’un cancer, a dû démissionner. Accusé en 2013 par la justice bolivienne de délits contre la Constitution et dommages économiques à la suite de la signature de contrats pétroliers illicites au bénéfice de transnationales européennes et états-uniennes. Laura Chinchilla (Costa Rica). Lorsqu’elle a quitté la présidence du Costa Rica, le 8 mai 2014, une grève générale des enseignants inondait les rues de manifestants dénonçant des retards de salaires. Il restera de son mandat le scandale qui a éclaté lorsque a été révélé que, en mars et mai 2013, à cause de l’incurie de son ministre de la Communication et du chef des services de renseignements (qui ont dû démissionner), elle a utilisé, pour un déplacement officiel, puis un voyage privé au Pérou, un jet mis à sa disposition par Gabriel Morales Fallon, un homme d’affaires colombien soupçonné dans son pays d’être lié à des trafiquants de drogue. Andrés Pastrana (Colombie). Président de 1998 à 2002, période au cours de laquelle la lutte antidrogue de son gouvernement a généré une augmentation de 47% de production de cocaïne. Selon des documents audio cités par le vice-président César Gaviria, une grande partie de la campagne présidentielle de Pastrana fut financée par le Cartel de Cali. D’après la Commission des droits de l’homme de l’ONU, la situation s’est considérablement aggravée sous Pastrana du fait de la montée en puissance des groupes paramilitaires, avec le déplacement forcé d’un million de colombiens. La signature avec Washington du « plan Colombie » (sans que le Congrès national n’ait été consulté) a eu pour principale conséquence de radicaliser le conflit armé. Miguel Ángel Rodríguez (Costa Rica). Premier président de son pays a être emprisonné pour corruption, notamment pour des pots-de-vins reçus de l’entreprise française Alcatel et du gouvernement de Taiwán, affaires qui l’obligèrent a démissionner de son poste de secrétaire général de l’Organisation des États Américains (OEA) en 2004. Vicente Fox (Mexique). Le gérant de Coca-Cola devenu président a considérablement augmenté son capital durant son mandat, qui a vu le narcotrafic étendre son emprise sur tout le pays. Fox, ainsi que divers membres de sa famille, ont été mêlés à des affaires de corruption liées au groupe pétrolier Pemex. Dans son zèle néolibéral, il a multiplié les privatisations (eau, électricité, parcs naturels, etc.), dans le contexte des méga-projets continentaux prévus par le Plan Puebla – Panama (PPP), lui-même conçu en vue de la concrétisation de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), chère aux États-Unis. Ces projets se heurtant à une vive résistance, la répression s’est déchaînée à travers la militarisation et l’émergence de groupes paramilitaires, en particulier dans les États (Chiapas, Guerrero, Michoacán, Oaxaca) où survit 80% de la population indigène. (1)
En réalité, l’objectif de cette opération était essentiellement diplomatique et médiatique, et s’inscrit dans la logique d’un coup d’État et/ou d’une intervention extérieure : légitimer la création d’un gouvernement parallèle de la droite pour le faire reconnaître internationalement, et accentuer la pression internationale sur le gouvernement vénézuélien pour le forcer à renoncer à organiser l’élection d’une Assemblée Constituante. Comme l’a exigé dès le lendemain 17 juillet, l’Union Européenne, à qui l’Espagne de Rajoy a exigé des « sanctions sélectives » contre Caracas si ce scrutin était organisé (2).
Venons-en à présent à l’autre scrutin, organisé le même 16 juillet : il s’agissait de l’essai du système électoral qui permettra à la population de voter au suffrage universel et secret pour les députés de l’Assemblée Constituante, le 30 juillet prochain. Son occultation par les médias, en parallèle aux menaces de l’Union Européenne et de la Maison Blanche, est d’autant plus significative qu’il a, lui, connu une affluence record : le visibiliser contredirait leur storytelling sur la « dictature bolivarienne » et freinerait le scénario en marche de la destruction du gouvernement Maduro. C’est la première fois que les files de votants ont dépassé l’horaire prévu par le Centre National Électoral, dont les bureaux ont été débordés par une participation trois fois plus importante que celle des meilleurs essais électoraux. Une participation populaire qui a surpris jusqu’au chavisme lui-même, en ces temps de repli et de dépolitisation liés à la guerre économique et au mécontentement populaire.
Le black-out des médias occidentaux confirme l’option déjà observée dans le traitement des manifestations anti-Dilma Roussef : contribuer au renversement de démocraties de gauche en Amérique Latine. Dans le cas du Venezuela bolivarien, les journalistes ont déjà fait passer pour une révolte populaire une insurrection de droite à laquelle 90 % de la population ne participe pas, celle-ci rejetant très majoritairement ces violences (3). Cette fois, ils occultent l’existence d’un débat national, pluraliste, où des citoyen(ne)s de tout bord élaborent les propositions à discuter au sein de la future Assemblée Constituante, telles la transformation du modèle économique, le renforcement de l’État, une défense accrue des droits culturels et des droits des minorités, le développement de la démocratie participative et du modèle communal, ou encore la défense de l’environnement et la construction de l’écosocialisme. (4)
Thierry Deronne, Venezuela, 17 juillet 2017.
Notes :
(1) Lire de Maurice Lemoine, « Quand le gang des « has been » d’Amérique latine et d’Espagne se mobilise contre le Venezuela », http://www.medelu.org/Quand-le-gang-des-has-been-d. Du même auteur, lire « Les enfants cachés du général Pinochet. Précis de coups d’État modernes et autres tentatives de déstabilisation », Don Quichotte, Paris, 2015.
(4) Pour un petit échantillon du débat en cours, Droits culturels : une opportunité pour l’Assemblée Constituante, 13 juillet 2017 ; Comment effacer l’ALCA de notre Constitution, 9 juillet 2017
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Venezuela : les images que vous ne verrez pas dans les médias…
Caracas le 11 juillet 2017. Depuis le début de la révolution bolivarienne, les mouvements féministes s’inscrivent profondément dans le processus de transformation sociale, culturelle et politique, comme en témoignent l’élaboration de nombreuses propositions pour la prochaine Assemblée Constituante à élire le 30 juillet. Après avoir décidé il y a quelques semaines de créer et de financer une École Nationale du Féminisme, le président Nicolas Maduro vient d’appliquer une autre des revendications féministes : le « programme national de l’accouchement humanisé ». Dans la première phase, 100 formatrices accompagnées de médecins communautaires et de 10 mille promotrices communales, seront chargées de lancer ce programme pour mettre fin à la violence obstétrique dont sont encore victimes de nombreuses vénézuéliennes et pour lequel le président a approuvé un budget de 12.090.000.000 bolivars. Le gouvernement a activé la ligne 0800 MUJERES pour faciliter l’accès des femmes à cette nouvelle mission sociale.
Pionnier dans l’histoire de la coopération internationale, le gouvernement bolivarien a signé un accord avec le Mouvement des Travailleurs Sans Terre du Brésil. Déployés dans tout le Venezuela depuis une dizaine d’années ceux-ci assurent la formation de petits producteurs au service de de la souveraineté alimentaire et importent des semences agro-écologiques produites dans les unités du MST au Brésil pour les distribuer aux réseaux paysans du Venezuela. Une manière pour les Sans Terre de manifester leur solidarité active face à la guerre économique et aux pénuries alimentaires organisées par le secteur privé pour affaiblir la base sociale de la révolution bolivarienne. Ces photos du 13 juillet 2017 montrent la remise de semences en provenance du Brésil aux mouvements paysans vénézuéliens en présence de Marcelo Resende, représentant de la FAO au Venezuela, Denir Sosa, membre de l’équipe permanente des Sans Terre dans ce pays, et Freddy Bernal, Ministre de l’agriculture urbaine et responsable national des Comités Locaux d’Approvisionnement et de Production (CLAP) mis en place par le gouvernement Maduro.
Texte : Thierry Deronne, Venezuela juillet 2017
Photos : AVN / Carmen Navas Reyes
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